Gargantua et Pantagruel (Texte transcrit et annoté par Clouzot)\TL9

Texte établi par Henri ClouzotLarousse (Tome IITexte sur une seule pagep. 27-28).

COMMENT PANTAGRUEL REMONTRE À PANURGE DIFFICILE CHOSE ÊTRE LE CONSEIL DE MARIAGE, ET DES SORTS HOMÉRIQUES ET VIRGILIENS.

« Votre conseil, dit Panurge, sous correction, semble à la chanson de Ricochet : ce ne sont que sarcasmes, moqueries, paranomasies[1], épanalepses[2] et redites contradictoires. Les unes détruisent les autres. Je ne sais esquelles me tenir.

— Aussi, répondit Pantagruel, en vos propositions tant y a de si et de mais, que je n’y saurais rien fonder ni rien résoudre. N’êtes-vous assuré de votre vouloir ? Le point principal y gît : tout le reste est fortuit et dépendant des fatales dispositions du ciel. Nous voyons bon nombre de gens tant heureux à cette rencontre qu’en leur mariage semble reluire quelque idée et représentation des joies de paradis. Autres y sont tant malheureux que les diables qui tentent les ermites par les déserts de Thébaïde et Montserrat ne le sont davantage. Il s’y convient mettre à l’aventure, les yeux bandés, baissant la tête, baisant la terre, et se recommandant à Dieu au demeurant, puisqu’une fois l’on s’y veut mettre. Autre assurance ne vous en saurais-je donner.

« Or, voyez ci que vous ferez, si bon vous semble. Apportez-moi les œuvres de Virgile, et par trois fois, avec l’ongle les ouvrants, explorerons, par les vers du nombre entre nous convenu, le sort futur de votre mariage, car, comme par sorts homériques souvent on a rencontré sa destinée, témoin Socrates, lequel, oyant[3] en prison réciter ce mètre[4] d’Homère dit d’Achille Iliad., IX :

Ηματι ϰὲν τριτάτω Φθίην έρίϐωλον ίϰοίμην
Je parviendrai, sans faire long séjour,
En Phtie, belle et fertile, au tiers jour,

prévit qu’il mourrait le tiers subséquent jour, et l’assura à Eschines, comme écrivent Plato, in Critone, Cicéron, primo de Divinatione, et Diogenes Laertius… »

  1. Rencontres de mots.
  2. Répétitions.
  3. Entendant.
  4. Vers.