Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques/Chapitre 2 - §5

§V. — Tracé de l’aqueduc du Gier.

Aperçu général. — Cet aqueduc, le dernier en date, est tout ensemble le plus étendu, le plus en vue et le plus parfait. Il dénote encore plus que les autres une forte unité de conception et de direction. Les procédés de construction s’y montrent exactement les mêmes d’un bout à l’autre, la pente en est sensiblement régulière ; ses ouvrages d’art apparents sont, sinon plus hardis ou plus ingénieux, du moins à la fois plus solidement et plus élégamment établis ; en outre, ils sont incomparablement plus nombreux. Sans égaler à beaucoup près, par la majesté de ses ruines, les grands aqueducs de Rome, celui-ci atteste d’une manière peut-être encore plus frappante un savoir et une expérience de l’art hydraulique que ne désavoueraient pas les plus habiles de nos ingénieurs modernes. Connu pour toutes ces raisons bien mieux que les trois précédents, il était donc aussi plus facile à suivre sur toute l’étendue de son parcours. Néanmoins, bien des détails importants restaient encore à rectifier ou à préciser, comme on le verra, et cela seul valait qu’on en reprît entièrement l’étude. La prétendue branche du Furens. — « C’est au pied de Pila (Pilat), dit Delorme dans son mémoire de 1760, que les Romains recueillirent les eaux des rivières et du ruisseau qui descendaient à l’Occident de cette haute montagne pour les conduire à Fourvière. La rivière de Furand[1] coule vers le Midi jusqu’à Saint-Étienne, d’où elle va à l’Occident se perdre dans la Loire. Le ruisseau de Janon a sa direction vers l’Occident, et vient déboucher au-dessous de Rochetaillée, dans le lieu appelé la crase de Janon[2], et va au Nord se jeter dans le Gier à Saint-Chaumond (Saint-Chamond). La direction du Gier en descendant de la montagne tend au septentrion et passe à Saint-Chaumond, après avoir reçu Janon et Langonan, d’où elle porte ses eaux à l’Orient dans le Rhône. Le cours de Furand est plus long pour parvenir au bas de la montagne que n’est celui du Gier, et ses eaux en sont aussi beaucoup plus abondantes après la réunion d’un ruisseau qu’il reçoit au-dessus de Saint-Étienne, de même que le Gier en fournit plus que le Janon.

« Il est certain que les eaux de Janon, de même que celles de Gier furent conduites à Fourvière, et il est très probable que les eaux de Furand eurent la même destination[3] . »

L’auteur atténue un peu l’affirmation qui concerne le Furens : il faut la réduire à néant, car il est plus qu’improbable que les eaux du Furens aient jamais été conduites du bassin de la Loire dans celui du Rhône pour alimenter la ville de Lyon. L’hypothèse pouvait être émise au temps de Delorme, lequel avoue d’ailleurs n’avoir jamais fait que des recherches infructueuses pour établir son authenticité. Mais, pendant tout le cours du xixe siècle, le sol et le sous-sol entre Saint-Étienne et Terrenoire, c’est-à-dire dans la région où aurait pu passer cette branche d’aqueduc, ont été tellement fouillés et remués dans tous les sens par l’exploitation des mines, que si elle eût été réelle on l’aurait inévitablement découverte et signalée. Delorme, il est vrai, amorce un peu plus loin une autre hypothèse : « Il faut croire, dit-il, que mieux instruits ils faisaient passer plus commodément les eaux de Furand dans le ruisseau de Janon, au village de Rochetaillée qui est sur la montagne à une lieue en deçà de Saint-Étienne, où l’une et l’autre rivière coulent dans de profonds vallons, mais dont les grandes pentes peuvent fournir les moyens de prendre et d’élever les eaux dans un vallon pour les faire passer dans l’autre[4]. » Ce serait possible, en effet, mais cela n’est pas. Toutes les sources supérieures du Furens jusqu’à Rochetaillée ont été reconnues, captées en partie pour l’adduction d’eau à la ville de Saint-Étienne, et nulle part on n’a vu trace de captages ou de dérivations antiques dans cette haute vallée[5]. Mais cette conjecture vague de Delorme a suffi à quelques Stéphanois férus d’archéologie pour croire à une communication souterraine établie par les Romains entre la vallée du Janon et celle du Furens ; ils prétendent même qu’on apercevait encore, il y a une cinquantaine d’années, en remontant cette dernière vallée, au-dessous du village de Rochetaillée, l’ouverture du tunnel par où cette communication se serait opérée. Mais j’ai cherché inutilement à en découvrir quelque trace. C’est là une de ces légendes[6] contre lesquelles il faut prudemment se tenir en garde.

Au surplus, rien ne prouve mieux, ici encore, les fructueux travaux de Delorme et sa sagacité dans la seconde période de ses recherches que l’examen de la carte d’Artaud (Pl. I), seul résultat malheureusement qui subsiste de celles-ci Il n’a représenté aucune conduite unissant les eaux du Furens à celles du Gier, tandis qu’il n’a pas hésité à tracer cette branche d’aqueduc du Janon qu’il avouait, en 1760, n’avoir pas plus retrouvée que celle du Furens. Branche accessoire de Janon. — Cette branche de Janon existe fort bien, en effet. Tout dernièrement, au cours de l’été de 1906, le canal fut mis à jour non loin de Quatre-Aigues, tout près du ruisseau sur sa rive gauche, à une profondeur de 2m,50 au-dessous du sol. L’eau y coulait en assez grande abondance, si bien qu’on examina le projet, non encore mis à exécution, d’utiliser cette eau et cette conduite pour l’alimentation de la ville de Terrenoire. Les faibles dimensions du canal (0,30 sur 0,40 environ) ne justifieraient guère l’hypothèse mentionnée ci-dessus de la communication avec le Furens, dont le débit, plus considérable que celui du Gier, aurait nécessité tout de suite une large et haute section pour l’aqueduc.

On prétend, d’après d’anciens plans, qu’un peu plus haut existait encore, au xviie siècle, un bassin d’origine antique, qui aurait été le point de départ de l’aqueduc. Mais ce réservoir lui-même devait être rempli, en partie par un bief de dérivation installé en amont, sur le cours du ruisseau de Janon, à Quatre-Aigues, en partie par des conduits étroits, sortes de drains qu’on a découverts en plusieurs endroits, et qui devaient recueillir en une veine commune les eaux fraîches et pures amassées par les versants de ce fond de vallée. De cette façon, l’aqueduc ne tarissait pas.

La carte d’Artaud, qui place fort exactement l’origine de ce canal de Janon, porte inscrite plus loin une erreur, qui consiste à lui faire suivre sur toute sa longueur la rive gauche du ruisseau. Il partait en effet de la rive gauche, mais très peu au-dessous de l’endroit où on l’a découvert, il passait sur la rive droite ; dès lors il ne la quitte plus. Au hameau de Janon, à un kilomètre en amont de Terrenoire, plusieurs fontaines doivent à son voisinage un bon débit et une eau excellente. Après Janon, il fait comme le ruisseau lui-même un angle droit pour se diriger vers le Nord-Est et se développe sur les flancs de sa vallée à un niveau un peu plus élevé que la ligne du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon. Je crois pouvoir dire, d’après les reconnaissances qui en ont été faites[7], qu’il ne franchissait pas cette ligne, et qu’au lieu de déboucher, comme quelques-uns le pensent, dans la conduite principale immédiatement en amont ou en aval du pont de La Petite-Variselle, dont il sera parlé tout à l’heure, il la rejoignait entre La Martinière et Izieux, à peu de distance du grand bassin d’origine.

Prise d’eau et bassin de départ. — C’est à La Martinière, en effet, que M. Paul de Gasparin, l’auteur du Mémoire que j’ai déjà signalé et qui fut couronné en 1855 par l’Académie de Lyon[8], place après Delorme et Flacheron la naissance de la branche principale de l’aqueduc, la seule d’ailleurs dont il s’occupe et qu’il veuille reconnaître. La Martinière est un petit hameau, situé à un kilomètre en amont du village d’Izieux, tout au bord du Gier. Là commence, en effet, l’aqueduc proprement dit, mais la prise d’eau sur la rivière était en réalité à quatre ou cinq cents mètres plus haut, à l’endroit appelé L’Haya (fig. 17, hors texte), où le cours du Gier s’engage dans un couloir étroit. Bien que le barrage de prise d’eau, tel qu’il était alors, n’existe plus, son emplacement est parfaitement indiqué[9]. À la suite, s’ouvrait, sur la rive gauche, le bief, dont il restait encore des traces, dit-on, il y a une vingtaine d’années. C’était une tranchée assez large et non couverte que les nouvelles constructions d’une usine ont fait disparaître. Il aboutissait à un bassin situé immédiatement en aval de cette usine, et de l’autre côté de la route de Saint-Chamond à La Valla, qui la côtoie. On est ici à l’entrée, de La Martinière, au point appelé autrefois Le Moulin-Neuf. Une cuvette, de forme à peu près circulaire, marque nettement et limite l’emplacement de ce bassin, qui est exactement à la cote d’altitude 405,25. Un bord de cette cuvette a été utilisé en 1865 pour l’installation du réservoir qui distribue les eaux à la ville de Saint-Chamond. Ce sont les mêmes eaux que recueillaient les Romains, mais prises à une lieue en amont, au barrage-réservoir de La Rive. La capacité du réservoir moderne de La Martinière est de 2.200 mètres cubes. Celle du réservoir antique, étant donné qu’il devait avoir à peu près cinquante mètres de rayon, et, d’après Gasparin, cinq à six mètres de hauteur, pouvait contenir 45.000 mètres cubes environ. Il servait de régulateur et en même temps de piscine d’épuration.

De La Martinière au Langonan. Réunion des branches accessoires. — On ne voit plus l’orifice d’entrée du canal à la suite du bassin ; Delorme paraît avoir vu remplacement de la vanne à coulisses qui commandait cette entrée. Quoi qu’il en soit, à fort peu de distance de là, on peut commencer à suivre la direction de l’aqueduc, grâce à un certain nombre de tranchées qui l’ont découvert, et en se guidant sur le niveau sensiblement constant auquel il se maintenait. Il passe dans le grand pré Escoffier, où un bourrelet de terrain bordé d’une traînée humide le décèle suffisamment. C’est dans ces alentours que je supposerais de préférence et jusqu’à plus ample informé la jonction avec l’aqueduc afférent de Janon. Dans le chemin de La Martinière à La Variselle, au-dessus du pré ci-dessus indiqué, au lieu dit Arbos, sous des marches d’escalier qui donnent accès à une ruelle montante, se voient les restes d’une conduite voûtée. D’après des informations que j’ai recueillies dans la localité, ce serait là le prolongement d’un canal qui aurait recueilli autrefois les eaux du Rechorey, ruisseau descendant des hauteurs de Font-Choreyre. Mais comme c’est précisément au-dessous de ces mêmes hauteurs que l’on a reconnu l’aqueduc venant de Janon, l’identité pourrait bien exister entre les deux. Il est entendu que je ne présente ceci qu’à titre d’hypothèse, me réservant, s’il y a lieu, de l’approfondir plus tard.

Mais ce qui apparaît comme certain dans tous les cas, c’est que dans cette région supérieure de l’aqueduc, le captage des eaux ne se bornait pas, comme le croyait M. de Gasparin, à la prise principale sur le Gier ; il s’étendait aux cours d’eau accessoires, tributaires directs ou indirects de cette rivière, et en premier lieu, au Janon[10].

Après le pré Escoffier, l’aqueduc traverse le chemin désigné plus haut, puis il passe sous l’ancien cimetière d’Izieux qu’il traverse en diagonale ; on l’y aperçoit au fond d’une excavation pratiquée au pied du mur est, à l’endroit où il y pénètre. À quelques centaines de mètres plus loin, il a été coupé par la tranchée du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, entre le passage à niveau d’Izieux et le pont qui se trouve un peu en amont, exactement à 53 mètres de ce dernier. Lui-même est, à cet endroit, non pas en tranchée couverte, mais en souterrain proprement dit, à une douzaine de mètres au-dessous du sol. Laissant le village d’Izieux à droite, il débouche de cette percée, à peu près à cent mètres au delà du chemin de fer, dans la vallée du Janon. Les retournements du sol, pour la culture, l’ont très souvent découvert dans ces endroits, et l’on se dirige sans se tromper en suivant le niveau, jusqu’au point où devait se trouver la culée du pont sur lequel la conduite franchissait le cours d’eau, au hameau de La Petite Variselle.

Ce hameau, situé en grande partie sur la rive gauche du Janon, à deux kilomètres avant Saint-Chamond, est traversé par la route nationale de Saint-Etienne à Lyon. Le pont-aqueduc, qui d’après l’inspection du terrain devait avoir environ cent cinquante mètres de long, n’a laissé de vestiges qu’à son extrémité nord, au delà de la route. On y voit encore, en un alignement perpendiculaire à la direction de cette route, les tronçons de cinq piles, émergeant à peine du sol, assez saillants néanmoins pour que l’on puisse distinguer le parement réticulé et la masse intérieure en maçonnerie de blocage. La distance de ces piles est d’environ quatre mètres d’une face à la face opposée de la pile suivante, et leur section, carrée, est épaisse de 1m, 50. Delorme, sur la carte d’Artaud (Pl. I), fait aboutir la branche de Janon tout près de l’extrémité nord de ce pont, c’est-à-dire après la culée de rive gauche. Il est certain qu’une ramification afférente se soudait ici à l’aqueduc, car un vestige en existait encore en 1851, à quelques mètres avant le point de jonction, cela d’après le témoignage irrécusable de M. Bresson, l’architecte lyonnais[11], qui en fait dans ses notes une mention explicite. C’est probablement ce vestige qui a déterminé le tracé adopté par Delorme, comme on a vu plus haut, pour la branche de Janon. J’ai dit mon opinion au sujet de celle-ci : et, par conséquent, je crois qu’il s’agirait ici d’une autre branche, issue des collines de Saint-Jean-Bonnefonds[12], que l’on retrouvera quelque jour peut-être, qu’on aurait même déjà retrouvée, s’il fallait se fier aux vagues affirmations de certains habitants du pays.

Toujours est-il qu’aussitôt après le pont, et une fois la jonction faite, puisque jonction il y avait, l’aqueduc, comme il est naturel quand deux versants de vallée sont reliés par un pont, se remettait en tranchée dans une direction à peu près perpendiculaire à celui-ci, et dans le sens opposé à celui qu’il suivait auparavant. Il se rapproche donc de Saint-Chamond, mais non pas encore définitivement, car il va, par un assez long contour, s’engager dans la profonde vallée du Langonan, affluent du Janon recueilli par ce dernier à Saint-Chamond même, tout près de son embouchure dans le Gier. Il semble que le contour ait été abrégé par quelques passages en souterrain, notamment au-dessus du vaste enclos de L’Ollagnière.

C’est ici, au Langonan, que nous allons rencontrer la première ruine un peu considérable. C’est le reste d’un pont de neuf arcades, dont cinq piles sont encore debout en partie, avec les naissances des voûtes qui s’y appuyaient. On les trouvera représentées (fig. 18, hors texte), d’après le dessin de M. Bresson, fait il y a une quarantaine d’années : l’état que ce dessin représente diffère peu de l’état actuel. Ces piles, dont une sur la rive droite et quatre sur la rive gauche, présentent cette particularité que leur construction n’est pas uniforme ; leur base est en maçonnerie réticulée, et sur une faible hauteur, tandis que le reste est en pierres plates de dix à douze centimètres d’épaisseur, disposées horizontalement, ce qui laisse à supposer que le pont primitif, une première fois détruit, a été refait, avec, un moindre luxe d’appareillage. Ces piles sont espacées inégalement, l’arcade la plus large étant établie au-dessus du lit du ruisseau ; son ouverture est de 6m,50 ; les

AQUEDUC DU GIER

Fig. 17. — Prise d’eau de l’aqueduc du Gier, et bassin de départ à la Martinière.
Fig. 18. — Pont-aqueduc de Langonan.
ouvertures des arcades suivantes vont en décroissant : 5 mètres, 4m,75 et 3m,15.

On ne voit pas figurer sur la carte d’Artaud le canal afférent, qui, d’après le texte de Delorme de 1760 (p. 20), amenait au voisinage de ce pont-aqueduc les eaux du ruisseau de Langonan, détournées partiellement en amont. Il existait cependant encore, il n’y a pas longtemps, au voisinage de Sorbier, petit village en tête de la vallée, un reste de souterrain appelé par les gens du pays La Sarrasinière, conformément à l’usage que nous connaissons bien; il ne pouvait que faire partie de cette branche afférente[13], que faute d’avoir pu moi-même reconnaître, je me contente d’indiquer sur le plan, par une ligne jaune, comme toutes les conduites d’authenticité douteuse ou de parcours incertain.

Du Langonan au premier siphon (dit de Saint-Genis ou de Chagnon). — A la suite du pont sur Le Langonan, l’aqueduc fait un nouveau contour saillant, pour passer dans une autre vallée, celle du ruisseau d’Archelet, affluent du ruisseau précédent; il le traversait sur un pont qui devait avoir cinq arches et vingt-six mètres de longueur. Il n’en reste plus qu’une pile, en maçonnerie réticulée. Ce fragment a 4m,80 de hauteur. Le tablier, d’après le niveau suivi, devait s’élever à douze mètres environ au-dessus du thalweg.

Descendant cette vallée, le canal arrive dans le haut de Saint- Chamond, passe en souterrain sous l’emplacement du vieux château, au quartier de Saint-Ennemond; puis, parvenu sur la commune de Saint-Julien, il rencontre un ruisseau, entre les hameaux du Ban et de Colombier ; il le traversait sur un pont, aujourd’hui complètement détruit. D’autres arcades, détruites aussi, lui faisaient franchir un vallonnement au-dessus de Colombier, et un autre ruisseau entre ce dernier hameau et La Grange-Peyrard. Sur la limite des communes de Saint-Julien et de Cellieu, coule le ruisseau des Arcs, que l’aqueduc, après avoir contourné la colline du Fay, franchissait sur un pont vraisemblablement de cinq arches et d’une longueur de trente-six mètres entre les culées. Il ne reste plus que la fondation de la seconde pile et la culée d’aval. La position de la première pile est indiquée par un nivellement des roches sur lesquelles elle reposait.

Suivent trois autres ponts-aqueducs, dont les restes sont encore bien plus endommagés ; l’un sur le ruisseau qui coule entre les hameaux de Saligneux et de La Vousserandière, ne présente plus qu’une trace de la culée d’amont ; l’autre ne se signale que par un quartier de maçonnerie de blocage, déplacé et entraîné par le cours d’eau à quelques mètres. Du troisième, situé sur le ruisseau de Collenon, au-dessus de Cellieu, reste un fragment de la culée d’amont détruit à fleur de terre. Ce pont devait être très élevé.

Ici commence une fraction du parcours incomplètement connue de la plupart de ceux qui ont décrit l’aqueduc, retracée par d’autres de façon plus ou moins erronée, et en somme intéressante par diverses particularités des plus originales.


Réservoir de chasse du siphon de Saint-Genis. — C’est d’abord la rencontre du premier passage en siphon que présente la ligne, où l’on en compte quatre. Le réservoir de chasse se trouve sur la commune de Chagnon, un peu au-dessous de l’ancien chemin qui mène de Rive-de-Gier à ce village, sur le flanc droit de la profonde vallée de la Durèze[14], à près de cent mètres au-dessus du thalweg. Sur la montagne en face est le village de Saint-Genis, dit Saint-Genis-Terrenoire, un peu au-dessous duquel se trouvait le réservoir de fuite. Entre ces deux emplacements, au fond de la vallée, apparaissent les vestiges du pont qui supportait la conduite sous pression. C’était un pont de quinze arches, d’une hauteur maxima de vingt mètres environ. Large de 7m,65, il avait 136 mètres de longueur entre les culées. On y reconnaît encore la culée d’amont, la première et la deuxième pile tronquées, des débris de la quatrième, les fondations de la onzième, la treizième et la quatorzième presque entières, et, enfin, la culée d’aval. Les piles debout ont conservé, en partie, leur parement réticulé et les lignes horizontales de briques qui les divisent en plusieurs zones.

Fig. 19. — Réservoir de chasse du siphon de Saint-Genis.
Un chapitre spécial devant être réservé à l’étude des siphons, je ne parlerai que sommairement ici de la disposition de cette conduite forcée. La hauteur de flèche, c’est-à-dire la différence de niveau entre la sole ou le radier du réservoir de chasse et le tablier du pont sur lequel passaient les tuyaux, était d’environ 82 mètres. Le réservoir de chasse (fig. 19 et 20), massif oblong, revêtu de l’appareil réticulé, et planté sur la déclivité rapide où s’accrochent à présent quelques ceps de vignes, présente naturellement, du côté du thalweg, une face plus haute que du côté opposé ; cette face aval est suivie d’un plan incliné à pente rapide de 3 à 4 mètres seulement de longueur, assez endommagé, établi non sur un ou plusieurs arcs, mais sur un bloc compact de maçonnerie.
Fig. 20. — Réservoir de chasse de Saint-Genis (coupe horizontale au niveau des orifices).
Les tuyaux, à leur départ, descendaient sur ce plan incliné avant de s’enfoncer dans la terre, où ils cheminaient, sans doute à une faible profondeur, jusqu’au passage du pont; après quoi, ils remontaient de la même manière jusqu’au rampant du réservoir de fuite, symétrique du premier, mais construit à quelques mètres plus bas.

L’intérieur du réservoir (fig. 20) consiste en une chambre de 6m,45 de long sur 2m,25 de large, revêtue de ciment jusqu’à une hauteur de 1m,25 au-dessus de la sole, laquelle est constituée, comme les autres radiers d’aqueducs, d’une légère couche de ciment surmontant une épaisseur de béton plus forte ; cette épaisseur est ici de 0m,15. Le ciment qui revêt les parois est épais de 0m,035. La chambre est recouverte d’une voûte, dont la naissance est à 1m,56 du radier et qui est interrompue dans le milieu de la longueur sur 1m,60 pour donner passage à l’arcade d’entrée du canal. Cet intervalle était probablement recouvert d’une voûte surbaissée qui se raccordait avec la première à l’arête du sommet[15]. Dans la paroi longue opposée à l’entrée de l’aqueduc, on distingue de l’extérieur sept trous, et vers le milieu la place, bien marquée de trois autres, entamés par une brèche qui s’est ouverte dans la hauteur de la muraille. Ce sont les trous où étaient scellés les tuyaux de plomb abducteurs de l’eau du réservoir. Ils ont un diamètre de 0m,22 et sont distants d’axe en axe de 0m,60. Le centre de chacun des trous est à 0m,35 au-dessus du radier. L’un[16] de ces trous est bouché par de la maçonnerie, qui laisse encore subsister l’orifice extérieur, tandis que la place de l’orifice intérieur est. recouverte par la couche uniforme de ciment qui revêt la paroi en laissant, libre l’ouverture des autres trous. Ce trou bouché est celui de l’extrémité droite en regardant vers l’aval ; il a évidemment été bouché après coup, pour une raison que nous serons amenés à découvrir.

La sole du réservoir n’est conservée que dans la partie ouest (moitié de gauche). À l’est (ou à droite), la substruction d’épais blocage a été entamée jusqu’aux fondations, soit sur une profondeur de près de deux mètres, et la muraille latérale de ce côté est largement entaillée du fondement jusqu’au faite. La muraille opposée, celle de l’ouest, est ouverte aussi, mais sur une bien moindre largeur et sur une faible hauteur ; on y devine encore, par l’aspect des bords de l’entaille, une ouverture qui existait dans le monument intact, orifice de trop-plein probablement.

Le contour supplémentaire de Chagnon. — Delorme n’a pas dit un mot du réservoir ni du siphon dans ses Recherches ; il déclare simplement que « l’aqueduc, après le vallon du Fay, entre assez avant dans celui de Chaignon (Chagnon) pour le traverser sans pont au delà du village, sous les eaux du ruisseau de ce vallon qui coulent par dessus. C’est dans ce lieu, ajoute-t-il, qu’une branche d’aqueduc y introduit les eaux d’un ruisseau de la plaine qui est à l’occident ; ce n’est peut-être pas la seule branche qui soit ainsi entée sur la principale tige d’aqueduc ». Il est bien extraordinaire qu’il n’ait vu alors ni le réservoir, pourtant assez apparent, ni les vestiges du pont-siphon. Cet oubli a été ensuite réparé, puisque sur la carte d’Artaud (Pl. I) tout ce qui concerne le siphon est parfaitement marqué. Malheureusement, il a été remplacé par une autre erreur, qui a consisté à ne plus rattacher au canal d’amont le circuit dans la vallée. Ce circuit dessine une longue boucle sinueuse qui s’enfonce dans la haute vallée de la Durèze, puis dans celle du Feuillet, ruisseau affluent, et, enfin, non moins profondément dans celle du Trévin (V. les tracés Pl. 1 et II). C’est à ce dernier contour qu’est marquée sur la carte d’Artaud la petite branche accessoire dont parlait Delorme dans le passage cité.

J’ai parfaitement reconnu ce circuit, qui dessine bien toutes les sinuosités figurées sur la carte, et j’en ai relevé une quinzaine de points, tant sur les rives de la Durèze que sur celles du Feuillet et du Trévin. On trouve des bandes du radier subsistant, ici au milieu d’un chemin, là au bord d’un champ ; ailleurs, c’est la voûte qui fait saillie en laissant ouverte une cavité. On peut à certains endroits pénétrer dans le canal ; c’est même sur cette fraction du parcours que se trouve le passage le mieux conservé de toute la conduite depuis l’origine jusqu’à Lyon ; c’est un passage en souterrain, en face du village de Chagnon, et sur la rive gauche de la Durèze ; je l’ai suivi sur une longueur de près de cent mètres, jusqu’à l’endroit où il se trouve bouché. On désigne dans le pays ce souterrain d’un nom jovialement expressif : La Cave-du-Curé.

Les quelques renseignements donnés jusqu’ici sur ce canal des rives de la Durèze et de ses affluents sont d’une étonnante insuffisance, étant donnée l’importance de ce reste. Flacheron n’en dit rien, non plus que M. Rresson dans ses quelques notes inédites, qui pourtant précisent si bien maints détails du parcours. D’autres, sans doute sur la foi de Gasparin, en font deux tronçons indépendants, allant rejoindre l’aqueduc principal en suivant séparément l’une et l’autre rive de la Durèze. Pour M. de Gasparin, en effet, ils apportaient, l’un, celui de rive droite, dans le réservoir de chasse, les eaux de cette rivière prise en amont, l’autre, celui de rive gauche, dans le réservoir de fuite, les eaux de ses affluents. Et c’est à la suite d’une série de tâtonnements et d’hésitations qu’on se serait résolu à construire le siphon et à réduire le canal projeté et ses contours à ces deux simples canaux afférents parallèles.

Nous devons rejeter cette solution pour plusieurs raisons. La première est que l’on trouve le canal dans toutes les sinuosités des vallées, qu’il entoure d’une ceinture continue. La seconde, c’est que, malgré l’assertion du même auteur, les dimensions en sont conformes[17] à la moyenne de celles qu’on relève sur tous les points découverts d’Izieux à Lyon, et qui vont de 1m,65 à 1m,75 pour la hauteur, de 0m,55 à 0m,60 pour la largeur entre les piédroits revêtus de leur enduit, et de 3 à 4 centimètres pour l’épaisseur de ciment aux piédroits. Enfin, une troisième raison, qui suffit à elle seule, est que les nivellements qu’aurait exécutés l’ingénieur Lanteirès, et sur lesquels se fonde Gasparin qui ne les a pas vérifiés, ou ont été faits inexactement, ou n’ont pas été faits du tout. J’ai tenu à les faire moi-même avec le plus grand soin, et j’ai reconnu que la pente, au lieu de se diriger sur la rive droite vers le réservoir de chasse, était inclinée en sens inverse, en demeurant continue et régulière sur les deux rives de la Durèze. En prenant pour cote initiale au radier du réservoir le chiffre arbitraire 100, j’ai trouvé 96,01 à l’entrée du souterrain de La Cave-du-Curé, sur la rive en face, en passant par une série de points intermédiaires le long du parcours, qui m’ont donné des cotes progressivement décroissantes. Le détour étant de dix à douze kilomètres, la pente serait de 0m,0003 à 0m,0004 par mètre. C’est une très faible pente, mais qui s’accorde parfaitement avec l’hypothèse d’après laquelle cette canalisation se relie d’une part avec le réservoir de chasse du siphon, d’autre part avec le réservoir de fuite, la différence de niveau entre ces deux réservoirs étant de cinq à six mètres.

La carte d’Artaud, tout en rectifiant la première opinion de Delorme qui ne tenait pas compte du siphon, la remplace par une autre erreur tout aussi grave[18]. Au lieu de relier le grand contour en amont à l’aqueduc qui vient de La Martinière, elle ne l’y relie qu’en aval, c’est-à-dire au réservoir de fuite, et lui fait prendre naissance à une prise d’eau sur le ruisseau de Collenon, entre Cellieu et Leymieu ; elle en fait donc une branche afférente, et non pas une continuation de l’aqueduc principal. (V. Pl. I.)

La vérité est que l’aqueduc a deux parcours : l’un par le siphon, l’autre par le circuit. L’origine au ruisseau de Collenon est purement imaginaire, et la liaison est aussi incontestable en amont qu’en aval. Reste à donner la raison de ce canal qui fait double emploi avec le siphon. Est-il d’une construction plus récente, contemporaine, ou plus ancienne ? Je renvoie l’étude de cette question au chapitre spécial concernant les siphons ; là sera discutée en effet la théorie de Gasparin sur les conditions d’établissement de celui-ci, et je tâcherai d’y définir sa raison d’être conjointement avec celle du contour.


La pierre gravée de Chagnon. — Mais il importe de signaler dès maintenant la découverte qui a été faite, il y a une vingtaine d’années, au voisinage de ce canal de contour, tout près de Chagnon, et qui a donné pour quelque temps à ce petit village une façon de célébrité.

Chagnon est à deux kilomètres à peu près au delà du réservoir de chasse du siphon en remontant la vallée de la Durèze ; le canal passe au-dessus du village. Des terrassiers, qui travaillaient au prolongement vers Saint-Romain-en-Jarez de la route de Rive-de-Gier à Chagnon, dégagèrent, le 21 avril 1887 en déblayant le talus, à cent ou deux cents mètres plus loin que le village, une énorme pierre taillée, de forme rectangulaire (fig. 21). Elle mesurait 1m, 60 de haut sur 0m, 60 de large, et sur une de ses faces, que bordait une moulure de six centimètres, elle portait une inscription latine, que les archivistes de la ville de Saint-Etienne furent appelés à venir déchiffrer, et qui est ainsi conçue :

E X A V C T O R I T A T E
I M P C A E S T R A I A
N I H A D R I A N I
A V G N E M I N I
A R A N D I S E R
E N D I P A N G
E N D I V E I V S
E S T I N T R A I D
S P A T I V M A G
R I Q U O D T V T E
L A E S D V C T V S
D E S T I N A T V M
E S T

« Ex auctoritate imp(eratoris) Caes(aris) Trajani Hadriani Aug(usti), nemini arandi, serendi pangendive jus est intra id spalium agri quod iutelae duclus destinatum est[19]. »

Nous aurons à revenir sur ce monument et sur l’inscription qu’il porte. Disons tout de suite qu’à première vue deux conclusions s’en dégagent. La première, c’est que l’aqueduc, comme il a été déjà dit, date au plus tard du règne d’Hadrien ; la seconde, c’est qu’il s’agit bien ici d’un canal important, et non pas, pour user du terme de Gasparin, d’une simple rigole afférente, que l’on n’eût pas pris soin de garantir par une ordonnance impériale aussi explicite.

Les dimensions de ce canal sont au reste exactement les mêmes au voisinage de l’endroit où la pierre fut découverte qu’au souterrain de la rive opposée ; la construction intérieure est pareille. Tout, en un mot, confirme bien qu’il s’agit d’une seule et même conduite.

Souterrain de Chagnon (Cave-du-Curé). — L’endroit par où l’on pénètre dans le souterrain de La Cave-du-Curé doit coïncider
Fig. 21. — Monument de Chagnon.

avec le point où il commençait, faisant suite à la simple tranchée couverte. Arrivant contre une muraille de rochers, l’ingénieur romain, au lieu de la contourner, a préféré la percer. La construction de ce tunnel sera décrite plus loin. Je me contente de faire observer ici que l’endroit où il commence marque le début d’une région d’escarpements très ardus ; les flancs de la vallée se hérissent de rocs irréguliers à pointes saillantes, à anfractuosités tourmentées. Ce n’est pas pour abréger le parcours, que le tunnel a été percé ; c’est parce que l’ingénieur a jugé avec raison plus simple d’entamer à même le rocher, si résistant fût-il (c’est du gneiss très dur), que de l’entailler à la surface pour construire une galerie en encorbellement, soutenue par des substructions inégales dont la fondation aurait été difficile et la stabilité insuffisamment assurée.

En s’engageant dans : la galerie souterraine, on éprouve une réelle admiration, car on la dirait toute neuve et prête à être remise en service, tant le radier en est solide, la voûte en cintre parfait avec son revêtement intact, gardant encore l’empreinte polygonale des couchis, comme à La Brévenne, et tant les parois sont lisses et brillantes. Cette galerie n’est pas en droite ligne, comme cela serait si elle avait été creusée pour raccourcir le trajet : on reconnaît très bien, aux nombreuses sinuosités qu’elle fait, que le constructeur a suivi tous les contours de la montagne. À cent mètres environ de l’ouverture, on se heurte contre un éboulement qui a complètement obstrué le canal. Je ne saurais déterminer s’il s’agit d’un puits comblé ou d’un effondrement total du tunnel à partir de ce point. Toujours est-il qu’on ne l’a pas découvert plus loin et qu’on ne sait pas où est son issue. En se maintenant de niveau à l’extérieur et en considérant où les rudes escarpements finissent, on peut deviner pourtant à peu près où elle se trouve, c’est-à-dire où reprend la tranchée couverte. La longueur totale du souterrain semble être, d’après cela, voisine d’un kilomètre.

De Saint-Genis à Mornant. — Du réservoir de fuite où aboutissaient le siphon et aussi le canal de contour[20], il ne reste plus aucune trace. Mais on peut le situer, sans risque de se tromper beaucoup, au voisinage du cimetière de Saint-Genis-Terrenoire. La distance du réservoir de chasse à ce réservoir de fuite est de 900 mètres environ. Au sortir de ce dernier, l’aqueduc, passant à l’est de Saint-Genis-Terrenoire, se dirigeait au nord-est, puis dessinait un rebroussement pour aller faire un contour à l’ouest et passer dans la vallée du Feloing, qu’il franchissait sur un pont dont on distingue encore les deux culées (fig. 22, hors texte). Ce pont devait avoir au moins 35 mètres de long et s’élever de plus de 15 mètres au-dessus du ruisseau. Puis c’était, sur la commune de Saint-Martin-la-Plaine, par-dessus un affluent du Feloing, un autre pont plus court, (fig. 23, hors texle) dont la longueur peut être évaluée à 17 mètres. La culée d’amont était établie contre un rocher qui a été taillé en plan incliné ; on aperçoit encore au milieu du ruisseau des débris de piles renversées à parements réticulés. Quant aux culées, pour ce pont comme pour le précédent, elles étaient appareillées en maçonnerie de moellons à joints horizontaux. Au sud-est, puis à l’est du même village de Saint-Martin, trois autres vallons sont franchis, entre autres celui du Rieux, en des points où l’on voit encore quelques restes, mais bien peu distincts. Au nord-est, entre les hameaux du Mas et de La Bessonnière, on voit encore une pile et les traces d’une des culées.

La direction va être pendant quelque temps franchement sud-nord. L’aqueduc, auparavant, longe une vallée qui porte le nom significatif de vallon d’Arche. On y voit, à l’ouest du hameau de Bissieu, une trace de maçonnerie réticulée qui a pu faire partie ou d’un pont ou d’une substruction, et l’on s’enfonce alors, en suivant la conduite à l’ouest, dans la pittoresque vallée du Bosançon. Cette petite rivière est formée de deux branches, et l’aqueduc pénètre successivement dans l’un et l’autre des deux vallons, ce qui lui fait faire un double contour assez allongé. Il traverse la branche principale, qui forme la limite des départements de la Loire et du Rhône, sur un pont de quatre arches, de vingt-six mètres de longueur entre les culées ; il en reste des fragments assez importants : la partie inférieure de la culée d’amont et la dernière arche d’aval, dont le parement est réticulé, jusqu’au radier, se sont conservées. Du pont sur Le Petit-Bosançon, commune de Saint-Didier-sous-Riverie, reste encore une pile debout ; ce pont était peu large mais très élevé.

AQUEDUC DU GIER

Fig. 22. — Pont sur le Feloing.
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Fig. 22. — Pont sur un affluent du Feloing.
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Fig. 24. — Pont des Granges.
Descendant ensuite le long de la rive gauche du Bosançon, l’aqueduc traversait, au bas de Saint-Maurice-sur-Dargoire, trois petits affluents : l’un au nord du hameau de Jurieu, où l’on voit des traces de la culée d’aval ; un autre au sud du même hameau, où trois piles subsistent, dont la plus haute a 4m,50 ; la longueur du pont était de 19m,50 ; enfin le troisième, non loin du hameau des Granges. Ici le pont, représenté fig. 24 (hors texte), est presque intégralement conservé ; trois arches subsistent, ainsi que la moitié d’une quatrième. La cuvette est conservée sur presque toute la longueur, et, sur deux ou trois mètres, est encore recouverte de sa voûte. L’appareil réticulé des faces, les rangs de dalles intermédiaires, les pilastres ou antes qui dessinent comme un prolongement des piles au-delà des naissances de voûtes, de chaque côté de l’arcade principale, tout est en parfait état. Une particularité intéressante est encore à signaler. La dernière pile d’aval s’est dérobée, sans doute par suite, d’un affaissement de terrain, mais sans provoquer la chute complète de ce qu’elle soutenait ; presque toute la partie supérieure, où est creusée la cuvette, est restée suspendue en porte-à-faux : preuve manifeste de la cohésion des blocages à l’intérieur de ces maçonneries romaines. Ce pont est le mieux conservé de toute la ligne.

Voici les dimensions que j’ai relevées au specus :

Hauteur sous clef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1m,65
Largeur entre les piédroits cimentés . . . . . . . . . 0m,56
Epaisseur des piédroits et de la voûte . . . . . . . . 0m,60
Longueur totale du pont . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27m,60
Hauteur maxima du radier au thalweg . . . . . . . . 8m, ››

L’aqueduc descend vers le sud en s’écartant de Saint-Maurice ; puis, avant d’arriver au hameau de La Rousselière, il change de direction par un angle assez aigu qui l’oriente au nord-est et vient, en se développant sur le plateau, couper en quatre points l’ancienne route de Saint-Etienne à Lyon par Briguais. Le premier de ces points est vers l’endroit appelé Les Gros-Buissons, le second à un kilomètre plus loin, et les deux autres tout près du hameau de Bellevue, carrefour des trois routes de Lyon, de Mornant et de Saint-Maurice.

Revenant au nord-ouest, le canal franchit à La Grimodière, commune de Saint-Maurice, le ruisseau appelé le Fandangy ;le pont devait être d’une dizaine d’arches ; on n’en reconnaît plus qu’une seule pile, détruite presque entièrement : elle n’apparaît qu’à deux ou trois centimètres au-dessus du sol. Après avoir redescendu la vallée du Fandangy, en suivant le niveau de la conduite, et avant de passer dans celle du Mornantet, on rencontre encore deux ruisseaux : 1o le Corsonnat, passé sur un pont (fig. 26, hors texte) probablement de huit arches, dont il n’existe plus que la première et la dernière ; elles suffisent cependant pour juger de la hauteur du pont (11 mètres) et de sa longueur
Fig. 27. — Pont de la Condamine, vue des arcs d’aval.
(44 mètres) ; 2o le ruisseau de la Chavanne, au hameau de La Condamine ; il devait y avoir ici neuf arches (fig. 27, hors texte) dont il reste, plus ou moins tronquées : la première pile côté aval, à la suite les deuxième, troisième, cinquième et sixième, la quatrième manquant. Une seule arcade a subsisté en partie, la deuxième à partir de la culée d’aval (fig. 25). Les piles ont conservé leur appareil réticulé presque en entier. La plus grande hauteur est de neuf à dix mètres. A cinq cents mètres en amont du gros bourg de Mornant, se trouve le passage du Mornantet, où se voient d’assez beaux restes. La culée d’amont a disparu ; la vallée s’étant modifiée beaucoup par les érosions du ruisseau, celui-ci passe actuellement sur l’emplacement qu’occupait jadis cette culée. À l’époque romaine,

AQUEDUC DU GIER

Fig. 26. — Pont du Corsonnat.
Fig. 27. — Pont de La Condamine.
il passait sous l’arche principale, facile à reconnaître par sa largeur plus grande que celle des autres, et qui est à quinze mètres du thalweg. On reconnaît les traces de cinq arches (peut-être y en avait-il six). Voici ce que l’on aperçoit encore : la culée d’aval ; les restes de la première pile à la suite de cette culée ; la deuxième pile, entière, surmontée de la cuvette, mais découronnée de sa voûte ; les troisième et cinquième piles avec l’arche qui les réunit, et le canal qui les surmonte encore recouvert de sa voûte (fig. 28).
Fig. 28. — Pont sur le Mornantet, en aval de Mornant.

De Mornant à Soucieu. — Au lieu de redescendre sur la rive gauche de la vallée du Mornantet, le canal, peu après le passage de ce ruisseau, s’engage en souterrain sous le village de Mornant, à une assez faible profondeur, Mornant se trouvant sur une dépression de la ligne de faîte qui sépare les vallées du Mornantet et du Jonan. On s’est donc déterminé d’autant plus facilement à faire ce tunnel que la construction pouvait en être rendue aisée par le creusement de puits peu profonds de distance en distance. Quelques-uns de ces puits se retrouvent encore dans le village et un peu au delà. J’ai pu descendre dans l’un d’eux, qui n’a pas plus de cinq à six mètres de profondeur, et qui doit être le dernier avant la reprise de la tranchée couverte. La section est carrée et d’une largeur de 0m,90. Au fond, de chaque côté, mais bouché par les éboulements, se voit le specus de l’aqueduc. Se dirigeant vers le nord, celui-ci allait traverser le ruisseau de Jonan, à un kilomètre en amont du chemin de Mornant à Saint-Laurent-d’Agny. Mais les traces du pont ont complètement disparu ; il était probablement de peu d’étendue. Gasparin signale des substructions qui soutenaient le canal hors de terre, sur la rive gauche du ruisseau ; je n’ai pu les retrouver. Par contre, j’ai reconnu par plusieurs points de repère le parcours que cet auteur indique dans la plaine entre Saint-Laurent-d’Agny et Taluyers ; le sol, défoncé en plusieurs endroits à travers les grandes prairies qui couvrent cette plaine, laisse apercevoir l’aqueduc à une très petite profondeur au-dessous de sa surface. Les dimensions que j’y ai relevées s’accordent tout à fait avec les précédentes. Il est évident que la construction a été faite avec régularité, d’après une parfaite unité de plan.

De la plaine de Taluyers, le canal s’engageait dans une région plus accidentée le long des coteaux qui sur la commune d’Orliénas bordent le ruisseau de Casanova, affluent du Merdançon, et cette rivière elle-même ; elle est franchie sur un pont, qui devait avoir de quarante à quarante-cinq mètres de long et comprendre sept arches. Il en subsiste : les fondations de la culée d’amont, des vestiges des troisième, cinquième et sixième piles, ainsi que de la culée d’aval. La hauteur du radier pouvait, être de huit à neuf mètres. Sur ces coteaux, soit sur une rive, soit sur l’autre, on trouve dans les champs plusieurs traces de substructions, qui çà et là maintenaient l’aqueduc hors de terre ; elles oui leurs faces garnies de l’appareil réticulé.

Après un détour assez long auquel l’oblige la descente de la vallée, le canal se retourne sur le vaste plateau qui s’étend entre Orliénas et Soucieu-en-Jarez. Désormais il ne suivra plus de vallée. Aux longs détours sinueux qu’il a faits jusqu’ici, va succéder un avancement presque en droite ligne sur trois plateaux successifs, jusqu’à ce qu’il en atteigne finalement un quatrième, celui de Fourvière, après avoir franchi d’un triple bond les trois vallées qui les séparent : « Il fallait nécessairement, dit M. de Gasparin[21], franchir la vallée du Garon pour arriver sur la colline de Chaponost, puis la vallée de l’Iseron pour arriver de la colline de Chaponost sur la colline de Sainte-Foy, enfin le thalweg qui sépare la colline de Sainte-Foy de celle de Fourvière. Les points culminants de ces trois collines diffèrent peu de hauteur entre eux ; mais ce sont des points maxima assez élevés par rapport aux collines environnantes jusqu’à une assez grande distance. On ne pouvait donc arriver de la plaine de Taluyers (comprise entre Orliénas et Soucieu) que de deux manières, soit en commençant par faire des développements infinis dans les vallées du Furon, du Garon, de liseron et de leurs affluents, et en rejoignant Fourvière au moyen d’un immense pont-aqueduc dont les arches auraient dû avoir 50 mètres de hauteur, soit en traversant les trois vallées au moyen de siphons. Le premier moyen était certainement inadmissible, et le second fut certainement adopté dès l’origine des travaux. »

Le plateau de Soucieu, qui a plus de quatre kilomètres de long dans la direction que suit l’aqueduc, présente une petite déclivité continue qui aurait fait commencer le siphon beaucoup plus tôt si l’on n’avait préféré avec raison prolonger la conduite libre, d’abord sur un massif plein, ensuite sur des arcades basses jusqu’au bord de la pente abrupte de la vallée du Garon. La première de ces deux travées s’allonge dans la région qui sépare les deux routes de Soucieu à Orliénas et de Soucieu à Briguais et n’a guère que cent ou cent cinquante mètres de long. Une petite arche très basse s’ouvre vers le milieu de ce massif, dont l’épaisseur est de 2m,40 d’une face à l’autre. Peu après la route de Brignais et juste en face du village de Soucieu, qui se trouve de l’autre côté de la vallée du Furon (affluent de droite du Garon), commencent les arcades, dont les naissances sont d’abord au ras du sol, puis peu à peu s’élèvent. Elles étaient au nombre, non pas de 71, comme le dit Flacheron, mais de 79, et sur un parcours non pas de 485 mètres, mais de 548 mètres en tout. Les huit premières et les neuf dernières subsistent encore. Mais on voit en outre la partie inférieure d’un grand nombre des piles qui soutenaient les autres ; beaucoup de fragments gisent aussi à terre. Nulle part la voûte ne subsiste, mais presque partout où les arcades sont conservées la cuvette existe encore, jusqu’à un niveau supérieur à celui de l’enduit de ciment. La largeur du canal est de 0m,56. Deuxième siphon, dit de Soucieu ou du Garon. — Immédiatement à la suite de ces arcades, vient le réservoir de chasse du deuxième siphon, que nous appellerons indifféremment siphon du Garon ou siphon de Soucieu. Ce réservoir, aux deux tiers détruit, offre cependant un certain nombre de ses éléments essentiels, qui permettent de reconstituer très exactement par la pensée son état primitif. On peut en donner les dimensions principales que voici (fig. 29 et 30) :

Fig. 29. — Réservoir de chasse du siphon de Soucieu. Coupe horizontale au niveau des orifices.
Fig. 30. — Réservoir de chasse du siphon de Soucieu. Coupe longitudinale.
Longueur dans œuvre 4m,57
Largeur 1m,54
Longueur hors d’œuvre 6m,16
Largeur 3m,10
Hauteur jusqu’à la naissance de la voûte 1m,50
Nombre d’orifices 9
Diamètre des orifices 0m,27
Hauteur du centre des orifices au-dessus du sol du réservoir 0m,35
Espacement entre chaque orifice (bord à bord) 0m,21
Epaisseur du ciment contre les parois 0m,04
Hauteur du revêtement au-dessus du radier (jusqu’à la naissance de la voûte) 1m,50
Epaisseur du radier (ciment et béton) 0m,08
Hauteur totale sous clef 2m,25
L’entrée de l’aqueduc dans le réservoir (fig. 31) est de plain-pied avec le radier de celui-ci, et au milieu du grand côté, qui est
Réservoir de Soucieu. Coupe transversale.

perpendiculaire à la direction de la ligne d’arcades. Comme peut-être au siphon de Saint Genis-Terrenoire, une ouverture de 1,60 de longueur et de toute la largeur du réservoir servait d’entrée pour sa surveillance et son entretien. L’épaisseur des murs est de 0m,80. Comme à Saint-Genis également, les angles horizontaux et verticaux des parois et du radier sont amortis par

Réservoir de Soucieu. État actuel du monument.
des bourrelets saillants, en ciment comme le reste de la garniture, et dont le diamètre est de 0m,04.
Fig. 33. — Pont du Garon. Aspect des arcades.

A la suite du réservoir, est un rampant, comme à Chagnon-Saint-Genis, mais plus long et porté par une arcade à présent détruite. À la suite de ce rampant les neuf tuyaux s’engageaient en terre, suivant la pente de la montagne jusqu’à la culée du pont qui les supportait au fond de la vallée (fig. 33). Ce pont, long de 208 mètres et large de 7m,35, comprenait vingt-trois arches. Il reste encore, outre les deux culées, les quatre premières arches et les cinq avant-dernières (fig. 38, hors texte). Sous la première de ces cinq, passe la route qui descend à Brignais en suivant la vallée. On éprouve, en passant sous cet immense arceau, une impression des

Fig. 34. — Coupe horizontale d’une arcade (état primitif).
plus saisissantes, car sa hauteur au-dessus de la route est d’une quinzaine de mètres, et comme quelques claveaux de la voûte ont été emportés avec le radier qui les surmontait, on regarde avec stupeur ces blocs ainsi en suspens peut-être depuis des siècles, et dont la chute parait imminente. De nombreux fragments de piles existent encore çà et là, soit debout à une faible hauteur, soit épars, couchés et brisés sur le sol de la vallée ou dans le lit même de la rivière. Le radier qui supportait les tuyaux est, d’après le nivellement Gasparin, à 92m,882 exactement au-dessous
Fig. 35.
du centre des orifices du réservoir de chasse. La hauteur du radier au-dessus du thalweg est de. 21 mètres. L’ouverture des arcades est de 6m,25. Primitivement, chacune des piles qui les soutenaient était évidée, c’est-à-dire percée d’une arcade, secondaire dont l’axe était parallèle à la direction du pont ; large de 3m,20, cette arcade laissait de chaque côté un montant de 2m,08 (fig. 34) ; l’ensemble devait produire par l’enfilade un bel effet de perspective. Mais comme ces percées nuisaient sans doute à la stabilité des piles, surtout des plus élevées, on fut obligé de les murer (fig. 35 et 36). Une seule, la seconde à partir de la culée d’amont, est restée ouverte. Ce remplissage des vides s’est d’ailleurs fait avec soin ; comme tout l’ensemble de. l’ouvrage, il est en maçonnerie réticulée de pierres dont la teinte est alternativement claire et foncée, ce qui donne aux parements l’aspect décoratif d’un damier[22] (fig. 37).
Fig. 36.

La longueur de la conduite sous pression, depuis le départ du réservoir de chasse jusqu’à l’arrivée au réservoir de fuite, est de 1.204 mètres, et la différence de niveau entre ces deux points extrêmes, de 8m,844, d’après le nivellement Gasparin. Le réservoir de fuite est beaucoup plus endommagé que l’autre : il n’en subsiste que des blocs du rampant et la pile massive qui supportait la chambre (fig. 39, hors texte).

Le plateau de Chaponost. — Nous nous trouvons dès lors sur le plateau de ’Chaponost, à trois kilomètres environ au sud-
Fig. 37. — Pont du Garon. Détail du parement.
ouest de ce village. L’inclinaison de ce plateau n’est pas aussi régulière que celle du précédent ; l’aqueduc, au sortir du réservoir, passait sur des arcades, très probablement au nombre de quatre, de hauteurs décroissantes, qui au bout de 35 mètres étaient suivies d’un massif de substruction d’une longueur à peu près pareille et dont il reste des débris (fig. 39) ; puis le canal s’enfonçait en tranchée couverte et reparaissait vers le hameau du
Mont. Là commençait une alternance de trois substructions et de deux suites d’arcades, dans

AQUEDUC DU GIER

Fig. 38. — Pont-siphon du Garon.
Fig. 39. — Siphon du Garon. Réservoir de fuite.
Fig. 40. — Pont-siphon de Beaunant. Ensemble des arcades.
l’ordre suivant : un premier massif de substruction de 20 mètres de longueur était suivi d’une rangée de 55 arcades sur 324 mètres; puis venaient 191 mètres en substruction, une seconde suite de 43 arcades sur 249 mètres, enfin un dernier massif plein de 129 mètres, ce qui donne une longueur totale de 913 mètres, Ce qui subsiste, ce sont les substructions presque en entier, quelques piles isolées et 8 arcades à la première série, un grand nombre de piles à la seconde. Le tout est revêtu de l’appareil réticulé, mais en pierres de teinte uniforme.
Fig. 41. — Perspective des arcades de Chaponost.

Au voisinage de Chaponost, le canal de nouveau s’enfonce en tranchée, et, laissant le village à droite, le contourne en obliquant plus franchement vers le nord-est. Enfin, à un kilomètre et demi plus loin, apparaît la première saillie d’une longue muraille ininterrompue, qui, émergeant du sol progressivement, découpe à perte de vue sur l’horizon sa vive arête, et le profil à la fois élégant et grandiose de ses multiples arceaux (fig. 41). Le fin réseau, coupé de bandes rouges horizontales qui enveloppe toute la surface des parois et des piliers, fait harmonieusement ressortir, en l’adoucissant, la nuance de la pierre, d’un gris fauve que dore, le soleil. L’aspect en est saisissant et rappelle sans trop de désavantage le coup d’œil plus majestueux, il est vrai, mais plus triste et plus monotone aussi, des aqueducs de la campagne romaine.

Voici le détail de cette longue rangée de plus de six cents mètres. Après 65 mètres de substructions, commence, traversée presque tout de suite par la route de Chaponost à Francheville, une file de 92 arcades, longue de 551 mètres, qui aboutit à un réservoir de départ pour un nouveau siphon. L’ouverture de ces arcades n’est pas rigoureusement uniforme, bien que la différence ne soit pas sensible à l’œil : jusqu’à la 75e cette ouverture est de
Fig. 42. — Arcades de Chaponost. Changement de direction.
3m,95 à 4m,05 ; pour celles qui suivent, elle est de 4m,50 à 4m,60. Les piles oui dans la première travée 1m,80 de largeur et d’épaisseur, et 2m,50 de largeur sur 2m,30 d’épaisseur dans la seconde. La hauteur maxima est de 15 mètres, vers les dernières arcades. Le passage d’une de ces deux travées à l’autre est marqué par un angle dont le saillant regarde le nord et dont l’ouverture est d’environ 120°. La ligne est donc brisée, sans que cela nuise d’ailleurs à son effet pittoresque (fig. 42). Il y aura quelques mois à dire au sujet de la raison d’être de ce changement de direction.

La cuvette de l’aqueduc est conservée sur une grande partie de la longueur de cette ligne ; mais nulle part elle n’est intacte, c’est-à-dire recouverte de sa voûte. On voit seulement la naissance de celle-ci et quelquefois même ses voussoirs jusqu’à la clef, d’un seul côté, cela sur quelques mètres de longueur (fig. 43). Ailleurs, presque partout, la paroi manque, tout entière d’un côté, et l’on voit sur celle qui reste l’enduit rougeâtre de ciment, cuirasse épaisse inséparable de la pierre qu’elle protégeait.

Une douzaine d’arcades manquent, trois un peu avant l’angle, neuf entre l’angle et le réservoir, et une autre, la trente-cinquième, vers le milieu de la première travée.

Fig. 43. — Arcades de Chaponost. Aspect de la cuvette au sommet.
Troisième siphon, dit de Beaunant. — Le réservoir de chasse, qui commande le passage par siphon de la vallée de l’Iseron, ne présente plus qu’une partie de la paroi du côté de l’entrée, et seulement à mi-hauteur; un pan de la paroi latérale de gauche, et une amorce de la façade, avec un seul orifice (fig. 44). Encore cette façade ne peut-elle être abordée, car le réservoir est beaucoup plus haut que celui de Soucieu, et le rampant offre des solutions de continuité qui défient l’escalade. Les dimensions, à défaut d’une haute échelle, ne peuvent donc être prises qu’extérieurement sur le massif de support. La façade où étaient percés les trous, était de la même largeur que celui-ci, soit de 7m,85 ; à Soucieu, elle était de 6m,16 seulement. On peut donc supposer avec vraisemblance qu’il
Fig. 44. — Siphon de Beaunant, vues du réservoir de chasse et de son rampant.
devait y avoir ici un orifice de plus. Quant à la dimension transversale extérieure, elle est de 4m,55. La longueur du rampant est d’environ 25 mètres, et sa largeur de 5m,35 au lieu de 4m,87 à Soucieu (fig. 45). Si nous admettons des murs de m,80 comme là, les dimensions intérieures, sont pour la longueur, 6m,25, et, pour
Fig. 43. — Réservoir de chasse du siphon de Beaunant. Plan de l’ensemble et des abords.
la largeur, 2m,95. L’orifice subsistant parait avoir le même diamètre que ceux de Soucieu; la différence, si elle existe, est certainement minime.

Le siphon qui servait à franchir la vallée de l’Iseron, appelé siphon de Beaunant[23], du nom de l’endroit où se trouve le pont antique qui le supportait, fut un ouvrage technique de premier ordre. À considérer non seulement le tracé de cet aqueduc, mais tout, le réseau qui s’étendait autour de Lyon, et même tous les aqueducs de l’empire romain, c’est peut-être le travail qui fait le plus d’honneur à la science et à l’habileté des ingénieurs anciens. Du réservoir de chasse au réservoir de fuite en face, sur la colline de Sainte-Foy-lès-Lyon[24], la conduite se développait sur une longueur de 2.612 mètres. La hauteur de flèche mesurant la dénivellation était de 123 mètres, et la longueur du pont, sur la rivière d’Iseron, de 269 mètres entre les culées, sur une largeur de 7m,35, avec une hauteur maxima de 17m,40. Les arcades (fig. 40, hors texte) étaient au nombre de 30, avec ouverture de 6m,04. Comme au Garon, une bonne partie des piles qui les soutenaient étaient primitivement évidées (fig. 46) ; mais on dut boucher aussi après coup plusieurs de ces arcades longitudinales pour garantir la stabilité de l’ouvrage. Neuf cependant restent

Fig. 46. — Pile évidée.
Fig. 47. — Arcades d’amont, au passage de la route.

encore ouvertes, aux piles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 24, 25 et 26, et la largeur de l’évidement est de 3m,05. Sept autres ont été bouchées, aux piles 8, 9, 10, 20, 21, 22, 23. Les neuf piles du milieu, la première,

Fig. 48. — Piles évidées. Plan.
Fig. 49. — Siphon de Beaunant. Plan présumé du réservoir de fuite.

la dix-neuvième et les trois dernières, ont toujours été massives, sans arc intérieur. L’épaisseur des piles est de 3,02 (fig. 48). Mieux conservé que le pont du Garon, le pont de Beaunant, de loin, parait presque entier. En réalité, bien des arcades manquent, et la maçonnerie qui surmonte la plupart des autres n’atteint pas jusqu’au plan même du tablier. Il reste : les neuf premières arcades d’amont, une partie de la dixième elles piles de 20 à 22, puis de 24 à 29 entières avec leurs arcades (fig. 50).

Fig. 50. — Pont de Beaunant. Arcades d’aval.

Quelques autres piles sont encore debout, mais plus ou moins endommagées. L’appareil extérieur de la construction est tout à fait pareil à celui du Garon : c’est le réticulé en damier, par opposition de carreaux clairs et foncés. La route d’Oullins à Francheville passe sous le pont, sur la rive droite de l’Iseron (fig. 47). Lyon n’étant pas à plus d’une heure de là en voiture, les visiteurs ne manquent pas pour venir admirer les ruines de l’aqueduc de Beaunant. Les belles arcades de Chaponost, pour le moins aussi intéressantes, sont bien moins connues et fréquentées.

Le réservoir de fuite a laissé quelques vestiges peu apparents, au bord du plateau de Sainte-Foy, près du sentier de La Courtille : on ne peut pas prendre de mesures, mais l’emplacement est bien déterminé[25]. L’aqueduc se retrouve un peu plus loin, et la différence de niveau entre les deux points, de départ et d’arrivée du siphon, est de 9m,263, plus considérable qu’à tous les autres, ce qui se comprend, étant données la profondeur et la longueur de celui-ci, avec la perte de charge qui devait en résulter.

Fig. 51. — Restes d’arcades et de piles sur le plateau de Sainte-Foy.

Plateau de Sainte-Foy et quatrième siphon, dit de Saint-Irénée. — D’intéressantes ruines de l’aqueduc se trouvent encore à Sainte-Foy. C’est une suite d’arcades, le long d’une rue de ce village (fig. 51). Il y en avait vingt-neuf, représentant une longueur de 165 mètres, mais peu élevées, la plus grande hauteur du radier au-dessus du sol étant de 6m,50. Cette rangée est précédée et suivie de substructions ayant séparément plus de cinquante mètres de long. Celles-ci sont assez bien conservées, mais les arcades ont beaucoup souffert. On n’en voit plus que quelques-unes, outre un certain nombre de piles entières et les fondations de la plupart des autres. Après cette ligne, dirigée vers le nord-est, l’aqueduc se redresse un peu plus vers le nord. On en revoit quelques débris, supportant des murs, au bord d’un chemin, non loin du fort de Sainte-Foy. La fig. 52 représente un état en quelque sorte intermédiaire entre la tranchée et l’ouvrage saillant : l’aqueduc émergeait du sol à moitié[26].

Fig. 52.

Après un trajet couvert, il reparaissait ensuite pour aboutir au réservoir de chasse du quatrième siphon, celui de Saint-Irénée. Là six piles existent en partie, y compris celle qui supporte le réservoir. Celui-ci, aujourd’hui enfermé dans l’enceinte du fort Saint-Irénée, présente une muraille de façade assez bien conservée et qu’on aperçoit très bien en longeant les fossés au nord et à l’est (fig. 53). Les dimensions sont 4m,90 de longueur sur 1m,80 de largeur, avec huit orifices (fig. 54).

Ce n’est pas une vallée, à proprement parler, que l’aqueduc traversait par les tuyaux issus de ce réservoir, mais une simple ondulation de terrain, entre les deux hauteurs de Saint-Irénée et de Fourvière, à Saint-Just. Cet abaissement est de 32m,50 au-dessous du niveau des orifices. Le trajet des tuyaux entre les deux réservoirs de départ et d’arrivée, mesuré sur le sol, aurait une étendue de 570 mètres.

Fig. 53. — Siphon de Saint-Irénée. Réservoir de chasse.
Fig. 54.

On ne saurait dire avec certitude si ces tuyaux étaient enfouis sur toute leur longueur, comme le pense M. Steyert[27], à la suite d’Artaud, ou s’ils passaient sur un pont au fond du vallonnement, suivant l’avis de Flacheron[28]. En tout cas, l’emplacement du réservoir de fuite se reconnaît à Saint-Just, au bord du chemin qui monte au cimetière de Loyasse, à un niveau inférieur de 1m,60 seulement à celui du réservoir de chasse. Flacheron, qui en a vu les substructions bien apparentes, signale une particularité : l’aqueduc ressortait de ce réservoir, non par la façade opposée à l’entrée des tuyaux, mais par la paroi latérale : « Ce changement, dit-il, fut opéré sans doute pour ne pas déranger la direction du chemin qui passait contre ce réservoir. » L’explication paraît juste Ce réservoir de fuite était placé, en effet, tout à côté de la voie d’Aquitaine, à sa sortie de la ville. On ne pouvait établir là les constructions de l’aqueduc avec autant d’aisance qu’en rase campagne. Le tracé de l’aqueduc a dû bien plutôt se plier à l’obligation de laisser intacts les monuments existants qu’il n’a forcé d’enfouir ou de renverser les obstacles sur son passage. M. Steyert se félicite beaucoup d’avoir expliqué, par la nécessité de faire passer les tuyaux, l’état de mutilation dans lequel se trouvait une série de tombeaux découverts là en 1885[29]. Cette explication n’est pas aussi simple que l’a dit son auteur. En admettant que la ligne directe qui joint les deux réservoirs coupât en effet celle des tombeaux, il est difficile, surtout du moment qu’il s’agit d’une époque de goût et de savoir-faire, de croire que le passage de quelques tuyaux ait mis l’ingénieur dans la nécessité de faire disparaître de beaux mausolées, ornement de la voie publique ; ces tuyaux pouvaient fort bien être détournés, ou soutenus par des arcades, dont il était possible d’établir les piles en ne déplaçant qu’un petit nombre de tombeaux. Ces arcades ont pu exister sans qu’on en retrouve les traces.

Entrée dans Lyon. — Le réservoir de fuite était suivi d’une nouvelle série d’arcades qui longeait la voie antique dont la trace est encore marquée aujourd’hui par la longue mais étroite rue du Juge-de-Paix. Cette rue est dirigée suivant la ligne de faîte du plateau de Fourvière jusqu’à l’esplanade où se dresse la basilique, et qui n’est autre qu’une partie de l’emplacement du forum romain. La ligne d’arcades, à son début, à peu de distance du réservoir, passe tout d’un coup d’un côté à l’autre de la rue, sans qu’on retrouve le raccord à double angle droit qui devait relier les deux tronçons, de directions parallèles : l’arc transversal de liaison a disparu. Mais l’authenticité certaine de ce coude prouve ce qui vient d’être énoncé plus haut, à savoir que le parcours de l’aqueduc devait subir certaines exigences imposées par le plan même de la ville, par l’emplacement de ses voies et de ses maisons[30]. Comme aux plateaux de Chaponost, de Soucieu et de Sainte-Foy, les arcades, s’abaissant peu à peu, faisaient place à des substructions, puis à la tranchée couverte. En faisant les déblais pour la construction de la gare du funiculaire de Fourvière, les ouvriers ont rencontré l’aqueduc sur une longueur d’environ quinze mètres, dans l’axe même de la rue du Juge-de-Paix. Sur toute la longueur de l’aqueduc, découverte par la fouille, existait, adossé à la paroi ouest, un massif énorme de substructions antiques, de quatre mètres d’épaisseur environ, et dont les fondations étaient établies assez profondément en contre-bas du canal. La façade d’un couvent[31] repose sur ces substructions. La maçonnerie en est faite de petits moellons, noyés dans un bain de mortier, le tout d’une dureté extrême[32]. La construction de l’aqueduc est évidemment postérieure aux substructions contre lesquelles il chemine (fig. 55). L’aqueduc atteint enfin son point terminus, un grand réservoir situé vers l’angle nord-est de l’esplanade de Fourvière, au haut de la montée des Anges, vers l’entrée du passage Gay, à l’altitude de 292 mètres, soit à 8 mètres environ au-dessous du radier du dernier réservoir de fuite, qui est à la cote 300,39. Quand il sera question de la distribution, la raison probable de cette chute d’altitude, considérable pour un si petit parcours, sera donnée; les proportions et le rôle du grand réservoir seront indiqués aussi.

Fig. 55 . — a, Restes de l’aqueduc. — c, Couvent de Jésus-Marie. — s, Substructions antiques. — f, Funiculaire de Fourvière. — e, ancienne chapelle de Fourvière. — E, basilique de N.-D. de Fourvière.

  1. Cette manière d’écrire est employée conjointement avec l’orthographe Furens, plus rationnelle et d’ailleurs plus ancienne. La prononciation est la même : c’est en se modifiant à la française qu’elle a donné lieu au changement d’écriture.
  2. Cet endroit, au-dessus de Terrenoire, s’appelle aujourd’hui simplement Janon. Un peu plus haut est la localité de Quatre-Aigues, qui justifierait le mot de crase (mélange).
  3. Delorme, Recherches sur les aqueducs de Lyon, p. 14.
  4. Ibid., p. 18.
  5. Je tiens cela de source assurée, l’ayant entendu certifier par l’auteur même de ces grands travaux, M. de Montgolfier.
  6. Rapprochement curieux : Pline l’Ancien se fait l’écho, dans son Histoire naturelle (xxxvi, 24), d’une croyance populaire analogue, d’après laquelle l’eau Marcia, qui alimentait Rome, serait venue du pays des Marses dans la vallée de l’Anio en traversant la montagne. « Oritur (Marcia) in ultimis montibus Pelignorum : transit Marsos et Fucimim lacum, Romam non dubie petens. Mox in specus mersa, in Tiburtina se aperit, novem millibus passuum fornicibus structis perducta. » Cette légende était probablement favorisée par la similitude des syllabes, Marcia, Marsi, ainsi que le fait ressortir le vers de Stace (Silves, i, 5), propagateur de la même légende :

    Marsas… nives et frigora ducens
    Marcia.

  7. N’ayant pas opéré ces reconnaissances moi-même, je ne puis donner qu’un tracé approximatif. Mais il est dessiné d’après les indications d’un géomètre en chef de la ville de Saint-Etienne, homme de grande expérience, aujourd’hui décédé, M. Marillier, qui s’était livré à de nombreuses recherches à ce sujet, et dont je tiens le témoignage pour absolument sûr.
  8. Introduction, p. x.
  9. Il y a là en effet, comme l’indique la fig. 17, un barrage, qui n’est pas romain, mais dont la construction remonte à plusieurs siècles, et qui repose probablement sur des fondations de l’époque romaine.
  10. Flacheron et Gasparin commettent tous deux une erreur un peu naïve en niant l’aqueduc de Janon, sous prétexte que la rivière de ce nom, chargée d’impuretés, ne pouvait convenir à l’alimentation de l’aqueduc. Le premier constatait que le fond et les bords en étaient garnis d’un sédiment ocreux. N’ayant pas pris sans doute la peine de remonter vers Quatre-Aigues, il n’a pas songé que ce sédiment ocreux provenait des usines métallurgiques de Terrenoire, en activité dès 1820. Dira-t-on que les eaux du Furens ou du Gier sont naturellement impures parce qu’on ne les aura vues qu’au-dessous de Saint-Etienne ou de Saint-Chamond ?
  11. V. ci-dessus, Introduction, p. x.
  12. Anciennement Saint-Jean de Bonnes-Fonts, allusion certaine à l’abondance des eaux vives dans le voisinage.
  13. Ce souterrain étant sur la rive droite du ruisseau, j’avais pensé que sa réunion avec l’aqueduc principal ne pouvait se faire qu’en un point, vers l’entrée du pont-aqueduc qui vient d’être décrit. Comme les deux canaux sont dirigés en sens inverse, il devait y avoir en ce point un petit bassin ou une chambre, destinée à amortir les remous produits par les deux courants contraires et par l’angle brusque. Mais le point que je visais est enfoui dans un inextricable fourré, et une recherche y est pratiquement impossible. Une tranchée que j’ai fait opérer non loin de là, en un endroit un peu plus découvert, m’a bien fait retrouver le canal principal, mais en fort mauvais état, obstrué par la terre et envahi par les racines d’arbres. Le versant étant très abrupt, des éboulements se sont produits qui ont fini par ouvrir des brèches dans la paroi pourtant si résistante, et y faire pénétrer les eaux chargées de limon. Il est probable que le canal accessoire, moins soigné de construction, a éprouvé dans toute cette région des détériorations encore plus graves et qu’il serait difficile de le retrouver.
  14. Gasparin appelle cette rivière le ruisseau de Chagnon, ou même Le Chagnon tout court. Il suffit de s’entendre.
  15. A moins qu’il ne fût laissé entièrement libre, et ne servit d’entrée dans le réservoir pour la surveillance et l’entretien.
  16. Il n’y a bien qu’un seul trou de bouché, quoique Flacheron et Gasparin en comptent deux. C’est à se demander s’ils ont réellement vu le monument. Pour Flacheron, on jurerait presque qu’il n’est jamais allé lui-même à Chagnon, car il place les deux trous bouchés côte à côte, et précisément à l’extrémité opposée à celle où se trouve la fermeture authentique. De plus, il place le village de Saint-Genis-Terrenoire (qu’il appelle simplement Terre-Noire) sur la même rive que le réservoir de chasse (ouv. cité., p. 47). Je n’ose me prononcer pour Gasparin, et cependant je ne sais comment il a pu voir bouché le trou de l’extrémité gauche, qui est aussi nettement ouvert que les autres, dont le bord intérieur n’indique nullement un arrachement de ciment, et dont les parois internes ont une surface bien lisse. Il n’en serait pas ainsi si l’obturation, à la supposer réelle, avait été détruite depuis 1856.
  17. Voici, en effet, les dimensions que j’ai relevées à La Cave-du-Curé.

    Hauteur sous clef . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1m,67
    Largeur entre les piédroits revêtus . . . . . . . . . . . . .0m,58
    Epaisseur de l’enduit de ciment . . . . . . . . . . . . . . . 0m,035

  18. V. ci-dessus, p. 106.
  19. « En vertu de l’autorité de l’empereur César Trajan Hadrien Auguste, le droit n’est donné à personne de labourer, de semer ou de planter dans cet espace de terrain qui est destiné à la protection de l’aqueduc. » La commune de Chagnon n’a pas voulu se dessaisir de son bien ; la pierre a été transportée dans une salle de la mairie, où elle est encore.
  20. Le point de jonction pouvait se trouver, soit au réservoir même, soit a quelques mètres en aval. La question ici n’a pas d’importance.
  21. Ouvr. cité, p. 20.
  22. L’usure des pierres a partiellement fait disparaître ce contraste régulier. Mais il est encore bien visible en certains endroits.
  23. Je conserve à dessein cette ancienne orthographe, de préférence à celle qui est usitée aujourd’hui je ne sais pourquoi: Bonnant.
  24. Il est à peine besoin de faire remarquer qu’il ne faut pas confondre ce village de Sainte-Foy tout près de Lyon, avec Sainte-Foy-l’Argentière, sur La Brévenne. On a vu de même qu’il y a sur le tracé de nos aqueducs, ou dans le voisinage, deux Saint-Romain (Saint-Romain-au-Mont-d’Or et Saint-Romain-en-Jarez) et trois Saint-Genis (Saint-Genis-les-Ollières, près de Craponne, Saint-Genis-l’Argentière et Saint-Genis-Terrenoire).
  25. Les dimensions marquées (fig. 49) ne sont que probables, d’après d’anciennes constatations.
  26. La découverte du canal tronqué au ras du chemin des Arcs à Saint-Irénée et le dessin avec restitution de la section entière (fig. 52) sont dus à M. Gabut.
  27. Ouv. cité. p . 267. — Artaud, Lyon souterrain, p. 34.
  28. Ouv. cité, p. 61.
  29. Voici le fait et son explication (p. 267) : « Le tracé de ce nouvel aqueduc occasionna cependant un grand bouleversement a l’entrée de la ville où il aboutissait. Le point de son arrivée se trouvait exactement à la porte par où débouchaient la voie et le compendium d’Aquitaine, garnis déjà d’un double rang de monuments funéraires qu’il coupait obliquement. La pente, en cet endroit, était très abrupte au-dessous des murs de la ville ; il aurait fallu établir le rampant sur des arcades dont les piliers auraient intercepté la voie et coupé les sépultures. En présence de ce double désagrément, on résolut de niveler le terrain en pente douce et d’y faire passer les tuyaux de l’aqueduc souterrainement jusqu’à la crête du plateau où une arcade les recevait. De cette façon, les sépultures n’étaient pas détruites, mais simplement enfouies. Quant aux mausolées, ceux dont les familles existaient encore furent démolis jusqu’aux fondations ; quelques-uns, que le tracé de l’aqueduc n’atteignait pas, furent rebâtis à la même place ; d’autres, dont l’emplacement était plus ou moins occupé par le passage des conduits ou le terrain réservé à leur conservation, furent transportés ailleurs. Mais il y avait des tombeaux dont les possesseurs n’existaient plus… Ceux-là furent recouverts par l’exhaussement du sol. Ils eurent néanmoins quelque peu à souffrir, parce que le remblai ne dépassait pas uniformément leur couronnement parfois trop élevé. Néanmoins, ils furent respectés autant que possible et ne furent mutilés que partiellement. De ce nombre fut le monument fastueux du sévir Turpion, dont il fallut abattre la statue et démolir la corniche dans sa partie basse. »
  30. C’est l’existence de ce coude qui a fait supposer en ce point, à M. de Gasparin, une bifurcation de l’aqueduc, origine de la distribution des eaux. On a cru aussi à un réservoir de distribution qui aurait existé au-dessus de cette arcade. Rien ne permet d’affirmer cela. Mais, comme nous le verrons, rien ne permet non plus de nier l’existence de châteaux d’eau avant les citernes de Fourvière.
  31. Ces renseignements m’ont été fournis, par M. Bosi, ami de M. Steyerl, qui, par ses patientes recherches et ses observations clairvoyantes, a été souvent pour celui-ci un collaborateur précieux.
  32. Le couvent de Jésus-Marie.