Plon-Nourrit et Cie (2p. 132-133).


X


Comme il s’éloignait, on vit entrer dans le palais une belle demoiselle qui portait un écu sous une housse et qui demanda de parler à la reine.

— Dame, lui dit-elle, celle qui m’envoie vous prie de bien garder cet écu, car il vous guérira de votre plus grande douleur et marquera votre plus grande joie.

La reine prit l’écu et vit qu’il était fendu en deux parties que maintenait seule la boucle, de telle façon que l’on pouvait passer toute la main par la brisure. Sur l’une des moitiés était peint un chevalier tout armé fors la tête, et sur l’autre une belle dame, et tous deux se tenaient par le col et se fussent tendrement baisés, s’ils n’eussent été séparés par la fente.

— Dame, reprit la pucelle, ce chevalier, qui est le meilleur du monde, a tant fait que cette dame lui a donné son amour. Mais il n’y a encore eu entre eux que le baiser et l’accoler. Quand il y aura eu davantage, les deux parties de l’écu se joindront.

La reine demanda à la demoiselle par qui elle était envoyée, et l’autre lui dit que c’était par la Dame du Lac. À ce nom, la reine lui fit mille caresses, mais elle tenta vainement de la retenir : la pucelle voulut repartir sur-le-champ.