◄ Laisses 42 à 93 | Laisses 94 à 130 | Laisses 131 à 210 ► |
|
91. Si Charles fit trahison, c’est lui qui la but. Il fut pour cela poursuivi par une plaine, et ne s’arrêta pas jusqu’à Troyes. Girart et les siens, cependant, prennent le butin. Il en donna à ses hommes autant qu’il le devait, de telle sorte que depuis lors aucun d’eux ne lui manqua au moment critique. Le roi s’en est allé à Saint-Remi ; là il manda ses hommes, avec qui il délibéra. Fouque et don Bégon pensèrent rétablir la paix entre Girart et Charles, comme cela devait être, mais Boson d’Escarpion le premier rompit la trêve : il suscita une querelle quand il en eut l’occasion, et tua Thierri le duc, par rancune. Le meurtre de ce baron fit naître un deuil d’où sortirent des maux infinis, jusqu’à ce qu’enfin Girart fut dépouillé de sa terre[1]. |
Ainz que loins fuſt auiz laureit pendut
|
92. Jamais vous ne vîtes roi aussi dépité que l’était Charles, parce qu’il avait été mis en fuite et vaincu. On lui a pris le comte Arbert de Troyes ; il a perdu mille barons sans compter les morts. Charles jura Dieu et sa puissance que s’il pouvait prendre Girart..., avant que la nouvelle en fût allée loin, il l’aurait fait pendre. Vingt jours ne se passeront pas qu’il n’ait rassemblé cent mille boucliers sous Orléans la cité, dans la prairie herbue. |
|
93. Charles manda ses hommes de nombreuses parts. Cependant, le comte Girart était à Roussillon avec le marquis Amadieu, Pons et Ricart, quand leur vint un messager des Bruns-Essarts. C’était un bon chevalier, preux et vaillant. Girart, aussitôt qu’il l’aperçut, alla, sans tarder, lui parler, lui quatrième. Les nouvelles qu’il apprend le mettent en souci. |
|
94. Girart cessa l’entretien, et dit à tous : « Seigneurs, apprenez les nouvelles dans les termes mêmes [où je les ai reçues]. Le roi assemble son ost à Claradoz[2], dans la prairie sous Orléans, le long de la Loire, dans le bois d’Agoz. Il a juré la croix sainte que s’il ne me dépossède pas de ma terre, il n’est plus un preux. Il veut venir sur nous, le félon couard ! il tranchera nos vignes et nos arbres ; il effondrera nos murs et nos viviers, il ouvrira nos conduits d’eau ! J’ai plus d’hommes que lui et de plus hardis. Si je ne les mets pas tous à rançon, que je soie un misérable ! Je veux que l’argent [nous] vienne comme l’eau au ruisseau. De la guerre de Charles, je m’en soucie comme d’une noix. » |
|
95. Fouque entend ce discours, il dit sa pensée ; pour donner bon conseil, il ne se fit point attendre. « Girart, il agit mal le riche homme qui fait paraître de tels sentiments : Charles est votre sire, le droit empereur. Vous tenez cent mille hommes de sa terre ; il n’y a pas de duc, juste ni pécheur, qui en ait de meilleurs. S’il vous a fait une indignité, contre tout droit, et s’il vous a enlevé Roussillon par trahison, vous l’avez recouvré, et non point comme un larron, mais de façon à vous faire honneur. Pour tout cela, je ne veux pas que [maintenant] vous vous donniez tort. Envoyez un messager à Charles, à sa résidence, à Reims ou à Soissons ou à Saint-Faire[3], pour que le roi vous fasse connaître son cœur et sa pensée, si, sans plus de retard, il prendra votre droit[4], et s’il le dédaigne, par saint Sicaire[5] ! dès lors je t’aiderai, moi et mes frères. Fol est Charles Martel, notre empereur, s’il vous pense rogner votre terre. » |
Ne lai nirat ꝑ mei mes ne corlieus
|
96. Don Amadieu se leva ; le plus grand chevalier était petit à côté de lui ; « Girart, crois-en ton neveu Fouque, car si Charles passe de ce côté avec les siens, il dévastera la terre et les fiefs d’autrui. » Et Girart répondit : « Que Dieu me damne si le roi reçoit de moi chartre ou bref ! Là n’iront de ma part messager ni courrier, que d’abord j’aie combattu avec lui et avec les siens. Je le rendrai recréant tout vif, le païen[6], et cinq cent mille hommes videront les étriers. Et si je ne tiens pas ma parole, je ne suis qu’un juif[7] ! » |
|
97. Don Boson donna un conseil de jeune homme. Il se tourna plein de colère vers Girart : « Sire, n’écoutez pas ces donneurs d’avis qui ont des terres franches et ne songent qu’à mettre leurs richesses en lieu sûr. Si vous les croyez, vous serez déshonoré. Mais ne fussions-nous que vous et moi, avec nos hommes, nous combattrons Charles par les plaines herbues jusqu’à la défaite du roi envieux. » Girart sourit et baissa les yeux : « Beau neveu, dit-il, vous êtes preux ; votre ardeur juvénile serait bonne, si vous aviez la sagesse. » |
|
98. Landri, qui tint Nevers[8], parla à haute voix et posément : « Boson, tu nous as dit une bien folle parole.... Tu as l’outrecuidance, diable incarné[9], de dire qu’avec les gens que tu as ici tu combattras Charles Martel ! Et si Girart te croit, il est rasé de sa terre. Mais qu’il fasse en tout cela selon ce que je vais dire : qu’il lui envoie promptement un message à Reims ou à Soissons, ou à Beauvais. Girart, s’il veut ton droit, tu le lui feras ; s’il le dédaigne, par saint Thomas, mande alors tes hommes, tous ceux que tu pourras réunir ; si Charles cherche bataille, qu’il ne te trouve pas sans force ; s’il ravage ta terre, tu iras au-devant de lui, et si tu ne la lui défends, que le feu te brûle ! — Ce conseil « , dit Girart, « je le tiens pour bon, et puisqu’il a été mis en avant, je ne le mettrai point arrière. » |
|
99. « Un conseil », dit Girart, « j’en suis un fort bon : si le roi ne veut prendre mon droit et me refuse, j’enverrai auprès de mon père le duc Drogon qui tient le Roussillonais et Roussillon[10], Besalu et Girone jusqu’à Auson[11], Bergadan [12] et la Cerdagne et Montcardon, Purgele[13] et Ribagorza[14] et Barcelone. Il y a longtemps qu’il n’a eu guerre, sinon avec les païens. Ces félons, il les a tous conquis par force. De Majorque, d’Afrique, de chez les Esclavons[15], on lui apporte le tribut en sa maison. Le comte est à Besaude[16] en sa demeure ; il se fait servir de la viande et du poisson[17] ; ceux qui gardent sa terre sont cent mille ; c’est un chevalier excellent. Drogon le duc tiendra le gonfanon avant que je perde la Bourgogne, dont je suis né. Par deçà, je manderai mon oncle, le comte Odilon, qui tient toute la Provence jusqu’à Toulon[18], Arles et Forcalquier et Sisteron, Embrun, Gap et Rame[19] et Briançon. De là viendront cent mille hommes avec le vieux Guigue. Et si vous approuvez mes paroles, rassemblons nos forces. » Plusieurs des barons de la cour répondent : « Ce conseil vaut mieux que celui de Boson. » |
|
100. Girart prit don Fouque par son manteau, et le tira à part près d’une grille : « Neveu, écoutez la parole que je vais vous dire : Nous ne trouverons pas chez le roi de bonne foi à notre égard. — Je m’en afflige, » dit Fouque, « par saint Marcel, et pourtant je m’en irai vers le roi Martel ; je lui présenterai ton droit avec cet anneau : je n’y porterai lettre, bref ni sceau. Nous serons pour servir d’ôtages cent jeunes hommes. Si nous avons un ennemi qui se dresse contre nous, qui défasse l’accord et le combatte, nous reviendrons par la grande route, nous garnirons contre le roi de nombreux châteaux, abandonnant les vieux, faisant choix des plus nouveaux ; il ne les aura pas conquis à la Saint-Michel ! Puis nous lui ferons une guerre dure et sanglante, dont maint riche homme aura la coiffe trouée. Je crois que de bons chevaliers seront jetés bas de leurs chevaux, ou sur le dos ou sur le ventre. |
|
101. — Neveu », dit Girart, « oyez chose certaine. Nous avons là pour ennemi Thierri d’Ascane : il est natif de Lorraine la Thierrienne[20]. Mon père lui enleva le duché de Braine [21] ; par suite, il vécut sept ans dans les bois, sous Comejane[22], équarrissant des bois de charpente, quand un jour Louis[23] l’en tira ; il lui donna avec sa terre sa sœur germaine. De la mort de nos pères le vieux se vante : il dit que, s’il peut les rencontrer en plein champ, ils ne trouveront refuge en bois ni en garenne. — Cela », dit Fouque, « je le tiens pour fanfaronade ; les menaces, j’en fais autant de cas que d’une noisette. » |
Auberc blanc iaçeran lelme a criſtal
|
102. Fouque quitte le conseil et rentre chez lui. Cent barons de sa terre le suivirent, tous vicomtes, comtors, puissants seigneurs. Il les tire à part sous la voûte d’une fenêtre. « Seigneurs francs chevaliers, je n’ai qu’une chose à vous dire : c’est que je suis envoyé en message à la cour royale. Je veux que vous entendiez [tout ce qui s’y dira] le bien comme le mal. Que chacun emmène deux écuyers, sans plus, qui ne porteront ni malles, ni lit ni caisses (?). Les bons chevaux seront menés en dextre ; on portera le haubert blanc jaseran[24], le heaume orné de cristal[25], la vieille épée [à la poignée] d’or, le bon écu, la lance acérée bien fourbie, le penon de cendal[26]. Quiconque portera un vieux clavain[27], même comme poitrail[28], il ne tiendra plus de ma terre ni maison ni casal. Le roi est à Orléans avec ses seigneurs. Sous la ville il rassemble son ost en la prairie ; [ce sera une] ost grande, complète, générale. Seigneurs, soyons à cheval au premier chant du coq. Mardi nous prendrons nos logis à Bourges. » |
|
103. Fouque fut compris ; on se conforma à ses ordres quant à l’équippement. Sur ces entrefaites, un damoiseau vient à lui : « Sire, la table est servie, pour vous et pour vos fidèles. » .... Ils entrèrent dans la salle que fit Teüs[29], elle était entièrement peinte en mosaïque[30] jusqu’aux voûtes. Un vieillard en cheveux blancs leur fit donner l’eau. Quelle admirable richesse leur fut montrée ! jamais jeune homme n’avait rien vu de tel. C’étaient des hanaps, des vases en or battu, des bassins, des aiguières grandes et petites ; [il y avait là] quatre cents damoiseaux éveillés, qui allèrent au trésorier appelé Auruz[31] ; chacun reçut un vase précieux. Ils ne furent pas lents et nonchalants à servir. Il y avait là mille chevaliers portant l’écu. Le repas fini et le soir venu, ils allèrent se coucher, déchaussés et nus. Ils se lèvent à minuit[32], par le clair de lune. Ils étaient les cent barons dont j’ai fait mention, vicomtes et comtors, puissants et renommés. Ils entendront le message lorsqu’il sera présenté, et sauront si l’accord est conclu ou rompu. Il n’y aura là mauvaise langue, si perverse soit-elle, qui, lorsque Fouque parlera, ne soit réduite au silence. |
Entros cau pont dorlins naurant guion
|
104. Or s’en va don Fouque avec ses barons. Ils sont cent chevaliers vêtus de bliauts[33] de paile et de ciglaton[34] ; leurs pelisses étaient de vair, de gris et d’hermine ; ils portent des peaux traînantes de martre et des boutons d’or. Cette nuit ils logèrent à Avalon, et de là se rendirent à Nevers quand il fit jour ; au troisième jour ils furent à Bourges [35] avec Aimenon[36], qui leur prépara une gracieuse hospitalité dans sa maison. Quand ils eurent mangé suffisamment, les lits furent bons : ils reposèrent jusqu’à ce que le soleil parut au ciel. Les damoiseaux sont chaussés et vêtus ; ils font mettre aux chevaux les freins et les selles aux arçons d’or ; ils entendent messe et matines à Saint-Simon, puis le comte Aimon les conduisit. Jusqu’au pont d’Orléans, ils l’eurent pour guide. |
|
105. Aimon a guidé Fouque et les siens jusqu’au pont de la cité d’Orléans. Ils descendent le long de la Loire en un pré. Alors Fouque, s’adressant à Aimon de Montismat[37], le seigneur de Bourges et de la contrée : « Don, quand vous serez dans la cité, faites connaître au roi mes intentions : nous sommes entrés ici sous votre sauvegarde ; nous sommes messagers de Girart et ses chasés[38]. Nous lui ferons droit s’il y consent. Prévenez Belfadieu[39], le juif, qu’il fasse préparer mes logis au Bourg l’Abbé[40] ; qu’il dispose mon palais de sorte qu’il n’y manque rien, car si je le savais cela irait mal. — C’est bien, » répondit Aimon. Il entra dans la ville, les autres restèrent ; et Fouque parla aux siens : « Oyez, francs chevaliers, ce que j’ai pensé. Ne répondons au roi aucune parole outrecuidante : point de mots hautains, point de menaces ; mais tenons-nous bien d’accord, afin que, lorsque nous serons de retour, on ne dise point que nous ayons été fous ni sots ; car on tient pour hors du sens le chevalier qui combat avec la langue. » Laissons maintenant Fouque, le chevalier de renom, et parlons d’Aimon, le vaillant guerrier. |
A labat del monſter de ſainte lei
|
106. Aimon entre au palais, et paraît devant le roi qui parlait avec Thierri et avec Joffroi. Il y avait Richier[41] de Dreux et Hugues de Broyes, Galeran de Senlis et Godefroi. Ils parlaient de ce comte, Arbert de Troyes, que Girart avait pris peu de jours avant dans le combat sanglant avec mille barons, sans compter les morts. Aimon entre, salue, et dit au roi : « Seigneur, voici Fouque qui vient à vous, sous ma sauvegarde. Il vous fera droit, s’en remettant à votre merci. » Et Charles répondit : « J’ai peine à le croire. » Il le baisa et le fit asseoir près de soi. Aimon regarde par le palais : près d’un endroit ombragé il voit Belfadieu, le juif, qui change de couleur, et se tenait immobile : entendant menacer Girart, il s’était effrayé. Aimon l’appela, lui faisant signe du doigt : « Va-moi au Bourg l’Abbé préparer des logis[42] — car Fouque viendra ce soir, — comme pour cent chevaliers, pas plus, sans compter les écuyers et les domestiques. » Et le juif en jure sa loi que de sa vie hospitalité plus agréable n’aura été préparée. Le juif descend avec Andrefroi ; il va trouver l’abbé de Saint-Eloi, tandis qu’Aimon reste à parler au roi. |
|
107. Andefroi et Aimon et Aimeri étaient trois frères, neveux de Thierri et comtes de haute naissance, riches et puissants. Aimon était comte de Bourges, comme je vous le dis, Andrefroi tint Mantes et tout ......[43] et Aimeri Noyon et ......[44], et Thierri la Lorraine jusqu’à ....[45]. Il a pour femme la sœur du roi Louis[46], et avant elle il en avait eu trois ; de la quatrième il a deux fils, les plus beaux qu’on ait vus. On le regarde en France comme l’homme le plus âgé, et c’est pourquoi on ne fait état d’aucun conseil au prix du sien, et, à la cour, on estime les autres moins qu’un ver de terre (?)... |
|
108. Il y avait auprès de Charles environ cent riches barons : c’était la fleur du conseil de France, sans compter les simples chevaliers et la jeunesse. Ces derniers, Charles les renvoie du palais, et commande au portier de tenir la porte fermée sous peine d’avoir les yeux arrachés. Puis il ouvre la séance. « Que celui qui sait juger le droit commence. » Le premier, qui parla, ce fut le duc d’Ascance[47]. « Don roi », dit Thierri, « c’est vous qui avez commencé la querelle, quand vous avez pris Roussillon par votre orgueil : il n’y eut écu troué ni lance brisée : un gars de vilaine apparence vous le livra, qui maintenant pend et balance sur le pui de Montsorel. C’est bien fait si Girart en a pris vengeance, et Dieu vous l’a montré, lorsqu’ensuite vous avez livré bataille à Charles. » |
Ja nou fera tant bie que nol loſenc
|
109. Isembart de Riom[48] se leva de sa place. Il était père de Beton, frère de Genenc[49] : « Sire duc, je ne vous enlève point la parole, [mais] si Girart tient Roussillon de Charles, en refusant de relever son fief de lui il a eu tort. — Isembart, » dit Thierri, « ici je vous avertis : cette parole me semble......[50]. Charles tout le premier est venu sur lui, amenant au siège tant de combattants ; plus de cent mille, si je ne mens point ; ses veautres[51], ses lévriers, ses...[52], ses ours, et ses broons[53], le tout par mauvaise intention ; il lui a enlevé de Roussillon la tour et la roche. Girart a fait ce qui était juste : il a vaincu le roi en bataille. Désormais riche homme ne doit pas se fier à un serf[54]. Si grand bien qu’il lui fasse, il en sera trahi. » |
|
110. Don Enguerrant parla debout, doucement, avec calme et sans détour : « En ma foi, sire roi, je ne sais rien vous dire, sinon qu’après que vous avez jeté Girart en bas de la montagne, s’il a réussi à y remonter, on ne peut l’en blâmer. Or, considérez comme il se comporte en comte franc et loyal : il vous envoie Fouque, son riche captal, le meilleur chevalier et le plus loyal qu’il y ait en France, en Auvergne, en Poitou. Sous le ciel il n’y a, les armes à la main, plus vaillant guerrier, car il est bon à pied et à cheval. Pour donner un riche conseil, on ne connaît pas son pareil. Sire, faites-lui bon accueil, sans rancune. Ses logis sont déjà pris au Bourg ; là descendra le comte à son hôtel, puis il viendra vers nous au perron gris, devant votre chapelle de Saint Marcel. Qu’il ne vous trouve point trop dur à recevoir les otages ! » De colère le roi ferma les yeux : « Seigneurs, moi et Girart sommes donc égaux ? Je passerais la mer dans un navire ; je serais sept ans ermite en une forêt, avant que vous me mettiez sous ses pieds[55] ! » |
|
111. Laissons le conseil que le roi n’accueille pas. Ses barons lui retracent le grand orgueil [qu’il a montré] quand il prit de Roussillon le donjon élevé. De la colère qu’éprouve le roi, ses yeux se ferment : « Seigneurs, or, écoutez ce que je veux dire : de la perte que j’ai subie j’éprouve une vive douleur. Voyez-vous par ces prés cette forêt de lances, ces hauberts, ces lances ? Avec tout cela, je ferai à Girart deuil et tourment. Ne croyez pas que je lui laisse sa terre ! Je ne laisserai subsister ville sur sol ni arbre fruitier que je ne déracine, de sorte que branches et feuilles s’en dessècheront. » Et Thierri répondit : « Roi, Dieu t’affole ! » |
|
112. Ce dit le duc Thierri : « Mal nous est pris quand Charles, par ruse, nous demande conseil. Malheur à qui le conseillera de tout ce mois ! Ce n’est pas droit que je veuille du bien à Girart : son père [Drogon] et son oncle, le comte Odilon, m’enlevèrent jadis ma terre et mon pays ; sept ans, j’ai été proscrit, vivant dans les bois épais, travaillant de mes mains pour vivre, quand le roi Charles m’en tira par sa merci. Il me rendit mon duché tout entier et me donna sa sœur ; avant elle j’avais déjà eu trois femmes ; de celle-ci, j’ai deux fils, charmants enfants[56] ; mais, pour nul ennemi que j’aie, je ne dois être félon ni hésitant envers le droit, car quiconque fausse le droit est un traître indigne et la cour où il est tombe en interdit. C’est pour toi, Martel, que je le dis, qui repousses le droit, qui écoutes et regardes et ne vois rien, non plus que les Juifs ne voyaient le Messie qu’ils crucifièrent ! » |
|
113. Le conseil des barons se sépara. Le duc Thierri d’Ascane sortit le premier, plein de colère et maudissant Charles ; il descendit par le pont voûté[57]. Galeran de Senlis prit le premier la parole : « Allons au devant de Fouque, faisons lui accueil. — J’y suis tout disposé[58] », dirent Aimon et don David, et Andefroi de Noion tout dispos. « Attendons Aimeri sous Cauiz[59] ; nous serons vingt barons choisis. » Belfadieu s’est mis en route tout le premier, avec lui les quatre fils de dame Beatrix, une dame veuve qui avait eu deux maris. De chacun elle eut deux fils qu’elle nourrit, l’un s’appelait Pons, l’autre Artaut, le troisième Félix, le quatrième Saloine de Mont-Escliz[60]. Vous ne vîtes jamais si gracieux, si bien appris. Ils passent le pont de Loire aux arceaux voûtés, et vont à don Fouque, dans les prés fleuris. Le comte vit les enfants, il leur fit bon accueil : « Vous resterez avec moi, le cœur me le dit, mais je vous vois encore trop jeunes pour prendre les armes. Mettez-vous à mon service : vous grandirez et vous serez pourvus d’armes et de bons chevaux bien dressés ? » Les enfants s’inclinèrent : « Sire, nous serons vos hommes liges. » Belfadieu le juif prit Fouque à part sous un aune : « Sire, votre hôtel est prêt, et partout tendu de pailes et de tapis. L’abbé est tout joyeux de votre venue. — Ce n’est pas un hypocrite », dit Fouque, « ni un fou ni un avare cachant ses trésors ; je lui croîtrai son fief du bourg de Saint-Félix : mille hommes lui en feront service lige, et s’il y a guerre, comme on le dit, le bourg ne sera pas dévasté ni ruiné, mais, à cause de l’abbé, il sera épargné. — Vous êtes plein de sens, » répondit le juif. |
Paſſent au pont de leire cau ſanz eanç
|
114. Il y avait à Orléans, dans la garenne, un palais avec des bancs de pierre de taille, les unes vertes[61], les autres grises[62]. Là prirent place le duc Thierri, Enguerant, Gace le vicomte de Dreux, Galeran, et Helluin[63] de Boulogne à qui appartenait Wissant[64], le Ponthieu, le Vimeu, le Brabant[65]. Il y avait là des Bavarois et des Allemands, l’un parle tiois[66], l’autre roman. Vingt d’entre eux sont partis, montés sur des mulets amblants ; ils passent le pont de Loire...., et vont à don Fouque dans les prés de Sans[67]. Le comte les vit venir, il se leva et les baisa tous les vingt sans nulle fierté. S’il en est un qui soit malveillant pour l’autre, il ne le laisse pas voir. |
|
115. Les comtes mirent pied à terre dans les prés. Il y avait là Enguerrant et le comte Joffroi, Aimon et Aimeri et Andefroi ; les autres damoiseaux étaient des barons tiois. « Seigneurs », dit Fouque, « pourquoi cette armée que je vois assemblée par ces prés, par les collines, par les plaines, par les bois ? Sur qui veut marcher le roi Charles ? — Sur le comte Girart, » dit Andefroi, « il lui enlèvera la Bourgogne, comme il en a le droit. — Par mon chef ! » dit Fouque, « non ! il ne sera pas dit que par sa mauvaise foi il aura dépouillé le comte ! Je connais assez Girart le puissant marquis pour dire que, si le roi marche sur lui deux mois ou trois, les Lorrains frapperont de l’épée, comme aussi les Bourguignons, les Désertois[68], les Bigots[69], les Provençaux, les Rouergats, les Basques, les Gascons, les Bordelais. Mille barons seront couchés et morts, sans parler de ceux dont on ne fera pas le compte[70] ? Il y aura bien en tout deux cent mille[71] hommes réunis. Maintenant parlons au roi sérieusement. Nous lui ferons droit en tout, mais rien de plus. » Sur ces paroles ils montent sur les palefrois et rentrent par le pont à Orléans. |
Si iagrent iusque ſolz fu eſclairaz
|
116. Au moûtier Saint-Eloi il y avait un palais d’antique fondation, que Fouque avait reçu en héritage de ses parents. Fouque y avait mille chevaliers chasés. Le comte entre au moûtier où il fit sa prière, puis il monta en la salle par les degrés ; on n’y voyait mur ni pierre, ni bois, ni latte (?), mais seulement des courtines de soie et ..........[72] entourées des plus beaux pailes que vous puissiez voir. Le jour vient à travers les vitraux. Les tables sont servies, on donne l’eau[73]. Aucun met délicat ne manqua au repas. Fouque fut très-aimé ; avec lui sont les barons que je vous ai nommés, ce sont les conseillers les plus estimés de Charles. Lorsqu’ils eurent mangé, le soleil était bas sur l’horizon ; ils firent enlever les nappes et se levèrent de table. Désormais le message sera exposé, considéré, délibéré. Ce n’est pas chacun qui dira son avis. L’abbé fit faire les lits par le palais, lits blancs et douillets : les voilà couchés. Ils restèrent au lit jusqu’au soleil levé, ils se lèvent, s’habillent, se chaussent ; ils entendent la messe et les matines que leur dit Daumas. C’est aujourd’hui que le message sera présenté au roi, que, de la part de Girart, le droit sera offert à Charles. |
|
117. Les comtes sont sortis du moûtier et vont à Sainte-Croix[74] pour y prier. Charles était au perron[75] où il a coutume de s’asseoir ; autour de lui, les barons de ce pays (?) À ce moment voici venir Fouque et Manecier, Enguerrant et Pons de Belvezer ; ils rappelleront [au roi] l’accord[76] et le débat : « Sire, voici Fouque arrivé d’hier soir. — Oui, » reprit le comte, « pour demander merci de la part de Girart, mon oncle, en qui je mets mon espoir. Sire, ne veuillez point lui faire la guerre : tel par prudence ne s’est pas déclaré qui l’aidera de tout son pouvoir. Roi, ne nous manifestez pas votre colère, car si vous faites périr les hommes dont vous êtes seigneur. Dieu vous abandonnera. Vous avez excité la guerre : arrêtez-la ; retenez Girart [pour votre homme] et ses possessions. Ne croyez point les flatteurs désireux de vous plaire, car un baron doit se garder d’exciter une si grave querelle. |
|
118. — Si Dieu m’aide, don Fouque, vous parlez bien ! J’agirai comme il convient. Si Girart tient Roussillon en aleu, ainsi peut-il faire de la Bourgogne .....[77] Je lui enlèverai mille marcs[78] de sa terre ; il n’aura si fort château que je n’abatte, haute tour que je ne brise ou mette en pièces. — Le premier parla don Begon, le fils Bazen : Don roi, trop de menaces n’excitent que le mépris. Avant tout, Girart se propose de vous mettre un frein avec lequel il vous tiendra plus aisément qu’un poulain. Certes, le comte ne perdra ni four ni moulin, ni herbage de sa terre, ni fourrage ni foin ; et, si vous voulez la guerre, vous l’aurez, et bataille rangée ; car je vous promets que maint riche baron en sera blessé par la poitrine, tellement que le cœur sera mis à nu et qu’il succombera. Dieu me maudisse, s’il n’est pas vrai que tu ne crois d’autre conseil que le tien ! |
Catorce iors ꝑ caut quince ꝑ freich
|
119. — Sire, » dit don Fouque, « voici le droit, de la part de Girart mon oncle, sans injustice. S’il vous a fait tort sans raison, nous vous en ferons droit ici même. Nous serons à titre d’otages, par la foi que je vous dois, cent barons de naissance, damoiseaux choisis. Roussillon est un aleu, j’en conviens, mais outre Seine, le long du courant, en la forêt de Montargon[79], vous avez pour un mois droit de chasse et de gîte, quatorze jours l’été, quinze l’hiver ; pendant les quatorze jours, Girart vous doit le conroi[80] ; on l’apporte par Seine en bateau, là où se dressent ces pins et ces lauriers, où vous vous déportez et vous ébattez. Girard y possède quatre châteaux : Garenne, Châtillon et Montalois[81] ; le quatrième est Senesgart, qui les domine tous. Et si tout cela n’est pas comme je vous l’ai dit, j’en ferai la preuve et la défense[82]. Si j’ai tort, je ne veux pas qu’on en fasse accord[83]. » À ces mots, il tendit son gant plié[84]. |
|
120. « Seigneur, [reprit-il,] prenez ce gant que je vous tends : de la part de Girart, mon oncle, je vous offre droit. S’il vous a fait tort à son escient, il vous en fera droit à votre discrétion. Nous serons comme otages cent chevaliers, dont pas un ne mentirait pour or ni pour argent. — Malheur sur moi, » dit le roi, « si je prends ce gant, jusqu’à ce que j’aie forcé par les armes Girart à se taire ! — Ce ne sera pas tant qu’il vivra, » répond Fouque ; mais d’abord, faites-lui droit tout le premier. Celui qu’on accuse de félonie, s’il ne se défend, n’est pas digne de tenir terre ni apanage. Vous l’avez fait parjurer, lui et les siens : c’étaient des comtes, des ducs, des hommes sages, et le pape lui-même qui tient Rome. À Constantinople, on l’a entendu, ils jurèrent que vous prendriez en mariage la fille du riche empereur, et que Girart prendrait sa sœur. Les siens le jurèrent pour lui. Ils s’en revenaient joyeux lorsque vous vîntes à leur rencontre à Bénévent[85]. Celui-là est vraiment traître à ses propres yeux qui laisse sa femme et prend celle d’autrui, comme tu as fait de la tienne, roi mécréant, en enlevant à Girart celle qui l’aimait. Vous n’avez pas de calomniateur à la langue affilée, que je ne sois prêt à rendre mort ou recréant[86] s’il ose se présenter pour votre champion ! — Malheur sur moi, » dit le roi, « si maintenant j’accepte le défi ! Il viendra, un temps où vous aurez assez de douleur, quand sur le champ de bataille seront étendus cent mille de vos plus vaillants hommes. — Sais-je, » dit Fouque, « si le roi dit la vérité ? Nous attendrons un mois entier. » |
Ne prendra ia citat nel arde a feuc
|
121. Alors parla don Fouque ; il était tout près du roi : « Écoutez, francs chevaliers ! La guerre de Girart ne sera pas un jeu. Il ne s’agira pas d’enlever des vaches ni des bœufs : le comte ne prendra cité qu’il ne la brûle, ni si bon chevalier qu’il ne le pende ; jamais on n’aura vu terre aussi dévastée par la guerre ; et moi, par qui cette guerre est déclarée, j’en éprouve une vive douleur. |
|
122. — Par mon chef ! » dit le roi, « de cela je n’ai soin. Fouque, je me soucie de vos menaces comme d’un coing. Tout chevalier que j’aurai pris, je le honnirai, je lui couperai le nez ou les oreilles ; le pied ou le bras, si c’est un sergent[87] ou un marchand. Si nous nous rencontrons en bataille, nous verrons comment se comporteront Français et Bourguignons, et qui frappe le mieux de l’épée et attaque le plus en face. — Et nous », répond Fouque, « nous aurons des chevaux gascons[88] pour suivre de près et fuir au loin ! » |
|
123. Le marquis Fouchier[89] s’avança : il était cousin germain de Girart, fils d’Estais[90] ; nul pays ne nourrit meilleur chevalier, nul meilleur vassal ne brisa sa lance. Il avait le corps élancé, délié et vif. Il dira une parole dont le roi s’irritera : « Par Dieu ! Charles Martel, c’est mal à toi de jeter le trouble par tout le monde. Mais je crois que Girart t’abaissera par les armes à tout jamais, et moi, que je sois un lâche[91] si je ne te le fais payer ! Je conduirai mille chevaliers, tous vaillants guerriers, et je te pousserai de telle façon jusqu’à Aix, qu’il n’y aura si fort château que je n’assaille. De tes domaines, je compte bien engraisser les miens. » Le roi l’entend, le sang lui monte au visage. Il les ferait tous pendre, quand Evroïn, le seigneur de Cambrai, prit la parole avec Enguerran, Thierri et Pons de Clais : « Roi, tu es mort, si en ta cour tu fais félonie : si tu te charges d’une telle lâcheté, tu n’as si riche baron qui dès lors ne t’abandonne ! » |
|
124. Evroïn de Cambrai prend la parole. Il donnerait bon conseil, le comte palatin, si on voulait l’en croire. « Messager, vous n’êtes pas fin devin dans les affaires de la guerre. Quand deux seigneurs souverains sont voisins, l’un comte, l’autre roi, ils sont plus âpres à la guerre que des chiens à la poursuite du sanglier. Si nous unissions nos forces pour faire la guerre aux Sarrazins, je crois qu’on en aurait bientôt fini avec eux[92]. » |
|
125. En l’entendant, Charles se renfrogna, « Voici, » dit-il, « que don Evroïn nous a fait un sermon comme le vieux prédicateur de Saint-Denis, qui prêche son peuple et le convertit ; mais nous ne quitterons pas le vair ni le gris, les blancs hauberts ni les heaumes brunis, jusqu’à tant que j’aie par guerre écrasé Girart qui m’a pris ou tué mes hommes ! — Ah ! roi, » répond Fouque, « c’est toi qui as fait tout le mal, mais avant que tes menaces se soient vérifiées, tu auras plus perdu ou plus conquis. |
|
126. « Sire, nous allons partir : nous n’emporterons avec nous ni accord, ni droit, ni amour. Nous conterons ce que nous avons entendu ici ; nous le redirons à Girart en sa cour plénière. Vous avez assemblé votre armée, nous manderons la nôtre. Dans les plaines de Vaubeton[93] nous nous verrons, dans la campagne où coule la rivière d’Arsen[94]. Si nous y sommes les premiers, nous la passerons. » — Charles répondit : « Qu’il soit convenu que le vaincu passera la mer et s’exilera[95]. — Soit ! » répond Fouque, et maintenant, Aimon, guidez-nous, puisque vous nous avez amenés. |
Mais lai o ſat baron qui eſt lucrers
|
127. — Je guiderai bien volontiers, » dit Aimon, « mais mon cœur est triste et courroucé pour cet empereur qui est si fier. Sire roi, pour la dernière fois, recevez les otages de ces chevaliers ! — Non certes, » dit Charles, « mais ce mois de mai et juin tout entier passeront, et je serai sur la terre de Girart. C’est moi qui ferai sa moisson : je trancherai ses vignes et ses vergers, et je verrai la mesnie qu’aura Fouchier : il peut, [dit-il,] mener contre moi mille chevaliers[96], et sa terre n’a pas mille pas ! Mais il se repentira d’avoir eu telle pensée, le larron ! s’il se laisse prendre, je le ferai pendre plus haut qu’un clocher ! — Ah ! roi, » répond Fouque, « tu parles légèrement ! Tu as dans le cœur de mauvais desseins ; la bataille aura lieu, puisque tu la veux, mais prends garde que Fouchier te rencontre en champ de bataille ! Il a des instincts cruels et sanguinaires. Il n’y a homme plus entendu en aucun métier, ni épervier plus habile à prendre la caille[97] que lui n’est exercé au métier des armes. Il tiendra contre vous mille chevaliers. Pour nourrir ses hommes, il ne fait pas de distributions de viande ; son sénéchal ne vous donne pas quatre pains ni son bouteiller deux pleins hanaps de vin, mais on remet la monnaie aux pourvoyeurs, et ce n’est rien de moins que du pur argent[98]. Il sait se faire sa part dans les trésors des barons, de ceux qu’il sait mauvais et usuriers ; il n’y a fermeture ni clous d’acier qui puissent les garantir, car il sait plus de magie (?) qu’un magicien (?). Ce n’est pas lui qui ferait tort à aucun voyageur, bourgeois, vilain ou marchand, mais là où il sait qu’il y a un baron cupide ayant quatre ou cinq châteaux, c’est l’avoir dont il se montre large et généreux. Il a sur vous l’avantage de posséder un pan de la Lorraine, du côté de Montbéliart, sur Causiers[99]. Il en aura en aide bien sept mille hommes. » Là dessus ils quittent la place, descendent rapidement par les escaliers jusqu’au perron[100], où les attendent leurs écuyers qui ont amené les armes et les destriers. Fouque s’est renforcé de mille chevaliers, et Fouchier de quatre cents damoiseaux légers, pris les uns et les autres comme soudoyers, à la cour [du roi]. C’est Fouchier qui recommencera la guerre. |
◄ Laisses 42 à 93 | Laisses 94 à 130 | Laisses 131 à 210 ► |
- ↑ C’est l’annonce des évènements qui seront contés dans la suite du poëme.
- ↑ Claradoz veut dire « clair ruisseau » ; est-ce le Loiret ?
- ↑ Lieu que nous avons déjà vu mentionné au § 54 où P. a Sant Fraire ; ici P. porte o a Belcaire (v. 903), ce qui n’est pas admissible.
- ↑ Prendre le droit de quelqu’un, expression qui revient à diverses reprises, c’est accepter de lui une composition amiable.
- ↑ Sicarius ou Sicharius est le nom d’un saint du Périgord (Bolland., 2 mai). Par suite, le nom de saint Sicaire, anciennement Sant Sicari, est porté par plusieurs lieux de la Dordogne (voir le Dictionnaire topographique de ce département par M. de Gourgues). Un autre Sicarius fut évêque de Lyon, et fut également canonisé (Bolland., 26 mars). C’est plus probablement ce dernier qui est invoqué ici. Remarquons que la forme Sicaire, ici assurée par la rime, est plutôt française que provençale.
- ↑ Li chenelieus Oxf, ; lo canineus P. (v. 919) ; ce mot, employé ici et au v. 6416 comme injure, désigne, dans Rolant et dans plusieurs de nos anciens poëmes, un peuple païen. C’est le latin Chananœus ; voir sur ce nom une petite dissertation dans la Romania, VII, 441-4.
- ↑ Formule d’imprécation qui, au rapport de Guill. de Puylaurens, était d’un usage ordinaire dans le Midi : « Unde, sicut dicitur mallem esse judæus, sic dicebatur mallem esse capellanus..... » (Recueil des Histor. de France, XIX, 194.)
- ↑ Landri, comte de Nevers, est un personnage historique. Il fut mêlé à plusieurs guerres féodales à la fin du xe siècle et au commencement du xie. Il mourut vers 1028 ; voy. Art. de vérif. les dates, II, 558, d’Arbois de Jubainville, Hist. des comtes de Champagne, I, 220, 237-8, 322.
- ↑ Vis satanaz, expression qui correspond au vif diable, si fréquent dans les anciens poëmes français.
- ↑ Il y a ici un souvenir de l’ancien Ruscino, qui aurait été détruit vers 858 par les Normands ou par les Sarrazins, selon D. Vaissète, I, 560 (voir la note de l’édition Privat, I, 1081). On ne trouve plus de trace de cette ancienne ville dans les documents historiques après 816, selon M. Alart, Société des Pyrénées orientales, XII, 109.
- ↑ Tres qu’en Auson Oxf. ; tro en Anco P. (v. 957) ; D. Manuel Milà y Fontanals, qui a étudié ces désignations géographiques d’après l’édition de M. Fr. Michel (ms. de Paris) dans ses Trovadores en España, p. 51 (Barcelonne, 1861, in-8o), conjecture qu’il s’agit de Tarragone (Terraco), mais, dans nos anciens poëmes, la forme de ce mot est toujours féminine, comme encore maintenant ; en outre, la leçon d’Oxf. exclut absolument cette explication. Serait-ce Vic d’Osona (Ausonensis vicus) ?
- ↑ Identification assez douteuse que j’emprunte à D. Manuel Milà (l. l.). Le texte porte Vergedaigne, dénomination qui revient encore au v. 1656, § 134.
- ↑ Purgele Oxf., Purgela P. (v. 959) ; même leçon au v. 1657. On ne peut donc songer à Urgel, qui se présente assez naturellement, ni à Puycerda, proposé par D. Manuel Milà.
- ↑ Rubicaire dans P., mais Ribecorce dans Oxf. ; c’est le comté de Ribagorza, sur les confins de l’Aragon et de la Catalogne.
- ↑ E d’Escalo P., Ascalon ne peut figurer ici, tout au plus Escalona en Espagne ; e l’Esclavon Oxf., n’est pas non plus très-satisfaisant.
- ↑ Besaude Oxf., Belsoude P. (v. 964). Est-ce Besalu ?
- ↑ Leçon de P., « du vin et de la boisson », Oxf.
- ↑ Jusqu’à Chalon, selon P. (v. 971).
- ↑ Rame est l’ancienne Rama, station des Alpes Cottiennes entre Embrun et Briançon, que mentionnent l’Itinéraire d’Antonin, l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (mutatio Ramae) et les vases Apollinaires ; voy. E. Desjardins, Géographie de la Gaule d’après la Table de Peutinger, 1869, p. 424-5. « Rame était située « dans une petite plaine à la droite de la Durance, entre la Roche et Chancella..... L’empereur Frédéric Ier donna aux comtes d’Albon, en 1152, une mine d’argent à Rame. Saint Pelade, natif et archevêque d’Embrun, y consacra, dès le vie siècle, une église sous le titre de saint Laurens martyr, où il déposa des reliques de ce grand saint. Rame faisait alors une paroisse ; mais les débordements de la Durance, qui emportèrent insensiblement le terroir de cette ville, obligèrent les habitants à aller se fixer ailleurs ; en 1444, le nombre de ceux qui y restaient était déjà si petit que le pape Eugène IV unit la paroisse de Rame à celle de la Roche ». [Albert] Histoire idéographique, naturelle, ecclésiastique et civile du diocèse d’Embrun, 1783, I, 163-4.
- ↑ Lohereine la tieriane ; est-ce par allusion aux Thierris qui furent
rois d’Austrasie ? ou simplement parce que le Thierri dont il est ici
question était, comme on le verra plus loin, duc de Lorraine ? Ce
Thierri est peut-être un souvenir du duc de la Haute-Lorraine du même nom qui lutta contre Lothaire lors du siège de Verdun (984)
et qui eut plus tard (1023) des démêlés avec Eudes Ier comte de Champagne.
Thierri d’Ardenne (peut-être le même que le Thierri d’Argone
de Rolant), est mentionné dans plusieurs chansons de geste
françaises, par exemple dans Renaut de Montauban, dans Gaidon,
dans Fierabras. Ce dernier poëme contient un passage qui doit être
cité ici, parce qu’il y est fait allusion à un récit plus ou moins légendaire
selon lequel Thierri aurait vécu dans la forêt d’Ardenne de
la vie des bannis. Il paraît probable que c’est à ce même récit que va
faire allusion Girart. Voici le passage de Fierabras. Dans une tour
assiégée par les Sarazins sont enfermés plusieurs Français :
S’i est li quens Berars qui mout nous a grevés
Et Tieris l’ardenois o le grenon mellé,
.I. viellart, .j. cenu de mout grant cruauté
Qui plus a de .m. hommes mordris et estranlés
En la forest d’Ardane ou il a conversé.
(v. 3702-6.)Je ne saurais déterminer le lieu « d’Ascane », ailleurs, pour la rime, « d’Ascanse » (v. 1141, 3646), d’où notre Thierri tire son surnom.
- ↑ Brane Oxf., Barbana P. (v. 998).
- ↑ Cormarana P. (v. 999).
- ↑ Le roi Louis, qui est mentionné plus loin, v. 5107, à l’occasion du même fait, et encore au v. 6617, cette fois comme actuellement vivant ; c’était donc, pour l’auteur de la chanson, non un ancêtre du roi Charles Martel, mais un contemporain de celui-ci.
- ↑ Ce mot, qui doit être conservé puisqu’il n’a pas de correspondant en français moderne, désigne probablement une cotte de maille algérienne, voy. Diez, Etym. Wœrt. I, ghiazzerino, Littré, jaseran. D’autres étymologies ont été proposées ; voy. Revue critique, 1868, II, 407.
- ↑ D’une boule de cristal, au sommet.
- ↑ Étoffe de soie.
- ↑ Clavel ; le clavel ou clavain désigne ordinairement une sorte de pèlerine de mailles qui s’attachait au haubert. Voy. ma traduction de la Chanson de la croisade albigeoise, p. 229, note 1.
- ↑ Armure qui protégeait le poitrail des chevaux ; voy. l’ouvrage précité, p. 212, note 4, et 324, note 3.
- ↑ Queütz P. (v.1032) qui n’est pas moins étrange que Teüs.
- ↑ A musec (v. 1033), c’est l’opus musivum ou mosaicum ; on disait musivo pingere, voy. Du Cange, IV, 588 c.
- ↑ Nom corrompue ? Le vers manque dans P.
- ↑ Au premier chant du coq, ainsi qu’on a vu au § précédent.
- ↑ Vêtement de dessus, sorte de tunique par dessus laquelle on revêtait la pelisse ou haubert.
- ↑ Diverses étoffes de soie. Voy Fr. Michel, Recherches sur les étoffes de soie, I, 234.
- ↑ Il est évident que cette route n’est pas la plus directe pour aller d’Avalon à Orléans.
- ↑ Appelé plus bas « Aimon ».
- ↑ De Montegat, P. (v. 1067).
- ↑ Ceux à qui il a concédé des fiefs. C’est un mot de l’ancien français qu’il vaut mieux conserver que remplacer par une périphrase.
- ↑ Belfadu Oxf. ; plus loin, dans le même ms. (§§ 106, 113), Baufadus, Baufadu, mais dans P. Belfadieus, Belfadieu (v. 1074, 1106, 1231).
- ↑ El borc l’abat Oxf. ; e la ciptat P. ; mais au v. 1109 les deux textes portent borc l’abat. On verra plus loin (§ 116) que Fouque possédait à Orléans un palais situé dans les dépendances d’une abbaye, le moûtier Saint-Éloi. Le juif Belfadieu en avait la garde (voir § 113). Le rôle que ce personnage joue dans ce poëme est digne de remarque. Il est présenté comme un homme important et considéré. On verra par la suite que les juifs d’Orléans étaient sous la sauvegarde de Fouque.
- ↑ Gaces P. (v. 1094), leçon peut-être préférable, cf. §§ 88-9.
- ↑ Faire un conrei, cf. p. 19, note 1.
- ↑ E tot Meuslic Oxf. (plutôt que Menslic que porte l’édition) ; le vers manque dans P.
- ↑ Montestic Oxf. ; le vers manque dans P.
- ↑ Sorric Oxf. ; Sortic P. (v. 1142.)
- ↑ Je ne sais qui peut être ce roi Louis dont il a déjà été question un peu plus haut (v. 1000) et auquel il est fait de nouveau allusion au v. 6617. On verra un peu plus loin Thierri racontant lui-même les faits dont il s’agit ici, dire qu’il a épousé la sœur de Charles, non de Louis.
- ↑ Ailleurs Ascane ; ici Ascance à cause de la rime.
- ↑ De Rion P. (v. 1146) ; d’Aunon Oxf. Le même que l’Isembert du § 36 ? Ici aussi il y a Isembert dans P.
- ↑ D’après P. (v. 1150) : « frère de Beton, père de Genenc. »
- ↑ Semble molt de belenc ; les deux mss. sont d’accord, il n’est donc pas légitime de corriger le texte, ce qu’a fait M. Hofmann, qui imprime d’edelenc, correction mauvaise à tous égards. Mais que veut dire belenc, qui ne peut avoir, comme dans la vie de Sainte Enimie, le sens de « rocher » ? (Diez, Etym. Wœrt. II, c. au mot benc.)
- ↑ Voy. p. 20, note 2.
- ↑ Pudenc Oxf., pradenc P. (v. 1159), chien pour la chasse en plaine (prat) ?
- ↑ Leos P. (v. 1160), ce qui paraît une correction arbitraire. Le broon, brohon, broion est fréquemment nommé dans nos anciens poëmes et désigne certainement un jeune ours. Dans Rolant, Charlemagne songe qu’il tient un brohon enchaîné, et voilà que des ours viennent le lui réclamer, disant : « Nostre parent devons estre a sucurs » (v. 2562) Il est donc légitime de rapprocher le broon d’un passage de Grégoire de Tours (Vitæ Patrum, ch. xii ; éd. Ruinart, p. 211) rappelé par Du Cange (s. v. bracco) où il est dit, à propos du nom propre Bracchio « quod [nomen] in eorum lingua interpretatur ursi catulus. » Le contexte montre que « eorum lingua » désigne ici la langue des Arvernes. Ce nom serait donc d’origine celtique. On trouvera dans la Zeitschrift f. romanische Philologie, II, 172-3, de nombreux exemples du mot broon. Sainte-Palaye, ayant en vue ce passage de Gir. de Rouss., a supposé (Mém. sur l’anc. chevalerie, éd. Nodier, II, 251) que les animaux sauvages que Charles emmenait avec lui faisaient partie de son équipage de chasse : il est plus probable qu’ils étaient destinés à l’amusement du roi et de sa cour.
- ↑ Je traduis d’après P. mai hui sirvenc (v. 1164) ; le sens de mestiz sebenc Oxf. m’échappe. Ces derniers mots font allusion à la trahison de Richier de Sordane ; voir plus haut, §§ 59-61.
- ↑ Je traduis d’après Oxf. : Que vos ja me metez en escabau, vers où, si je comprends bien, se trouve la même figure que dans ce verset : Donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum (Act. ii, 35) ; la leçon de P. (v. 1188) est moins nette : Que ja vos mi metatz ab lui cabau ; ce qui semble vouloir dire : « Que vous me mettiez chef (cabau captal) avec lui », c’est-à-dire « de pair avec lui », ou encore, en rapportant cabau à lui, « avec lui pour chef », c’est-à-dire au-dessous de lui.
- ↑ Voir ci dessus, § 101.
- ↑ Voltiz, construit à voûte, sur arcades.
- ↑ Ou, d’après Oxf., « me voici monté à cheval ».
- ↑ Sic Oxf. ; P. (v. 1229) Sanh Litz.
- ↑ Nom fabriqué ou déformé en vue de la rime.
- ↑ Sic dans les deux mss.
- ↑ Blaus, couleur qu’il n’est pas aisé de déterminer.
- ↑ Ce personnage qui reparaîtra au v. 1791, est certainement Herluinus,
comte de Ponthieu, sur lequel on peut voir Art de vér. les dates,
II, 751, Louandre, Histoire d’Abbeville et du Ponthieu, I, 93, 102.
C’est de lui qu’il est question dans ce vers de Raoul de Cambrai (éd.
Le Glay, p. 146) :
En Pontiu va Heluïs au vis fier.
- ↑ Wissant (Guitsanc Oxf, Lauzans P.), est un village situé près du
Cap Gris-Nez, entre Boulogne et Calais, qu’on a cherché à identifier
avec le Portus Itius de César, opinion maintenant abandonnée (voy.
E. Desjardins, Géographie de la Gaule romaine, I, 348-57). Du Cange,
partisan de cette identification, a du moins prouvé que, du vie siècle
jusqu’à l’occupation de Calais par les Anglais, Wissant fut un lieu
d’embarquement fréquent pour ceux qui du nord de la France voulaient
se rendre en Angleterre ; voy. sa xxviiie dissertation sur l’histoire
de saint Louis. Wissant était employé proverbialement pour désigner
l’une des extrémités de la France, s’il faut, comme il est probable,
reconnaître ce lieu dans le Huiscent de Gui de Bourgogne
(p. 3) :
Des Huiscent sor la mer de ci que a Saint Gile.
- ↑ On a vu cependant au § 6 que le Brabant avait été octroyé à Girart par Charles.
- ↑ Bas-allemand.
- ↑ Sic Oxf. et P. Je ne sais ce que c’est.
- ↑ Voy. p. 40, note 1.
- ↑ Caseneuve, qui a eu entre les mains un ms. de Gir. de Rouss., celui qui appartient maintenant à la Bibliothèque nationale, a remarqué sur ce passage, dans ses notes sur le Dict. étym. de Ménage, 1724, I, 194, au mot bigot, qu’ici Bigot est un nom de peuple ; il l’entend « des peuples du Bas-Languedoc qui étoient anciennement appelés Gots et Wisigots, de sorte qu’il y a apparence que bigot est un nom formé par contraction de Wisigots, et qu’il a été depuis appliqué aux hypocrites : d’autant que les Wisigots étant hérétiques arriens, n’étoient religieux qu’en apparence. Quoi qu’il en soit, le dernier vers de ce roman [il s’agit du v. 1896 du ms. de Paris : Bigot e Proensal vengon essems] témoignent que c’étoient deux peuples voisins, » M. Fr. Michel accepte cette étymologie et voit encore les Goths dans le nom de cagot (ca goth, chien goth). Hist. des Races maudites, I, 355-60. M. Littré (Dict., au mot bigot) paraît disposé à l’accepter. Il y a cependant deux difficultés phonétiques : le changement de w en b et la perte de l’s. Mais, de toute façon, il faut reconnaître avec Caseneuve que Bigot désigne ici un peuple de la Gaule méridionale, et il ne paraît pas douteux qu’il convient d’attribuer le même sens au même mot dans le passage bien connu de Wace (cité notamment par du Cange, s. vo bigothi) où on voit les Français donner aux Normands, avec une intention injurieuse, le surnom de bigots (éd. Pluquet, II, 71) ; l’explication de ce surnom par by God, n’a aucune valeur, quoique Diez (Etym. Wœrt. II c) semble l’accepter.
- ↑ Les gens de pied, les sergents.
- ↑ D’après P. (v. 1287). Sept cent mille, Oxf., me paraît une exagération de copiste.
- ↑ Ellui buschatz Oxf., e esbuschatz P. (v. 1299).
- ↑ Pour se laver les mains, avant le repas.
- ↑ L’église cathédrale d’Orléans, fondée au ive siècle par saint Euverte ; voy. Le Maire, Histoire de l’Église et Diocèse d’Orléans, 1648, in-fol., p. 28. On a vu plus haut, § 94, le roi Charles, séjournant à Orléans, jurer par la sainte croix.
- ↑ Un banc de pierre ; perron désigne, au moyen âge, toute construction massive en pierre
- ↑ Accord non conclu, mais seulement projeté.
- ↑ Qu’el a demen Oxf., que a de men P. (v. 1340), « qu’il a (qu’il tient) de moi », conviendrait au sens, mais men pour me est bien douteux.
- ↑ D’après Oxf. ; marc est pris au sens du bas-latin marcata,
une terre produisant un marc de revenu. P. mas, c’est-à-dire mansus.
- ↑ Montargeich, à cause de la rime.
- ↑ Voir, pour ce mot, la note 1 de la page 19. On voit par ce qui suit que le conroi, dans ce passage ci, désigne particulièrement la nourriture due à Charles et à sa suite.
- ↑ Garane e Casteleon e Montaleich Oxf., Quarena e Castelo e Montaleh P. (v. 1371). Il est probable que Casteleon ou Castelo est Châtillon-sur-Seine, mais je ne saurais déterminer les deux autres noms. La finale eich du ms. d’Oxford, eh du ms. de Paris, répond au français oi ; c’est pourquoi j’ai traduit Montalois. Peut-être est-ce une corruption du Mont-Laçois, lieu sur lequel voy. p. 27, note 4.
- ↑ C’est-à-dire : je le prouverai par le duel
- ↑ Il s’engage, s’il est vaincu, à subir les conséquences de sa défaite, et repousse d’avance toute idée de composition.
- ↑ D’autres témoignages constatent l’usage de présenter plié l’objet qui constituait le gage, notamment le gant, ainsi dans Rolant, v. 2677 : « Si l’en dunez cest guant ad or pleiet », c. a d. donnez lui plié ce gant orné d’or. Voy. encore Du Cange, plicare vadia, V, 309, et vadium plicare, VI, 719 a, Bulletin de la Société de l’Histoire de Paris, III (1876), 129-30, Raoul de Cambrai, p. 212, v. 4.
- ↑ Voy. ci-dessus §§ 17, 24.
- ↑ Recréant est celui qui rétracte ses paroles, qui s’avoue vaincu.
- ↑ Sirvent, on appelait ainsi les soudoyers de classe inférieure, ceux qui servaient à pied.
- ↑ On sait combien est fréquente, dans l’ancienne poésie française, la qualification de gascon appliquée aux chevaux ; voy. les exemples réunis par M. F. Michel, Hist. de la guerre de Navarre, p. 507, note 3.
- ↑ Le même qu’on a vu paraître aux §§ 59 73, 76.
- ↑ P. (v. 1432) « neveu d’Eutais ».
- ↑ Mot à mot « un renard (vulpis). Traiter quelqu’un de gourpil, c’était lui faire la plus grave injure. Voy. Du Cange au mot vulpecula.
- ↑ La même pensée faisait dire à Peire Vidal : « C’est mal aux quatre rois d’Espagne de ne vouloir pas avoir paix entre eux... Si seulement ils voulaient tourner leur guerre contre la gent qui n’a pas notre croyance, jusqu’à tant que l’Espagne fût toute entière d’une même foi ! » (Plus quel paubres.)
- ↑ Je n’ai pas réussi à trouver de texte purement historique sur ce Vaubeton où est assigné rendez-vous pour la bataille entre Charles et Girart. Ce n’était sans doute pas un lieu imaginaire : on a vu plus haut ce nom de lieu employé comme surnom (Tibert de Vaubeton, § 36). D’après la légende latine Vaubeton aurait été situé entre Vezelai et Pierre-Perthuis (arr. d’Avallon) : « Rex.... denunciat ei (Girardo) bellum cum omni sua virtute, in valle videlicet Betun, que sita est inter monten Verzeliacum et castrum quod Petra Pertosa nuncupatur » (§ 137, Romania, VII, 202).
- ↑ La détermination géographique de ce cours d’eau dépend naturellement de la détermination de Vaubeton. Si au sujet de ce lieu on admet les données de la légende latine citée à la note précédente, le seul cours d’eau auquel on puisse penser est la Cure, petite rivière qui passe à Pierre-Perthuis et se jette dans l’Yonne un peu avant Auxerre. Cette identification a été faite par l’auteur de la légende latine, qui prétend qu’à cause de la douleur de cœur (dolore cordis) éprouvée par les amis de ceux qui périrent dans la bataille, la rivière appelée jusque-là Arsis, prit le nom de Core. Cette bizarre étymologie mise de côté, le fait même du changement de nom n’est peut-être pas en lui-même inadmissible, bien que je ne voie aucune raison de le supposer.
- ↑ Cf. Ogier, v. 8754-7 :
Ains passerai outre la mer a nage,
Au Saint Sepulcre ferai pelerinage,
Que vostre bon de tot en tot ne fache.On a une infinité de témoignages qui constatent ce genre d’engagement ; voy. Raoul de Cambrai, p. 65 (Outre la mer les en ferai nagier), Renaut de Montauban, éd. Michelant, p, 235-6, 288, etc. On sait que l’exil outre-mer, c’est-à-dire en Terre-Sainte, était l’une des pénitences imposées par l’Église dans les cas graves ; voy. L. Lalanne, Des Pèlerinages en Terre-Sainte avant les Croisades (Bibl. de l’École des Chartes, 2, II, 12-4).
- ↑ Voy. § 123.
- ↑ Comparaison courante ; ainsi Peire Vital (Dogoman senher) :
C’aqui mezeis cant home lor me mentau,
Mi temon plus que caillas esparvier.Et Bertran de Born (Mieg sirventes) :
Anz vol guerra mais que qualha esparviers.
- ↑ Payer en espèces monayées quand on pouvait payer en nature, c’était, pour le xe siècle surtout, la marque d’une richesse exceptionnelle. Ce passage est inintelligible dans P. où les vers 1509 et 1512 sont corrompus.
- ↑ P. Chasiers (v. 1524).
- ↑ Perron est au moyen âge un terme assez vague qui désigne toute construction massive en pierre.