Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Nom/Paragraphe 135
a L’idée de pluralité peut être exprimée non seulement par le pluriel (§ 136) et par le duel (§ 91), mais encore par le singulier collectif[1] (§ b), par le nom singulier d’espèce (§ c) ; enfin, certaines idées analogues à l’idée de pluralité sont exprimées par la répétition du nom singulier (§ d).
b Le nom collectif proprement dit désigne une pluralité d’individus en tant que formant un groupe[2], p. ex. בָּקָר armentum (troupeau de gros bétail), collection d’individus de l’espèce bovine[3] ; צֹאן (f.) pecus (troupeau de petit bétail), collection d’individus des espèces ovine et caprine[4] ; עוֹף la gent volatile, les oiseaux ; רֶ֫מֶשׂ la gent trotte-menu, שֶׁ֫רֶץ la gent frétillante ou trottinante ; טַף les tout petits enfants (parfois renfermant ou impliquant les femmes ; cf. Brown, 1124a) ; רֶ֫כֶב souvent collectif : les chariots. Tous ces collectifs sont masculins, excepté צֹאן (f.). (Voir encore § 134 p).
Collectifs avec finale féminine : בְּהֵמָה les bêtes, le bétail (les grands animaux, surtout domestiques ; le pluriel est rare et poétique) ; רִמָּה les vers ; דִּמְעָה les larmes (le pluriel très rare et poétique) ; צִיצִית franges, houppes. (Voir encore § 134 o, p).
c Presque tout nom singulier peut être employé comme nom d’espèce ou de catégorie, et alors il équivaut à un pluriel[5]. Ainsi אָדָם homo[6] et אִישׁ vir sont employés comme noms d’espèce dans Is 2, 9 (opp. le pl. אֲנָשִׁים vv. 11, 17) ; אִשָּׁה dans Jug 21, 16 נִשְׁמְדָה מִבִּנְיָמִין אִשָּׁה la [catégorie] femme a été anéantie en B. = (toutes) les femmes (cf. 1 S 21, 6) ; גֵּר étranger est presque toujours au sing., p. ex. Dt 29, 10 (après un pluriel) ; les noms de Gn 32, 6 וַיְהִי לִי שׁוֹר וַֽחֲמוֹר צֹאן וְעֶ֫בֶד וְשִׁפְחָה j’ai acquis bœufs et ânes, menu bétail (coll. § b), serviteurs et servantes. Les groupes אִישׁ יְהוּדָה (1 S 11, 8) et אִישׁ יִשְׂרָאֵל (Jos 9, 6) sont plus fréquents que le pluriel אַנְשֵׁי ׳ et expriment mieux la totalité. On emploie de même les nomina gentilicia, p. ex. הַיְבוּסִי Gn 10, 16 ; הָֽאֱמוֹרִי ib. ; וְלָרֽאוּבֵנִי וְלַגָּדִי וְלַֽחֲצִי שֵׁ֫בֶט הַֽמְנַשֶּׁה aux Rubénites, aux Gadites et à la demi-tribu de Manassé Jos 1, 12. Le nom d’espèce ou de catégorie est fréquent avec כֹּל tout : Dt 29, 9 כֹּל אִישׁ יִשְׂרָאֵל tous les hommes d’I. (après quatre pluriels) ; Ex 1, 22 כָּל־הַבֵּן tous les fils (§ 139 g), de même avec un participe : 2 S 2, 23 כָּל־הַבָּא tous ceux qui venaient (§ 139 i).
d Certaines idées analogues à l’idée de pluralité sont exprimées par la répétition du nom singulier :
- Idée de chaque : יוֹם יוֹם chaque jour[7] Gn 39, 10 ; שָׁנָה שָׁנָה chaque année Dt 14, 22 ; אִישׁ אִישׁ chaque homme, chacun Ex 36, 4 ; — בַּבֹּ֫קֶר בַּבֹּ֫קֶר chaque matin Ex 16, 21 ; — avec ו : אִישׁ וָאִישׁ chacun Esth 1, 8 ; דּוֹר וָדוֹר chaque siècle Dt 32, 7 ; יוֹם וָיוֹם chaque jour Esth 3, 4.
- Idée de divers, de diverses espèces : אֶ֫בֶן וָאֶ֫בֶן diversa pondera Dt 25, 13 (cf. Pr 20, 10) ; לֵב וָלֵב cœurs divers = cor duplex Ps 12, 3 ; 1 Ch 12, 33.
e La répétition d’un nom singulier ou pluriel est un procédé de style pour exprimer certaines nuances. Singulier : Dt 2, 27 בַּדֶּ֫רֶךְ בַּדֶּ֫רֶךְ אֵלֵךְ je marcherai constamment par la route ; 2 R 25, 15 אֲשֶׁר זָהָב זָהָב tout ce qu’il y avait en or (cf. Thenius, in h. l.). — Pluriel : Ex 8, 10 חֳמָרִים חֳמָרִים des tas très nombreux ; Gn 14, 10 puits de bitume très nombreux (cf. § 129 r) ; Joël 4, 14 multitudes innombrables.
- ↑ En arabe l’idée de pluralité est exprimée d’une façon extraordinairement fréquente par des collectifs (pluriels brisés ou internes), p. ex. ʿabīd « les esclaves » considérés collectivement, servitium, la domesticité ; au contraire le pluriel proprement dit (pluriel externe) ʿabdūna (sg. ʿabd) désigne plusieurs esclaves considérés individuellement.
- ↑ Un collectif se reconnaît à ce que l’adjectif, le pronom ou le verbe qui s’y rapporte peut être au pluriel.
- ↑ À cause de leur fréquence nous donnons ici le détail des noms pour l’espèce bovine et pour les espèces ovine et caprine.
Espèce bovine : בָּקָר nom collectif et nom d’espèce (le pl. בְּקׇרִים seulement à l’époque postérieure, Néh 10, 37 ; 2 Ch 4, 3 †) ; שׁוֹר nom d’unité : un individu de l’espèce bovine, sans égard au sexe ou à l’âge ; de plus, désigne spécialement le mâle : bœuf (le sens de taureau (aram., arabe) est douteux en hébreu). — Noms pour les mâles, outre שׁוֹר bœuf : *אֶ֫לֶף (rare), אַלּוּף (1 f.) ; עֵ֫גֶל veau ; פַּר bouvillon, juvencus ; אַבִּיר (poét.) taureau. — Noms pour les femelles : עֶגְלָה génisse, vitula, juvenca ; פָּרָה juvenca, vacca. - ↑ Espèces ovine et caprine : noms génériques, comprenant les deux espèces : צֹאן nom collectif et nom du genre ; שֶׂה nom d’unité : un individu de l’espèce ovine ou caprine, sans égard au sexe ou à l’âge (עַתּוּד semble parfois employé pour désigner les mâles des deux espèces). — I. Espèce ovine : pas de nom d’espèce. Nom d’unité : כֶּ֫בֶשׂ (rarement כֶּ֫שֶׂב) cf. Ex 12, 5 ; Nb 18, 17. — Noms pour les mâles : כֶּ֫בֶשׂ agneau (en général) ; כַּר agneau (rare) ; טָלֶה agnelet ; אַ֫יִל bélier. — Noms pour les femelles : כִּבְשָׂה agnelle, agna ; רָחֵל brebis. — II. Espèce caprine : pas de nom d’espèce. Nom d’unité : עֵז cf. Ex 12, 5 ; Nb 18, 17. — Noms pour les mâles : גְּדִי chevreau ; שָׂעִיר bouc (proprement poilu) ; תַּ֫יִשׁ bouc (rare) ; עַתּוּד bouc (qui semble aussi employé pour les mâles des deux espèces). — Noms pour les femelles : עֵז chèvre, שְׂעִירַת עִזִּים (2 fois), *גְּדִיָּה chevrette.
- ↑ Cet emploi du singulier existe aussi dans nos langues, mais n’a pas la même extension qu’en hébreu. Une phrase comme homo est mortalis équivaut à homines sunt mortales.
- ↑ אדם est aussi collectif, p. ex. Gn 6, 1 l’homme = les hommes.
- ↑ Mieux que l’équivalent pratique tous les jours. Remarquer que כָּל־הַיָּמִים ne signifie pas tous les jours, mais toujours (tout le temps ; יָמִים est usuel pour temps). De même לַיָּמִים ne signifie pas par jour, mais par an Jug 17, 10 † (יָמִים est fréquent pour l’unité de temps qu’est l’année).