Gérardmer à travers les âges/partie4

État général de l’agriculture

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À Gérardmer, d’après la constitution même du so1, l’agriculture n’a pas été prospère dans les siècles passés ; de nos jours encore, malgré les défrichements de terrains incultes et les progrès réalisés, grâce à la persévérance des montagnards, il y a encore peu de terrains mis en état de culture.

À part quelques récoltes de seigle et de pommes de terre suffisant à peine à la nourriture des cultivateurs qui les ont produites, l’agriculture se réduit à la culture de quelques légumes dans de petits enclos entourés de murs de granit.

En revanche les prairies naturelles sont nombreuses et productives ; elles assurent, avec les pâturages des hautes chaumes, l’entretien des vaches laitières. La production du lait, en vue de la fabrication du fromage, est en effet la principale ressource de l’agriculture à Gérardmer. On peut donc dire qu’avant 1789 la culture se bornait à l’entretien des prairies, à l’ensemencement en seigle de « quelques maigres parcelles ». Quant à la pomme de terre, elle aurait été introduite dans les Vosges par des étrangers. « On la cultivait d’abord dans la vallée de Celles, mais comme elle était d’une qualité très médiocre, elle ne fut employée pendant longtemps qu’à la nourriture des bestiaux[1]. »

Dès le commencement du siècle dernier, les pommes de terre entraient pour une grande part dans l’alimentation du montagnard, avec le fromage et le lait. Une statistique agricole[2] relate que, vu la misère de l’année (1710-11), les habitants de Gérardmer vécurent « de pommes de terre coupées en morceaux et séchées, qu’ils trempaient dans du lait ». Cette même statistique dit que : « le seigle de printemps et l’orge semés suffisent à peine à nourrir les habitants pour huit ou dix jours ; on en sème peu faute de terres propres à la culture et à cause des intempéries. Les pommes de terre récoltées suffisent à peine pour trois mois. »

La statistique de 1790 relate pour les récoltes de cette année :

lr Orge et menus grains &amp ; 30 reseaux
Pommes de terre &amp ; 4.200 –
Foins et fourrages &amp ; 6.400 mille
Paille &amp ; 2.000 –

En certifiant l’exactitude de ces renseignements, l’assemblée municipale ajoute : « Il n’y a pas pour nourrir sur notre territoire les des bestiaux qui y sont. Les fourrages que nous consommons sont tirés de Granges, Jussarupt, Saint-Elaine, Granviller, Gerbépal et du val de Saint-Diez. »

Quant à la nourriture des citoyens, « on achète les subsistances aux marchés de Remiremont, Bruyères, Épinal, Rambervillers, Ravon (Raon) et Saint-Diez.

Nous donnons ci-dessous quelques renseignements statistiques.

[h]

lp3mmlrc


&amp ; &amp ; Froment &amp ; 8 &amp ; jours
&amp ; &amp ; Seigle &amp ; 30 &amp ; –
&amp ; &amp ; Orge &amp ; 10 &amp ; –
&amp ; &amp ; Fèves &amp ; 10 &amp ; –
&amp ; &amp ; Pommes de terre &amp ; 306 &amp ; –
&amp ; &amp ; Patates &amp ; 203 &amp ; –
&amp ; &amp ; Pois &amp ; 3 &amp ; –
Fourrages &amp ; Échec de l’analyse (fonction inconnue « \rule »): {\displaystyle \left\{\rule{0mm}{2mm}\right.} &amp ; Prairies naturelles (prés) &amp ; 6.900 &amp ; –
&amp ; &amp ; Lin &amp ; 31 &amp ; –
&amp ; &amp ; Chanvre &amp ; 9 &amp ; –
&amp ; &amp ; Nationaux &amp ; 20.000 &amp ; –
&amp ; &amp ; Communaux &amp ; 6.000 &amp ; –

[h]

|p1.5cmll|p1.5cm|p2cm|p1.5cm|p1.5cm|




&amp ; Poids de la semence en quintaux &amp ; Poids de la récolte en quintaux &amp ; Valeur de la semence en francs &amp ; Valeur de la récolte en francs
&amp ; &amp ; Blé &amp ; 2 &amp ; 3 &amp ; 12,50 &amp ; 10
&amp ; &amp ; Seigle &amp ; 5 &amp ; 3 &amp ; 10,50 &amp ; 17
&amp ; &amp ; Orge &amp ; 4 &amp ; 5 &amp ; 3,50 &amp ; 7
&amp ; &amp ; Fèves &amp ; “ &amp ; 5 &amp ; ” &amp ; “
&amp ; &amp ; Pommes de terre &amp ; ” &amp ; 10 reseaux &amp ; “ &amp ; ”
&amp ; &amp ; Patates &amp ; “ &amp ; 10 &amp ; ” &amp ; “
&amp ; &amp ; Pois &amp ; ” &amp ; 4 &amp ; “ &amp ; ”
Fourrages &amp ; Échec de l’analyse (fonction inconnue « \rule »): {\displaystyle \left\{\rule{0mm}{2mm}\right.} &amp ; Foin (prairies) &amp ; “ &amp ; 4 &amp ; ” &amp ; 10
&amp ; &amp ; Lin &amp ; “ &amp ; &amp ; ” &amp ; 7
&amp ; &amp ; Chanvre &amp ; “ &amp ; &amp ; ” &amp ; 7
Bois &amp ; Échec de l’analyse (fonction inconnue « \rule »): {\displaystyle \left\{\rule{0mm}{2mm}\right.} &amp ; Communaux &amp ; “ &amp ; 1 corde &amp ; ” &amp ; 2

Le prix moyen de l’hectolitre de céréales (1783-1798) fut: blé, 20 fr.13 – seigle, 12 fr.90 – avoine, 7 fr.90.

[h]

|XXXXXXXXX|


Bled &amp ; Méteil &amp ; Seigle &amp ; Orge &amp ; Maïs &amp ; Légumes secs &amp ; Menus grains &amp ; Pommes de terre &amp ; Total
— &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; —
litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres &amp ; litres
148 &amp ; 42 &amp ; 16 &amp ; 18 &amp ; 3 &amp ; 24 &amp ; 2 &amp ; 465 &amp ; 719

L’examen de ces chiffres montre la prédominance de la pomme de terre dans l’alimentation à cette époque. Sur un total de 719 litres, la pomme de terre entre pour 465 litres, soit dans la proportion de 65% ; en dehors de la pomme de terre, chaque individu consommait journellement une livre, des différentes espèces de légumes et grains ci-après détailles, dans les proportions indiquées :

Froment, 59% – méteil, 16% – seigle et orge, 6% – millet, 2% – légumes secs, 10% – menus grains, 1%.

La statistique des animaux domestiques pour 1789 donne les chiffres suivants :

Chevaux, 151 – ânes, 5 – mulet, 1 – vaches, 2.487 – bœufs, 4 – génisses, 104 – veaux, 163 – porcs, 45 – chèvres, 750 – chevreaux, 915 – veaux nés, 2.240 – volailles, 84 – oies, 20.

Chevaux
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L’examen de ces chiffres nous montre qu’en raison même du petit nombre de chevaux, les habitants de Gérardmer n’avaient guère de moyens rapides de locomotion ; de plus 57 des propriétaires de ces chevaux (statistique de 1769), appelés cessons, conduisaient les marchandises du lieu et ramenaient les blés et autres matières de première nécessité. Il n’y avait, dans le pays, que 9 chars et 29 chariots.

Moutons
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L’absence de moutons s’explique sans doute à cause de la rigueur du climat et de l’usage des pâturages réservés aux vaches ; actuellement il n’y en a pas davantage.

Les vaches ont la prédominance parmi les animaux domestiques ; elles constituent les principales ressources des habitants. (Voir Commerce des denrées alimentaires agricoles.)

Elles étaient l’objet de grandes précautions contre l’épizootie. Dès 1714, au moment de l’apparition d’un typhus qui sévissait sur les bestiaux de la communauté de Vagney, les autorités de Gérardmer prirent un arrêté pour interdire le passage à l’entrée et à la sortie de la commune des bestiaux de la localité contaminée[3]. Il était défendu « d’introduire aucun bétail ni cuir, sous peine de 8 jours de prison et de 200 francs d’amende. »

En cas de mort d’un animal suspect, la municipalité faisait faire l’autopsie de l’animal par le « maître chirurgien du lieu. »

Sur la fin du xviiie siècle, il y eut de nouveaux cas d’épidémie, ce qui engagea la communauté à désigner un demi-jour de terre aux « Foingnes du Lac » à un quart de lieue du village, et un terrain de même consistance, situé à une distance semblable de l’agglomération, au lieu dit « Les Foingnes (feignes) du Bergon, pour inhumer les animaux morts de maladies contagieuses. »

Chèvres
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Le nombre des chèvres élevées à cette époque a diminué ; les chevreaux devaient constituer un certain appoint pour l’alimentation des habitants, car dès les premiers jours de printemps on en consomme encore beaucoup à Gérardmer.

Les quelques oies qui vivaient aux Fies au siècle dernier, ont leur histoire. Sans être aussi célèbres que celles du Capitole, elles nous ont cependant laissé le souvenir de leurs exploits :

En 1769, les maire et jurés de la communauté exposèrent au lieutenant général de Remiremont que les oies des habitants des Fies causaient « un grand préjudice aux paquis communaux, et en gâtaient l’herbe par leurs fientes » ; ils appelèrent sur ces malheureux palmipèdes les foudres administratives.

Le cas fut jugé grave, car le lieutenant général « fit défense aux oies de… fienter sur les paquis communaux! et aux propriétaires de les laisser courir et pâturer sur le commun », sinon il menaçait les délinquants de 20 francs de dommages-intérêts, autant d’amende pour chaque oie trouvée en défaut, et confiscation de l’oiseau[4].

Foires et marchés

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La situation isolée de Gérardmer, le besoin qu’éprouvaient les habitants d’échanger leurs produits agricoles (fromage et beurre) contre les autres objets de nécessité première, l’obligation d’acheter ou de vendre des bêtes à cornes, et aussi le goût inné des habitants pour le trafic, tout devait amener la création de foires et de marchés.

Par lettres patentes du 4 Mai 1641, le duc Charles III autorisa l’établissement, à Gérardmer, d’un marché hebdomadaire ; par celles du 20 Septembre de la même année il y créa deux foires annuelles « franches », pour le 18 Avril et le 1er Octobre (saint Remy), c’est-à-dire à l’entrée et à la sortie de l’hiver. Un décret de 1655 confirma la tenue de ces foires[5].

Sur la demande des habitants de Gérardmer, les officiers de la prévôté d’Arches ordonnèrent (1654) que la tenue du marché hebdomadaire, toléré le dimanche, n’aurait lieu qu’après l’office divin[6].

Un arrêté de 1661 fixa la tenue de ce marché au jeudi ; il était franc, ainsi que les deux foires annuelles[7].

En 1786[8], la communauté demanda l’autorisation d’ouvrir deux nouvelles foires, l’une le jeudi de la Sexagésime, l’autre le jeudi le plus proche et avant le 24 Août (jour de la fête patronale), avec translation de la foire du 18 Avril au jeudi saint. C’est dans ces foires que se faisait principalement le commerce des denrées alimentaires[9].

Commerce des denrées agricoles

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Une déclaration de la communauté, fournie en 1708, dit :

Les habitants y sont assez pécunieux par rapport au commerce de fromages que l’on y fait, qui sont des meilleurs des pays voisins, qu’ils distribuent dans la ville de Metz, les Evêchés, l’Alsace et en ce pays, et par rapport aux grains et vins qu’ils achètent dans les villes voisines et revendent aux marchés du dit lieu, qui sont des plus considérables de ce pays.

Léopold Bexon dit en outre dans son mémoire :

La principale branche de commerce des habitants de Gérardmer est le beurre et le fromage que produisent les vaches qu’ils nourrissent à l’écurie, pendant huit mois d’hyver, avec les foins des preys qu’ils ont formés en démolissant des rochers et arrachant les pierres à mi-côte sur les hautes montagnes. Il y a des marcaires qui ont deux ou trois de ces petits preys, et, ne pouvant traverser les rochers qui les entourent pour transporter, au temps de la fenaison, le foin pour le rassembler dans leurs maisons, ils font bâtir des greniers et des étables dans chacun de ces petits preys pour y loger le foin et leurs vaches qui le mangent pendant l’hyver. Il arrive souvent que le foin de ces cabanes est consommé et qu’il faut absolument en tirer les vaches pour les conduire dans une autre, quelquefois distante d’une lieue, dans un temps ou il y a beaucoup de neiges. Ce trans port ne pouvant souffrir de retard, tous les habitants de la contrée font faire des tranchées, quelquefois de 19 à 15 pieds de profondeur dans la neige, pour le passage de ces vaches ; l’été, elles vont brouter entre les pierres[10].

Les habitants de Gérardmer avaient, à diverses époques, obtenu des franchises pour conduire leurs grains ou leur bétail aux foires.

Le 25 Septembre 1557, ils avaient obtenu du « très illustre prince Mgr de Vaudémont, franchise sur les marchés de Saint-Dié, sauf pour le bétail. »

Peu de temps après ils sollicitèrent de nouvelles franchises au sujet « de l’enseigne levée ». Sur les marchés de la plupart des villes de Lorraine, on installait soit le drapeau de la ville, soit l’écusson de ses armes ; pendant tout le temps où cette enseigne était exposée, les bourgeois de la ville seuls avaient le droit d’acheter des denrées alimentaires, à l’exclusion des revendeurs, de façon à leur permettre d’avoir des prix modérés ; dès que l’enseigne était levée, le marché était libre pour tous les acheteurs, étrangers ou non.

Les habitants de Gérardmer, dans leur supplique, représentent au duc de Lorraine que :

Combien qu’ils soien en lieux et territoire stéril et infructueux, et où il n’y croit grains pour leur nourriture, ce néantmoins ne peuvent encore avoir commodité d’estre fourny de bledz et aultrce grains pour leur deffruict à cause de l’empeschement que leur est faict aux marchez de Remiremont, Sainct Diez, Bruyères et Espinal, où les habitans d’iceulx lieux ne leur veuillent permettre achepter blez que premièrement l’enseigne accoustumée de mettre en évidence marchez ne soit osté que vers avant les neuf ou dix heures, et la où il leur est de nécessité d’y avoir ung resau, on ne leur permettait en avoir qu’un demi-resau, comme ils étaient étrangers et non résidant dans nos pays et juridiction, ou que ce fust pour en faire ung vendage et transport hors vos dicts pays, de manière qu’ils sont grandement intéressé de frais et perdition de temps pour estre distants de six grandes lieues du dit Epinal et de Sainct Diez, Remiremont et Bruyères de quatre à cinq lieues, et d’autant que les pauvres habitans sont souvent encloz au dict Gérardmer pendant le temps de six semaines et plus, ne peuvent aller en aucun marchez pour cause de grandes affluences de neiges et que sy aucuns icelles ils ne sont fournis de grains pour leur défrut usage et nourriture, ils demeurent en très grande pauvreté et famine, signamment par les grandes cheretez comme elles regnent présentement[11].

Le duc fit droit à leur requête ; il ordonna aux « officiers et subjects des lieux de Remiremont, Espinal, Bruyères et Saint-Diez » de laisser les habitants de Gérardmer acheter des grains avant et après « l’enseigne ôtée », sous la réserve expresse que les grains achetés serviront strictement à la nourriture des acheteurs.

Sans en faire traffique ni aucunement abuser sur peyne de confiscation des grains et d’amende arbitraire, sans permettre ni souffrir grands achats, levé soit faict, mis ou donné ne aussy leur mettre ni donner aulcun trouble et empêchement. Car tel est notre volonté et plaisir. Nancy, le 15 Décembre 1573[12].

Franchises pour les bestiaux

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Les habitants de Gérardmer obtinrent, un siècle plus tard, franchise pour leurs bestiaux sur les marchés des villes de Remiremont, Epinal, Bruyères, Saint-Dié[13].

Ils avaient également le droit de conduire en liberté leurs denrées agricoles dans le district de Salin-l’Étape (Raon-l’Étape) ; les fermiers du duc les ayant inquiétés à maintes reprises pour « les droits d’entrée, issue, foraine et haut conduit », les Gérômois réclamèrent au duc la confirmation de leur franchise. Par un décret de 1714, S. A. R. leur donna satisfaction[14] ; elle leur octroya également franchise pour sortir les veaux des états de Lorraine, « mais seulement les veaux de lait (1721)[15]. »

Comme on le voit, les ducs de Lorraine étaient aussi bienveillants que possible pour la communauté de Gérardmer, mais il n’en est pas moins vrai que les entraves apportées au libre échange des produits agricoles gênaient singulièrement les négociations.

Monnaies

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L’argent ayant toujours été la base des transactions, nous avons cru nécessaire d’ajouter quelques données historiques au sujet des monnaies.

En 1700, le duc Léopold fit frapper de nouvelles monnaies pour la Lorraine ; c’étaient des pièces d’or, d’argent et de billon ; les pièces d’or recevaient le nom de doubles-léopolds, léopolds et demi-léopolds, qui avaient le titre, la taille et le poids des doubles-louis, louis et demi-louis ; les pièces d’argent, lesquelles portaient également la dénomination de doubles-léopolds, léopolds et demi-léopolds, avaient la même valeur que les écus, demi-écus et quarts d’écus de France.

Il y avait en outre la livre tournois (tt), qui valait 20 sous (s), le sou, 4 liards (l) et le liard, 3 derniers (d).

Suivant les époques, on employa aussi à Gérardmer d’autres valeurs monétaires, savoir : le gros (gr) qui valait 4 blancs (bl) et qui était le douzième du franc ; les écus de 6[16] et de 3 livres ; les pièces de 30, 24 et 15 sous ; le louis d’or qui valait 24 livres, et le double-louis qui en valait 48.

Pour comparer la valeur intrinsèque du numéraire à ces diverses dates avec celle de notre époque, il faut tenir compte de la rareté du numéraire et multiplier les sommes données par un facteur variable suivant les époques.

Prix des denrées usuelles
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Nous donnons ci-après les données qui concernent les objets de consommation courante.

La livre de pain : 3 gros (1696) – 2 gros 2 blancs (1690) – 0 fr. 175 (1789) – 0 fr. 35 (an IX).

La livre de fromage ordinaire : 3 gros (1690) – 7 sous (1725) – 10 sous (1789).

La livre de fromage fin (cuminé) : 5 gros (1690) – 7 gros (1696).

La livre de beurre : 17 sous (1721) – 23 sous (1731).

La livre de sel : 0 fr. 3525 (1789) – 4 sous 9 deniers (an IV).

La livre de truite ou de brochet : 6 sous (1735) – 10 sous (1762-85-89).

La livre de perche (heurlin) : 1 sou (1735) – 2 sous (1762-89).

La pinte de vin (de Paris) : 1 franc (1690) – 0 fr. 35 (1789) – O fr. 55 (an IX).

La pinte de bière : 0 fr. 20 (1789) – 0 fr. 325 (an IX).

Le quintal de bled : 16 livres (1790).

Le quintal de seigle : 12 livres 10 sols (1790).

Le quintal d’avoine : 7 livres (1790).

La rame de papier : 7 livres (1792).

Le mille d’escendes (essis) : 21 francs (1713).

Un cheval : 233 francs (1714).

Une vache : 96 francs (1629).

Une brouette : 1 franc 8 gros (1714).

Une corde de bois de hêtre : 6 francs (1789) – 10 francs (an IX).

Façon d’un habit complet : 5 francs (1789) – 7 fr. 50 (an IX).

Façon d’une paire de souliers : 5 francs (1789) – 6 fr. 50 (an IX).

Rente de 100 francs : 1 livre 9 gros (1696) – 5 francs (1789).

|l|r|r|
&amp ; 1789 &amp ; 1801
Salaire d’un journalier nourri (été) &amp ; “ 60 &amp ; 1 ”“
Salaire d’un journalier nourri (hiver) &amp ; ” 50 &amp ; 0 75
Salaire d’un journalier non nourri &amp ; 1 “” &amp ; 1 75
Salaire d’une femme à la journée, nourrie (été) &amp ; “ 35 &amp ; ” 55
Salaire d’une femme à la journée, nourrie (hiver) &amp ; 0 05 &amp ; “ 10
Gages annuels des domestiques « mâles » &amp ; 72 ”“ &amp ; 120 ”“
Gages annuels des domestiques « femelle » &amp ; 48 ”“ &amp ; 80 ”“
Salaire d’une journée de maçon &amp ; ” 50 &amp ; 1 50

(Archives communales postérieures à 1789. Les frais de voyage étaient peu élevés au commencement du xviiie siècle. Gérard Michel qui fit à Nancy, pour la communauté, un voyage à cheval de 7 jours (1716), rapporte les dépenses suivantes : « De la giste de Remiremont à Épinal, y avoir dîné, 1 sols ; à la giste de Charmes, 30s, à Velle (dîner), 13s, à Nancy, 2 nuicts et repas, 3l 18s ; pour 2 nuicts de cheval, 28s, à Bruyères (dîner), 17s. »)

|l|r|r||r|r|

&amp ; &amp ;
&amp ; 1789 &amp ; 1801 &amp ; 1789 &amp ; 1801
Un médecin ou homme de loi &amp ; 2 “” &amp ; 2 80 &amp ; “ 30 &amp ; ” 40
Propriétaire le plus riche de Gérardmer &amp ; 1 40 &amp ; 1 80 &amp ; “ 20 &amp ; ” 25
Petit propriétaire &amp ; “ 40 &amp ; ” 75 &amp ; “ 10 &amp ; ” 13
Un artisan (menuisier, cordonnier) &amp ; “ 50 &amp ; ” 80 &amp ; “ 125 &amp ; ” 15
Un journalier ou un domestique &amp ; “ 40 &amp ; ” 75 &amp ; “ 10 &amp ; ” 13

|l|r|r|l|r|r|

&amp ; 1721 &amp ; 1789 &amp ; &amp ; 1721 &amp ; 1789
Armurier &amp ; 2 &amp ; “ &amp ; Aubergiste &amp ; 11 &amp ; 4
Accoucheuse &amp ; 1 &amp ; 5 &amp ; Beurrier (marchand) &amp ; ” &amp ; 3
Arpenteur &amp ; “ &amp ; 2 &amp ; Blattier (march. de blé) &amp ; ” &amp ; 3
Boîtelier &amp ; 12 &amp ; 15 &amp ; Maçon &amp ; 7 &amp ; 5
Boisselier (marchand) &amp ; “ &amp ; 1 &amp ; Magasinier de sel &amp ; 1 &amp ; 1
Bonnetier &amp ; ” &amp ; 2 &amp ; Maréchal ferrant &amp ; 7 &amp ; 12
Boucher &amp ; “ &amp ; 3 &amp ; Mercier &amp ; 1 &amp ; 3
Boulanger &amp ; 3 &amp ; 3 &amp ; Menuisier &amp ; 1 &amp ; 4
Bourrelier &amp ; 2 &amp ; 3 &amp ; Meunier &amp ; 5 &amp ; 6
Buraliste &amp ; ” &amp ; 5 &amp ; Marchand &amp ; 9 &amp ; “
Cabaretier &amp ; ” &amp ; 9 &amp ; Marchand de bétail &amp ; “ &amp ; 3
Chapelier &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Marchand de fromages &amp ; ” &amp ; 8
Charron &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Marchand salinier &amp ; 1 &amp ; 4
Charpentier &amp ; 9 &amp ; 8 &amp ; Manœuvre &amp ; 97 &amp ; “
Chasseur &amp ; ” &amp ; 2 &amp ; Mendiant &amp ; 31 &amp ; “
Châtreur &amp ; ” &amp ; 1 &amp ; Notaire &amp ; 1 &amp ; 1
Charcutier &amp ; “ &amp ; 1 &amp ; Officier de santé &amp ; ” &amp ; 2
Chirurgien &amp ; “ &amp ; 1 &amp ; Pêcheur &amp ; 5 &amp ; 4
Cloutier &amp ; 1 &amp ; 3 &amp ; Poissonnier &amp ; ” &amp ; 2
Cosson &amp ; 7 &amp ; 8 &amp ; Palonnier &amp ; “ &amp ; 2
Cordonnier &amp ; 9 &amp ; 8 &amp ; Poix (fondeur) &amp ; ” &amp ; 2
Couvreur &amp ; 6 &amp ; 4 &amp ; Potier (marchand) &amp ; “ &amp ; 1
Couturière &amp ; ” &amp ; 2 &amp ; Rasier &amp ; 1 &amp ; “
Cuvelier &amp ; ” &amp ; 17 &amp ; Organiste &amp ; “ &amp ; 1
Drapier &amp ; ” &amp ; 2 &amp ; Sabotier &amp ; 16 &amp ; 16
Epicier &amp ; “ &amp ; 1 &amp ; Sagard &amp ; ” &amp ; 4
Epinglier (marchand) &amp ; “ &amp ; 5 &amp ; Savetier &amp ; 2 &amp ; 6
Fabricant beurrier &amp ; ” &amp ; 35 &amp ; Sablonnier &amp ; 2 &amp ; “
Fontainier &amp ; ” &amp ; 1 &amp ; Sellier &amp ; 3 &amp ; “
Fromagers (marcaires) &amp ; 50 &amp ; 138 &amp ; Serrurier &amp ; ” &amp ; 3
Fruitier &amp ; “ &amp ; 5 &amp ; Taillandier &amp ; ” &amp ; 2
Forestier &amp ; “ &amp ; ” &amp ; Tailleur d’habits &amp ; 8 &amp ; 14
Fossoyeur &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Tisserands &amp ; 6 &amp ; 20
Gabeleur &amp ; “ &amp ; 5 &amp ; Tourneur &amp ; 10 &amp ; 11
Grainier &amp ; ” &amp ; 5 &amp ; Tabellion &amp ; “ &amp ; 1
Greffier &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Tonnelier &amp ; 11 &amp ; ”
Garde-chasse &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Teinturier &amp ; “ &amp ; 2
Horloger &amp ; ” &amp ; 1 &amp ; Vicaire en chef &amp ; 1 &amp ; 1
Instituteur &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; Vitrier &amp ; 2 &amp ; 1
Linger &amp ; &quot ; &amp ; 3 &amp ; &amp ; &amp ;

Nous ferons remarquer le petit nombre de tisserands (20, dont 12 compagnons), qui existaient à Gérardmer à la fin du siècle dernier.

D’ordinaire les artisans ne vivaient pas d’un seul métier ; ils en avaient plusieurs qu’ils exerçaient suivant les circonstances ; quand ils travaillaient au compte des particuliers, c’était toujours à domicile, et les personnes qui réclamaient leurs services devaient leur offrir la table commune.

Les cordonniers méritent une mention spéciale pour le patriotisme dont ils firent preuve pendant la Révolution. Ils étaient au nombre de 14, qui répondirent à l’appel chaleureux de l’administration municipale (en 1792), savoir : Didier, J. Gegout, A. Gegout, Moulin, A. Martin, Gley, N. Martin, Claude, Viry, J. Gegout le jeune, Blaison, Toussaint, N. Gegout, Pierrel.

Il s’agissait de faire des souliers pour l’armée, et les cordonniers manquaient de cuirs et de formes. L’administration municipale prit des dispositions pour donner à ces ouvriers la matière première indispensable, et le travail imposé fut toujours exécuté à temps ; 3, parmi ces cordonniers de Gérardmer, acceptèrent la commande de 50 paires de souliers nécessaires aux 25 engagés volontaires de la commune (47 Mars 1793).

Les tanneurs ne vendaient leurs cuirs qu’au reçu de numéraire métallique ; aussi, quand la dépréciation des assignats eut fait baisser considérablement la fortune publique, les cordonniers se virent dans l’impossibilité de faire les 2 paires de chaussures que chacun d’eux devait fournir par décade.

L’assemblée municipale protesta énergiquement en leur faveur (délibération du 12 Messidor an IV), en disant : « …Les cordonniers ne sont pas riches ; s’il est juste d’exiger des citoyens des sacrifices pour assurer la tenue des armées et leurs triomphes, il est aussi juste de les faire tomber sur ceux qui ont le plus de profit ; estime qu’il y a lieu d’ordonner aux tanneurs de fournir et avancer aux cordonniers les cuirs nécessaires pour la confection des souliers requis par la loi. »

Les sages-femmes, appelées autrefois « accoucheuses », et plus anciennement « matrones », étaient élues, à la pluralité des voix, par les femmes de Gérardmer, réunies à l’église paroissiale sous la présidence du prêtre vicaire en chef ; elles « prêtaient ensuite serment en mains du prêtre, suivant le rituel du diocèse », mention de cette élection était faite au registre des baptêmes de la communauté. En 1700, ce fut Marguerite Piérot que les femmes de Gérardmer choisirent pour matrone.

Pendant la Révolution, le choix des matrones incombait à l’Assemblée municipale. En 1793, l’Assemblée choisit pour sages-femmes : C. Thomas (centre) – M. Lecomte (Hauts et Bas-Rupts) – M. Thomas (Liézey) – A. Ferry (Xonrupt, Fies) – J.. Pierrat (Phény), « lesquelles ont prêté serment de remplir avec fidélité les fonctions de leur place, entre les mains du citoyen maire de cette commune, et ont signé. »

Ces nominations étaient faites sur les propositions des habitantes de chacune des sections. Les deux premières sages-femmes diplômées des cours d’accouchement d’Épinal, qui exercèrent à Gérardmer, furent Odille Maurice et Jeanne Le Roy[17] (28 Ventôse an XI.)

Industrie fromagère

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Nous devons un chapitre spécial à la principale industrie agricole du pays, la fabrication du frpomage dit de gérômé.

La statistique rappelée précédemment nous a montré qu’il y avait à Gérardmer, en 1789, près de 2.500 vaches laitières, 138 « marcaires » ou fabricants de fromages, et seulement 35 fabricants beurriers. Ces chiffres indiquent la prédominance de la fabrication du fromage, qui a toujours été une source importante de richesse pour le pays.

C’est surtout dans les chaumes que l’industrie fromagère est prospère.

Fabrication du fromage
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Pour faire le fromage de Gérardmer, il faut plusieurs opérations que nous allons décrire succinctement.

Après la traite et la filtration du lait, ce dernier est mis en présure. Cette opération, la plus importante de toutes, a pour but de faire cailler le lait au moyen d’un liquide spécial, la présure (prodan) ; suivant le volume du lait, sa température, celle de l’air, et le degré de concentration de la présure, on en met dans le chaudron une ou deux cuillerées. Ce dosage est indispensable à connaître, car si la présure est trop concentrée pour la dose de lait, la pâte du fromage se durcit et se fend en séchant ; si la présure est à une dose insuffisante, la pâte reste molle et le fromage coule. De plus, si la présure est mal préparée ou si elle a mauvais goût, le fromage sent fort comme on dit vulgairement ; cette présure est faite en laissant macérer la caillette d’un jeune veau (lo couèhèye) dans un liquide spécial.

Les marcaires des siècles derniers savaient parfaitement préparer leurs présures ; leurs descendants n’ont pas su toujours conserver les bonnes traditions de leurs ancêtres ni acquérir leur habileté[18].

Quand l’emprésurage a été bien fait, le lait est caillé au bout de quelques heures ; le marcaire brise le caillé (lo môton) avec le sochch’nèye, et sépare le petit lait avec le bèssin ; puis il met le caillé en formes sur la solère, les rèhausses surmontant les trôtes. L’égouttement du petit lait provoque le tassement du caillé, qui bientôt ne remplit plus que la trôte. Au bout de quelques jours, le fromage est suffisamment égoutté pour qu’on puisse le saler en le retournant sur le tala, garni de sel ; après qu’on a répété plusieurs fois l’opération, on met sécher les fromages soit à l’air en été[19], soit derrière le fourneau en hiver. En quelques jours le fromage est sec et devenu du fromage blanc ; il reste à le faire passer, comme disent les marcaires, c’est-à-dire à l’affiner en lui faisant subir un commencement de fermentation. À cet effet on le descend dans une balance (landri), sorte de cylindre vertical mobile, qui porte des disques destinés à recevoir les fromages. On les lave à l’eau douce plusieurs fois de suite ; on éloigne les rats et les loirs, friands de la pâte molle, et au bout de 3 ou 4 semaines on voit les fromages se couvrir d’une pellicule rougeâtre. Après quelques mois ils sont faits, et ils sont à point pour la consommation.

Très souvent le fromage de gérômé est anisé, c’est-à-dire aromatisé avec du cumin des prés (curum carui), vulgairement appelé anis des Vosges. La fabrication du gérômé est une industrie qui a pris naissance au milieu des pâturages des hautes chaumes ; il ne faut pas s’étonner si le montagnard a tiré de son patois la dénomination des ustensiles du fromager et des opérations que nécessite la fabrication du gérômé.

Les principaux ustensiles en usage dans une marcairerie sont :

  1. Les sceaux en sapin (sèyes), dans lesquels on tire les vaches. Ils sont cerclés de fer ou de cuivre. On les voit, en entrant dans une ferme de la montagne, suspendus près de la fontaine et entretenus dans un état de propreté minutieuse ; les cercles métalliques en sont brillants comme des miroirs. De nos jours on tend à remplacer ces ustensiles par des sceaux en fer étamé, d’un entretien moins difficile.
  2. Une sorte d’entonnoir (le colèye), placé sur une échelette à lunette (lè hcholotte). Au fond de l’entonnoir on met un paquet de jalousie[20] et un linge fin.
  3. Un chaudron (chaudiron) en cuivre ou en zinc. Il est fermé d’un couvercle en bois, au milieu duquel se trouve un trou destiné à laisser passer le fond de l’entonnoir. Ce chaudron est placé sur un valet de paille tressée (raute), lequel repose sur un trépied en bois.
  4. Une sorte de cuillère, en bois ou en fer blanc (sochch’nèye), ressemblant à une cuiller à pot aplatie ; d’autres fois elle est remplacée par un couteau en bois très allongé. Cet instrument sert à diviser le caillé pour pouvoir le mettre en formes, puis à enlever le petit lait quand il vient à la surface du chaudron, dans le bassin.
  5. Une passoire circulaire ou oblongue, en fer blanc, zinc ou cuivre (lo bèssin). Elle est percée de nombreux trous et sert à séparer le petit lait du caillé.
  6. Deux douzaines de formes, presque toujours en bois de sapin, cerclées d’érable, de diamètre variable suivant la dimension du fromage à fabriquer ; sur le fond ces formes sont percées de 7 à 8 trous de la grosseur d’une plume d’oie, pour faciliter l’écoulement du petit lait. Les formes où l’on place le caillé (trôte) sont munies d’une hausse sans fond (réhausse), qui permet d’augmenter le volume du caillé mis à l’égouttage.
  7. Une sorte d’établi (lè solére), plus bas à un bout qu’à l’autre. À sa partie supérieure il est formé de deux plans inclinés, aboutissant à la rigole centrale qui facilite l’écoulement du petit lait. C’est aussi sur cet appareil qu’on sale les fromages (d’où son nom patois).
  8. Un cuveau en bois (lo hau k’vèye), qui reçoit le petit lait s’écoulant de la solère.
  9. Un large plateau de bois (lo tala), qui sert à mettre le sel dans lequel on retourne les fromages pour l’opération du salage. On place alors ces ustensiles sur la solère.
  10. Une petite étagère, ou à défaut plusieurs planchettes de sapin, sur lesquelles on met les fromages pour les faire sécher.

À tous ces instruments il faut ajouter, en hiver, un fourneau dans la chambre où l’on fabrique les fromages, pour maintenir la constance de température nécessaire à la coagulation du lait ; et, chose importante, quand on veut bien faire l’emprésurage, un petit thermomètre.

Le montagnard est fier de son industrie fromagère ; il répète volontiers ce couplet de la Vosgienne :

Et notre Gérômé,

Porte à la capitale
Dans sa boite natale,

Son cumin parfumé.

Industrie et commerce

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De bonne heure les habitants de Gérardmer surent suppléer à l’ingratitude du sol de leur pays par l’industrie et le commerce ; à part les marcaires des chaumes et les fromagers, les habitants de Gérardmer étaient en grande partie des artisans ou des marchands.

En 1721, il y avait 9 marchands : Paxion. – Le Roy. – Besson. – Costet. – Pierre (saunier). – Demangeat. – Saint-Dizier. – Remy. – Mourant (mercier). – Deux armuriers : Michel et Morel. – Un cordonnier, Joseph Garnier.

Ce dernier payait 8 livres 5 sous 4 deniers d’impôt : à raison de 4 sol 6 deniers par 100 livres ; c’était un riche artisan.

En 1740, Garnier devint un des dix commerçants du pays ; il payait, à raison de 13 sols 3 deniers par 400 livres, une imposition totale de 60 livres 13 sous 12 deniers, sa situation avait prospéré. Les autres marchands étaient : Morand. – Claude. – Le Roy. – Tarillon. – Demangeat. – Saint-Dizier. – Simonin. – Toussaint et Valentin.

Vingt ans plus, tard (1760), il y avait 8 commerçants, savoir : Le Roy. – Demangeat. – Georgel. – Vincent-Viry. – Le Roy. – Paxion. – Gaudier et Garnier.

L’imposition de ce dernier était, tant pour la subvention,que pour les ponts et chaussées, de 71 livres 4 sou.

Gaudier était colporteur. Cette profession ne tarda pas à se développer à Gérardmer ; dès la fin du xviiie siècle, les commerçants de Gérardmer n’hésitaient pas à se rendre au loin pour faire leurs approvisionnements ou écouler leurs marchandises. Les registres de l’assemblée municipale, pendant la Révolution, renferment plusieurs passeports délivrés à ces commerçants.

Pour l’an V, passeport délivré à Gille, bonnetier, qui se rendait à Bâle.

Pour l’an VI : à Mougin, Gegout, Paxion et Morisie, son agent de confiance, qui allaient en Suisse ; Kalauque, vitrier, originaire de Claro, Suisse italienne, qui se rendait dans son pays pour affaires de famille, obtinrent des passeports.

L’année suivante il en fut délivré à Demangeot père et fils, qui faisaient le commerce des linges à pansement pour les hôpitaux militaires (Suisse) ; à Nicolas, J.-B., Joseph et Claude les Simonin, frères et fils de Jean-Nicolas Simonin, qui se rendaient en Suisse pour le même commerce (charpie) ; à Perrin, qui vendait des comestibles aux armées ; à Bontems, cabaretier, qui exerçait aussi la profession de cantinier. Pour l’an VIII, on n’en délivra qu’un, ce fut à Viry, bonnetier, qui allait commercer en Helvétie.

Nous allons passer en revue les industries locales.

Boissellerie

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Léopold Bexon dit qu’en dehors de la fabrication et de la vente des fromages, une autre branche d’industrie de Gérardmer est le travail des futailles en bois :

Grand nombre d’habitants y sont occupés, même les marcaires, dont le produit des vaches ne suffit pas à leur subsistance et pour les deniers royaux (impôts). Ils font, avec du sapin, des boites de toute espèce, des cuveaux, etc., et, avec le hêtre, des cuillères à bouche, des écuelles, des gamelles, etc., enfin tout ce qui peut se faire en bois et pour le royaume.

La fabrication des sabots, appelés en patois du pays solès de beüe et de la vaisselle en bois remonte à une époque fort éloignée. Dans les comptes de la gruerie d’Arches du xvie siècle, il existe, d’après H. Lepage, et pour chacun d’eux, un chapitre intitulé : « Les amoisonnez demeurans à Gérardmer pour faire vaxelles de bois, moitié à nostre souverain seigneur (le duc) et à l’église Saint-Pierre ». Ces « amoisonnez » ou « admoisonnés » étaient des individus qui, moyennant redevance, avaient le droit de prendre, dans les forêts communes, entre le domaine et le Chapitre de Remiremont, les bois nécessaires à leur industrie. En 1571 il y en avait 42 ; en 1585, 13. Le même auteur rapporte que « les comptes de la gruerie de Bruyères pour les années 1485, 1496, 1504, font aussi mention de sommes payées à des individus de Gérardmer, pour la façon de lances de joûte et de lances et piques qui furent délivrées en l’arsenal de Nancy. »

En 1612, le receveur d’Arches délivre 9 francs à Thomas Glé, de Gérardmer, « pour l’achapt de six vingts formes (120) de bois servantes à façonner fromages, lesquelles sont et demeurent en provison au logis du dit Glé pour recevoir, entretenir et séler les fromages deus (dus) annuellement à S. A. par les admodiateurs et fermiers des chaulmes. »

Voici la statistique de cette industrie en 1789 et 1801[21]:

|p5cm|r|r||r|r| &amp ; &amp ;
Désignation de la spécialité &amp ; 1789 &amp ; 1801 &amp ; 1789 &amp ; 1801
&amp ; &amp ; &amp ; fr. &amp ; fr.
Faiseur de râteaux &amp ; 3 &amp ; 3 &amp ; 1.350 &amp ; 1.800
Palonniers &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 300 &amp ; 450
Cuveliers &amp ; 17 &amp ; 12 &amp ; 7.500 &amp ; 6.900
Boiteliers &amp ; 15 &amp ; 8 &amp ; 7.500 &amp ; 6.900
Saloirs &amp ; 2 &amp ; 2 &amp ; 900 &amp ; 1.200
Tourneur en bois &amp ; 8 &amp ; 10 &amp ; 3.00 &amp ; 4.500
Cuillères à poëllon &amp ; 3 &amp ; 3 &amp ; 900 &amp ; 1.125
Cuillères ordinaires &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 225 &amp ; 300
Artisans &amp ; 60 &amp ; 50 &amp ; “ &amp ; ”
Sabots &amp ; 16 &amp ; 8 &amp ; 4.800 &amp ; 3.600
Totaux &amp ; 126 &amp ; 98 &amp ; 26.475 &amp ; 24.375

La diminution dans la production de la boissellerie fut due « à la rareté et à la chèreté du bois » ; cependant, « grâce aux efforts de Joseph Garnier l’aîné, dont la belle-fille reprit la succession, et de Pierre Viry, l’industrie de la boissellerie figura avec honneur à l’exposition industrielle du département en 1835[22]. »

C’est vers cette époque qu’un nommé Gille ayant eu l’occasion de faire de nombreux voyages dans la Forêt-Noire et le grand duché de Bade, rapporta dans son pays natal le secret de la fabrication de la boîte à fond carré, dite depuis Boîte d’Allemagne.

Trente ans plus tard, Vincent-Viry montait à la Basse-des-Rupts une petite fabrique mécanique, berceau de la fabrication industrielle de la boissellerie (1860), dont le créateur est M. Lucien Simonin.

Dès 1873, cet industriel installa sur le ruisseau de la Basse-des-Rupts une usine qui a pris un développement considérable et occupe aujourd’hui toute la vallée.

Rompant avec la routine et les traditions locales, M. Simonin a dépassé de 100 coudées les anciens procédés de fabrication, grâce à un outillage perfectionné qu’il a su adapter à son genre de travail. Dans ses ateliers on fabrique tous les articles concernant les transformations de la pièce de bois en grume : les boîtes de tous les formats (boîtes à pharmacie, à jouets, à fleurs, etc.), les bois de brosse, les jouets d’enfants, les pliants dits parisiens, les jeux de dames, les jeux de construction, les plumiers d’écoliers, les boîtes en carton de pâte de bois[23], etc. Pour donner une idée de l’importance de la fabrication, disons que l’usine de M. Simonin produit par jour de 40.000 à 50.000 boîtes.

Cette industrie offre donc un nouveau débouché aux bois de sapin du pays ; à ce seul titre, elle méritait déjà une mention particulière ; ajoutons que par l’ensemble de sa fabrication, M. Lucien Simonin s’est appliqué à lutter avantageusement contre les articles similaires allemands, dont l’importation diminue en raison inverse de la prospérité de sa fabrication.

C’est pour ces deux raisons que nous avons écrit ces quelques mots d’histoire contemporaine.

Fabrication de la poix

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La nécessité donne de l’intelligence aux habitants d’une terre marâtre, qui leur refuse les productions de première nécessité.

Ceux de Gérardmer, dans le temps, ont imaginé d’aller recueillir de la poix blanche qui distille de l’arbre fie (épicéa)… ils conduisent cette poix blanche sur les ports de mer pour être employée aux vaisseaux ; elle sert aussi pour graisse de chariot[24]. Ils recueillent la térébenthine qui distille de leurs sapins et qui est d’une utilité dans les pharmacies, aux peintres et pour des vernis.

L’état du Temporel des Paroisses de 1704 contient les lignes suivantes au sujet de cette industrie :

Les montagnes qui entourent le lac de Longemer, de même que celles de Gérardmer et les autres de la Vosge, sont couvertes en partye de pins et de sapins, dont on tire la térébenthine et l’encens ; desquels sapins on fait un commerce considérable en Lorraine.

Actuellement l’administration forestière prohibe la récolte de la poix de sapin qui nuit beaucoup aux arbres. L’industrie de la poix a presque disparu à Gérardmer ; elle n’est plus pratiquée qu’en fraude.

Salin de potasse

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Pendant tout le cours du xviiie siècle, les montagnards de Gérardmer ramassaient les bois pourris ou abandonnés dans les forêts, ainsi que les branches d’arbres. Ils les incinéraient dans un trou creusé en terre ; les cendres ainsi obtenues étaient lessivées ; le produit brut, évaporé jusqu’à siccité, donnait le salin que l’on vendait aux verreries et aux savonneries. Cette industrie avait de l’importance dans le pays, puisque la potasse ainsi préparée a été désignée sous le nom de Potasse des Vosges.

La statistique de l’an X évalue à 400.000 francs pour Gérardmer le chiffre total de la production du salin, d’autant plus recherché par les marchands de Saint-Dié et de Raon-l’Étape, que « les femmes avaient soin d’en augmenter la force en arrosant de leurs urines (sic) les tas de fougères et de bruyères qu’elles devaient ensuite incinérer. »

En 1789, il y avait quatre marchands saliniers à Gérardmer.

Scieries

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L’étendue des forêts, le nombre des cours d’eau devaient nécessairement amener la création de scieries ; les plus anciennes connues appartenaient à des particuliers.

Le compte du gruyer d’Arches pour l’année 1620 mentionne une vente de sapins faite à Nicolas Cugny, tabellion à Gérardmer, « pour faire planches en une scierie qu’il avait fait construire sur le ruisseau du Haut-Rupt, respandise de Grouvelin[25]. »

En 1663, le domaine amodia pour trois années la seye du « Haut du Beuliart », et « l’autre nouvelle seye du Beuliart, dite de Ronfaing ». Ces amodiations furent renouvelées en 1667 pour le même terme de trois ans[26].

Il existait deux scieries communales. En vertu d’un titre expédié à Plombières le 21 Mai 1664[27], la commune possédait, sans en rendre aucune redevance, une scierie scise à La Salochamps (Ensalechamp), pour l’usage des habitants et la réfection de leurs bâtiments seulement. Dès 1708. elle avait, de commun avec Joseph de Lalevée, la scie de Xonruit (Xonrupt) ; les lui appartenaient, les autres étaient à Lalevée. Cette scie payait annuellement un franc de cens[28].

La communauté louait ses scieries à des particuliers. Le bail de location pour celle de l’Ensalechamp portait que :

L’adjudicataire sera tenu d’entretenir la dite scierie, de même que les bâtiments et fontaines, les prés et leurs cloisons, et toutes les charges susceptibles autres que le vingtième ; il sera tenu de scier nuit et jour tant qu’il y aura de l’ouvrage ; il ne devra avoir de faveur pour personne, à peine d’exclusion ; il paiera pour trois années 207 Livres 5 sous en deux termes (1749). Le cens pour le bail 1774-77 s’élevait â 221 livres 10 sous.

Pour la scierie de Xonrupt (bail 1771-74), les preneurs s’engageaient à payer chaque année « un cens de 11 livres 12 sous 6 deniers. Ils sont tenus de payer les cens, redevances et deniers dont la communauté pourrait être chargée au sujet de la scierie. »

D’autres scieries s’élevèrent un peu partout sur l’étendue de la communauté ; il y en eut une à Retournemer (1765), une autre sur la Jamagne (en dessous de l’orphelinat actuel). Au lieu de se contenter de scier le bois nécessaire aux particuliers pour la réfection de leurs maisons ou l’entretien de leurs enclos, les sagards débitèrent en planches les bois de délits qu’ils se procuraient avec la plus grande facilité, les scieries étant entourées de forêts. Ces abus provoquèrent, dès 1770, un règlement pour les scieries, car les forestiers « avaient trouvé sur ces scieries 161 troncs non reconnus » Il fut décidé : 1) que les deux scieries de l’Ensalochamp et de Xonrupt seraient louées au même locataire ; que le sangaire (sagard) ne recevrait de pièces sur sa scierie qu’après un certificat d’origine. Il tiendrait de plus un registre « sans blancs ni ratures, pour recevoir les signatures des déposants » ; 2) le sagard devait se conformer à ces prescriptions ou être rendu responsable des délits ; 3) il s’engageait à présenter chaque semaine le registre au maire ou au syndic, et à ne pas débiter de bois non marqués du marteau du roi[29].

Il faut croire que ces mesures d’ordre ne purent empêcher les abus, car le 20 Mai 1777, sur l’avis du Maître particulier des eaux et forêts de la Maîtrise de Saint-Dié, Louis-Joseph de Bazelaire de Lesseux, le Conseil d’État du roi supprima la scierie de Lanceu-le-Champ (l’Ensalechamp), et ne laissa « rouler » que celle de Xonrupt pour la communauté. Les maire, syndic, jurés de Gérardmer se pourvurent en Conseil d’État contre l’arrêté royal et protestèrent vigoureusement ; mais ils furent déboutés de leur plainte et l’arrêté de 1777 fut exécuté dans les trois mois qui suivirent sa notification aux intéressés[30]. Ajoutons, pour terminer la question de l’utilisation des forêts, que la création, au Kertoff, d’une râperie de bois et d’une papeterie appartenant à M. Henry Boucher, député, a donné un nouveau débouché aux sapins du pays[31].

Moulins

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Nous avons déjà fourni quelques indications au sujet des moulins en parlant des banalités.

La communauté louait ses moulins d’une manière assez originale. Voici le bail de location de l’un d’eux, fait en 1705.

Le locataire sera obligé de faire à ses frais la cuisine de la maison, la paver de pierre froide, le poil (poële, chambre principale), une chambre comme le poil, un cellier, une cour, une chambre en haut, plancher dessus et dessous dans toutes les aysances, faire touttes les parrois nécessaires tant de la maison que du moulin, faire une grand paroi double du costé des roues du moulin, au raing de desoub (dessous), faire une escurie, faire la levée et la remplir esgal aux seuill, un contre-feu à la cuisine, de la pierre de taille pour une platine et, une corniche, fournyr tous les matériaulx, ferrages, platine, barreaux, burhes, planches et vitres nécessaires, massonner tous les seuill, recrépir les murailles et les blanchir comme elles se doibvent, graver les planches tant du moulin que de la maison, faire un four et une fontaine et rendre le tout fait et parfait par les preneurs d’huy à la saint Georges prochain, venant à un an y résider actuellement sans absences, l’amodiation sera de 6 années à la saint Rémy prochain commençant, en rendre les dits moullins et bastiments, vannes et cours d’eau à la fin des dites six années, bon estat à dire d’expert et de payer par chacune année, savoir les 2 premières années, gratis, et les 4 années suyvantes, chacune soixante francs[32].

Un état des propriétés communales[33] donne ainsi la situation des moulins de Gérardmer :

1 – L’Ensalechamp, 2 tournants d’eau ; rendement : 24 à 30 quintaux de médiocre farine ; chômage : 3 mois par sécheresse, 6 semaines pour réparations et obstacles (glaces et neiges qui remplissent le canal en hiver).

2 – Dessus-de-Forgotte, 1 tournant ; rendement : 12 quintaux de farine ; chômage : 5 mois (sécheresse et réparations).

3 – Dessous-de-Forgotte, 2 tournants d’eau ; rendement : 24 quintaux de farine en saison ; chômage : 6 mois (mêmes causes que les autres).

4 – Lac ou La Jamagne, au sortir du lac, à quart de lieue du village ; rendement : 14 ou 45 quintaux de farine commune par jour ; chômage : 7 à 8 mois de l’année (sécheresse et réparations).

5 – Les Cuves ou La Vologne, 1 tournant, il est situé à de lieue du village ; il fait 42 à 43 quintaux de farine ordinaire et chôme de 4 à 6 semaines.

6 – Le Beillard, à une lieue du village, sur le ruisseau dit du Corxart (Corsaire) ; rendement : 6 à 7 quintaux de farine médiocre ; chômage : 1 mois.

Huilerie

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Il existait à Forgotte un moulin battant avec une huilerie pourvue d’une paire de meules (moulin du dessous). Cette huilerie payait à la communauté une redevance annuelle de 172 francs. Elle employait quatre ouvriers payés à raison de 20 francs par mois chacun ; elle fabriquait annuellement 36 quintaux d’huile de lin, et quelquefois un peu d’huile de faîne et de graines de sapins.

Le nombre de tourteaux, dits pains d’huile, se montait chaque année à 900.

La production de l’usine était bien inférieure à la consommation annuelle, qui variait de 325 à 350 quintaux.

L’huilerie était louée, comme les autres propriétés communales, pour un loyer annuel de 84 écus à 3 livres l’un (bail de 1750).

Tannerie

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La tannerie exploitée actuellement par Mme veuve Saint-Dizier, fut fondée à la fin du siècle dernier par un ancêtre de sa famille, J.-B. Saint-Dizier.

Dès le 21 Avril 1793, ce dernier se proposa d’établir, à l’Ensalechamp, une tannerie avec pilon et foulant. Il s’offrit, en échange de l’autorisation communale qu’il sollicitait à cet effet, à fournir annuellement « 6 imaux de bled ou froment au bureau des pauvres. »

La Municipalité, qui se défiait beaucoup de cette nouvelle industrie, accepta sous les réserves suivantes les propositions de J.-B. Saint-Dizier.

Il devait laisser praticable le chemin qui traversait la Vologne ; n’occuper que l’endroit délimité par ses fosses ; prendre la responsabilité des dommages causés par son usine aux propriétaires voisins ; enfin la municipalité se réservait le droit de retirer l’autorisation, si elle le jugeait opportun.

Les propriétaires voisins de l’usine projetée s’opposèrent si vivement à son établissement que, pour cette année-là, le tanneur dut renoncer à ses vues. Mais il ne se tint pas pour battu ; l’année suivante il revint à la charge et put installer, près de la Jamagne, non loin du moulin de l’Ensalechamp, un pilon d’écorce et trois cuves.

À l’origine, l’établissement de J.-B. Saint-Dizier ne servait qu’à tanner les cuirs nécessaires au métier de sellier qu’il exerçait ; dans la suite, quelques particuliers lui firent tanner du cuir pour faire des souliers.

Néanmoins, soit que les troubles de la Révolution eussent ralenti le commerce local, soit que les débouchés fussent moins importants qu’aux débuts, la tannerie resta stationnaire ; car, peu d’années après, Joseph Saint-Dizier, fils de Jean-Baptiste, demanda la « décharge de sa patente de tanneur pour conserver celle de bourrelier[34] ». Il ajoutait « qu’il ne tannait que pour son usage et qu’il n’était pas fortuné. »

La tannerie de Gérardmer prospéra surtout dès son transport au centre, vers 1825.

Foulant de laine

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C’est également à la fin du siècle dernier que deux habitants de Gérardmer, N. Gegoult et Michel Roch, bâtirent au Larron un foulant d’étoffes de laine à l’eau, pour fouler les étoffes qu’ils fabriquaient. Cette installation avait une très faible importance.

J.-B. Jacquot rapporte qu’autrefois on a fait des fouilles pour la recherche de mines de fer et de cuivre à Gérardmer ; on retrouve les traces de ces fouilles, dit-il, « à la Basse-de-la-Mine et sur la montagne de Fachepremont ; mais elles ont été abandonnées, probablement parce que leurs produits ne couvraient pas les frais d’exploitation. On voit aux mines de Fachepremont des fers oligistes micacés (ainsi qu’à la droite de Longemer, où le fer oligiste est à gangue de quartz), des fers sulfurés et des cuivres carbonatés[35]. »

Les comptes des mines de La Croix fournissent aussi quelques renseignements à ce sujet.

Celui de l’année 1550 dit :

Controlle des gectz de la montaigne Sainct-Martin et Sainct-Thiébault, à Géralmeix, pour Monseigneur.

Du compte rendu le xxije de Mars, la despence du dit porche[36] a monté à xxxvij fr. xvij gr. x d., qu’est pour la parson ixe Monseigneur… iiij fr. iiij gr. x d.

En Juin, la dépense est de 31 fl. 12 gr. ; en Septembre, de 34 fl. 90 gr. 4 d. ; en Décembre, de 45 fl. 4 gr.

Le compte des « gectz du porche Sainct-Martin, à Giralmeix » pour l’an 1551, porte : « Du compte rendu le xxje de Mars, les coustenges du dit porche ont monté à xxxij fl. xj gr. iiij d.[37] »

Les comptes des années suivantes ne renferment plus rien ; celui de 1576 fait mention du « porche Saint-Bartolomei, à Gyralmei

Le compte de 1581 parle du « porche de Nostre-Dame, à Giramei », et contient cette note : « Les gectz ont monté sur le IXe que Monseigneur faict labourer à porche Nostre-Dame, à Giramey, à V fl. viij gr. »

Cette mention existe encore dans l’année suivante ; puis il n’en est plus question, ce qui permet de supposer que cette exploitation fut abandonnée[38].

Il existe aux archives communales de Gérardmer un Mémoire adressé à l’Intendant de Lorraine, sur les mines de fer trouvées dans la paroisse de Gérardmer, près du lac de Longemer, à Pharespréont (Fachepremont) 1787.

La statistique de l’an IX corrobore cette assertion, en disant qu’on « trouve au nord de Gérardmer d’assez gros morceaux de mine de fer terreuse, dont le poids annonce la richesse. »

Il est présumable que le minerai de fer extrait à la Basse-de-la-Mine (Longemer et Xettes), fut conduit, dès le xviie siècle, à la fonderie du cadet de Martimprey (détruite en 1635 par les Suédois).

La fabrication des toiles à Gérardmer, à la fin du siècle dernier, n’existait qu’à l’état rudimentaire. Trente-un arpents de terre seulement étaient cultivés en lin et donnaient 16 quintaux de, filasse qui étaient filés et tissés à la maison pour les usages journaliers. Il n’y avait d’ailleurs que 20 tisserands de profession en 1789 (dont 12 compagnons) ; une note insérée au registre des délibérations de l’assemblée municipale du 1er Frimaire an V, dit de plus que « parmi les tissiers, il n’y en a pas un qui exerce cette profession dans d’autres tems que le milieu de l’hiver. Les femmes filent leur chanvre, le font travailler en toile ; à l’approche de l’été, cette partie (le tissage de la toile) est abandonnée. »

Les temps sont bien changés! Le rôle considérable qu’ont joué, dans la fortune de Gérardmer, la fabrication et le commerce des toiles, la place de premier rang que l’industrie textile y occupe actuellement, nous font un devoir de relater, dans ses grandes lignes, le développement remarquable de cette industrie locale.

Dès 1817, plusieurs personnes s’occupèrent activement du commerce de toile ; il faut citer, parmi les plus marquantes, Viry-Paxion ; Marie-Catherine Cuny (dite Catain Cuny) et les époux François Thiébaut. Après le départ de Victor, fils de Viry-Paxion, qui alla s’installer à Bruyères, et le décès de Marie-Catherine Cuny, il ne resta plus à Gérardmer, pour faire le commerce de toiles sérieusement, que les époux Thiébaut, dont la fille Virginie reprit la suite des affaires. Elle épousa, en 1832, J.-B. Garnier, et leur maison de commerce acquit bientôt une grande importance sous le nom de J.-B. Garnier-Thiébaut.

À cette époque la fabrication des toiles était fort difficile à Gérardmer. Il fallait acheter, sur place ou à Bruyères, une grande quantité de petits paquets de fil de lin, filé au tour ou au rouet, dont quelques-uns ne pesaient pas plus de 250 grammes ; pour avoir dans une pièce de toile des tissus de même finesse, on était obligé de tirer les fils et de les assembler par grosseurs, ce qui prenait beaucoup de temps.

Ce fut J.-B. Garnier-Thiébaut qui le premier, en 1836, introduisit à Gérardmer les fils filés mécaniquement[39]

Son exemple fut suivi peu d’années après par Cuny-Marchal et les autres fabricants du pays ; cette innovation provoqua un essor notable dans l’industrie textile.

Les toiles étaient vendues sur le marché de Bruyères à l’aune de cette ville (0m80). La plupart des commerçants de Gérardmer – surtout dans les débuts de leurs affaires – portaient eux-mêmes à Bruyères leurs pièces de toile sur un brise-dos ; mais l’éloignement de cette ville (24 kilom.), la difficulté des communications pendant la saison d’hiver, gênaient les transactions.

Pour couper court à ces entraves, J.-B. Garnier-Thiébaut [40]et Cuny-Marchal, qui tenaient entre leurs mains la majeure partie de la fabrication, parvinrent avec l’aide de leurs fils respectifs, à déplacer le marché des toiles et à l’amener à Gérardmer même (1852).

Cet événement économique – important pour l’époque – eut une influence considérable sur les progrès du commerce de toiles et contribua à enrichir les négociants. Les acheteurs venaient sur place, de l’Alsace et de bien plus loin, faire des achats importants : ce fut pour Gérardmer une ère de prospérité remarquable ; aussi il y avait, en 1869, tant à Gérardmer que dans les environs, de 75 à 80 fabricants de toile.

Le développement de la grande industrie des toiles des Vosges est plus récent. Il date de la création des tissages mécaniques ; le commerçant de Gérardmer qui en établit un le premier, fut F. Gérard, qui installa un tissage mécanique au Tholy en 1864-65. À leur tour, en 1870, les fils de J.-B. Garnier-Thiébaut, qui depuis 1867 avaient pris la suite des affaires de leur père, construisirent un tissage mécanique à Kichompré. L’essor donné par ces industriels a été s’accentuant ; depuis 1886, un nouveau tissage mécanique a été bâti près de la gare par MM. Maximilien Kelsch et Louis Bonnet, petit-fils de J.-B. Garnier-Thiébaut[41].

Confection de la charpie

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Pendant les guerres des xvie, xviie et xviiie siècles, les habitants de Gérardmer eurent l’idée de faire de la charpie. À cet effet, dit Léopold Bexon[42], « Ils lèvent de vieux linges, les blanchissent proprement sous les neiges qui couvrent leurs habitations ; tous ceux qui ne font pas de futailles de bois et notamment les femmes et les enfants s’occupent à faire des charpies, presque pour fourniture de tous les hôpitaux du royaume ». Cette industrie s’exerçait encore en 1789 ; elle reprit une nouvelle activité pendant les guerres de la Révolution.

Poterie

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Les roches quartzeuses, élément constitutif du sol de Gérardmer, servirent à faire des poteries ; M. G. Save, de Saint-Dié, a raconté l’histoire de ces poteries dans une intéressante étude à laquelle nous empruntons les détails qui suivent et renvoyons le lecteur pour plus de détail[43].

La poterie que fabriquait autrefois Gérardmer s’appelle pierraille ou cailloutage. Elle se distingue à première vue de toutes les autres et mérite la place d’honneur au milieu de ses rivales vosgiennes, « par une finesse de pâte, une recherche de la forme et une qualité d’émail que n’ont jamais atteint les autres fabriques de nos pays. Elle se reconnaît à son décor imitant un marbre foncé, le plus souvent brun-rouge et noir parsemé de veines blanches très fines, tandis que les autres et certains ornements appliqués à la surface sont en pâte blanc-jaunâtre, rehaussés de filets bruns. »

Les fondateurs de l’industrie du potier, à Gérardmer, furent du reste deux Bavarois: les frères Etienne et Philippe Roch.

Leur moulin à broyer la pierre était installé sur le Rupt-du-Chêne (en patois : lo Ript-do-Châne), entre Rouen et les Xettes. On l’appelait le Moulin des Cailloux. Sans nul doute les potiers se servaient des minerais qui existaient à La Basse-la-Mine, au bas des Xettes ; la pâte blanche, composée de quartz et de feldspath, était tirée de la pegmatite, roche abondante dans cet endroit. Avant de la piler dans des meules analogues à celles des huileries, on la chauffait au rouge puis on la jetait dans l’eau ; la désagrégation était bien plus aisée ensuite.

Les débris de la mine de fer donnaient les pâtes jaunes et rouges ; les minerais de cuivre fournissaient les pâtes verdâtres, les minerais de manganèse, les brunes noirâtres.

La pâte, soumise ensuite à un lavage par décantation, était ressuyée, pétrie aux pieds par le marchage, battue à la main en galettes, rendue plastique par la pourriture avec du purin, et enfin transportée dans la fabrique située au Pré-de-Cheny.

C’est là qu’elle recevait sa dernière préparation et sa forme définitive.

On trouve souvent, sous la partie inférieure des plus belles pièces, un monogramme imprimé dans la pâte par un cacheton tracé à la pointe. Le plus ancien : R. F., que plusieurs amateurs croyaient signifier République française, est la marque de Roch frères. Elle indique la première période de fabrication qui s’étend jusqu’à vers 1800. Le monogramme M ou N M est celui du dernier directeur Nicolas Marulaz[44].

La faïencerie de Gérardmer n’existe plus depuis une cinquantaine d’années ; mais ses produits resteront et seront toujours appréciés par les vrais connaisseurs, sinon comme objets d’art très précieux, du moins pour leur rareté et la beauté de leur fabrication[45].

Situation générale de l’industrie en 1789, à Gérardmer

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Les habitants de Gérardmer, malgré leur activité et leur esprit d’initiative, se plaignaient de la situation industrielle de leur pays.

Il serait nécessaire, écrit la municipalité en 1798, qu’il y eut dans ce canton quelqu’un qui fit filer et manufacturer des laines ou cotons, ce qui est très facile d’établir si la jeunesse veut travailler et si on encourage l’entrepreneur ; Roch (celui qui avait un foulant de laine) serait excellent pour une affaire de cette nature ; mais les fonds? Les débouchés sont faciles de tous côtés. De cette manière la jeunesse qui ne fait rien l’hiver aurait de l’occupation, s’instruirait en travaillant et gagnant. Ce serait une branche de commerce à ajouter à celui qui fait une des grandes ressources de Gérardmer, ou généralement parlant il est très actif, à raison que dans ces montagnes il le faut si on veut vivre.

Ceux qui se sont le plus distingués dans l’industrie sont les citoyens :

« Paxion, père et fils, pour la potasserie, le salin, la potasse ;

« Garnier, père, pour la vaisselle de bois ;

« Garnier, fils, id. et les toiles ;

« Demangeat, pourle commerce extérieur.

« Les fromages, denrées du pays, sont de la main de plusieurs personnes.

« Étienne Viry commence à se distinguer dans plusieurs parties, ainsi que Gabriel Jacquot et J.-Jacques Viry, et particulièrement Simon Viry, pour le bétail de toute espèce. »

Une délibération de l’assemblée municipale du 27 Brumaire an III, relative à la création d’un nouveau chemin de Gérardmer au Valtin, depuis la, Pierre-Charlemagne (par la Roche-du-Page), énumère les produits du pays qui font l’objet du commerce d’exploitation. Ce sont « le bétail, les fromages, le bœur (beurre), la poix blanche, la vaisselle en bois, les cuveaux, les tendelins pour la vendange, les sabots, les boëttes, les linges, charpie et draps en pansement[46]. »

Débits de boissons, tavernes

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Comme nous l’avons vu précédemment dans les comptes des commis, la commune de Gérardrner avait un vend et une misne à elle ; pour les liquides, elle possédait des mesures en étain, déposées dans l’armoire aux archives, savoir : la pinte, la chopine, le chopelet, le chopelet et le de chopelet.

Des mesures analogues étaient en usage chez les débitants. Il y a longtemps que Gérardmer possède des vendans vins. Dès 1620, la communauté se plaignait à S. A. R. :

De la pluralité des tavernes qu’il y a audit lieu et de la facilité de ceux qui les tiennent à recepvoir indifféremment tous ceux qui se présentent, particulièrement les jeunes gens ; les desbauches y sont telles et sy fréquentes qu’il en arrive assés souvent du malheur, qui est en desplaisir aux pères, outre l’interest qu’ils en reçoipvent par les mauvais mesnages de leurs enfantz, qui, pour satisfaire à leurs despenses, font bien souvent d’assés mauvais offices à leurs dits pères…

Ils demandent à S. A. R.:

De leur laisser le droict de tavernes audit Gerameix, moyennant une rebdevance annuelle à la recepte d’Arches, avec pouvoir d’en retrancher le nombre et y en establir à la concurrence de ce qu’ilz en jugeront nécessaires, sans qu’autres puissent en faire la function que ce ne soit de leur adveu, à peine de cent frans d’amende pour la première fois et d’arbitraire pour la deuxième. Ce sera le moyen de prévenir les accidentz dont les desbauches sont suivies pour l’ordinaire, et divertir (détourner) leurs enfantz de la mauvaise habitude qu’ils contracteroient par la continuation de la hantise desdites tavernes, car, n’y ayant personne que ceux qui seront faictz de leurs mains, ilz se garderont de recepvoir ainsi la jeunesse, sçacheant leurs pères et parentz ne l’avoir pour agréable, et mesme leur estant par exprès défendu[47]

Le duc autorisa la communauté à restreindre le nombre des taverniers à deux ou trois, « à charge par ceux-ci de payer une redevance annuelle de 55 francs. »

Police des cabarets

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Par une ordonnance du 10 Janvier 1583, le duc Charles III avait réglementé la fréquentation des cabarets.

Il interdit la fréquentation des cabarets pendant les offices et défendit de recevoir dans ces lieux d’autres individus « que les voyageurs, passans et estrangers. »

Les cabaretiers de Gérardmer passèrent, avec la communauté, un traité par lequel ils s’engageaient « à ne plus donner à boire aux jeunes gens et fils de famille depuis le jour faillant, et à ne plus leur faire crédit plus haut que 2 francs. Ils ne pouvaient donner à boire pendant la messe et les vespres et devaient fermer leurs débits dès neuf heures du soir[48]. »

Les gardes de cabaret faisaient la visite des tavernes et débits de vin ; leur service ne s’accomplissait pas toujours facilement.

En 1728, un député assermenté, en faisant sa ronde, fut jeté en bas des escaliers de la maison d’un aubergiste, par le propriétaire. Ce dernier, en outre, lui prit son chapeau et son fusil. Le malheureux député dut se résigner à verbaliser et à faire assigner l’aubergiste devant le prévôt d’Arches.

En 1775, les gardes racontent qu’en arrivant devant la maison d’un débitant à des heures indues, ils virent de la clarté chez lui et des consommateurs attablés. Ils frappèrent à la porte, mais quand ils furent entrés la lumière était éteinte et il n’y avait plus personne. Ils s’éloignèrent, et peu après la lumière et les buveurs reparurent. Ils entrèrent de nouveau et furent mystifiés comme la première fois ; ils se retirèrent et une troisième fois le manège recommença.

En 1780 ce fut bien pis encore ; deux gardes étant allés chez un cabaretier des Fies après l’heure réglementaire, trouvèrent la porte fermée et aperçurent de la clarté à l’intérieur de l’habitation. Ils se firent ouvrir la porte et après qu’ils furent entrés, la femme du dit cabaretier leur jeta au visage « des charbons tout rouges et des cendres chaudes, en leur disant qu’ils n’avaient pas plus de serment qu’un chat[49]. »

Ces excès renouvelés, engagèrent les maire et jurés à se plaindre (1785) à M. d’Eslon de Servance, lieutenant général à Remiremont :

Qu’il se trouve des vendans vins dans différents cantons composant la dite communauté qui sont assez éloignés du village, et que la jeunesse se voyant a la bry de toute prise par le déffaut de garde de cabaret, faisant la ribotte et la débauche dans les dits cantons, et pour preuve du fait, il s’est trouvé dernièrement une bande d’insolents qui ont déchargé leur insolence dans une maison innocente, y ont fricassé des vitres et commis beaucoup d’autres insolences[50].

Ils concluaient en demandant la permission d’établir de nouveaux gardes de cabaret.

Le lieutenant-général accéda à leur demande et leur enjoignit de veiller à la stricte observation de la loi sur les tavernes. Il défendit aux débitants « de donner à boire à quiconque ne sera éloigné d’une lieue au moins de l’auberge, excepté pour les hommes traitant commerce, et de laisser pénétrer immédiatement à leur arrivée dans leurs maisons les gardes faisant la visite. »

Les boissons

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Depuis un temps fort reculé on fabriquait dans les Vosges de la bière, de la cervoise, et une liqueur appelée miessaude ou miessaule, « composée d’eau et de miel ou même simplement d’eau que l’on jetait sur la cire après l’extraction du miel, et qu’on y laissait séjourner pendant quelque temps[51] ». La proximité de l’Alsace permettait de plus, aux habitants de Gérardmer, de se procurer du vin ; mais, comme tous les montagnards, ils ont eu de bonne heure un faible pour l’eau-de-vie ; dans les comptes du syndic de 1758, on trouve cet article de dépense:

Onze livres 4 sols 6 deniers pour pain, fromage, brandevin et bois, le tout employé à ceux qui ont été pour garder le cadavre du nommé Jean-Claude Grossire, qui avait péri dans les neiges à la Creuse.

Dans les procès-verbaux des gardes de cabaret en 1789, nous avons également trouvé cette mention : « Les dits habitants de Gérardmer buvaient l’eau-de-vie pendant les vespres. »

Les deux premiers marchands d’eau-de-vie à Gérardmer s’installèrent en 1801.

Taverniers et cabaretiers

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En dehors des conditions de cens (55 francs par an) et autres obligations que nous avons stipulées précédemment, les aubergistes s’engageaient sous peine de 25 francs d’amende à loger, nourrir et entretenir les gens de guerre qui pourraient se trouver à Gérardmer, les officiers de gruerie, les gardes-chasse, les gens de la maréchaussée ; ils devaient en outre se conformer à la taxe du vin que les habitants pouvaient établir à leur gré.

En revanche, les taverniers avaient l’autorisation de contraindre à payer « telle amende que de droit, quiconque s’ingèrera dans la tenue d’une taverne. »

Le droit de tenir taverne dans ces conditions, résultait d’un engagement reçu par la municipalité et signé par les taverniers qui se présentaient à cet effet à l’assemblée communale le premier jour de l’an.

Pour l’année 1686, le droit de tenir cabaret fut adjugé à 7 habitants dont voici les noms :

Viry. – T. Gley. – Pierre. – Michel. – Tisserand. – Ferry. – N. Gley.

En 1712 il y avait 14 cabaretiers ; il y en avait 17 en 1734 ; 15 en 1756 et 13 en 1789.

Voies de communication

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Routes et chemins

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La situation topographique de Gérardmer explique la difficulté de la création et de l’entretien des routes ; cependant les habitants du pays songèrent de bonne heure à faciliter leurs relations avec les lieux voisins.

D’après L. Bexon, il y avait à Gérardmer, en 1778, les chemins suivants, dont les longueurs en toises sont comptées depuis l’église :

# Route de Bruyères à Nancy (par Granges, 3.543 toises, 5 ponts) ;

  1. Route de La Bresse (3.409 toises, 5 ponts, simple sentier très mauvais à partir de Creuse-Goutte) ;
  2. Route de Saint-Diez (par le Pont-des-Fées, Martimprey, 3.139 toises, 2 ponts) ;
  3. Route d’Alsace (par Le Valtin, 3.458 toises, 4 ponts) ;
  4. Route de Remiremont (par la voie de Vagney, 2.505 toises et 2 ponts) ;
  5. Route de Champdray (par Les Xettes, 2.395 toises).

Une ordonnance du roi de 1786 ayant décidé, pour trois années, la conversion en argent de la corvée de prestation, l’assemblée municipale fournit au sujet des routes communales les mêmes indications que ci-dessus[52] ; elle indiqua en outre une nouvelle route, celle d’Épinal (par Le Tholy et Rouen) ; elle fit observer que les chemins de Gérardmer servaient aux transactions entre l’Alsace, la Lorraine et la Comté, et dénombra ainsi, d’une manière précise, la longueur de ses routes :

Toises
De l’église à La Croisette 510
De La Croisette à Granges 3.033
De La Croisette à Pierre-Charlemagne 579
Pierre-Charlemagne à Gerbépal 1.050
Pierre-Charlemagne au Blanc-Ruxel 844
Blanc-Ruxel au Grand-Valtin 1.525
Église à Place publique 195
Village à Rouen (Bas-des-Xettes) 400
Rouen au Tholy 3.600
Rouen à Liézey et Champdray 1.800
Place publique à La Bresse 3.214
Place publique à Remiremont 2.310
Total 19.060

La direction, la longueur et le nombre de ces routes indiquent l’importance du commerce de roulage en 1789 ; ce n’était rien encore auprès des belles routes et de la voie ferrée qui, aujourd’hui sillonnent le territoire de Gérardmer.

L’entretien et la création des routes étaient entièrement à la charge de la communauté, qui payait de plus les frais de voyage, de visite et de réception du conducteur principal des ponts et chaussées d’Épinal.

Les réparations annuelles étaient élevées, non seulement à cause de la grande longueur de ses chemins, mais encore à cause des torrents produits par la fonte des neiges qui coupent les routes en plusieurs endroits et les ravinent profondément[53].

Le transport des dépêches de la communauté se faisait ordinairement par des piétons, quelquefois par des cavaliers. C’est en examinant quelques titres du xviiie siècle qu’on peut se faire une idée de la célérité de ces courriers-exprès.

Une requête de la communauté adressée au sujet des bannies à l’intendant de la Galaizière le 20 Février 1763, fut contresignée le 24 du même mois, à Lunéville.

Une supplique adressée le 13 Novembre 1783 au lieutenant-général à Remiremont, ne fut signée par lui que le 16 Décembre de cette année ; sans doute que la chute des neiges avait interrompu la circulation comme cela arrive encore de nos jours malgré toutes les précautions prises.

Les particuliers écrivaient fort peu: pour une première raison, c’est qu’ils ne savaient guère écrire ; en outre le prix de revient d’une lettre postale était très élevé ; il n’y a pas plus d’un demi-siècle qu’une lettre des Vosges pour Paris coûtait 17 ou 18 sous, et 20 sous pour Marseille.

Divers documents nous ont permis de rétablir le montant des salaires alloués aux piétons porteurs de lettres pour la communauté ; à un huissier de Remiremont venu pour signifier une ordonnance : 10 livres 10 sous ; à un particulier pour voyages à Remiremont et Saint-Dié (port de lettre) : 4 livres ; à un particulier pour aller porter une lettre à Lunéville : 6 livres.

À la fin du xviiie siècle, le service postal existait: c’était la poste à pied ; mais il était loin d’avoir la rapidité de l’organisation actuelle, car, par une délibération de l’an IV, la municipalité de Gérardmer organisa comme il suit son service des dépêches :

Le meilleur moyen pour établir la sûreté, la célérité, l’économie, dans le transport des lettres de Bruyères à Gérardmer, tant pour les particuliers que l’administration, c’est de se servir des commissions fréquentes et sûres que les habitants entretiennent avec ceux de Bruyères[54].

La municipalité autorisa le commissaire du directoire exécutif du canton de Bruyères détaché auprès d’elle, le sieur Valentin et son fils, à retirer du bureau de la poste aux lettres de Bruyères, les lettres et paquets adressés à l’administration municipale de Gérardmer. Tous les trois jours, les paquets retirés, mis sous plis cachetés à l’adresse de l’assemblée municipale de Gérardmer, devaient être remis à Le Comte, négociant à Gérardmer, qui se rendait à Bruyères de 3 en 3 jours ; le même commissionnaire portait à la poste les paquets de la communauté et en demandait un reçu.

Les deux intermédiaires, Valentin et Le Comte étaient payés à raison de 35 francs par an. En cas pressant, l’appariteur allait à Bruyères ; de même Valentin envoyait un exprès, dont il débattait le prix s’il s’agissait d’affaires urgentes.

La municipalité avait de plus exprimé le vœux que tous les paquets fussent dirigés sur Bruyères sans aller tourner à Remiremont.

Indépendamment de ces moyens particuliers de transport des dépêches, il existait déjà des sortes de facteurs de l’État, connus sous le nom de piétons.

L’année suivante (21 Vendémiaire an V), deux d’entre eux, Pierre et Fréminet soumirent une pétition à l’assemblée municipale, en leur qualité de piétons des cantons de Granges et de Gérardmer, pour le paiement des voyages qu’ils avaient faits.

L’assemblée refusa de payer, en faisant observer :

1 – Que jusqu’à l’existence des districts elle avait contribué à la solde des piétons du département et du district, au moyen de centimes additionnels ; elle avait versé pour les ans III et IV, annuellement, 2.083 livres 1 sou 3 deniers sur un principal de 15.498 livres (part pour le département), et 3.833 livres 12 sous (part pour le district) ;

2 – Que les piétons étant établis pour la facilité des correspondances que nécessite l’administration générale, ils ne servent que secondairement l’intérêt des cantons. Il faut que tous participent à cette charge, puisqu’elle sert à tous.

Sous un gouvernement républicain, nul ne doit être favorisé. Il en serait autrement si les cantons étoient chargés des frais de piétons, car les cantons éloignés sont assez malheureux de n’être pas près de l’administration supérieure, d’être obligés d’attendre souvent des ordres qui, déjà devroient être exécutés, d’envoyer des piétons extraordinaires pour des objets pressants, de ne connaître ce qui se passe que bien longtemps après les cantons rapprochés, tandis que souvent il y a des choses bien essentielles à savoir dès les premiers instants, etc.

3 – Que primitivement les piétons étaient nommés par le district et payés par le département ; depuis, ils sont nommés parles directeurs des postes sans l’avis des cantons ; si on veut les faire payer, il fallait au moins les instruire des changements survenus. Gérardmer a du reste pris un parti qui lui coûte plus des de moins (ses frais de poste ne s’élevaient qu’à 70 livres par an).

Quelque temps après, les piétons réclamèrent de nouveau ; ils demandaient cinq livres, en numéraire, par voyage.

La municipalité refusa de payer ; elle faisait observer que les piétons, outre les dépêches administratives, portaient les lettres du canton pour les particuliers et percevaient 1 franc pour chacune d’elles, ce qui augmentait leur salaire.

Elle demandait de réduire la rétribution de chaque voyage justifié, à 50 sous (au maximum à 3 livres), sous la condition que Granges paierait les de la course.

Néanmoins sur une plainte verbale des piétons, l’administration municipale se laissa attendrir, et pour les aider à élever leur famille, elle leur versa des à-comptes sur la somme qui leur revenait du 25 Brumaire an IV au 1er Vendémiaire an V, savoir : 57 livres 10 sous à l’un et 59 livres 8 sous à l’autre (30 Ventôse an V) ; le relevé total de l’année s’éleva à 175 livres.

Peu de temps après, Gérardmer fut desservi par Corcieux ; le courrier venait à Gérardmer une fois tous les 8 jours. En 1830 la commune sollicita la création d’un bureau de poste ; elle faisait remarquer la bizarre anomalie suivante : les dépêches à destination de Gérardmer suivaient l’itinéraire que voici :

rl Aller d’Épinal à Saint-Dié &amp ; 10 lieues.
Retour de Saint-Dié à Épinal &amp ; 10 lieues.
Aller d’Épinal à Remiremont &amp ; 5 lieues.
Aller de Remiremont à Gérardmer &amp ; 5 lieues.
Total &amp ; 30 lieues.

La commune demandait d’avoir correspondance sur Saint-Dié et non sur Remiremont. Elle obtint le bureau de poste qu’elle sollicitait[55].

Moyens de transport
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Le montagnard est marcheur ; c’est à pied qu’il se rendit aux lieux des transactions avant 1789. Les transports par voitures étaient restreints à la belle saison, car les routes étaient impraticables pendant l’hiver. Il y avait du reste peu de chevaux à cette époque. En 1769, il n’y avait que 79 chevaux, 4 paires de bœufs ; en 1789, il y avait 151 chevaux, 9 chariots et 29 charrettes. Ces chiffres indiquent suffisamment que les commerçants de Gérardmer devaient recourir à d’autres moyens de transport. En effet, c’était surtout au moyen de hottes qu’ils portaient à Bruyères, à Saint-Dié, à Remiremont leurs produits commerciaux ; ils se servaient même de diverses catégories de hottes, savoir :

  • Le Brise-dos (lè hotte de Kie) pour le transport des toiles, du fil, des provisions alimentaires ;
  • La hotte de fumier (lè hotte de fé), sorte de boîte prismatique tronquée, pour porter le fumier dans les coteaux, sur les champs et les prés ;
  • La hotte de scions (lè hotte de hchinon), faite de scions de bois reliés par des lattes tressées, qui sert pour monter le bois au grenier ;
  • Le tendelin (lo tendelin) qui sert à porter les pommes de terre, le purin, le fumier aussi ;
  • La hotte de foin (lè craûche), formée de 2 montants et d’une perche, qui sert à rentrer les fourrages secs.

= Monuments religieux =


  1. A. Digot, t. V, p. 376.
  2. Archives communales C.C.V.
  3. Archives communales, H. H. 1. Il y eut de nombreux procès-verbaux à ce sujet.
  4. Archives communales H. H. III.
  5. Archives communales H.H.H.
  6. Id.
  7. Id.
  8. Id.
  9. De nos jours la foire a lieu le dernier jeudi du mois.
  10. Les ducs de Lorraine estimaient fort le bétail des Hautes-Vosges pour en peupler leurs « ménageries ou fermes ». Ainsi, le duc Charles IV fit acheter, à Gérardmer, 6 vaches à 96 francs l’une, à Munster 18 vaches et un taureau, pour la vacherie de La-Neuveville-lez-Nancy (1629) (D’après H. Lepage).
  11. Mémoire de l’abbé Didelot.
  12. Mémoire de l’abbé Didelot.
  13. Archives communales A.A.I.
  14. Archives communales, A.A.I.
  15. Id.
  16. En 1690, l’écu valait 7 livres à Gérardmer, et en 1598 le gros valait le de la livre.
  17. Archives municipales postérieures à 1789. Registre des délibérations de l’assemblée municipale.
  18. Un progrès immense a été accompli dans l’industrie fromagère par l’invention des présures concentrées, qui sont livrées dans le commerce sous la marque J. Fabre, à Aubervilliers. Ces présures sont inodores, inaltérables ; leur puissance de coagulation est toujours égale ; on peut les employer aux mêmes doses dans des conditions identiques de température et de volume du lait. L’emploi de ces présures concentrées augmente notablement la qualité du gérômé, en donnant un caillé homogène, bien supérieur en qualité et en rendement à celui que donnent les présures ordinaires. L. G.
  19. Il faut prendre garde, dans cette opération, aux mouches, qui viennent pondre sur les fromages et les gâter à brève échéance ; aussi on recommande de mettre les fromages derrière des fenêtres grillagées d’un fin treillis.
  20. C’est le Lycopodium clavatum des botanistes, qui pousse en abondance à Gérardmer et qui est éminemment propre à retenir les impuretés du lait.
  21. Archives communales postérieures à 1789.
  22. Id.
  23. La fabrication du cuveau a été supprimée à cause de la rareté à Gérardmer du bois nécessaire pour cet article.
  24. L’extraction et la préparation de la poix blanche est fort ancienne dans les Vosges. Flodoard, qui écrivait au xe siècle, dit que les Vosgiens étaient tenus de fournir à l’église de Reims toute la poix nécessaire à l’entretien des vaisseaux où elle gardait ses vins. (D’après H. Lepage).
  25. H. Lepage.
  26. D’après H. lepage.
  27. Archives non classées.
  28. Archives communales F.F.X.
  29. Archives non classées.
  30. Archives non classées.
  31. L’usine fonctionne depuis 1881 ; elle est située en face de la glacière naturelle du Kertoff, dont parle Léopold Bexon, et que visita la reine Hortense an 1809.
  32. Archives communales, B.B.I.
  33. Archives communales. Registre des délibérations postérieures à 1789.
  34. Archives municipales. Registres des délibérations postérieures à 1789.
  35. Essai de Topographie, p. 23 et 24.
  36. Mine.
  37. NdE. On remarquera l’usage du j au lieu du i dans la numération en chiffres romains. Cet usage était fréquent à la fin du xixe siècle où les typographes utilisaient indifféremment les deux lettres, en particulier dans les documents officiels.
  38. H. Lepage.
  39. Filatures de Schlumberger (Alsace) – Feray (Essonnes), etc.
  40. J.-B. Garnier-Thiébaut était un commerçant très entreprenant ; il achetait communément par année pour 3 à 400.000 francs de fils ; en Une seule fois il fit l’achat de 300 balles de fils de 60 paquets chacune, à 60 francs le paquet, soit pour 1.080.000 francs. Ces données sont établies d’après des factures qui nous ont été communiquées par son fils M. E, Garnier. C’est à lui que nous devons la majeure partie des renseignements concernant l’histoire de la toile à Gérardmer. Nous l’en remercions sincèrement. L. G.
  41. Indépendamment de ces tissages mécaniques, il existe à Gérardmer de nombreuses et importantes maisons pour le commerce des toiles et la fabrication à la main ; le blanchiment sur pré, qui donne aux toiles de Gérardmer leur supériorité, est seul en usage dans le pays.
  42. Mémoire précité.
  43. Les Faïences de Gérardmer. Extrait du Bulletin de la Société philomalique vosgienne, 1883-1884. Brochure qui se trouve à la bibliothèque communale de Gérardmner.
  44. La famille Marulaz ne vint à Gérardmer que vers 1818. (V. plus haut.)
  45. Mme Vve E. Cholé en possède encore plusieurs beaux échantillons.
  46. Archives communales postérieures à 1789.
  47. Comptes du domaine d’Arches 1623.
  48. Archives communales F.F.III.
  49. Il y eut 30 procès verbaux de ce genre de 1762 à 1788.
  50. Archives communales F.F.III.
  51. A. Digot t. II, p. 151.
  52. Archives communales B.B.III.
  53. Archives communales D.D.IX et X.
  54. Archives communales postérieures à 1789. Registre des délibérations.
  55. C’est de cette époque aussi (1830-1840) que datent les premiers embellissements de Gérardmer (édification de l’Hôtel de Ville, tracé de la Grand’rue, création de la Place du Marché, etc.)