Gérardmer à travers les âges/partie3

(p. 159-237).

Jusqu’à la fin du xviiie siècle, la communauté de Gérardmer fut administrée par un maire ; assisté d’un conseil, analogue au Conseil municipal.

Ce Conseil était composé d’un nombre de membres variant de 6 à 13. Les conseillers portaient le nom de jurés ou d’élus ; ils étaient choisis parmi les notables de la communauté et renouvelés tous les ans, par l’assemblée des principaux habitants qui se réunissait, à la sortie de la grand’messe du dimanche, devant la « maison commune », l’hôtel de ville de l’époque[1].

Le Conseil de la communauté désignait un greffier [2] pour tenir registre de ses décisions. Ce registre s’appelait « Registre des Résolutions faictes par les sieurs maire, gens de justice et jurez de la communauté de Gérardmer ». Les Registres des Résolutions sont conservés aux archives communales depuis 1693.

Un agent financier était adjoint à la municipalité ; dès le commencement du xviiie siècle il s’appelait le comptable ; en 1738 il fut remplacé par le syndic, fonctionnaire analogue aux receveurs municipaux actuels.

Enfin le Conseil de la communauté comprenait en outre une sorte d’huissier, l’échevin municipal.

L’assemblée de la communauté s’occupait de toutes les questions qui intéressaient la bonne administration du pays, et on peut ajouter qu’elle s’en occupait avec beaucoup d’intelligence.

C’était elle qui nommait tous les fonctionnaires municipaux, nombreux comme on va le voir.

Il y avait les commis ou collecteurs d’impôts, chargés de lever les impôts ; les employés de la capitation, qui levaient l’impôt par tête ; les asseyeurs, qui asseyaient, répartissaient les impôts ; les jurés, qui partageaient avec le maire les droits de police et d’administration générale ; les chaptolliés ou fabriciens, qui tenaient les comptes de la fabrique.

Elle désignait également les fonctionnaires subalternes comme les forestiers, les pastrouilleurs, les visiteurs de taverne, chargés de la police des cabarets, les bangars ou gardes-champêtres (banvouds dans le patois du pays) ; les porteurs de pain bény et ceux qui étaient chargés d’empêcher le scandale pendant la messe paroissiale.

C’était l’assemblée communale tout entière qui désignait ces fonctionnaires. La formalité à laquelle donnait lieu leur nomination, se bornait à inscrire, annuellement, sur le registre des délibérations de l’assemblée, la mention suivante : Liste de ceux qui sont choisy pour porter la charge de commis, de bangar, etc.

Généralement, en raison même de l’étendue de la communauté, la liste portait une douzaine de noms pour chaque fonction (14 pour les bangars).

Elle se terminait par cette formule : Tous les particuliers ci-dessus qui ne remplissent pas bien leur charge, sont condamnés à une amende de 5 francs.

L’assemblée communale nommait aussi, avec l’agrément du curé, le Maître d’école (Voir Instruction).

Nous examinerons plus loin, en détail, les attributions des principaux de ces fonctionnaires municipaux.

L’assemblée municipale s’occupait de l’administration des biens communaux ; nous avons vu (Acensements) avec quel soin jaloux elle surveillait ses terrains et l’énergie avec laquelle elle défendait ses droits ; c’était elle qui affermait les propriétés communales (moulins, scieries), établissait les bannies, répartissait les affouages, fixait les limites de la vaine pâture.

Elle s’occupait activement de l’entretien et de la réparation des chemins, des ponts et de la police intérieure. Les étrangers qui voulaient usurper le droit de bourgeoisie à Gérardmer, étaient, nous l’avons dit, fort malmenés.

Enfin c’était l’administration communale qui présentait aux ducs les suppliques intéressant les habitants ; ces requêtes, à formule stéréotypée, commençaient presque toujours ainsi: À S. A. R. le duc de Lorraine, supplient (ou remontrent) très humblement les habitants et manants de Gérardmer. Invariablement dans ces requêtes, – demandant, pour la plupart, une réduction d’impôt ou une exonération de taxe –, les pétitionnaires rappelaient la stérilité de leur pays, sans ressources en dehors du pâturage, de l’élevage du bétail et de la fabrication des fromages ; si bien que les ducs de Lorraine, persuadés de la prétendue misère des habitants de Gérardmer, leur accordèrent beaucoup de franchises et de faveurs.

Dans les grandes circonstances, quand il s’agissait d’un évènement qui intéressait toute la communauté, les habitants se réunissaient en grand nombre à la maison commune et prenaient, à l’unanimité, une résolution que signaient les membres présents… quand ils pouvaient signer.

La résolution de 1713, qui porte 226 signatures, croix et marques, est une énergique protestation contre les usurpations de terres acensées[3].

Celle de 1718, relative aux préparatifs à faire pour ériger une nouvelle église, porte 155 signatures et croix[4].

Le maire était choisi parmi les « hommes les plus anciennement mariés de la commune et sans reproche ». La charge de maire était annuelle ; on nommait le maire « au plaid annal » qui était tenu à Vagney par les représentants du duc et de l’abbaye de Remiremont. Le maire sortant faisait une sorte de rapport sur sa gestion, et son successeur prêtait serment entre les mains du prévôt d’Arches et du lieutenant de l’église Saint-Pierre de Remiremont.

Le maire exerçait gratuitement ses fonctions ; seulement toutes les fois qu’il faisait un voyage pour la communauté ou passait ses journées à surveiller, soit des travaux communaux, soit l’acensement des terres, soit la délivrance des affouages, il lui était payé une somme variant de 2 francs à 3 francs par jour.

La charge de maire fut toujours considérée comme un grand honneur, à tel point qu’en 1696, un sieur Claude Bexon prétendit « escamoter l’office de maire perpétuel[5]. »

Dès 1720, on rencontre dans les registres l’expression de maire « moderne », elle signifie « maire actuel », par opposition à « maire ancien ».

Voici comment se faisait l’installation du maire moderne[6].

Par, devant nous Léopold, Barron De Lamarre, conseiller du roi, lieutenant général civil et criminel au bailliage royal de Remiremont, officier du roi.

…J.-B. Noël, avocat en la cour, officier de l’insigne église et Chapitre Saint-Pierre de Remiremont, et Me Andreu, partie publique (pour le roi et le Chapitre).

…Sont comparus les habitants et sujets communs de la paroisse de Gérardmer par N. Pierrat, leur maire sortant, lequel nous a présenté J.-L. Viry pour porter la charge de maire au dit Gérardmer ; Viry a volontairement accepté cette charge, en a pretté le serment entre nos mains au cas requis et a promis de bien et fidellement en faire les devoirs…

…Nous avons ordonné au dit Joseph Viry, maire moderne de Gérardmer, de remettre au greffe du siège, dans la quinzaine, un rôle contenant les noms et dénombrement des sujets de la communauté, de même qu’un rôle des nouveaux entrans et cabaretiers.

Le maire sortant nous a présenté le registre des rapports de justice faits à Gérardmer pendant le courant de l’année dernière, pour être les amandes par nous échacquées (acceptées pour un chiffre de).

…Le registre contenant les rapports avec l’échacque (2l 6s 8d.), a été remis au maire moderne pour faire lever les amendes qu’il a payées à l’instant. Le maire sortant nous a présenté, pour greffier de la communauté, A. Gegout, qui a volontairement accepté cette charge et en a prêté le serment entre nos mains…

Maires de Gérardmer (1626-1816)
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Toutes les fois que nous avons eu occasion de le faire, nous avons relevé, dans les archives, les noms des maires de Gérardmer ; nous donnons ci-après les noms des familles auxquelles appartenaient ces fonctionnaires, avec les dates de leur magistrature (1626-1816).

Bédel (1797). – Chipot (1681-1725-59-66-90). – Claude (1716-24). – Coultret (1626-1704-1757-1771). – Coanus (1737). – Costet (1729). – Crouvezier (1732). – Cuny (1761-1800). – Defranoux (1698-1731-45). – Daniel (1713). – Didier (1769-80-85-86). – Dieudonné (1664). – Estienne (1693-1783). – Ferry (1676). – Fleurance (1781). – Garnier (1792 à 95). – Gegoulx (1723-47-58-98-72-89). – Georgel (1753-1816). – Gérôme (1726). – Gley (1673-74-79-82-88-89-1709). – Grossire (1678–1705-60-78). – Guerre (1692). – Haxaire (1770). – Le Comte (1695-1715). – Le Roy (1719-30-44-46-49-51). – Marchal (1777). – Martin (1706-42-52-65-73-1892). – Maurice (1683-90). – Michel (1717-91). – Morel (1685-1748-68-75). – Mougel (1665). – Pierrat (1680-84-96-1736-55-56-62-82). – Paxion (1700-1-2-3-22). – Perrin (1711-50). – Pierrel (1763). – Remy (1754-1779). – Simon (1677). – Thomas (1740-84). – Valentin (1764). – Viry (1619-94-1708-10-12-18-20-21-23-34-35-38-39-41-43-67-74-76-87-96-99-1801 à 1815). – Villaume (1714-28).

La famille qui a fourni le plus de maires a été incontestablement celle des Viry (pendant 35 années) ; viennent ensuite les familles : Pierrat. – Gley. – Gegoulx (xviie siècle). – Chipot. – Le Roy. – Martin. – Morel (xviiie siècle).

Comptables

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Les fonctions des syndics, comme celles des maires, ne duraient qu’une année.

Le syndic recevait l’argent dû à la communauté pour les revenus de ses biens, de ses moulins ; il encaissait les impôts perçus par les collecteurs, les amendes, les dommages-intérêts. C’est lui qui réglait les principales dépenses incombant à la communauté : voyages des membres de la municipalité, des prévôts, des envoyés du Chapitre, des employés du domaine, frais d’assignation, de conduite des militaires, etc.

Les comptes des syndics étaient inscrits sur des registres spéciaux, et, au mois de Décembre de chaque année, ils étaient soumis à l’approbation des maires et jurés de la communauté, qui les signaient après lecture. Pour certaines gestions il y avait deux comptes rendus, l’un en Décembre, l’autre en Juin ou Juillet.

Les comptes rendus des comptables n’existent aux archives que pendant les années 1710-1714[7] ; ceux des syndics se retrouvent de 1742 à 1779[8]. Ils sont généralement tenus avec beaucoup de soin et de propreté.

À partir de 1778, ils furent présentés pour réception au subdélégué de l’Intendance de Lorraine et Barrois, à Remiremont, et dès lors, scrupuleusement examinés, article par article ; le subdélégué, Deslon, ajouta au bas du compte de 1778 cette note peu favorable :

Attendu les abus que nous avons remarqués tant au présent compte qu’à celui de N. Passion, ordonnons qu’à l’avenir les sindics ne rapporteront point en dépense leurs frais de bouche lorsqu’ils seront employés au service de la communauté, mais qu’ils se feront allouer une somme certaine par jour dans les cas ou leur ministère ne devra point agir gratis.

Ordonnons pareillement qu’ils rapporteront des quittances de tous les déboursés qu’ils feront, sous peine leurs comptes être rejettés pour les articles qui ne seront point justifiés ; leur faisons défense de procéder à l’avenir à aucune adjudication dont les cas ne seront point prévus, sans y être préalablement autorisés par Mgr l’Intendant.

Sauf cette observation, il n’y a pas d’exemple de comptes des syndics qui aient donné lieu à des réclamations sous le rapport de l’intégrité et de l’honnêteté.

Signalons néanmoins un différend survenu au début du xviiie siècle, entre Gérard Michel, comptable, et les habitants de Gérardmer. – Le sieur Paxion, tabellion à Gérardmer, coupable de malversation au sujet de l’acensement de 300 jours de terre, faisait poursuivre Gérard Michel dont le compte n’était pas accepté. Il obtint même un arrêt de la Cour (1716), qui condamna Gérard Michel « à rendre compte de toutes les sommes qu’il a touchées des particuliers qui ont soubassensé ou acquestés les terres et héritages qui ont esté ascensés par la Chambre à la Communauté de Gérardmer aux dépens. »

Mais l’imposture de Paxion fut démasquée et à son tour il fut poursuivi par les maire, jurés et habitants de Gérardmer (1717). L’affaire fit grand bruit et eut un retentissement dans toute l’étendue de la Communauté[9].

À partir de la Révolution, le syndic s’appela percepteur ; la levée des impôts fut mise en adjudication[10].

Voici, à titre de comparaison, les budgets de 1788 et de 1888.

cp9cmrrr &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; Budget de 1788 &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; Recettes &amp ; &amp ; &amp ;
1 &amp ; Location du lac (jamais elle n’avait dépassé 18l) &amp ; 35l &amp ; &amp ;
2 &amp ; Des moulins (Lac, 2 à Forgotte, Cuves, Ensalechamp) &amp ; 1323l &amp ; 8s &amp ;
3 &amp ; D’une portion de scierie à Xonrupt &amp ; 13l &amp ; &amp ;
4 &amp ; D’une maison avec prey (emplacement de l’ancienne scierie) &amp ; 124l &amp ; &amp ;
&amp ; Total &amp ; 1495l &amp ; 8s &amp ;
&amp ; Dépenses &amp ; &amp ; &amp ;
1 &amp ; Redevances annuelles au roi et au Chapitre (Banalités. Pâturage dans les forêts royales et communales, pacquis) &amp ; 123 l &amp ; 12s &amp ;
2 &amp ; Cens du lac : 2 pintes de truitelles &amp ; 1l &amp ; 12s &amp ;
3 &amp ; Abonnement pour les biens communaux &amp ; 162l &amp ; 17s &amp ;
4 &amp ; Droit de conduit &amp ; 18l &amp ; &amp ;
5 &amp ; Frais de tirage de la milice et de la visite &amp ; 120l &amp ; 18s &amp ;
6 &amp ; Inspection des routes (M. Stevenel, conducteur) &amp ; 100l &amp ; 15s &amp ;
7 &amp ; Création de 8 forestiers (5, maîtrise d’Epinal ; 3, maîtrise de Saint-Diez) &amp ; 16l &amp ; 14s &amp ;
8 &amp ; Création de 2 maires &amp ; 15l &amp ; 2s &amp ; 6d
9 &amp ; Visite des cheminées et des chevaux de la paroisse &amp ; 62l &amp ; &amp ;
10 &amp ; Messes dites à l’intention de la paroisse &amp ; 15l &amp ; &amp ;
11 &amp ; Vacations aux maire, jurés qui assistent les officiers des maîtrise pour la délivrance des bois &amp ; 36l &amp ; &amp ;
12 &amp ; Frais de voyage au syndic &amp ; 51l &amp ; 10s &amp ;
&amp ; Total &amp ; 704l &amp ; 12s &amp ; 6d

cp9.5cmrr &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; Budget de 18881 &amp ; &amp ;
&amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; Recettes &amp ; &amp ;
1 &amp ; Impositions diverses (immobilière, patentes, chevaux et voitures, permis de chasse, amendes) &amp ; 2.709 &amp ; 11
2 &amp ; Produit des biens communaux (location de terrains pour blanchissage, scierie de Forgotte, chasse, lac, caves de l’Hôtel de Ville, etc.) &amp ; 4.504 &amp ; 50
3 &amp ; Produit de la forêt communale &amp ; 19.148 &amp ; 15
4 &amp ; Produit des taxes et autres droits &amp ; 5.708 &amp ; 05
5 &amp ; Créances provenant de l’achat de rentes sur l’État et de concession de terrains communaux &amp ; 6.314 &amp ; 89
6 &amp ; Produit des centimes additionnels affectés à certaines dépenses &amp ; 16.930 &amp ; 83
7 &amp ; Produit de diverses subventions et remboursements &amp ; 45.554 &amp ; 95
8 &amp ; Produit des prestations en nature sur les chemins &amp ; 1.342 &amp ; 50
&amp ; Total &amp ; 102.212 &amp ; 98
&amp ; Dépenses &amp ; &amp ;
1 &amp ; Agents salariés (secrétaire de mairie, garde-champêtre, membres de l’enseignement primaire, cantonniers, etc.) &amp ; 42.803 &amp ; 28
2 &amp ; Contributions des propriétés communales &amp ; 5.144 &amp ; 62
3 &amp ; Frais de bureau, impressions à la charge de la commune &amp ; 1.382 &amp ; 92
4 &amp ; Dépenses d’entretien concernant les bâtiments communaux, les fontaines et les promenades &amp ; 7.492 &amp ; 19
5 &amp ; Dépenses de l’éclairage public et des bâtiments communaux &amp ; 3.806 &amp ; 83
6 &amp ; Entretien des chemins de grande communication &amp ; 6.801 &amp ; 83
7 &amp ; Entretien des ponts et chemins &amp ; 1.417 &amp ; 72
8 &amp ; Pompiers et entretien des pompes &amp ; 873 &amp ; 07
9 &amp ; Dépenses pour les indigents &amp ; 6.815 &amp ; 69
10 &amp ; Chauffage des écoles et bâtiments communaux &amp ; 1.246 &amp ; 17
11 &amp ; Dépenses relatives à l’instruction &amp ; 1.345 &amp ; 17
12 &amp ; Cultes &amp ; 76 &amp ; 69
13 &amp ; Remploi de capitaux provenant de la vente de terrains communaux &amp ; 17.685 &amp ; 69
14 &amp ; Travaux forestiers &amp ; 722 &amp ; 69
15 &amp ; Fêtes publiques &amp ; 643 &amp ; 48
16 &amp ; Travaux communaux &amp ; 3.289 &amp ; 75
17 &amp ; Dépenses diverses &amp ; 671 &amp ; 21
&amp ; Total &amp ; 102.216 &amp ; 62
&amp ; (1.) Situation financière sur la commune de Gérardmer, 1888, par M. Félix Martin, maire. &amp ; &amp ;

Échevin

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L’échevin était une sorte d’huissier. C’était lui qui faisait les significations de la communauté aux particuliers ou qui transmettait à la municipalité les commandements envoyés par le prévôt d’Arches ou le Chapitre de Remiremont.

Chaque fois qu’il y avait une réclamation d’un particulier à la communauté sur laquelle statuait l’autorité supérieure, ou un procès entre la communauté et un particulier, les décisions d’une partie étaient communiquées à l’autre par la voie de l’échevin.

L’échevin venait s’installer tous les dimanches à la sortie de la grand’messe, sur le haut d’une échelle. De là il informait les habitants des décisions de l’Assemblée communale ; il lisait le rôle des imposés, la cote-part d’impositions attribuée à chacun d’eux par les asseyeurs, annonçait les enchères ou adjudications, et les défenses de la communauté touchant le bien public ; ce mode de publication, qui s’est conservé de nos jours, était rempli par le garde-champêtre communal. Il est bon d’ajouter que la plupart des publications intéressant la communauté, étaient faites au prône de l’église par le prêtre en chef. C’était, pour un pays disséminé comme Gérardmer et où les habitants assistaient en nombre aux offices divins, un excellent moyen de publication.

Gérardmer pendant la Révolution

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À la fin du siècle dernier, l’administration de la communauté prit une extension remarquable. Elle fut confiée à l’Assemblée municipale, présidée par l’abbé J.-George Colin, prêtre et vicaire en chef, qui avait en outre le titre de commissaire.

L’Assemblée comprenait en plus le maire, le syndic, le greffier, 6 députés élus et 13 jurés ; les députés étaient nommés par tous les habitants réunis à l’Assemblée communale, à l’issue de la grand’messe (1788).

C’était le président-commissaire qui convoquait les électeurs au prône de la messe paroissiale, pour élire les représentants du tiers à l’Assemblée nationale. À notre vif regret, nous n’avons pu trouver de trace des cahiers de doléance des habitants de Gérardmer ; ces documents seraient très curieux à consulter si on en juge d’après l’intérêt qu’offrent les registres de délibérations de l’Assemblée municipale.

Deux ans plus tard l’Assemblée municipale fut renouvelée ; les séances d’élection eurent lieu à l’église, sous la présidence de l’abbé J.-George Colin (7, 8, 11 Février 1790).

Les fonctionnaires élus – au scrutin secret – furent : le maire, le greffier, le procureur, 8 députés (qui prirent le nom d’officiers municipaux dès le mois de Juillet de la même année), et 18 notables.

Voici les noms de ces fonctionnaires :

Président : J.-G. Colin, prêtre-vicaire en chef.
Maire : Nicolas Chipot, rentier.
Procureur : Antoine-Benoît Claudel.
Greffier : Nicolas Lasausse, marchand.
Députés (8) : N. et G. Grossire. – P. Viry. – D. Martin. – J. Pierrat, marcaires. – C. Simon, aubergiste. – A. Gegout, cordonnier. – J. Michel, marchand.
Notables (18) : J.-B. Morel, marchand. – N. Pierrel, tissier. – B. Viry. – H. Haxaire. – J. Tisserant. – N. Martin. – J. Remy. – J. Pierrat. – N.–J. Thomas. – D. Pierrat et J. Parmentelat, marcaires. – J.-B. Doridant. – S. Parmentelat et G. Jacquat, cossons. – J. Thomas, meunier. – J.-B. Fleurance, boucher. – J.-B. Masson, chirurgien. – N. Perrin, vieillard.

Quand l’Assemblée constituante créa, par son décret du 4 Mars 1790, la division de la France en départements, Gérardmer fut compris dans le département des Vosges et forma avec Granges un des cantons du district de Bruyères.

Le district était administré par un Conseil général, un procureur-syndic et un Directoire. Joseph Garnier, de Gérardmer, représenta la commune à ce Conseil général.

L’année suivante, l’assemblée municipale procéda à la division de la commune de Gérardmer en 13 sections, telles que nous les avons énumérées au début de cet ouvrage.

Elle envoya pour la représenter au Conseil général du département, le procureur de la commune, Claudel.

Le collège électoral du canton de Gérardmer chargé de nommer les représentants du département à la Convention nationale (Août 1792) fut composé, outre Claudel sus-désigné, administrateur du département, du prêtre-vicaire en chef, du juge de paix, de son assesseur et de son greffier.

Les fonctionnaires subalternes, dont nous avons précédemment rappelé les qualités, furent augmentés en nombre ; ainsi il y eut 27 gardes-champêtres, et le secrétaire de la mairie eut un employé sous ses ordres. De nouveaux fonctionnaires furent institués successivement ; aussi l’administration municipale de l’an VII comprenait-elle :

Cinq membres. – 1 commissaire du Directoire exécutif de Bruyères, délégué près d’elle , qui remplissait en même temps la charge de notaire public (Valentin). – 1 secrétaire de mairie et son employé. – 1 concierge-appariteur (Jacques). – 1 receveur du canton (Viry). – 1 commissaire de police (Gérard). – 1 juge de paix et son greffier (Lasausse. – Jacquot). – 1 huissier (Stouvenel). – 4 assesseurs du juge de paix. – 5 gendarmes nationaux et 8 forestiers (dont 4 nationaux)[11].

L’assemblée municipale prit le nom de Conseil municipal dès l’an IX. À cette époque elle était composée de :

N. Cuny, président. – Gegout, secrétaire, et de 18 membres : C. La Ruelle. – E. Gegout. – N. Coutret. – N. Martin. – J. Bédel. – C. Viry. – D. Villaume. – Demangeat. – Ant. Pierrel. – N. Didier. – J.-B. Garnier. – J. Georgel. – S. Thomas. – N. Martin. – N. Jacquot. – T. Michel. – V. Florence. – J.-B. Gravier.

Bien que nous nous soyons surtout proposé de raconter l’histoire de Gérardmer avant la Révolution, nous ne pouvons résister au désir de retracer les grands évènements qui se sont produits à Gérardmer pendant cette époque mémorable.

On n’eut pas à y déplorer les scènes de violence qui désolèrent la France pendant la Terreur, tandis que les armées de la République se couvraient d’une gloire impérissable.

Deux personnages des plus remarquables, le maire J.-B. Garnier, le prêtre-vicaire en chef, l’abbé J.-G. Colin, contribuèrent pour une large part au maintien du calme dans les esprits.

J.-B. Garnier[12] fut maire pendant la période si agitée de 1792 à 1795. C’était un homme intelligent et énergique.

À force de fermeté il parvint à maintenir l’ordre, ce qui était difficile pour une commune aussi étendue que celle de Gérardmer ; grâce à une activité toujours en éveil, il put faire face aux charges aussi multiples que nouvelles qui pesaient sur la municipalité ; en montrant toujours la plus entière soumission aux lois, il prévint bien des mesures qui auraient pu porter préjudice au pays.

L’abbé J.-G. Colin était un prêtre de valeur, animé d’un patriotisme éclairé, très dévoué à sa paroisse ; son tact et sa prudence évitèrent bien des conflits ; il ne prononça que des paroles de paix, de conciliation ; au milieu des circonstances les plus difficiles, il sut toujours obtenir le respect et la reconnaissance de ses paroissiens.

Les registres des délibérations de l’assemblée municipale, à partir de 1789, sont très bien conservés. Ils ont été tenus avec un grand soin ; le texte est rédigé en bon français et avec beaucoup de sens ; il témoigne de connaissances avancées chez ceux qui composaient l’assemblée.

Ces registres furent visités à plusieurs reprises par les membres du district de Bruyères. Il suffit de les parcourir quelques instants pour s’apercevoir que les habitants de Gérardmer avaient accepté avec enthousiasme les principes de la Révolution. Pouvait-il en être autrement chez ces montagnards qui défendaient avec un soin si jaloux leurs franchises locales?

Ils répondirent en foule à l’appel de la patrie en danger (voir Armée) ; et protestèrent énergiquement contre les passe-droits et les spoliations dont ils se croyaient l’objet.

En réclamant l’érection de Gérardmer en cure, les habitants disent :

C’est par un abus trop longtemps toléré, par l’oubli odieux de tous les principes de justice, de charité et de politique, que nos évêques de Cour se sont refusés à cette érection. (Délibération du 25 Octobre 1792).

Le bureau de l’enregistrement qui existait à Gérardmer depuis l’établissement du « contrôle », ayant été transféré à Granges, la municipalité se plaignit énergiquement, mais sans résultat effectif.

Les officiers municipaux en fonctions devant porter une écharpe, l’assemblée municipale décida l’achat de cet insigne (Juin 1792) ; plus tard même (an IX, 25 Pluviôse), elle mit à la disposition du maire une somme de 36 francs pour l’achat de décorations qui leur sont utiles pour maintenir le bon ordre et la tranquillité publique[13].

L’éveil des idées libérales fut accompagné de fêtes destinées à marquer la satisfaction de la municipalité et des habitants. Ces fêtes républicaines furent célébrées avec une pompe et un entrain remarquables. La date en varie suivant les époques ; celle de l’an IV, eut lieu le 11 Pluviôse ; l’administration municipale décida que les fidèles et tous les fonctionnaires seraient avertis à son de cloche et de caisse.

Le procès-verbal de la fête de l’an V dit :

Si la fondation de la République doit être célébrée avec toute la pompe et l’éclat que mérite un jour qui nous rappelle une époque si chère à tous les bons français, l’administration pense que, dans les circonstances (présentes) et vu que la commune est obérée, on doit la célébrer avec la simplicité qui convient à des républicains et ne pas dépenser en frais fastueux des sommes nécessaires aux dépens de la commune.

La fête sera annoncée le 5e jour complémentaire, à la chute du jour, par deux coups de canon.

Le 1er Vendémiaire à midy, il sera tiré 5 autres coups de canon. À cette heure, toutes les autorités constituées se rendront d’après invitation à la salle des séances de l’administration, le Président prononcera un discours analogue (approprié) à la circonstance. Tous les citoyens y seront invités et engagés à célébrer la fête, chacun de son côté par des banquets de famille et d’amitié.

L’Administration espère du civisme de ses administrés qu’ils rendront cette fête solennelle par leur présence et leur joie, dans ce moment surtout où la République vient d’échapper au plus grand danger.

La fête de l’an VII eut lieu avec le même cérémonial, mais une variante en plus : « L’après midy il y eut un bal public en la salle de l’école jusqu’à la nuit ». L’administration invita:

Tous les citoyens à célébrer avec autant de joie que de solennité ce jour anniversaire, qui est celui de la destruction totale de la monarchie en France et l’établissement du gouvernement populaire, sous lequel tous les Français doivent jouir de la liberté et de l’égalité politique.

La même année, d’autres fêtes républicaines furent l’occasion de grandes manifestations. Pour celle du 29 Nivôse an VII, l’assemblée municipale décida que :

Tous les fonctionnaires publics du canton seront convoqués ; …l’arbre de la liberté de cette commune, rompu par un coup de vent, sera remplacé par un bel arbre qui existe devant la maison commune ; …et sera consacré le jour de la fête nationale ; il sera entouré d’une haye, et tous les citoyens seront tenus de respecter le dit arbre, comme l’enseigne de la liberté.

Le lendemain, tous les fonctionnaires étaient réunis au grand complet à la maison commune (ils étaient près de 30) ; le cortège se rendit :

Au temple décadaire de la commune ; là l’orgue, qui est toute la musique de la commune, a entonné l’hymne à la patrie (la Marseillaise), laquelle a été chantée par les assistans et le peuple assemblé. Le président a prononcé un discours analogue (approprié) à la circonstance.

Le commissaire du Directoire exécutif a prêté le serment prescrit par les lois en ces termes : « Je jure haine à la royauté et à l’anarchie, je jure attachement et fidélité à la République et à la constitution de l’an III ». Les fonctionnaires publics présents ont répété : « Nous le jurons » Ensuite l’orgue a exécuté le Chant du Départ. Le commissaire a continué par la lecture de l’Invocation à l’Être suprême et de l’Imprécation contre les parjures.

Après quoi, l’orgue a exécuté l’hymne Ça ira. Le cortège est sorti du temple et s’est rendu autour de l’arbre désigné pour celui de Liberté de la commune de Gérardmer ; le discours de consécration du dit arbre, prononcé par le président, a été suivi d’une salve d’artillerie qui a terminé la cérémonie. Tous les fonctionnaires présents sont rentrés dans la salle de l’administration municipale pour dresser le procès-verbal, qu’ils ont signé[14].

L’administration municipale ne fut pas toujours en fête ; elle eut à traverser des moments critiques. Le blé fut rare de la fin de l’année 1792 à celle de l’année suivante ; les vivres montèrent à un prix élevé ; la délibération du 16 Septembre 1792 dit :

Le prix du blé augmente progressivement, ce qui désole les habitants et nous fait craindre un soulèvement presque général.

De nombreuses délibérations, prises souvent plusieurs jours de suite, témoignent de l’activité de la municipalité pour se procurer des vivres ; elle se réunit même à 10 heures du soir (Juin 1793),

Car un commencement de trouble était à craindre, ce qui eût été regrettable dans une commune qui avait fourni à la République un si grand nombre de défenseurs.

Quatre mois plus tard, la détresse était extrême :

Le pain, écrit le Conseil d’administration, cet objet de la première importance, nous manque ; nous sommes à la veille d’éprouver les dernières horreurs de la famine. Partout on n’entend qu’un cri : Du pain! du pain!

La municipalité fut forcée, pour apaiser une sédition naissante,

De mettre en lieu de sureté tous les draps, toilles et autres objet que les citoyens commissaires du district avaient choisi dans les boutiques pour l’habillement des derniers volontaires.

Le mouvement tumultueux ne fut apaisé qu’après la promesse faite au peuple que tous ces objets…

Ne sortiroient de la paroisse que lorsqu’on auroit livré du blé à la municipalité pour une somme égale au prix de toutes ces différentes marchandises.

Fort heureusement cette situation critique prit fin avec l’année 1793.

Au milieu de toutes ces péripéties, la municipalité avait à répondre aux appels pressants de la patrie en danger ; elle se montra toujours très dévouée au pays, et ses soldats ne furent, comme nous le verrons plus loin, ni les moins braves ni les moins audacieux.

L’administration municipale tenait ses séances à la maison commune ; dans les grandes assemblées elle se réunissait à l’église (temple de l’Étre suprême depuis sa fermeture au culte). À partir de l’an IV (29 Prairial), le presbytère, vendu comme propriété nationale et acheté par J. Michel, marcaire, fut loué par le maire. On y installa la salle du Conseil, les bureaux de police et la Justice de Paix, la chambre de détention, le logement du secrétaire et de son concierge.

Après la restauration du culte, le logement des prêtres fut installé au presbytère ; c’est en 1806 qu’eut lieu le transfert dans la maison d’école, rehaussée d’un étage à cet effet, des services de la Mairie (sauf la salle des délibérations).

Sous l’inspiration et à l’exemple de J.-G. Colin, vicaire en chef, les prêtres de Gérardmer, ses vicaires (Ch. Roch et F. Colin), surent, dès les premiers jours de la Révolution, éviter les conflits en prêtant le serment de civisme prescrit par la Constituante. Un dimanche de Janvier 1791, à la grand’messe, ils s’avancèrent devant le balustre (la balustrade) du chœur, et prononcèrent les paroles suivantes :

Nous jurons de veiller avec soin sur les fidèles de cette paroisse, d’être fidèles à la nation, à la loi, au roy, et de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roy[15].

Le maire leur répondit par un compliment fait au nom de toute la commune,

Qu’on remerciait l’Être suprême d’avoir des pasteurs aussi dévoués pour leur ministère que pour la chose publique.

Dès les premiers mois de l’année 1793, plusieurs prêtres étrangers à la commune vinrent fixer leur résidence à Gérardmer, ce qui prouve d’une façon péremptoire que les esprits n’y étaient pas surexcités ; citons J.-B. Leroy, chartreux ; A. Le Roy, ancien curé de Mandray ; N. Viry, capucin ; Mathieu, de Jussarupt ; Thiriet, de Deycimont ; Blaison, de Saint-Amé, etc.

Le citoyen Keringer, vice-président du district de Bruyères, ayant répandu des propos calomnieux sur la conduite « du citoyen J.-G. Colin », le Conseil général de la commune de Gérardmer s’assembla en toute hâte, car il ne voulait pas laisser planer des soupçons aussi injurieux sur la tête de ce digne prêtre. À l’unanimité de ses membres présents, il décida :

Que le dit citoyen Colin, loin d’avoir excité dans aucun tems le trouble dans notre commune, y a au contraire maintenu le calme et la tranquillité de tout son pouvoir, que par sa conduite irréprochable il a toujours joui de la confiance de toute la paroisse, que toujours il nous a exhorté à la paix et à l’union. Considérant qu’il nous a toujours donné l’exemple de la soumission la plus entière aux lois et à toutes les autorités constituées. Considérant enfin que sa conduite publique et privée, soit comme pasteur, soit comme citoyen, est exempte de blâme et de tout reproche. Il a été arrêté spontanément et d’une voix unanime que copie de la présente délibération serait envoyée sur le champ au département par un membre du Conseil général de la commune pour l’inviter à écrire au citoyen Keringer de se rétracter publiquement ou d’administrer des preuves de son assertion, et que pareille copie serait délivrée au citoyen Colin comme une marque de reconnaissance pour les services importants qu’il a rendus et qu’il rend tous les jours à la paroisse, et pour lui servir en cas de besoin.

Peu de temps après, le Conseil général arrêta « D’une voix unanime que le citoyen J.-George Colin, prêtre-vicaire en chef de cette commune, seroit invité à faire la lecture des documents officiels, les jours de décade, ainsi et de la manière qu’il a fait jusqu’à présent et à la satisfaction de tous les citoyens de la commune. »

Cependant l’abbé Colin jugea que l’exercice du culte catholique devenait difficile à Gérardmer ; il donna sa démission de Vicaire en chef, dont il exerçait les fonctions depuis près de 14 ans, en disant « Que dans toute occasion il s’empresseroit de donner des preuves de son attachement à la patrie et en particulier à ses concitoyens de Gérardmer. »

Aussitôt, le Conseil général de la commune lui vota une adresse de remerciements des plus chaleureuse, et l’invita « À rester à Gérardmer en qualité de notable et à vouloir bien continuer de lire les lois comme il l’a fait jusqu’à présent. »

L’arrêté du représentant du peuple Michaut (an III), obligea néanmoins l’abbé Colin à quitter le pays ; il y revint l’année suivante[16]. Après sa mort, plusieurs prêtres vosgiens exercèrent leur ministère à Gérardmer jusqu’au Concordat, époque de l’institution de la cure, (1802).

L’abbé Potier, qui en fut le premier titulaire, prêta, entre les mains du préfet d’Épinal le serment qui suit:

Je jure et promets à Dieu, sur les saints Évangiles, de garder fidélité et obéissance au gouvernement établi par la constitution de la République française. Je promets aussi de n’avoir aucune intelligence, de n’assister à aucun conseil, de n’entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique, et si, dans ma paroisse ou ailleurs, j’apprends qu’il se trame quelque chose au préjudice de l’État, je le ferai savoir au gouvernement[17] (20 Pluviôse an XI.)

Finances

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Catégories d’impôts, leur répartition

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On peut ramener à 4 catégories les impôts que payaient jadis les habitants de Gérardmer:

1re Catégorie. – Les impôts en argent perçus par les fonctionnaires municipaux au profit du domaine et du Chapitre de Remiremont, savoir : la subvention[18], les vingtièmes, l’abonnement ; les impôts pour ponts et chaussées, pour entretien des miliciens, etc.

2e Catégorie. – Les impôts en argent perçus par les fermiers du domaine sur le sel, les octrois, les tabacs, etc.

3e Catégorie. – Les impôts en nature: la milice, la dîme, la corvée.

4e Catégorie. – Les impôts divers perçus par les collecteurs pour les besoins de la communauté, consistant en droit d’embanie, d’affouage, d’entretien de troupes, etc.

Pour répartir l’impôt de la subvention, les maires, syndics et jurés de la Communauté dressaient un rôle comprenant les imposables de la localité. Les asseyeurs répartissaient l’impôt qui était levé par les commis ou collecteurs.

Les fonctions d’asseyeurs étaient assez analogues à celles des répartiteurs actuels. Ils étaient élus au nombre de 13, un par section, pour une durée d’une année[19]. Ils tenaient généralement 2 sessions par année, l’une en Juin, l’autre en Décembre. À la suite des noms de chacun des contribuables, ils indiquaient le montant de la contribution, puis signaient le rôle après avoir certifié son exactitude.

Voici quel était le mode de répartition de la subvention, en prenant pour exemple le compte de l’année 1789:

  1. Propriétés des biens fonds taxés à peu près au de la somme d’imposition pour leur vingtième.
  2. Habitants de la localité : 12 sols par maison et 12 sols par vache.
  3. Administration des bois : 6 deniers par livre du montant ; et
  4. Répartition sur le pied certain de 100 livres.

Cette répartition sur le pied certain consistait à imposer les habitants d’une somme variable de 1 à 4 ou 6 sols par 100 livres de revenu présumé de chaque habitant.

La taxe par 100 livres était d’autant plus élevée que le revenu devenait plus considérable.

La subvention, avant 1789, comptait en outre pour les ponts et chaussées, la maréchaussée, les fourrages et rations (impositions de guerre), débits de ville, droits d’adjudication, etc. Elle se montait en tout à 10.085 livres.

Exonération
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Indépendamment des imposés ordinaires, les rôles de la subvention renfermaient deux catégories d’individus exonérés totalement ou en partie.

Ceux qui étaient entièrement déchargés étaient : les incendiés, les invalides, les employés de la ferme du roi, les pauvres mendiants entretenus par la commune, les miliciens.

On accordait une remise très forte aux enfants et pauvres orphelins manœuvres ne possédant aucun bien, aux nouveaux bâtissans, aux nouveaux mariés, aux entrons, aux sortans[20].

Enfin il y avait à Gérardmer, avant 1789, un certain nombre de privilégiés[21].

== 1re catégorie: subvention ==

Jusqu’à la fin du xviie siècle, la subvention se payait en plusieurs paiements échelonnés, d’habitude par trimestre. À partir de 1705, il n’y eut plus régulièrement que deux versements : celui de Novembre qu’on appelait quartier d’hiver, et celui de Juin qui était le quartier d’été.

Voici, par période de 20 années, le montant de la subvention et le nombre des imposés qui la supportaient.

c|c|r||c|c|r Années &amp ; Imposés &amp ; Imposition &amp ; Années &amp ; Imposés &amp ; Imposition
1657 &amp ; 296 &amp ; 4.821l &amp ; 1740 &amp ; 553 &amp ; 9.400l
1678 &amp ; 279 &amp ; 8.964l &amp ; 1760 &amp ; 572 &amp ; 12.400l
1699 &amp ; 450 &amp ; 7.847l &amp ; 1780 &amp ; 623 &amp ; 11.750l
1720 &amp ; 452 &amp ; 6.622l &amp ; 1790 &amp ; 668 &amp ; 12.085l

Les moyennes annuelles fournies par les tableaux annuels (1657-1790) sont les suivantes :

xviie siècle xviiie siècle
Nombre des imposés 340 492
Montant de la subvention 8.943l 9.607l
Taux par tête d’imposé 27l 19l

Les impôts qui frappaient la communauté étaient perçus par les commis ou collecteurs d’impôts. Ces fonctionnaires municipaux étaient élus par l’assemblée communale tout entière. Ils devaient obtenir la pluralité des suffrages pour pouvoir être élus, et aussitôt ils prêtaient au maire le serment « d’occuper volontairement la charge de commis », et promettaient de « s’en bien et fidèlement acquitter et d’en rendre compte toutes les fois qu’ils en seraient requis ». À Gérardmer il y en avait deux.

Leurs fonctions étaient entièrement gratuites ; ils ne recevaient une indemnité que pour les dépenses qu’ils faisaient au service de la commune. Généralement ils portaient eux-mêmes à Épinal ou à Remiremont le montant des impositions, et ils en recevaient décharge du receveur des finances[22].

Nous avons relevé dans les comptes des commis plusieurs articles de recettes et de dépenses qui nous ont paru de Véritables traits de mœurs ; citons seulement parmi les recettes une somme de 40 francs (1693-1709), pour location de baraques sur le marché, qui démontre que la place du marché était, à l’époque, occupée par de misérables habitations.

Les comptes de dépenses sont plus topiques encore ; ils s’ouvrent invariablement par le prix du repas qui accompagnait, chaque année, la reddition des comptes ; les jurés, commis, gens de justice, avec le maire, marquaient par un bon dîner leur satisfaction d’avoir mené à bien les affaires de la communauté ; le repas devait être copieux car il coûtait de 35 à 60 francs, somme ronde pour l’époque.

Un autre article de dépense qui revient fréquemment, c’est l’envoi de pièces de gibier au duc ou à ses officiers, ainsi qu’aux Dames du Chapitre[23].

D’autres fois la communauté-faisait présent de beurre ou de fromages aux officiers de gruerie ou du Chapitre[24].

Les articles de dépense ci-dessous sont relatifs à la police de Gérardmer :

7 fr. 6 gr. pour la dépense que firent les archers de Bruyères en poursuivant des voleurs. – 7 francs donnés à la maréchaussée pour « boire un coup en passant. » – 39 fr. 4 gr. pour dépenses faites par 19 hommes qui, avec les archers d’Épinal, chassaient « les brigands, gueuse et gens sans aveu qui commettaient du désordre dans la paroisse. » – 254 fr. 9 gr. pour logement, nourriture, frais de bouche, à 3 reprises différentes, des archers, des sous-officiers de la gruerie d’Arches et du prévôt, venus pour chasser, faire la police, marquer le bois.

Les forêts de Gérardmer renfermaient alors beaucoup de fauves, car on trouve souvent des articles de dépense analogues à celui-ci : 28 fr. 10 gr. 2 d. pour dépenses occasionnées par les chasseurs allant au traque au loup. – 22 francs pour poudre et plomb fournis aux habitants pour la chasse au loup.

Les membres de l’assemblée communale étaient pieux, comme le prouvent les dépenses qui suivent :

26 fr. « au curé qui à esté en plusieurs endroicts de la paroisse faire la bénédiction des maisons et des bestiaulx, et 28 fr. pour les marguilliers qui l’ont accompagné. » – 15 fr. 13 gr. pour trois messes dites à l’intention de la communauté. – 6 fr. pour deux messes dites en l’honneur de l’heureux avènement de S. A. R. (le jour de la saint François). – 225 fr. 16 gr ; pour une croix de mission (1735). – 13 l. 15 s. pour quatre messes dites annuellement à l’intention de la communauté, savoir deux aux SS. Barthélemy et Gérard ; une au succès des asseyeurs d’impôt et une pour attirer les bénédictions de Dieu sur les biens de la terre.

Enfin voici quelques dépenses qui concernent l’administration municipale:

14 fr. pour la cuisson du pain des pauvres. – 53 fr. à un tavernier qui a logé et nourri l’abbé de Moyenmoutier, son neveu, ses valets, venus à Gérardmer au sujet des pauvres. – 9 fr. pour l’achat de la pinte et de la chopine à sel du magazineur à sel du lieu. – 4 fr. pour la garde annuelle de la mine et du vand (van) de la communauté. – 3 l. pour « celui qui a raccommodé le tambour communal. » – 3 l. 17 s. pour papier timbré et encre payés au maître d’Escolle. – 3 fr. 6 gr. à Michel, qui a frappé le tambour communal sur la place pendant un an. – 6 l. 10 s. à Simon Viry, ancien maire, pour dépenses faites par les hommes envoyés de la part de la communauté à Jarménil, au-devant de S. A. R. Madame Régente. – 10 l. pour 4 jours employés à visiter les cheminées, lanternes, halliers à foin et mesures de la commune.

Abonnement ou impôt foncier

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Les collecteurs percevaient aussi l’abonnement ou impôt foncier, payable en deux quartiers ou semestres.

Le rôle de cet impôt pour 1758 s’élève à 6.814 l. 4 s. 6 d., dont 2.811 l. 6 s. par quartiers, plus 4 sous par livre sur le premier quartier ; il comprend 524 articles ; l’impôt était payable « entre les mains et sur les quittances des collecteurs, ou autres préposés, à la remise de 4 sous par livre. »

Si les contribuables ne satisfaisaient pas au paiement de leurs cotes dans les délais fixés, les collecteurs pouvaient, par voie de contrainte, faire « saisie de meubles, effets et même de fruits pendants par racines » ; les frais de procédure « étant à la charge des redevables, privilégiés ou non et par préférence à tous créanciers, douaires et autres dettes privilégiées ou hypothécaires. »

Dès 1760, l’impôt foncier s’appela abonnement, et consista en une taxe unique qui remplaçait les vingtièmes et les sous par livre. Le rôle de cette année comprend 465 articles. L’impôt total s’élevait à 3.600 l. 8 s. 9 d. pour une valeur foncière estimée à 51.116 fr. 10 s., soit un impôt moyen de 6 livres 5 sous par 100 francs de revenu foncier, ou de 1 sou 4 deniers par livre de revenu.

La moyenne des impositions foncières de 1780 à 1789 inclusivement, donne pour 526 articles au rôle, une imposition de 4.635 livres sur 40.600 de revenu imposé, soit 2 sous 3 deniers par livre.

Le maire devait faire procéder à l’élection des collecteurs dans la huitaine qui suivait la réception des rôles d’abonnement, sous peine d’amende.

2e catégorie : sel, octrois, tabac

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Les impositions sur le sel, le tabac, les octrois, etc., étaient perçues par les agents de la ferme.

La présence de la brigade de la ferme est signalée à Gérardmer aux rôles de la subvention à partir de 1752 ; elle était composée d’un brigadier accompagné d’un nombre d’hommes qui variait de 3 à 13.

Le sel, outre son usage indispensable dans l’alimentation humaine, fut de tout temps un objet de première nécessité à Gérardmer pour l’élevage du bétail et la fabrication du fromage.

Les habitants de Gérardmer adressèrent en 1595, au duc de Lorraine, une requête où nous lisons :

Remontrent que, par cy-devant V. A. ayant égard à la grande peine et souffreté qu’ilz avaient à recouvrir du sel, à cause de la grande cherté d’iceluy et à la multitude de bestailz dont ilz avaient faict provision pour mectre au pasturaige de l’admodiation qu’ilz tiennent des chaulmes, leur aurait quicté pendant trois ans, sur le prix de la dicte admodiation, et par chacune année, la somme de 400 francs ; les dictés trois années sont expirées, et tant s’en fault qu’il y ait moyen qu’ilz puissent estre mieulx soulagez qu’ilz n’estaient auparavant, au contraire, ilz sont trop plus grand doubte d’avoir et recouvrir sel, et toutes autres choses avec grande et extrême cherté qu’ilz soullaient estre, voire le voiage plus dangereux à cause de la crainte qu’il y a d’estre rencontrez en chemins et prins (pris) de l’ennemi, soit d’Allemagne ou ailleurs, qui courent et ravagent ordinairement par voz pays, de manière qu’ilz sont aultant et plus en crainte de disette, principalement de touttes sortes de grains[25]… »

Le duc leur accorda une réduction d’impôts, il créa en outre un magasin à sel à Gérardmer, tant pour le ban du dit lieu que pour le village de La Bresse. Ce magasin fut affermé à trois individus, le prix auquel ils devraient vendre la pinte de sel fut fixé.

Les habitants de Gérardmer se plaignirent en 1664, à la Chambre des Comptes de Nancy, des privilèges accordés aux débitants de sel.

La Chambre accorda le privilège « pour celui qui habitera la maison Thomas Gley » ; il jouissait des lettres de franchise accordées par S. A. en 1630, à charge par lui néanmoins « de payer sa cotte suivant ses forces et ses facultés, des deniers de l’octroy, des débits de ville et des blés bien reconnus de la communauté de Gérardmer[26]. »

À plusieurs reprises, le magasinier à sel encourut des procès-verbaux ; ainsi en 1735, le maire Simon Viry et trois jurés, sur la plainte de plusieurs membres de la communauté se rendirent chez le magasinier, Marguerite Michel. Ils constatèrent le mauvais état de ses mesures en plomb, « usées au milieu par les bords, en sorte qu’en faisant passer la trille, elle emportait une partie du sel » ; ces mesures étaient « encrassées de l’épaisseur d’un bon doigt au fond[27]. »

En 1789, Gérardmer avait droit 2.998 quintaux de sel, fournis par le directeur des salines, au prix de 6 livres le quintal pris à la saline.

La vente au détail et les frais de transport étaient mis en adjudication par l’assemblée municipale. Pendant la Révolution, la pénurie de sel ne fut pas moins sensible que celle de blé ; ce qui provoqua de nombreuses demandes de concession supplémentaire.

L’adjudicataire avait 2 sous 6 deniers par livre pour payer le sel à la saline, fournir les sacs, le transport et la distribution à domicile ; il revenait aux particuliers à 4 sous 9 deniers par livre ; c’était un prix élevé ; aussi l’impôt du sel fut-il toujours un des plus impopulaires.

Octrois

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L’état des droits domaniaux de 1729 établit ainsi le montant de la taxe perçue pour les octrois:

[h]

Pour chaque mesure de vin venant d’Alsace 2 gr.
Le droit est amodié à 20 livres, soit 46 fr. 8 gr.
Droit de jaugeage, amodié à 31 livres 72 fr. 4 gr.

Nous rapportons à l’article Tavernes les droits perçus sur les débits de ville.

Le tabac n’était pas encore un objet de consommation importante ; seul, le tabac nécessaire aux bestiaux entrait en compte pour une somme de 6.000 livres ; aujourd’hui, d’après la statistique, près de 200.000 francs s’en vont en fumée sous forme de tabac et cigares!

3e catégorie : milice, dîme, corvées

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De bonne heure les habitants de Gérardmer sentirent la nécessité de défendre leurs troupeaux contre les animaux sauvages des hautes montagnes.

En 1607 ils demandèrent au prince Charles III qu’il leur fût permis de chasser :

Sans payer aucune redevance à la recette d’Arches, conformément à la permission qui leur avait été accordée de tout temps par les ducs de Lorraine, à la condition d’attacher au portail de leur église les têtes des animaux tués à la chasse[28].

Le duc les confirma dans les privilèges dont ils avaient joui jusqu’alors.

En 1615, Henri II reçut une requête d’un autre genre, à laquelle il répondit par un décret qui mérite d’être reproduit textuellement :

Henry, etc… Nos chers et bien aimés subjets les manans et habitans de Gérardmer nous ont très humblement remontré que plusieurs d’entre eulx, de leur naturel, sont enclins aux armes, et principalement à tirer de l’arquebuse, de sorte que, portés tant de leurs inclinations que du désir de faire exercer leur jeunesse à tous honnestes exercices et particulièrement cl celuy des dictes armes pour les rendre capables de pouvoir, en cas de nécessité, rendre leurs humbles debvoirs au prince et à leur patrie, ilz auraient dez longtemps, aux jours des festes et dimanches, tiré à une butte jusques au nombre de dix-huit ou vingt, et y aurait moïen d’en accroistre le nombre et en faire une compagnie, si nostre bon plaisir estait leur accorder quelque somme de deniers pour subvenir à l’achapt de quelque prix ; de quoy ilz nous supplioient très humblement… sçavoir faisons… que nous pour le désir qu’avons de donner à nos subjets occasion de quicter toutes desbauches et se rendre aguerris pour l’occasion s’offrante, pourvoir à la sureté, conservation, déffence et iuition de nos pays, leur avons, de nostre grâce spécialle, donné, accordé et octroié la somme de quarante francs par chacun an, payable par nostre recepveur d’Arches à chacun jour de Saint-Martin d’yver, auquel mandons… que doresnavant et par chacun an, il paye… aux maistres et compagnons tireurs à la dicte butte de Girardmer la dicte somme… (Nancy, 4 Septembre 1615)[29].

L’habitude de porter des armes à feu ayant amené des accidents, le maréchal de Créqui, gouverneur des duchés de Lorraine et Barrois, par une ordonnance de 1676, défendit de porter les armes à feu et ordonna à ceux qui en avaient de les déposer chez le magistrat du lieu[30].

Dès le commencement du xvie siècle, chaque ville ou village devait fournir, par 10 conduits (feux), un homme d’armes et l’armer à son compte de mousquets ou piques et corselets.

Les soldats devaient se trouver, à leurs frais et dépens, l’après-midi d’un dimanche, d’une quinzaine à l’autre, depuis Pâques jusqu’à la Saint-Remy, aux villes désignées.

C’est ainsi que furent créées les compagnies d’arquebusiers et d’arbalétriers. Les jeunes gens âgés de 20 ans qui n’étaient pas infirmes et qui tombaient au sort, devaient le service militaire pour 6 années.

Au bout de son congé, tout soldat recevait de par une ordonnance du roi, un certificat de congé absolu, approuvé par le lieutenant-général chargé de l’inspection du régiment dans lequel il était enrôlé. Ce certificat devait être présenté au greffe du lieu de sa résidence à l’effet d’y être enregistré gratuitement. Cette formalité remplie, le soldat recevait du greffier un certificat attestant qu’il avait fait son temps de service militaire et lui permettant de se retirer où bon lui semblerait, sans qu’il puisse être inquiété, à charge néanmoins de présenter au greffe de sa résidence, le certificat ci-dessus ; de 1772 à 1791, il vint se fixer à Gérardmer 55 militaires libérés.

Tout jeune homme tombé au sort pouvait se faire remplacer par un autre individu moyennant salaire[31]. Une ordonnance de 1761 établit à Gérardmer un syndic préposé aux recrues et chargé d’engager les jeunes soldats. Ce syndic dressait chaque année un rôle des miliciables ; pour l’année 1766, la levée comprenait 131 hommes de 18 à 37 ans.

L’équipement et les frais de conduite des miliciens étaient des charges onéreuses pour la commune, qui supportait en outre le logement des dragons pendant le quartier d’hiver[32].

La répartition des logements et réquisitions militaires pesa lourdement sur la commune. Dans une déclaration de 1700 où elle énumère ses dettes se montant 12.220 livres, elle dit :

… Lesquelles sommes empruntées ont esté employées pour satisfaire aux grosses charges, impositions, fourrages et quartier d’hyver dont la communaulté estait oppressée pendant les malheurs des guerres dernières ; d’ailleurs, pour se tirer du même malheur, et à cause de la grande cherté des vivres qui a régné dans le pays, les habitants ont fait quatre fois autant de debtes en particulier et vendu le thiers de leurs biens-fonds à des étrangers,… ils sont, pour la plupart, fort pauvres et réduits à la dernière extrémité ; sans le secours et la charité très grande de S. A. R., ils seraient morts de faim[33].

De 1658 à 1768[34], la commune de Gérardmer dépensa, tant en argent qu’en nature, prés de 100.000 francs pour réquisitions militaires, fournitures de fourrages, de bestiaux, transports de blés, garnisaires, etc.

Les fournitures de fourrages furent particulièrement onéreuses, car la récolte en fourrages à Gérardmer, suffisait à peine à la nourriture des bestiaux ; la commune était obligée d’aller au loin faire des marchés, avec les cultivateurs de la plaine, pour satisfaire aux réquisitions. La foire de Bruyères était le rendez-vous habituel de ces sortes de transactions ; citons, entre autres, l’arrangement fait pour la fourniture de l’année 1743 avec Gabriel Phulpin, cultivateur de Padoux[35]. Cette fourniture se montait à la somme importante de 141.565 francs[36].

Les contribuables qui ne payaient pas leurs impôts recevaient des garnisaires. Ils devaient les loger, les nourrir ainsi que leurs chevaux, et leur donner 21 gros par jour.

À ces charges déjà si lourdes, s’ajoutait la fourniture de jeunes gens chargés de travailler aux fortifications et aux travaux d’art militaire. On les désignait sous le nom de pionniers.

En 1672, il y eut 21 pionniers envoyés pour relever ceux qui travaillaient aux fortifications de Belfort ; la même année, 9 autres furent envoyés à Nancy ; en 1689, il y en avait 41 de commandés pour les mois de Mai et Juin ; en 1744, 71 furent commandés pour le siège de Belfort. La commune les fit remplacer à ses frais et dépens : de ce chef 2.500 francs.

Notre grand fabuliste a dit en parlant du bûcheron :

Les soldats, les impôts,
Le créancier et la corvée,
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.

Il n’avait que trop raison, et l’examen qui précède prouve combien le paysan de Gérardmer fut éprouvé par la gent soldatesque.

Il ne faut pas confondre les miliciens de l’ancien régime avec les soldats de la Révolution. Ces derniers n’étaient plus des mercenaires à gages, mais les fils de la patrie, qui se levaient en masse pour défendre le sol de la République, envahi par les alliés. Le généreux souffle de patriotisme qui provoqua l’élan enthousiaste de 1792, eut son écho dans les montagnes des Vosges, et les habitants de Gérardmer firent preuve d’un ardent patriotisme. Au premier départ des volontaires de 1792, Gérardmer fournit un contingent de 104 hommes, dont les au moins ne sont jamais rentrés.

Voici les noms des officiers, nés à Gérardmer, qui faisaient partie des bataillons de volontaires des Vosges en 1792[37]:

Lieutenant-colonel (6e bataillon), Didier Étienne (né en 1738), commandant en second la garde nationale de Gérardmer en 1790, lieutenant-colonel en 1792.

Lieutenant (compagnie des grenadiers), Blaize Jacques en 1758) ; capitaine le 1er Nivôse, an II.

Sous-lieutenant (1re compagnie), Didier (né en 1768) ; sous-lieutenant le 1er Nivôse, an II.

Lieutenant (3e compagnie), Gegout Jean-Antoine (né en 1763), détaché à l’artillerie de Vendée.

Sous-lieutenant (3e compagnie), Gegout J.-B. (né en 1764).

Capitaine (3e compagnie), Garnier Gérard (né en 1761).

Capitaine (14e bataillon), Michel Antoine (né en 1770, mort en l’an IV)[38].

Peu de temps après le départ des premiers volontaires, «  le général Custine réclamait 2.467 hommes au département des Vosges, pour compléter l’effectif des bataillons. »

La commune de Gérardmer, en réponse aux réclamations, avait déjà offert 3 hommes à chacun desquels elle donnait 130 francs pour l’équipement. (13 Décembre 1792).

Le décret du 29 Septembre 1791 de l’Assemblée nationale ayant décidé l’organisation de la garde nationale, la commune de Gérardmer établit un bataillon de cette, milice. La municipalité vota une somme de 25 francs à N. Jacquot, commandant en chef de la légion du district de Bruyères, chargé de former les registres de la nouvelle formation de la garde nationale de Gérardmer (Juin 92) ; elle vota également un assignat de 5 livres à chacun des 24 nouveaux officiers de la garde nationale, qui devaient se rendre à Bruyères pour choisir le commandant général des légions du district (Mai 92).

L’année suivante, des piques (190) furent distribuées à la garde nationale de Gérardmer, et remises aux capitaines des compagnies.

Le bataillon complet de Gérardmer se montait à 600 hommes ; les cadres en furent renouvelés le 12 Mai 1793, à l’église de Gérardmer, « sur le midy », en présence de la municipalité et de Nicolas Jacquot, chef de légion du district ; les chefs furent élus à la pluralité des suffrages.

Le 16 Août 1793, sur le rapport de Barrère, la Convention voyant la patrie attaquée de toutes parts, décréta le principe de la levée en masse :

Le peuple français déclare par l’organe de ses représentants qu’il va se lever tout entier pour la défense de son indépendance, de sa liberté, de sa constitution, et pour délivrer son territoire de la présence des despotes et de leurs satellites.

Le département des Vosges, tout en faisant remarquer qu’il était épuisé, se mit immédiatement en devoir de fournir son contingent.

Nous regrettons d’avoir à signaler qu’à Gérardmer Krantz et Jacques, désignés comme commissaires, rencontrèrent une grande résistance. Ils furent insultés et menacés ; la masse des citoyens était bonne, mais elle était égarée par des agitateurs malveillants. Les jeunes garçons de Gérardmer avaient émis la prétention de faire concourir les hommes mariés à la formation des bataillons, ce qui était contraire à la loi, d’autant plus que Gérardmer comptait 120 garçons et qu’il ne fallait que 19 volontaires pour le canton.

Le Directoire, en applaudissant au patriotisme et à la noble énergie que les garçons du district de Bruyères, bien différents de ceux de Gérardmer, avaient manifestés en se soumettant à la réquisition, les cita comme exemple ; puis il fit placarder une proclamation dans laquelle on lisait :

Le Comité est surpris de voir qu’il n’y a pas un garçon à Gérardmer sur lequel la voix de la patrie est assez pressante pour le déterminer à marcher à son secours.

La proclamation se terminait par ces mots :

On se rappelle avec attendrissement les preuves multipliées de patriotisme que la commune de Gérardmer a montrées dans les précédentes levées, et on aime à se persuader qu’on n’aura pas à gémir sur un moment d’erreur.

Les jeunes gens de Gérardmer se rendirent à cet appel si pressant et continuèrent à soutenir la réputation de bravoure de leurs compatriotes.

Ce moment d’hésitation n’a rien de trop surprenant quand on examine le faix énorme des charges militaires supportées à cette époque par la communauté. Les réquisitions de chevaux et voitures avec conducteurs (surtout pour le parc de Landau), les rations de fourrage, de paille, d’avoine, les corvées pour la fabrication du salpêtre, l’emprunt forcé dont le taux fut exorbitant, pesaient lourdement sur les habitants de Gérardmer ; néanmoins grâce à l’énergie, à l’activité et au patriotisme de la municipalité, la commune put satisfaire à ses charges et bien mériter de la patrie.

On appelait dîme aux siècles derniers, le prélèvement que l’Église ou les seigneurs faisaient sur les récoltes et qui en étaient généralement le dixième.

Voici en quoi consistait la dîme à Gérardmer, au commencement du xviiie siècle :

Il appartient au curé la totalité des menues dixmes, n’y en ayant aucunes grosses ; laquelle menue dixme consiste en chanvre masle et femelle sans chenevet, de même que le lin et quelques autres menus grains ; et laquelle dixme se paye au douzième à la maison. L’on paye aussi la dixme des chevreaux.

Il y a en outre ces quelques autres redebvances qui sont deues au curé, savoir : pour chaque panier de ruche de mouches à miel, six deniers ; pour chaque veau, six deniers. Chaque habitant donne en outre une bille de bois au curé ou à son vicaire, pour leur chauffage, ce qui se fait de gré à gré[39].

La communauté devait de plus « entretenir la maison presbytériale, hors les menues réfections[40] ». Elle « était aussi chargée des réparations, comme aussy de fournir les ornements et toutes autres nécessitez de l’église, même le pain et le vin pour la messe. »

Les fabricants de fromage de Gérardmer avaient la coutume de se rendre, le 25 Avril, à Champdray, dont l’église était dédiée à Saint Marc. Ils offraient à ce saint des provisions de toute espèce : des fromages, du beurre, des œufs, quelquefois même des veaux et des chevreaux.

Le trésorier de l’église se tenait devant le portail, acceptait ces dons et les revendait aux enchères au profit de la paroisse[41].

Un état de 1717, établi par ordre de S. A. R., dit qu’à Gérardmer « la dîme consiste en chanvre et lin, et quelque quarante-cinq écus, qui font en monnaie de Lorraine 315 francs.

« Il n’y croît (audit Gérardmer), aucun grain. »

Corvée

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L’entretien des chemins et des ponts de la localité ne dispensait pas les habitants de l’impôt de la corvée. On désignait sous ce nom une taille en nature, en vertu de laquelle l’intendant de Lorraine pouvait à volonté ordonner aux contribuables de se rendre sur les routes pour y travailler soit seuls, soit avec des attelages qu’ils devaient fournir.

Cet impôt qui datait de 1603, « était dû chaque année au moins pendant huit jours, sous peine d’une amende de 200 francs et de tous dommages-intérêts. »

L’impôt de la corvée souleva à plusieurs reprises les protestations des habitants de Gérardmer, notamment en 1779, lors de la construction d’une route à Bussang. Les avocats se refusaient à faire la corvée. La municipalité demanda avis aux conseillers du roi ; il fut décidé que :

Les avocats seront exemptés du travail personnel, mais paieront une redevance en argent proportionnelle à leur cote au rôle des ponts et chaussées. Il en sera de même des commis à la perception des droits de ferme du roi, des forestiers royaux, des gardes-chasse et des buralistes.

Étaient également exemptés de la corvée pendant le xviiie siècle : les malades, sans qu’on pût les remplacer par leurs femmes, leurs enfants, et leur imposer, à la guérison, de nouvelles journées de travail ; les septuagénaires et les mendiants désignés en corps de communauté. Le syndic était dispensé de la corvée ainsi que ses bêtes, de trait, mais il devait commander les corvéables en personne. Enfin dès 1789, les membres de l’assemblée municipale furent exempts de la corvée.

Les habitants de Gérardmer devaient les corvées pour les routes royales et les chemins communaux ; ce qui les obligeait parfois à se rendre plus de vingt lieues de distance ; c’est ainsi que de 1690 à 1774, ils firent plus de 20 grandes corvées à Remiremont, Bussang, Saint-Maurice, Rambervillers, Épinal, Bains, Xertigny, Orbey, au Bonhomme, etc.

Malgré l’éloignement de ces localités, les corvéables devaient s’y trouver à cinq heures du matin (sous peine de 50 francs d’amende), ce qui les obligeait souvent à voyager toute la nuit ; quand la saison était avancée, l’heure du rendez-vous était reculée à 7 heures du matin ; c’est ainsi que le syndic dut amener tous les corvéables à Xertigny, à 7 heures, le 24 Octobre 1767, pour y exécuter 870 toises de chaussée.

En principe, les corvées ordinaires étaient fixées au 10 Mai et au 10 Octobre de chaque année. Les corvéables devaient l’obéissance passive au syndic qui commandait les travaux ; ils ne pouvaient s’absenter sans être punis d’une amende de 50 francs, s’ils refusaient d’obéir au syndic dans le cours des travaux, l’amende allait à 100 francs ; « elle était accompagnée d’emprisonnement la première fois, et, à la récidive, d’une peine exemplaire. »

Non seulement les corvéables travaillaient gratuitement, mais ils pourvoyaient eux-mêmes à leur nourriture et fournissaient leurs outils. Dans de semblables conditions, on comprend que les corvées à distance étaient des plus pénibles ; en 1724-25, pour la construction d’un pont à Bussang, les habitants de Gérardmer durent transporter à dos d’homme leurs brouettes et outils, par des chemins détrempés. Ces détails justifient l’impopularité de l’impôt de la corvée.

Les corvées étaient souvent multipliées par des ouragans qui détruisaient les ponts et coupaient les chemins ; quelques-uns sont restés tristement célèbres, celui du 12 Mars 1761 emporta les toits des maisons et renversa les arbres dans les forêts, principalement à la droite des Bas-Rupts et derrière Longemer, où l’on établit une scierie pour en opérer le déblaiement[42].

Le débordement du 25 au 26 Juillet 1778, appelé Déluge de la Saint-Jacques ou de la Sainte-Anne, causa de grands dégâts dans les collines de Liézey, Selley et Béliard :

Où quantité de maisons, moulins et autres usuines (usines) furent emportés par le torrent des eaux, les terres des preys emportées, le lit des ruisseaux changés de leurs places, une quantité innombrable de bois des forêts voisines déracinés et entraînés dans les preys et jardins, de même que des rochers, pierres, terres et sables poussés parle torrent des eaux dans les preys des dites collines[43].

Ce désastre engagea la communauté à demander de « ne satisfaire à aucun denier » ; l’intendant accueillit cette demande.

L’inondation du 25-26 Octobre 1778 connue sous le nom de Déluge de la Saint-Crépin, ne fut pas moins désastreuse, car elle fut précédée de 5 journées de pluies continuelles. Les routes furent coupées en maints endroits, et il y eut 6 ponts emportés par la violence des eaux, dont le pont de Vologne. Sur leur instance, les habitants de Gérardmer obtinrent l’exemption de travailler aux chaussées royales pendant l’année suivante, afin de pouvoir réparer leurs chemins communaux ; les frais de construction s’élevèrent à 15.000 francs de 1697 à 1786.

Impôts divers

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Voici, sous ce titre, quelques impositions qui figurent dans les comptes communaux [44]:

[h]

l|r Nature de l’impôt &amp ; Montant
&amp ; Fr.
Charges de la communauté (1675) &amp ; 2.582
Rentes et redevances de la communauté (1685-1700), en moyenne &amp ; 2.500
Bois d’affouage (1694) &amp ; 2.011
Don gratuit à S. A. R. (1698) &amp ; 2.044
Frais de mainmorte (1700) &amp ; 1.700
Réparation aux murailles des villes, des États de S. A. R. (1705) &amp ; 3.480
Dettes de la communauté (1710) &amp ; 350
Pour les blés de S. A. R. (1721-26), en moyenne &amp ; 420

= Justice =

Justice civile

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On lit dans le Temporel des Paroisses de 1704 :

La seigneurie de Gérardmer appartient à S. A. Royale et aux dames abbesses, chanoinesses et Chapitre de Remiremont, chacun par moitié et par indivis ; à laquelle seigneurie il y a haulte justice qui s’exerce conformément à l’arrêt du Conseil du 18 Septembre 1702.

Avant 1702, le maire de Gérardmer, assisté des jurés, avait le droit de juridiction. Il jugeait les causes en première instance.

Par une demande[45] adressée en 1660 au prévôt d’Arches et au lieutenant de l’église Saint-Pierre de Remiremont, pour que ces officiers « veuillent bien rendre la justice le samedi, de 10 heures du matin au soleil couchant », les habitants de Gérardmer attestent qu’ils devaient se rendre à Remiremont pour y être jugés, et à cause de la distance (27 km), ils étaient souvent obligés de coucher dans cette ville, surtout pendant l’hiver, ce qui leur occasionnait de grands frais. L’autorisation qu’ils sollicitaient fut accordée.

L’ordonnance de 1702 enleva au maire le droit de rendre justice ; aussi la communauté de Gérardmer réclama-t-elle énergiquement par sa déclaration de 1717[46], le droit de rétablir la justice locale, en exposant que :

Dans ces conditions s’il survenait des assignations données par l’échevin, le greffier et le maire arrangeraient les différends à l’amiable, tandis que dans l’état actuel, les plaignants devaient se rendre à Remiremont où le prévôt d’Arches avait élu domicile.

Ce dernier et son substitut avaient conclu à l’inutilité du rétablissement de cette justice locale.

Le duc Léopold ordonna que le Chapitre de Remiremont fût consulté sur cette question, et les commissaires du conseil donnèrent permission à la communauté de Gérardmer d’assigner le dit Chapitre (1720) ; mais l’histoire ne nous apprend pas quelle suite fut donnée à cette action ; il est fort probable que la communauté en fut pour ses frais, car on voit que les actes de procédure subséquents sont datés de Remiremont.

L’année d’après, S. A. R. nomma à Gérardmer un sergent qui devait prêter serment devant le prévôt d’Arches. Il était chargé d’exécuter les ordres judiciaires, de porter les assignations, de notifier les décisions des jugements rendus par les cours de justice[47].

À la fin du xviiie siècle (1773), les maire, syndic, jurés et habitants de Gérardmer demandèrent qu’il leur fut permis d’avoir un huissier, disant que dans le cas de décès de chef de famille, les huissiers de la prévôté d’Arches demeurant à Remiremont :

Faisaient plusieurs voyages à Gérardmer et consommaient en frais l’héritage souvent minime ; ils agissaient en âmes vénales et non d’après l’ordonnance de 1707 qui enjoint, en pareil cas, de travailler plus par honneur que par vil intérêt.

La suite donnée à cette demande n’est pas indiquée ; il est peu probable qu’elle ait été favorable aux demandeurs, car ce n’est qu’après la Révolution qu’il y eut un huissier proprement dit à Gérardmer.

Justice criminelle

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La coutume suivie à cette époque était celle de Lorraine. C’était une coutume souvent peu intelligente. Au xvie siècle, on appliquait encore la question aux prévenus et on poursuivait les sorciers.

Les historiens ainsi que les archives de l’époque ont conservé nombre de faits, se rapportant aux iniques procédures intentées à de prétendus sorciers. Il y eut surtout un grand nombre de poursuites et même d’exécutions pour crime de vénéfice et sortilège, dans l’arrondissement de Saint-Dié[48]. Les montagnes de Gérardmer recélaient en quantité des carrefours et des plateaux hantés par les esprits de ténèbres, et jusqu’à nos jours il y a eu des habitants pour croire sincèrement aux jeteurs de sorts, aux sabbats, au sotré, aux fées et aux vulgaires sorciers.

En l’année 1618, ces croyances étaient générales, et les comptes de la prévôté d’Arches, pour cette année, font mention d’une somme de 130 francs,

Qui fut délivrée à la plus grande partie des habitants de Gérardmer assignés à ce d’estre ouys aux informations faites contre Odille, femme de Nicolas Perrin, Demenge son fils, Claudatte, vefve de Lambert, Demenge, Pierrat du dit lieu, qu’avaient esté accusés de sortilège et vénéfice par Marion, vefve d’Arnoult Coletat, prévenue et convaincue de même crime par sa propre confession, en laquelle elle aurait persévéré pendant la maladie qui la print en prison et jusques à sa mort[49].

Voici ce qui arriva, en 1629, à une pauvre femme de Gérardmer, que l’on ne put cependant convaincre de sorcellerie. Le mémoire que nous citons, emprunté à H. Lepage, fait connaître les formalités qui avaient lieu à l’occasion de ces affreuses procédures, trop souvent terminées par des exécutions[50].

– Le sieur Procureur général au bailliage des Vosges, ayant donné ses requises pour informer contre une nommée Mougeatte Chippot, de Géramer, accusée de sortilège, les officiers se transportaient au dit lieu pour en informer et y séjournaient trois jours, auquel lieu ils dépensaient quarante-huit francs neuf gros, tant pendant l’information, audition de bouche de la prévenue, que recollement et confrontation des témoins, ci : XIVIIJ fr. IX gr.

– L’information faite fut envoyée à Nancy, le port : VIIJ fr.

– Le droit des sieurs échevins : IIIJ fr.

– Les dicts sieurs échevins ayant été d’avis de faire donner la question à la prévenue, le prévôt (d’Arches) envoya quérir le maistre (des hautes œuvres), pour le messager: IIIJ fr.

– Pour le droit du maistre d’avoir donné la question: V fr.

– Pour ses trois journées : VIII fr.

– Pour le chirurgien qui y fut employé: IIIJ fr.

– Pour les frais faits le jour de la question: V fr. VIII gr.

– Pour l’avoir razée[51] : V fr.

– La question donnée, le procès fut derechef envoyé à Nancy, pour le port: VIIJ fr.

– Le droit des sieurs échevins: IIIJ fr.

– Pour quarante-cinq journées qu’elle a esté en prison : VJ fr. VI gr.

– La dite Mougeatte fut renvoyée, comme appert de la sentence ci-produite, et ainsi les dépenses tombent sur son Altesse.

Police communale

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La police de la localité était faite, comme elle l’est encore actuellement, par le maire assisté des jurés. Il y avait en outre des fonctionnaires spéciaux chargés de veiller au bon ordre. C’étaient :

  1. Les bangars ou gardes-champêtres ;
  2. Les pastrouilleurs ;
  3. Les employés de la maréchaussée ;
  4. Les gardes de cabaret ;
  5. Les gardes-chasse ;
  6. Les fonctionnaires du domaine.

Les procès-verbaux dressés par ces fonctionnaires faisaient l’objet de rapports spéciaux, consignés sur les registres déposés au greffe de la communauté. Le greffier rédigeait ces rapports et les signait avec le verbalisant. Les registres étaient cotés et paraphés par l’administration supérieure et présentés chaque année, comme nous l’avons dit, aux officiers du Chapitre, à la tenue du plaid de Vagney.

Les amendes imposées se répartissaient de la manière suivante :

Au greffier, pour salaire et papier, de 30 sous à 2 livres ; au fermier du domaine et au receveur du Chapitre, chacun des amendes ; aux hangars, l’autre . Le compte annuel se montait d’ordinaire à 20 livres.

Généralement le maire et les jurés étaient respectés ; cependant ils durent, à différentes reprises, sévir contre les particuliers.

En 1718, un garçon boucher de Gérardmer qui avait proféré des menaces et injures contre les maire et jurés de la communauté, fut condamné à se rétracter en paroles et par écrit.

Il en fut de même du sieur Gérard Claudon, qui dut déclarer devant témoins que « les maire et jurés sont gens de bien et d’honneur » et payer 10 francs de dommages-intérêts, 5 fr. 7 gr. 8 deniers comme amende et les dépens.

Jb Vincent-Viry, qui avait répandu des propos calomnieux sur le compte des autorités municipales, se vit assigner par la communauté pour être condamné à payer 100 francs d’amende ; il s’empressa de transiger en offrant de payer 25 francs aux chatolliers, 7 francs au bureau des pauvres et à faire réparation. Sa transaction fut acceptée[52].

Nous avons relevé deux procès-verbaux concernant le culte : l’un dressé par ordre du curé contre un habitant de La Bresse qui avait manqué (de respect) au dit curé (1783) ; l’autre, par ordre d’un garde d’église contre un garçon de Gérardmer, « qui avait ri et causé à la tribune de l’église pendant la messe (1787)[53]. »

Les procès-verbaux faits par les bangars se rapportent principalement à l’infraction aux bannies, aux anticipations de pâturage.

Comme la litière pour le bétail était rare à cause du manque de paille, la communauté de Gérardmer avait mis en bannie plusieurs produits végétaux pour être employés à cet usage. Par suite de cette disposition, il était défendu de couper des joncs, de la fougère avant une époque déterminée.

Une délibération de l’assemblée générale des maire, syndic, jurés de la communauté (1763), indique la liste des choses mises en bannie ; ce sont :

La fougère, jusqu’à la Saint-Laurent ; les grains de genièvre, jusqu’à la Saint-Remy ; les joncs, sayattes et autres plantes de cette nature, jusqu’à la Saint-Remy ; la fiante dessus les paquis, en défense toute l’année, ainsi que les bêtes des étrangers ; toutes bêtes à la prairie du Champ jusqu’au jour de l’embannie ordinaire.

Les bangars surveillaient spécialement l’exécution des bannies ; un arrêté municipal de 1775[54], relatif aux bannies dit :

Les maire, syndic, jurés, etc., font défense à tous particuliers et habitants de Gérardmer de ne ramasser ni enlever sur les pâquis communaux aucune fiente des troupeaux, de même que de faucher, couper ou ramasser les fougères, autrement dit fâlure et graines de genièvre percrues sur les terres communales, avant le 10 Août de chaque année, de même aussi de ne faucher dans les feignes avant le 1er Octobre de chaque année, de même que de ne faucher aucune mousse sur les pacquis secs, en aucune saison, de ne laisser aller aucun bestiaux dans la prairie du dit lieu, de même que dans tous les autres prés situés sur le finage du dit lieu, depuis le 25 Mars jusqu’au 1er Novembre de chaque année, le tout à peine de 5 francs d’amende contre chaque contrevenant.

Cette amende n’effrayait sans doute pas les délinquants, car il y eut à ce sujet de nombreux procès, et dans une délibération de 1788, l’assemblée municipale demanda:

À Mgr l’Intendant l’autorisation de permettre aux officiers de la communauté de condamner à une amende légère et proportionnée au cas, applicable un tiers au dénonciateur, et les deux autres tiers au bureau des pauvres de la paroisse, tous ceux qui se trouvaient à recueillir et ramasser quelques-unes des choses mises en bannie jusqu’au temps marqué par la délibération de la dite communauté.

Il faut relever, dans la demande qui précède, cette sorte d’invitation à la dénonciation par l’appât d’un gain léger, qui choque aujourd’hui nos sentiments de loyauté et de franchise.

Les bannies n’existent plus à Gérardmer ; elles ont persisté cependant dans le département des Vosges pour les localités où il y a des troupeaux de vaches pâturant dans les propriétés particulières, et dans les pays vignobles.

Il y eut 70 procès pour infractions aux bannies, de 1754 à 1783.

En moyenne ces procès étaient taxés à 5 francs d’amende. On comprend la rigueur de la communauté à cause de l’intérêt qu’elle attachait à la prospérité de ses pâturages, sa principale ressource, comme elle ne cesse de le répéter en toute circonstance.

Ceux qui cueillaient des graines de genièvre, coupaient des sayattes ou ramassaient de la mousse, étaient également passibles de procès ; il y eut de ces chefs, 21 procès de 1769 à 1775.

Les plus curieux de tous ces procès-verbaux furent ceux dressés par les gardes de cabarets et les pastrouilleurs, car ils donnent bien une idée des mœurs de l’époque. (Voir article Cabarets).

Pendant la Révolution, les injures envers les membres de la municipalité furent peu nombreuses ; elles étaient punies très sévèrement ; ainsi Jacquot, cabaretier, qui avait insulté le procureur communal et prétendu que cet officier municipal « avait reçu 3 louis d’or pour ne pas emprisonner une femme de La Bresse, coupable du vol d’une paire de bas sur le marché », fut condamné : 1) À se rétracter ; 2) à faire 2 jours de prison ; 3) à payer 31 livres ; 4) à payer les frais d’emprisonnement et de garde (1790).

Viry et Crouvezier, qui avaient frappé le sergent, étant ivres, furent condamnés à Remiremont, à chacun un mois de prison et 25 francs d’amende[55].

La police fut faite en partie par la garde nationale dès son organisation ; mais il se produisit bientôt des conflits entre les gardes nationaux et les particuliers, car les premiers étaient « souvent enyvrés » quand ils faisaient leur ronde, et ils inquiétaient des citoyens paisibles à tort et à travers. Le conseil général de la communauté, qui reçut de nombreuses plaintes à ce sujet, arrêta ce qui suit :

Il est détendu aux particuliers étant de service, de boire à quelle heure que ce soit dans un cabaret, sous peine de 48 heures de prison.

Il est défendu de boire au corps de garde au delà d’un demi-setié de vin ou pour 2 sous d’eau-de-vie pour 24 heures de service (même peine que ci-dessus). – (29 Juin 1791)[56].

La garde nationale organisait bien des rondes dans le centre de Gérardmer ; mais elle était impuissante à maintenir le bon ordre dans les lieux écartés de Gérardmer ; aussi l’assemblée municipale s’empressa-t-elle de solliciter avec instance l’obtention d’une brigade de gendarmes nationaux à pied (18 Avril 1792)[57].

La demande de la municipalité ne fut pas exaucée ; elle la renouvela le 30 Nivôse an III (17 Janvier 1795), en présence « des attroupements d’individus, qui mendiaient à main armée, s’introduisaient dans les maisons pour réclamer des vivres ; ils étaient plus d’une douzaine, commandés par Michel, des Xettes ». L’assemblée communale ajoute en outre « que les gendarmes installés à Gérardmer pourraient facilement correspondre avec ceux qui sont établis dans les villes voisines. »

La brigade demandée avec tant de persistance ne fut installée que quatre ans plus tard (29 Nivôse an VII).

La municipalité prit toutes les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre et la sécurité de ses administrés.

Par une délibération du 5 Messidor an II (24 Juin 1794), elle désigna, conformément à la loi du 22 Juillet 1791, les 3 officiers municipaux : J.-B. Gérard ; Nas-Jh Viry et Ch.-Ant. Viry, pour former le tribunal de police municipale. Enfin elle organisa une garde et patrouille de nuit, composée de 4 hommes et un officier, pour veiller à empêcher les incendies (15 Nivôse an III).

Les questions relatives aux émigrés soulevèrent à Gérardmer plusieurs débats intéressants à relater.

Un charpentier du lieu, Nicolas Gley, avait un fils « qui avait fait ses études par charité » et qui était prêtre émigré. Le conseil de l’assemblée communale reconnaît :

Que non seulement Nicolas Gley n’a pas fait ou laissé émigrer son fils, mais qu’il l’a au contraire engagé de la manière la plus pressante à prêter son serment, et que jamais il ne lui a fourni aucun moyen de subsister parmi nos ennemis (1793)[58].

Précédemment elle avait reconnu que :

N. Gley a un 2me fils, qui vient de donner des preuves de son patriotisme, et qui par là est entré dans les vues de son père en s’inscrivant volontairement pour aller défendre la patrie sur les frontières.

La municipalité accorde à N. Gley, en récompense de son civisme, l’exemption de fournir l’habillement et la solde de 2 hommes.

Au plus fort de la période révolutionnaire, alors que les passions politiques et religieuses étaient exaltées (1793), il se passa à Gérardmer quelques faits qui reflétèrent en petit les évènements de l’époque.

Lalevée, maréchal à Xonrupt, roua de coups la veuve Didier, de Forgotte, Agathe Pierrat et ses deux filles, dévasta leur logement, en brisa les vitres, sous prétexte que « les dites personnes sont aristocrates. »

Le maire intervint avec la garde municipale. Les blessures de ces 3 personnes furent visitées par Gérard, maître en chirurgie, qui conclut à une incapacité de travail de 15 jours.

Peu de temps après, Agathe Pierrat, qui décidément n’était pas populaire, fut l’objet d’une nouvelle agression de la part de 2 jeunes gens : l’un de 20 ans, l’autre de 15, Pierrat et Vincent-Viry ; sous prétexte qu’il leur fallait de l’argent pour acheter du pain, ces précoces gredins extorquèrent, avec menaces et à main armée, un certain nombre d’assignats à cette personne :

Ils se sont fait passer pour déserteurs, dit Agathe Pierrat ; ils ont demandé de l’argent pour 6 de leurs camarades dans la montagne. On leur a offert à chacun 10 sols qu’ils refusèrent. On leur offrit ensuite 3 assignats qu’ils acceptèrent après m’avoir fait dire que je les donnais de bon cœur et non de force. Les assignats ne leur plaisant pas, ils revinrent sur leurs pas et menacèrent de me tuer ainsi que mes filles, si je ne leur donnais de l’argent. L’un d’eux prit un paux-fer[59] pour me menacer.

À ce moment entrèrent Cuny et Gley, deux habitants de la section, qui reprochèrent leur attitude à Vincent-Viry et Pierrat ; ces derniers craignant sans doute de justes représailles, après être allés à Quichonpré (Kichompré), rapportèrent une partie des assignats extorqués à la veuve Didier.

Dans la nuit du 31 Août au 1er Septembre, un 3e attentat fut commis chez cette même personne. Sébastien Haxaire, journalier chez Agathe Pierrat, fut :

Menacé d’un sabre nu par J. Pierrat, de Forgotte, et Pierrat, maréchal à Xonrupt, car il ne voulait pas leur indiquer la cachette des maîtresses du logis.

J. Pierrat, après avoir brisé la vaisselle, des pots en fonte, les vitres de la cuisine et du poêle, a démoli les coffres, les armoires, forcé les serrures ; il a enlevé des meubles, les habits de femme, et les a brûlés avec l’horloge et les rideaux du lit. Il a également démoli et brisé un métier de tisserand.

Les nombreuses dépositions qui sont jointes au dossier, attestent du soin de la municipalité d’établir la vérité.

On comprend, qu’après de pareilles exactions, le séjour de Gérardmer n’avait rien d’attrayant pour Agathe Pierrat ; aussi elle quitta le pays sur ces entrefaites, car on vendait à la maison commune des foins lui appartenant, et les meubles de Marguerite, sa fille majeure, « présumée émigrée » (4 Frimaire an II)[60].

Pour terminer les actes relatifs à la police générale ou locale, rappelons la condamnation, à Wissembourg, d’un nommé François Gille, marchand de fromages, originaire de Gérardmer. Ce commerçant peu honnête avait vendu du fromage au delà du maximum. Il avait déjà été condamné à 500 livres d’amende le 17 Prairial et à la confiscation ; le même mois « il eut l’audace criminelle de vendre la livre de fromage à raison de 1 livre 5 gr. » Il avait ainsi méprisé les autorités constituées ; aussi fut-il condamné à 2 années de détention, après une exposition sur la place publique de Wissembourg, où il était attaché sur un poteau ; au-dessus de sa tête se trouvait un écriteau, portant en gros caractères, ses nom, profession, domicile, la cause de la condamnation, le jugement, le tout aux frais du condamné.

On voit, qu’à part quelques excès regrettables, l’esprit de la population de Gérardmer fut calme pendant la Révolution[61] ; une preuve de plus à l’appui de cette manière de voir, c’est que peu de personnes quittèrent le pays ; citons seulement A.-B. Claudel, qui partit pour Épinal (13 Floréal an II), et D. Paxion, qui alla résider à Libremont (Remiremont) en 1794 ; par contre, comme nous l’avons vu précédemment, un nombre assez considérable de prêtres vinrent s’établir à Gérardmer, de 1793 à 1795.

L’instruction

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Personnel enseignant, maison d’école

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Instituteurs

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Dès le commencement du xviiie siècle, il y eut à Gérardmer un instituteur – un maître d’école – comme on disait alors.

Divers articles de dépense de la communauté établissent ce fait d’une manière irréfutable ; en 1703, « le greffier Gérard fit le bail du maître d’escolle[62] » ; en 1710, « il fut payé au maître d’escole et au marguillier, pour service dit au compte de la communauté, 3 francs[63]. »

Le 1er instituteur dont les registres fassent mention, est le sieur Mallet, maître d’escolle en l’année 1708[64]. Il était seul pour toute la commune. Il résidait au centre et cumulait avec ses fonctions celles de chantre au lutrin.

C’était l’assemblée communale qui nommait le maître d’école, avec le consentement du curé, et toujours temporairement. Elle passait avec lui un bail, généralement de 3 années ; la convention de 1726, consignée au registre des délibérations de la communauté[65], est ainsi conçue :

Nous, soussignés, maire et jurés de la communauté de Gérardmer, avons continué, du consentement du sieur Poirot, prêtre-vicaire en chef du dit lieu, maître Estienne Gaudier, pour régenter et servir la paroisse, comme il est porté dans le dernier bail, excepté néanmoins qu’il réfectionnera les vitres de la maison d’école quant aux petites réfections.

Le traité de 1731 portait « que le régent devait couvrir la maison une fois dans trois ans[66]. »

Estienne Gaudier fut remplacé par son fils J.-B. Gaudier, qui était instituteur en 1789[67].

À cette époque, l’instituteur du centre était assisté d’un aide appelé clerc. Ce nom s’est perpétué, et souvent encore, dans les villages, le sous-maître (l’instituteur-adjoint) est appelé clerc.

L’année suivante, J.-B. Gaudier adressa une pétition[68] aux membres, de l’assemblée municipale, en vue d’obtenir l’indemnité que la loi du 3 Brumaire an IV accordait aux instituteurs sans logement ; il avait loué une salle pour installer ses élèves, car l’ancienne maison d’école était occupée. L’assemblée, « considérant que les élèves des deux sexes sont envoyés à l’école, surtout pendant l’hiver ; qu’il faut pour les recevoir, une salle spacieuse comme dans la cy-devant maison d’école ; considérant que le loyer de cette maison et du jardin attenant vaut 120 livres, accorde cette somme à l’instituteur. Elle lui sera payée chaque année à la fin de Ventôse. »

Ce fut cette même année qu’il y eut, pour la première fois, à Gérardmer, des maîtres d’école brevetés. La délibération du 11 Nivôse an IV[69], constate que l’assemblée communale a eu communication « du certificat d’admission délivré aux citoyens J.-B. Gaudier et Jh Fleurance, de cette commune, par le jury d’Instruction de St-Diez ; du procès-verbal de leur instruction, et de leur demande d’être présentés au district pour être instituteurs dans le canton. »

Le canton de Gérardmer devait avoir deux écoles, et la municipalité, confiante « dans les talans, la probité, les mœurs et la morale républicaine des citoyens Gaudier et Fleurance, estima qu’il y avait lieu de les nommer aux places d’instituteurs des 2 écoles. »

Elle ne disposait que « de la salle de la cy-devant maison commune, et ne pouvait loger les enfants au cy-devant presbytère[70], ce qui aurait mis l’administration à la merci d’une cohue d’enfants ; cependant comme elle voulait faire profiter de l’instruction les enfants des sections, elle décida qu’il y aurait une école au centre, et que l’autre roulerait dans les sections d’année en année. »

Le citoyen Gaudier obtint le logement occupé par son prédécesseur avec le jardin y attenant, et la salle de classe « qui sera disposée à l’effet de séparer les deux sexes. »

La nation devra payer à la commune, pour loyer, 190 livres, valeur de 1790 :

À charge par l’instituteur des réparations locatives ; cette école sera destinée à recevoir les élèves du village et les autres qui s’y présenteront, à raison de sa proximité ; l’autre sera établie alternativement par année, dans une section de la montagne, à l’endroit le plus à portée des sections environnantes, et ou tous les élèves de ces sections qui s’y présenteront seront reçus, sans qu’on puisse exciper d’un arrondissement exact[71]. Cette année, elle sera au centre des Bas-Rupts.

La dissémination de la population amena la création des maîtres d’école des sections. Ces maîtres – qui savaient à peine lire et écrire – donnaient l’instruction dans les sections pendant l’hiver seulement ; on les désignait communément sous le nom de maîtres des petites écoles ; en 1809, il y en avait 4 pour toute la commune.

En 1813, le nommé Michel, porteur d’un brevet d’instituteur, délivré par le Recteur, fut agréé pour exercer provisoirement ses fonctions dans la commune de Gérardmer ; il n’y demeura pas longtemps, car l’instituteur de Gérardmer (centre) fut J. Lasausse, dès le 1er Novembre de la même année.

Voici dans quelles conditions la municipalité renouvela l’engagement avec J. Lasausse, le 9 Avril 1814 :

… Considérant que l’instruction primaire ne devra plus être confiée qu’à un instituteur ou maître d’école ayant titre,

Considérant que les mérites latents et la capacité du sieur J. Lasausse, propriétaire en cette commune, l’ont appelé à remplir, depuis le 1er Novembre dernier, les importantes fonctions où par son zèle et son assiduité il s’est signalé, tant en justifiant l’opinion de ses commettants qu’en réunissant la confiance de ses élèves ainsi que celle de leurs pères et mères ; arrête que le sieur Lasausse est nommé instituteur dès le 23 du présent mois. Il entrera en jouissance tant du logement destiné à son état, ainsi que des portions de jardin qui en sont l’accessoire, ainsi et de la même manière qu’en a joui feu J.-B. Gaudier, ancien maître d’école, à l’exception cependant des parties occupées et gérées par l’appariteur.

Dès le même jour, il devra en exercer les fonctions sous l’inspection réglée par la loi.

La rétribution à percevoir des élèves ainsi que le mode et l’époque de perception de ce salaire. seront déterminés par une délibération particulière qui fixera l’espace de temps, pendant lequel il sera tenu d’exercer ses fonctions[72].

Cependant comme le sieur Lasausse était parti pour l’armée et qu’il restait célibataire, la communauté lui retira – avec les plus grands ménagements – ses fonctions d’instituteur, pour les confier à Léger Claudel.

Une délibération du conseil municipal, datée du 16 Novembre 1815, dit :

… Rien de plus important pour une bonne administration que de veiller à l’instruction de la jeunesse ;… que la jeunesse bien élevée donne généralement de bons citoyens.

… Considérant que le Sr Lasausse a rempli ses fonctions avec honneur, zèle et probité, que ses talents, sa moralité, sa conduite, l’ont recommandé à l’estime du conseil…

S’il a été obligé de quitter momentanément son école, il en a été requis impérieusement ; qu’aussitôt déclaré libre, il s’est empressé de se rendre à son poste et a repris son service à la satisfaction de tous jusqu’à ce jour.

Considérant que son état de célibataire trop prolongé ne peut convenir à un bon principe d’éducation des enfants, qui cherchent surtout à voir un père dans un maître, auquel ils doivent obéir, et qu’il (l’instituteur) ne peut se décider à s’établir (se marier) aussi promptement qu’il serait à désirer ;

Considérant que s’il est pénible de penser qu’il ne peut plus tolérer un célibataire pour instituteur, il (le conseil) ne doit pas moins à la justice de témoigner au sieur Lasausse sa satisfaction pour les soins qu’il a pris dans l’exercice de l’état d’instituteur…

… Nomme le sieur Léger Claudel, buraliste des droits réunis, en place de Lasausse, dont il a déjà été le remplaçant pendant le départ de ce dernier pour l’armée.

Le 10 Janvier 1816, le conseil municipal prit une délibération par laquelle il nommait le sieur Lasausse, secrétaire de la commune, et le sieur Claudel, instituteur.

La nomination du sieur Claudel fut approuvée par l’administration préfectorale, à charge par lui de se pourvoir d’un diplôme devant le Recteur de l’Académie ; les conditions du bail avec le sieur Claudel furent établies par une délibération du 19 de ce mois :

# Il jouissait du logement ordinaire de l’instituteur et du jardin attenant, sauf la chambre située au-dessus de la salle d’école, occupée jusqu’au 23 Avril prochain, par le sieur Lasausse, secrétaire de la commune ;

  1. Il devait immédiatement entrer en fonctions, sous l’inspection réglée par les lois ;
  2. Il était engagé pour jusqu’à la saint Georges (23 Avril) 1817 seulement, sauf à continuer si le conseil le juge à propos.

La classe avait lieu de 9 heures du matin à 4 heures du soir. Elle durait de la première quinzaine de Novembre à Pâques.

Le salaire du maître d’école était, par semaine et par élève, d’une bûche de bois et de 0 fr. 15 pour le centre. Dans les sections, les élèves devaient, outre la rétribution scolaire, une demi-livre de beurre ou une livre de fromage et un demi-boisseau de pommes de terre ; cette redevance se payait en nature ou en argent. La rétribution scolaire était de 0 fr. 15 par semaine, ou de 2 fr. à 2 fr. 40 pour l’hiver ; quelquefois aussi les sections traitaient à forfait pour une somme totale variant de 80 francs à 90 francs, suivant l’importance de la population scolaire de la section. La commune payait la rétribution pour les enfants indigents.

C’est à dessein que nous nous sommes servi plus haut de l’expression salaire, pour désigner les appointements du maître d’école ; il n’était pas encore élevé à la dignité de fonctionnaire[73] et restait un agent, salarié de la commune, qui disposait de son sort comme elle l’entendait.

La remise des bûches de bois qui servaient au chauffage de l’école, était une opération qui ne manquait pas de pittoresque. Chaque lundi, les élèves faisaient leur entrée en classe, portant fièrement sur l’épaule le bout de bois obligatoire, dont les dimensions variant de la simple bûche au quartier complet, n’étaient pas toujours proportionnées à la richesse des parents, mais plutôt aux progrès des élèves.

À un signal de l’instituteur, les enfants se mettaient à la file indienne et venaient déposer leur bûche devant l’estrade ; les morceaux de bois étaient ensuite empilés et utilisés pour chauffer non seulement la salle de classe, mais encore les appartements du maître.

La situation des instituteurs fût améliorée en 1830 ; le Conseil municipal établit la gratuité dans toutes ses écoles, devançant ainsi d’un demi-siècle, dans l’une de ses parties, le fameux article 7.

La rétribution à fournir aux instituteurs fut ainsi fixée : pour les écoles sections (Beilliard, Phény, Bas-Rupts, Rayée, Gouttridos, Xonrupt et Rayée, Haie-Griselle, Liézey), 125 francs par an, dont 25 francs pour le logement, et 100 francs pour le traitement fixe. Pour l’instituteur du centre, 500 francs ; pour l’institutrice, 300 francs.

En outre, les instituteurs percevaient l’affouage personnel de 6 stères de bois, et 9 stères pour le chauffage de chaque école de section, 18 stères pour chaque école du centre.

En 1836, le traitement de l’instituteur du centre fut augmenté de 50 francs, en témoignage de satisfaction ; la municipalité montrait par là qu’elle attachait un grand prix à l’instruction des enfants et qu’elle savait être reconnaissante envers ses instituteurs.

Dès que Gérardmer eut un maître d’école, il eut une maison pour le loger et une salle de classe pour recevoir les élèves. La maison d’école servait aussi de maison commune ; elle renfermait une pièce distincte – la chambre communale – où se réunissait l’assemblée de la communauté.

Plusieurs articles de dépenses, tirés des comptes des syndics et des commis, attestent l’ancienneté de la maison d’école ; en 1706, dépense de palis pour fermer le jardin de la maison d’escolle[74] ; en 1710, dépense de 18 gros pour « avoir raccommodé les vitres à l’escole[75] » ; en 1713, dépense de 21 francs, « prix de 2 milliers d’escendes (essis) pour la toiture de la maison d’escolle[76] » ; en 1715, dépense de 7 francs « pour réfection du jardin de l’escolle[77] » en 1716, dépense « pour du papier et de l’encre payée au maitre d’escolle[78] » ; etc.

Vers le milieu du xviiie siècle, la maison d’école tombait en ruines ; dès 1751, les habitants en demandèrent la reconstruction, disant « qu’elle était croulante, qu’il était nécessaire de la rétablir à fondamentis ; cette nouvelle charge accablerait les suppliants s’il n’y était pourvu[79] ». Ils demandaient au chancelier de faire « par leur syndic la vente et aliénation de tous les morceaux de leurs pâquis communaux, stériles à la bienséance des habitants, jusqu’à la quantité de 50 arpents, pour affecter le montant de la vente à l’extinction des 1.500 livres de dettes dont la communauté est encore chargée, et à la bâtisse de la maison d’école[80]. »

Le chancelier répondit :

Qu’il ne pouvait permettre à la communauté d’aliéner ces terrains ; mais il promit d’étudier quel autre parti plus avantageux il lui conviendrait de prendre à cette occasion[81].

Il vint lui-même à Gérardmer. Après avoir constaté le mauvais état de la maison d’école, il autorisa la commune à construire une nouvelle bâtisse, à la condition de « louer pendant neuf années des terrains pour le paiement de la construction[82]. »

Le sieur Salmon, architecte à Remiremont, après avoir visité l’état actuel de la maison, sur l’ordre du chancelier, dressa procès-verbal de sa visite et établit un devis avec plans du projet de reconstruction.

Le devis des bois qu’il dressa à cet effet, s’élevait à 64 pieds[83].

École des filles

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La municipalité, en l’an XI, exprima le vœu que les sexes fussent séparés à l’école du centre ; elle prétendait :

Que la régularité de l’enseignement, la décence et tout ce qui tient à la morale et aux principes religieux, font désirer, qu’il y ait au moins dans la commune deux salles d’instruction : l’une pour les garçons, l’autre pour les filles[84].

Ce vœu reçut satisfaction ; dès 1817, sœur Barbe Michel[85] fut installée à Gérardmer comme institutrice et sœur des pauvres ; l’année suivante, elle fut remplacée par Mlle Marie-Anne Gaudie[86], dont l’école fut très prospère et très estimée. Mlle Gaudier – appelée communément la maîtresse – fut la première institutrice laïque de Gérardmer et la première institutrice brevetée[87] ; elle exerça ses fonctions avec succès pendant 21 ans (1818-1839) ; elle ne faisait du reste que suivre les honorables traditions paternelles qui ont permis, pendant près de 120 ans[88], de compter un membre de la famille Gaudier comme instituteur à Gérardmer.

État de l’Instruction

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En Lorraine, la langue française ne fut employée dans les actes que vers l’année 1230. Un des premiers actes authentiques écrits en français est l’acte d’affranchissement de Morviller-sur-Seille, qui date de 1232.

Les documents les plus anciens écrits en français, déposés aux archives communales, sont de la 2e moitié du xvie siècle. Le plus vieux en date est la lettre patente d’Antoine des Pérégrins, relatée précédemment, qui dispense les habitants de Gérardmer de porter leurs morts à Gerbepaulx (1542).

Un des plus curieux parmi ces anciens documents est une ordonnance du prévôt d’Arches, Vaubert Desprès, donnée à Vagney le 18 Septembre 1586 ; cet officier, avisé que des vagabonds sans moyens d’existence ne cessaient d’intenter, sans motifs suffisants, des actions devant la justice de Gérardmer, ordonne au maire du dit lieu de ne recevoir à l’avenir en justice que des gens pouvant faire face aux frais et condamnations du procès en fournissant caution.

Nous donnons en note le texte de ce document qui complétera ce que nous avons dit dans le chapitre précédent au sujet de l’exercice de la justice à Gérardmer[89].

On comprend que pendant les xvie et xviie siècles il y ait eu à Gérardmer peu de personnes pour savoir lire et écrire le français. À l’exception du curé, du maire, des jurés, du syndic, du tabellion communal, greffier de la communauté, il y avait peu de gens instruits.

Nous avons pu avoir une idée du nombre des habitants qui savaient écrire, en examinant quelques actes de la communauté du commencement du xviiie siècle.

Ces actes sont des déclarations (V. Administration communale) signées par la majeure partie des chefs de famille.

Une déclaration de 1710[90] porte 133 signatures et 61 marques ou croix.

Voici ce qu’étaient ces marques ou croix. Quand un individu ne pouvait pas signer, il faisait une croix à la plume, sur l’acte, et autour, le greffier écrivait : Marque de X…, puis il enfermait le tout dans un rond.

Nous donnons ci-dessous le fac-simile de ces signatures ;

Une résolution de 1713[91] renferme 167 signatures, 53 croix et 6 marques d’une nouvelle manière, contenant les initiales de l’individu.

Ces marques étaient faites comme il suit:

Une résolution de 1717 porte 58 signatures et 24 croix ; une autre de 1718 contient 111 signatures et 44 croix.

En comptant le nombre de signataires et de croix apposées au bas des actes de l’état civil, nous avons trouvé d’autres données concernant le nombre des personnes qui savaient écrire ; notre travail a porté sur les années 1780 à 1790, et nous a donné les moyennes annuelles suivantes :

Sur 380 signataires, il y a eu 357 signatures et 23 croix, soit une proportion de 6%. Cette proportion, qui était de 8% en 1780, était tombée à 3,5% en 1788 et 1789. Ces chiffres, comparés à ceux des premières années du siècle, accusent un progrès réel, mais il ne faut pas s’en exagérer la portée, car beaucoup de personnes ne savaient écrire que leur nom.

La statistique de l’an IX nous apprend qu’en 1789 il n’y avait à Gérardmer que 65 individus sachant lire et écrire ; c’est loin de compte avec Léopold Bexon, qui prétendait – par un sentiment d’amour-propre exagéré – que « Tous ses compatriotes savaient lire et écrire (1778)! »

En 1801, il y avait 572 habitants sachant lire et écrire, dont 430 hommes et 112 femmes.

Ce remarquable résultat était dû, sans aucun doute, d’abord à ce que beaucoup d’habitants de Gérardmer avaient voyagé ou guerroyé pendant les guerres de la Révolution, et nécessairement s’étaient un peu instruits ; mais le progrès venait surtout de ce que la municipalité avait organisé l’enseignement dans les sections, en augmentant le nombre de ses maîtres d’école.

Une deuxième délibération de l’Assemblée municipale du 11 Nivôse an IV, dit qu’il n’y a « pas assez de deux instituteurs pour 600 élèves des deux sexes et les difficultés qui sont inhérentes à la nature du pays » ; le Conseil demande « qu’il y en ait cinq, et quand même on choisirait bien le centre de l’école, il y aurait encore des élèves qui feraient plus d’une lieue (pour venir en classe). »

Il répartit ainsi le nombre des maîtres :

  • un à la maison commune (pour Le Lac, Le Marché, Le Bain, partie de La Rayée) ;
  • un à Forgotte (Forgotte, La Haye-Griselle, partie du Rain et des Gouttridos) ;
  • un alternativement au Beilliard et à Liézey (les élèves des deux sections) ;
  • un au-dessus de Ramberchamp (Le Phény, Les Bas-Rupts, partie de La Rayée) ;
  • et un à Longemer (Xonrupt, Les Fies, partie des Gouttridos).

Le Conseil estime, par là, avoir trouvé :

Le moyen de donner aux enfants du pays la possibilité de se faire instruire aux écoles normales[92], autrement les élèves n’ont que l’instruction particulière souvent vicieuse et où on n’enseigne que trop souvent des principes qui ne respirent aucunement la morale de la République.

À cette époque, le programme de l’enseignement n’était pas chargé ; il comprenait : la lecture, l’écriture, les éléments du calcul (4 opérations), et la récitation du catéchisme ; à partir de 1792, la récitation du catéchisme fut remplacée par l’étude de la morale républicaine.

Rien ne peut mieux donner une idée de la situation de l’enseignement primaire à Gérardmer, à la fin du siècle dernier, que le procès-verbal « d’une inspection des écoles publiques et particulières existantes dans l’arrondissement de Gérardmer, faite le 24 Pluviose an VII, par J.-B. Etienne, président de l’administration municipale de Gérardmer, et N.-F. Valentin, commissaire du Directoire exécutif près la même administration[93]. »

École du Centre

Arrivés dans la salle de l’école primaire, l’instituteur nous a représenté l’état nominatif de ses élèves, montant à 75 des deux sexes. Lui ayant demandé les raisons pour lesquelles il présumait que le nombre de ses élèves était diminué depuis l’an dernier, il a répondu n’en savoir pas les raisons positives, mais que plusieurs citoyens élevaient et enseignaient leurs enfants dans leurs maisons ; que peut-être le fanatisme y avait part, parce qu’il [l’instituteur] ne souffrait plus de livres religieux et n’enseignait aucun principe de religion particulière, mais seulement les principes moraux et républicains, au lieu que l’on voudrait qu’il enseignât l’exercice de la religion catholique.

Nous l’avons invité à donner quelques leçons dans tous les genres. Il a obtempéré, a donné des leçons d’écriture, de lecture, d’arithmétique et des premiers principes de lecture. Nous les avons trouvées assez conformes à l’esprit de cette institution, mais toujours suivant l’ancienne routine.

Lui ayant demandé pourquoi il n’enseignait pas le calcul décimal seul, il a répondu que pour passer d’un calcul à un autre il fallait procéder avec précaution, que par le moyen de l’ancien calcul il lui serait plus aisé de faire passer les élèves au calcul nouveau, et ayant examiné comme il s’y prenait, en vérifiant son procédé, nous n’avons pu les improuver.

Nous avons examiné quels livres les élèves avaient en mains ; nous avons remarqué qu’ils n’avaient aucun livre tendant à rappeler le régime monarchique, féodal ou sacerdotal, ni qui contienne des principes de religion particulière, mais simplement des livres moraux en général, et, en outre, des principes de grammaire et d’orthographe, la constitution et l’alphabet républicain.

L’instituteur nous a observé qu’il faisait le décadi et qu’il enseignait les jours ci-devant fériés, ainsi qu’il lui a été recommandé d’après la loi.

Les moyens de correction et d’émulation qu’il emploie nous ont paru propres à leur objet, sans dégrader les êtres ni trop leur donner de fierté, et conformes à l’esprit de cette institution républicaine.

Quant aux récréations, elles se bornent à des jeux innocents sur la place devant la salle d’école.

Nous avons exhorté les élèves à continuer de bien mériter de leurs parents, de leur patrie et de leur instituteur ; distribué des éloges aux élèves qui nous ont été désignés par l’instituteur comme les plus distingués par leur science, leur travail, leur application, leurs mœurs et leur sagesse. En même temps nous avons adressé des reproches aux paresseux et négligents. Nous avons remarqué avec plaisir que les uns et les autres y étaient sensibles.

Nous avons exhorté l’instituteur à continuer et à augmenter d’efforts pour faire germer dans le cœur des jeunes êtres les principes de la morale républicaine et des vertus qui en sont la conséquence naturelle, après quoi nous nous sommes retirés.

L’instituteur demande des livres élémentaires des mesures nouvelles et poids, et surtout les mesures agraires.

École des sections

Quant aux écoles particulières des montagnes, outre qu’elles sont encore peu nombreuses, elles n’ont été fréquentées cette année que par courts intervalles, à raison de la rigueur de la saison, qui ne permettait pas de laisser les enfants sortir des maisons de crainte qu’ils ne gelassent en chemin, et de la maladie dite de la rougeolle qui a régné dans ce canton.

C’est pourquoi nous nous sommes contentés des comptes décadaires des instituteurs, qui, quoique peu satisfaisants, ne pouvaient l’être davantage vu l’ignorance des instituteurs particuliers, qui, à l’exception d’un qui est assez instruit, à peine savent lire et écrire d’une manière lisible ; vieux, pour la plupart, ils ne peuvent rien comprendre au calcul décimal, si aisé pourtant, et suivant toujours une vieille routine qui tient des anciennes mœurs, et ils ont peine à se faire pour enseigner la morale républicaine : ils ne peuvent rien rapporter au but social, mais à l’éternité.

Au reste aucun principe religieux n’a été enseigné pour quelque culte ce soit. Si les instituteurs ont enseigné la religion catholique, c’est dans les maisons particulières sans réunion, et lorsqu’ils allaient à la veillée, aujourd’hui chez l’un, demain chez l’autre, ou lorsque, vu la rigueur des froids, ils ont été forcés de se transporter de jour à autre dans les maisons pour donner les leçons aux enfants qu’il eût été dangereux de faire aller à la salle de réunion, vu qu’il y en avait qui auraient du aller à une lieue.

On n’envoie les enfants aux écoles que l’hiver. Qu’y profitent-ils? Presque rien, et ce rien ils l’oublient pendant l’été. Il serait bien à désirer que l’on pût déraciner le préjugé des leçons purement routinières dans ce canton. On verrait plus d’hommes instruits, et par conséquent plus de républicains.

Le tableau n’est pas flatteur pour Gérardmer ; cependant quand on lit la circulaire adressée par le commissaire du Directoire exécutif du département aux commissaires des assemblées municipales, on comprend que la situation intellectuelle de Gérardmer était encore une des meilleures, puisque « sur 152 communes du département, à peine en trouve-t-on vingt où les écoles primaires soient confiées à des hommes capables, et fréquentées par tous les enfants qui ont besoin d’instruction. »

Quelques années après, en 1809, il n’y avait encore à Gérardmer que 5 écoles et 7 maîtres, savoir:

J.-B. Gaudier, instituteur à l’école du centre, et ses deux clercs: N. Groscolas. – J. Didier ; – B. Toussaint. – S. Doridant. – J. Fleurence et J. Bernard[94], maîtres des petites écoles (sections).

Un premier essai de développement de l’instruction primaire fut tenté en 1831. Le conseil municipal décida « l’établissement d’un cours d’instruction d’un degré supérieur. Ce cours serait dirigé par un instituteur dont les connaissances étendues permettraient de fortifier les élèves sur la lecture et l’écriture, de leur enseigner la grammaire française, l’arithmétique dans ses diverses parties, la géométrie appliquée à l’arpentage, le dessein (dessin) linéaire propre à former des élèves dans les arts et métiers, des notions principales sur l’histoire et la géographie. »

Il serait alloué au maître chargé du cours un traitement de 400 francs, sans compter la rétribution scolaire, le chauffage, etc.

C’était la première tentative de création de l’enseignement primaire supérieur qu’allait consacrer la loi de 1833 (loi Guizot)[95].

[h]

|p0.5cm|p0.5cm||X|p0.3cmX||X|X||X|X||X|X||p0.5cm|p0.5cm||p0.5cm|p0.5cm| &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892
&amp ; 1 &amp ; &amp ; MM. &amp ; Hocquard5 &amp ; &amp ; Directeur &amp ; &amp ; École primre supre (garçons) &amp ; &amp ; Centre (Forgotte) &amp ; &amp ; 6 &amp ; &amp ; 63
&amp ; 2 &amp ; &amp ; &amp ; Eschenbrenner &amp ; &amp ; Professeur &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; 3 &amp ; &amp ; &amp ; Géhin &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; 4 &amp ; &amp ; &amp ; Stevenel &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
1 &amp ; 5 &amp ; Léger Claudel4 &amp ; &amp ; Michaux &amp ; Institr (breveté) &amp ; Institr titre ad. &amp ; École pre élémentaire (garçons) &amp ; Pre élémentre (id.) &amp ; Centre &amp ; Id. &amp ; 1 &amp ; 5 &amp ; 90 &amp ; 275
&amp ; 6 &amp ; &amp ; &amp ; Defer &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
2 &amp ; 7 &amp ; J. Martin &amp ; &amp ; Dagneaux &amp ; Clerc (non breveté) &amp ; Id. &amp ; Petite école &amp ; Id. &amp ; Lac &amp ; Id. &amp ; 1 &amp ; “ &amp ; 60 &amp ; ”
&amp ; 8 &amp ; &amp ; &amp ; Narcy &amp ; &amp ; Stagiaire &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; 9 &amp ; &amp ; &amp ; Chrétien &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
3 &amp ; 10 &amp ; Sr Barbe Michel &amp ; Mlles &amp ; Larché &amp ; Institce (non brevetée) &amp ; Directrice &amp ; École publique (filles) &amp ; Pre, laïque (filles)6 &amp ; Rain &amp ; Id. (Hôtel de Ville) &amp ; 1 &amp ; 4 &amp ; 75 &amp ; 130
&amp ; 11 &amp ; &amp ; &amp ; Ferry &amp ; &amp ; Institce &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; stagiaire &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; 12 &amp ; &amp ; &amp ; Géhin &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; 13 &amp ; &amp ; &amp ; Villaume &amp ; &amp ; Titulaire &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”

[h]

|p0.5cm|p0.5cm||c|p0.3cmX||X|X||X|X||X|X||p0.5cm|p0.5cm||p0.5cm|p0.5cm| &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892

&amp ; 14 &amp ; &amp ; &amp ; Laumont &amp ; &amp ; Directrice &amp ; &amp ; Maternelle (filles) &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; 2 &amp ; &amp ; 155
&amp ; 15 &amp ; &amp ; &amp ; Colin &amp ; &amp ; Ss. directrice &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
4 &amp ; 16 &amp ; J. Fleurence &amp ; MM. &amp ; Groshens &amp ; Maître, petite école (non breveté) &amp ; Institr titulaire &amp ; École mixte3 &amp ; Id. (mixte) &amp ; Les Bas-Rupts &amp ; Les Bas-Rupts &amp ; 1 &amp ; 2 &amp ; 42 &amp ; 89
&amp ; 17 &amp ; &amp ; &amp ; Jacquot &amp ; &amp ; institr adjoint &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
5 &amp ; 18 &amp ; Séb. Doridant &amp ; &amp ; Thiétry &amp ; Id. &amp ; Institr titulaire &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Le Phény &amp ; Le Phény &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 21 &amp ; 54
6 &amp ; 19 &amp ; J. Bernard &amp ; &amp ; Chef &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Le Beillard &amp ; Le Beillard &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 19 &amp ; 92
7 &amp ; 20 &amp ; J.-B. Pierrel &amp ; Mme &amp ; Chef &amp ; Id. &amp ; Institce adjointe &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; 1 &amp ; “ &amp ; 17 &amp ; ”
8 &amp ; 21 &amp ; N. La Ruelle &amp ; MM. &amp ; Grivel &amp ; Id. &amp ; Institr titulaire &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Les Xettes &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 16 &amp ; 82
9 &amp ; 22 &amp ; J.-B Simonin &amp ; &amp ; Chauffour &amp ; Id. &amp ; Institr adjoint &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Liézey (Xettes) &amp ; Id. &amp ; 1 &amp ; “ &amp ; 24 &amp ; ”
10 &amp ; 23 &amp ; Val. Didier &amp ; &amp ; Petitnicolas &amp ; Id. &amp ; Institr titulaire &amp ; Id. &amp ; Id. &amp ; Xonrupt &amp ; Xonrupt &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 21 &amp ; 63
11 &amp ; 24 &amp ; J.-B. Georgel &amp ; Mlle &amp ; Chailly &amp ; Id. &amp ; Institce adjointe &amp ; Id. &amp ; École maternelle publique &amp ; Les Fies &amp ; Id. &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; 34 &amp ; 70

|p0.5cm|p0.5cm||c|p0.3cmX||X|X||X|X||X|X||p0.5cm|p0.5cm||p0.5cm|p0.5cm| &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ;
1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892 &amp ; 1817 &amp ; 1892

&amp ; 25 &amp ; &amp ; Mme &amp ; Marion &amp ; &amp ; Institce titulaire &amp ; &amp ; Primre publ. (filles) &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; 1 &amp ; 18 &amp ; 47
12 &amp ; 26 &amp ; J.-B. Bastien &amp ; MM. &amp ; Gillet &amp ; Id. &amp ; Institr titulaire &amp ; Id. &amp ; Id. (garçons) &amp ; La Haie-Griselle &amp ; Kichompré &amp ; 1 &amp ; 1 &amp ; &amp ; 133
&amp ; 27 &amp ; &amp ; &amp ; Vincent &amp ; &amp ; Institr stagiaire &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; “ &amp ; &amp ; ”
&amp ; 28 &amp ; &amp ; &amp ; Colin &amp ; &amp ; Institr titulaire &amp ; &amp ; Id. (mixte) &amp ; &amp ; Retournemer &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; 11
&amp ; 29 &amp ; &amp ; Mmes &amp ; Langel (Sr Alfrida) &amp ; &amp ; Directrice adjointe &amp ; &amp ; École privée (internt) &amp ; &amp ; Orphelinat &amp ; &amp ; 3 &amp ; &amp ; 28
&amp ; 30 &amp ; &amp ; &amp ; Bertrand (Sr Louise) &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. (externt) &amp ; &amp ; Centre (Pairie-du-Champ) &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; 187
&amp ; 31 &amp ; &amp ; &amp ; Chéry (Sr Anthyme) &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; 192
&amp ; 32 &amp ; &amp ; &amp ; Sr…&amp ; &amp ; Adjointe &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; “
&amp ; 33 &amp ; &amp ; &amp ; Sr…&amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; Id. &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; ”
&amp ; 34 &amp ; &amp ; &amp ; Jeannenez (Soeur Sainte Croix) &amp ; &amp ; Directrice &amp ; &amp ; Maternelle privée &amp ; &amp ; Kichompré &amp ; &amp ; 1 &amp ; &amp ; 52
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; — &amp ; — &amp ; — &amp ; —
&amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; &amp ; 12 &amp ; 35 &amp ; 437 &amp ; 1.723

L’instruction primaire à Gérardmer en 1892

modifier

Les statistiques scolaires publiées d’autre part, malgré l’éloquence des chiffres, sont impuissantes à montrer l’importance du mouvement intellectuel qui s’est accompli dans ces dix dernières années ; aussi avons-nous prié notre directeur, M. Hocquard, de nous rédiger sur l’école primaire supérieure et l’école primaire de Gérardmer, qu’il dirige simultanément, la notice que nous donnons ci-dessous. Elle complète heureusement le cadre que nous nous étions tracé :

École primaire supérieure de Gérardmer

Historique – Le promoteur de l’école primaire supérieure de Gérardmer fut M. Ast père, manufacturier à Kichompré. Dans la séance du 2 Décembre 1879, il présenta au conseil municipal, dont il était membre, un vœu tendant à l’installation d’un cours « qui permettrait aux jeunes gens de Gérardmer, intelligents et travailleurs, de se préparer aux écoles d’arts et métiers » ; ce cours serait fait par un maître spécial. Le conseil appuya ce vœu ; l’administration académique le seconda, et comme le Ministère organisait les écoles primaires supérieures, il fut dès lors question d’établir une de ces écoles à Gérardmer au lieu du cours projeté.

Au printemps de l’année suivante[96], la création de l’école primaire

Pour permettre au lecteur de juger d’un coup d’œil le chemin parcouru en trois quarts de siècle, nous donnons ci-dessous la statistique scolaire en 1817[97] et 1892[97] :

nos d’ordre Noms des maîtres Leurs qualités Nature des établissements Situation des établissements Nombre des classes Population scolaire.
1817 1892 1817 1892 1817 1892 1817 1892 1817 1892 1817 1892 1817 1892
 
1
  MM. Hocquard[98]   Directeur.   École primre supre (garçons).   Centre (Forgotte)  
6
 
63
 
2
  MM. Eschenbrenner.   Professeur.   Id.   Id.  
>>
 
>>
 
3
  MM. Géhin.   Id.   Id.   Id.  
>>
 
>>
 
4
  MM. Stevenel.   Id.   Id.   Id.  
>>
 
>>
1
5
Léger Claudel[99] MM. Michaud. Instituteur (breveté). Institutr titre ad école pre élémentaire (garçons). Pre élémentre (id.) Centre. Id.  
5
 
275
 
6
  MM. Defer. Id. Id. Id. Id.   Id.  
>>
 
>>
2
7
J. Martin. MM. Dagneaux. Clerc (non breveté) Id. Petite école. Id. Lac Id.  
>>
 
>>
 
8
  MM. Narcy.   Stagiaire.   Id.   Id.  
>>
 
>>
 
9
  MM. Chrétien.   Id.   Id.   Id.  
>>
 
>>
3
10
Sr Barbe Michel. Mlles Larché. Institutrice (non brevetée). Directrice. École publique (filles). Pre, laïque (filles)[100]   Id.  
>>
 
>>

(3) Les écoles des sections étaient des chambres louées pour 6 mois à des particu ■’p^^ait d’école proprement dite qu’une au centre,

supérieure de Gérardmer était décidée, et la municipalité commença aussitôt les travaux pour aménager[101] cette école dans l’ancien établissement hydrothérapique ; c’est pourquoi, dans le langage populaire, l’école est encore connue sous le nom d’établissement.

Une somme de 100.000 francs, en chiffres ronds, y compris une subvention de l’État de 5.000 francs consacrée à l’aménagement, a permis d’installer d’une manière très confortable les divers services de l’école. En outre des collections d’appareils et de matériel scientifique, de tableaux d’histoire naturelle, envoyés par le Ministère de l’Instruction publique dès l’ouverture des cours, M. Jules Ferry concéda à l’école une remarquable collection de modèles de dessin[102].

Installation matérielle – L’école primaire supérieure, située au faubourg de Saint-Dié, sur la grand’route, est d’un accès facile.

Sa face principale est exposée à l’Est ; un rideau d’arbres planté le long du ruisseau de la Basse-des-Rupts, qui borde la clôture d’une très vaste cour, protège l’école contre les vents pluvieux d’Ouest et de Sud-Ouest.

Les divers services de l’école sont ainsi aménagés :

Rez-de-chaussée : à droite, trois salles de classe, dont une de dessin, très spacieuses, parfaitement éclairées et bien aérées ; à gauche, la salle de chimie, les cuisines, le réfectoire des élèves internes, la salle à manger du directeur.

Entre les salles de classe et les cuisines se trouve une vaste salle qui sert de préau couvert pour les jours de pluie. En hiver, cette salle est chauffée.

1er étage : le salon et le bureau du directeur avec ses appartements, la salle d’étude des internes, qui sert aussi de cabinet de physique.

2e étage : le vestiaire, le lavabo, la lingerie pour les internes et les logements des maîtres de l’école célibataires.

Un atelier pour le travail du fer et du bois, un gymnase et un deuxième préau couvert complètent l’installation matérielle de l’école primaire supérieure de Gérardmer.

Un jardin botanique et un champ d’expériences annexés à l’école, permettent de donner aux élèves l’enseignement pratique de l’agriculture et de l’horticulture ; enfin, une installation météorologique (modèle des écoles normales), placée près du jardin botanique, sert à initier les élèves à l’observation des instruments et aux premières données de la météorologie.

Personnel enseignant – L’école primaire supérieure de Gérardmer, ouverte la première dans les Vosges, répondait à un besoin réel, car l’enseignement qui s’y donne assure le large développement de l’enseignement primaire élémentaire.

Dès la rentrée d’Octobre 1880, alors que les constructions n’étaient pas encore terminées, l’école fut fréquentée par 20 élèves presque tous externes.

Le personnel enseignant ne comprenait que M. Michel, directeur, et M. Eschenbrenner, maître-adjoint.

La ville de Gérardmer ayant obtenu du conseil départemental, dans le courant de l’année 1880-81, l’autorisation d’annexer un pensionnat à son école, et les travaux ayant été presque tous terminés pour l’été de 1884, le nombre des élèves augmenta rapidement. En octobre 1884, il s’élevait à 68, dont 25 internes et 43 externes. Un nouveau maître devenait nécessaire, et le 30 Mars 1882, M. le Ministre créait un poste de maître de sciences à l’école supérieure. Ce poste fut confié à M. Louis Géhin, alors instituteur-adjoint à Remiremont.

Les résultats obtenus par les élèves de l’école dans les divers examens qu’ils subirent cette année-là, firent connaître avantageusement l’école supérieure de Gérardmer ; ainsi en Novembre 1882 il y avait 93 élèves, dont 41 internes et 52 externes.

Ce chiffre d’élèves dépassait le minimum fixé par les décrets ministériels pour les écoles de deux années d’études ; il fallait un troisième maître ; le poste en fut créé par décision du 23 Février 1883.

M. Delagoute, instituteur-adjoint à Épinal, fut nommé à l’école supérieure et partagea avec M. Eschenbrenner l’enseignement littéraire.

Dès lors l’école était de plein exercice et comprenait trois années d’études bien organisées.

À la fin de cette même année, deux autres écoles primaires supérieures furent ouvertes dans les Vosges, à Thaon et à Charmes ; aussi le nombre des élèves se répartissant un peu partout, diminua-t-il sensiblement à Gérardmer, et, à la rentrée d’Octobre 1883, il n’était plus que 65, dont 31 internes et 34 externes.

Le 3 Février 1884, M. Delagoutte fut remplacé dans ses fonctions par M. Renard, instituteur-adjoint à Remiremont. M. Renard ne devait pas rester longtemps à Gérardmer ; le 2 Décembre 1884 il fut appelé aux fonctions de professeur au collège d’Épinal, et son successeur fut M. Vareil, instituteur-adjoint à Thaon. M. Vareil fut chargé de l’enseignement des mathématiques.

Le nombre des élèves se maintenait encore au chiffre de l’année précédente : 60, dont 26 internes et 34 externes. Depuis, il ne fit plus que décliner, et en Décembre 1885, il n’était plus que de 50, dont 49 internes et 31 externes.

Au mois de Septembre 1886, le directeur de l’école, M. Michel, fut remplacé par M. Hocquard, alors directeur de l’école de Neufchâteau, et M. Vareil, admis à suivre les cours de l’école normale primaire supérieure de Saint-Cloud, fut aussi remplacé par M. Stevenel, instituteur-adjoint au cours complémentaire de Rambervillers. Depuis cette époque le personnel enseignant de l’école est resté le même ; il comprend :

  • M. Hocquard, pourvu du professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures (ordre des lettres), directeur ;
  • M. Eschenbrenner, pourvu du certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire spécial (lettres), professeur de lettres ;
  • M. Géhin, pourvu du professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures (ordre des sciences), professeur de sciences physiques et naturelles ;
  • M. Stevenel, pourvu du brevet supérieur et du certificat d’aptitude pédagogique, professeur de mathématiques.

Depuis 1886, la population scolaire a repris peu à peu son chiffre normal. En Novembre 1886, elle était de 56 élèves, dont 27 internes et 29 externes ; actuellement (rentrée d’Octobre 1892), l’école est fréquentée par 65 élèves, dont 32 internes et 33 externes.

Résultats obtenus par les élèves de l’école. – L’école, qui compte douze années d’existence, a déjà reçu 484 élèves.

Beaucoup d’entre eux ont continué la profession de leurs parents et, leurs études terminées, se sont mis à la culture. Plusieurs sont entrés comme commis, comptables dans les maisons de banque, chez les industriels de la région, dans les maisons de commerce ; d’autres ont réussi à entrer dans les écoles d’arts et métiers ; se faire recevoir à l’école de Châlons est effectivement l’ambition des bons élèves de l’école primaire supérieure.

Un grand nombre d’autres élèves sont devenus instituteurs ; quelques-uns, après avoir suivi les cours de l’école normale primaire de Mirecourt ou d’un département voisin, ont continué leurs études ; ils sont sortis victorieux des difficiles concours d’entrée à l’école normale spéciale de Cluny[103], à l’école normale supérieure d’enseignement primaire de Saint-Cloud ; aujourd’hui ils professent les uns dans les lycées et collèges, les autres dans les écoles normales primaires et dans les écoles primaires supérieures.

Un grand nombre aussi ne désiraient compléter leurs études à l’école supérieure que dans le but de faire leur carrière militaire ; quelques-uns après avoir quitté l’école pour s’engager, sont arrivés à l’école de Saint-Maixent ou de Versailles et y ont gagné les épaulettes d’officier.

Enfin d’autres sont entrés comme fonctionnaires dans plusieurs services publics : postes et télégraphes, douanes, chemins de fer, voirie, etc.

Voici la statistique des professions embrassées par les élèves sortis de l’école primaire supérieure de Gérardmer :

lr

Agriculture &amp ; 62
Admissions aux écoles normales primaires &amp ; 61
Instituteurs &amp ; 50
Élèves rentrés dans la famille &amp ; 54
Petite industrie &amp ; 37
Emplois secondaires &amp ; 32
Militaires &amp ; 25
Commerce de détail &amp ; 19
Chemins de fer &amp ; 17
Grande industrie &amp ; 13
Écoles techniques (Châlons) &amp ; 11
Bourses de lycées et collèges &amp ; 7
Postes et télégraphes &amp ; 5
Administration forestière &amp ; 4
Professions inconnues &amp ; 48
Dessinateurs &amp ; 5
Voirie (agents-voyers) &amp ; 3

Ces chiffres se passent de commentaire.

Ils prouvent que l’école primaire supérieure répond aux vues de la municipalité de Gérardmer, désireuse de voir tous les enfants de la ville, particulièrement les déshérités de la fortune qui ne pourraient suivre les cours du lycée ou du collège, acquérir une bonne et solide instruction primaire qui les mette en état de se faire une position honorable, de mener à bien leurs petites affaires, de devenir surtout des ouvriers instruits et laborieux.

Elle répond aussi aux vues de l’État, car outre le complément d’instruction primaire que les enfants y reçoivent, on y fait encore leur éducation professionnelle, ce qui leur ouvre la plupart des carrières industrielles et commerciales ; on peut ajouter que l’école supérieure de Gérardmer – comme toutes les écoles primaires supérieures de France – est vraiment une école démocratique : elle est entièrement gratuite, accessible à tous les enfants pourvus du certificat d’études primaires, et l’éducation qu’on y donne est, dans toute l’acception du mot, une véritable éducation libérale.

Les parents, en présence des services rendus par ces établissements, comprennent que ce sont vraiment là les écoles de la classe ouvrière, de l’industrie, du commerce, de l’agriculture, et ils n’hésitent pas à y envoyer leurs enfants.

École primaire élémentaire

À l’école supérieure de Gérardmer se trouve annexée une école primaire élémentaire publique, placée sous la même direction. Cette école compte actuellement 260 élèves, partagés en cinq classes. À la tête de chaque classe se trouve un instituteur-adjoint.

Comme à l’école supérieure, la population scolaire de l’école primaire augmente rapidement (environ 15 élèves par année). Les bâtiments, qui étaient spacieux il y a quelques années à peine, sont devenus insuffisants, et la municipalité doit les agrandir afin de pouvoir loger tous les élèves. La nouvelle construction projetée permettra en outre d’agrandir les ateliers de l’école supérieure, devenus trop petits, et de créer une nouvelle salle de dessin.

L’école primaire suit le mouvement que lui trace l’école supérieure ; en 1892, 22 élèves, sur 23, ont été reçus au certificat d’études primaires.

Dans les divers concours elle remporte des succès importants. Au cinquantenaire du Comice de Saint-Dié, elle a obtenu une médaille d’argent, une de bronze, plusieurs mentions honorables et de nombreux volumes de prix.

Elle est comme la pépinière de l’école supérieure. Chaque année, à la rentrée d’Octobre, elle lui envoie ses élèves pourvus du certificat d’études primaires.

Les deux écoles sont animées du même esprit ; la même méthode d’enseignement y est employée, et le passage de la première à la seconde se fait sans transition brusque, les études de l’école primaire supérieure ayant d’abord pour base le développement des connaissances acquises à l’école primaire élémentaire.

Abréviations dans l’écriture

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Pour terminer le chapitre de l’instruction, nous indiquerons les principales abréviations employées autrefois dans l’écriture des documents ; on verra par là que la sténographie ne date pas d’hier, car les abréviations que nous avons rencontrées remontent aux xvie siècle et au xviie. Elles étaient de trois catégories :

  1. Plusieurs lettres d’un mot étaient remplacées par un signe final ; on écrivait image pour aultre (autre) ; image pour outre ; image pour au dit ; image pour le dit ; image pour les dits ; image pour comme, etc.
  2. Plusieurs lettres d’un mot étaient remplacées par un signe unique, figurant la lettre n avec un jambage plus court que l’autre : image et placé au dessus du mot abrégé. Par exemple:
    • image signifiait communauté.
    • image signifiait communal.
    • image signifiait commis.
    • image signifiait héritiers.
    • image signifiait présentes.
  3. Enfin, le signe de l’abréviation consistait simplement en un trait horizontal tiré au-dessus du mot abrégé. Par exemple:
    • image signifiait commissaire.
    • image signifiait amodiation.
    • image signifiait honnêtes.
    • image signifiait communault.
    • image signifiait en présence.

On voit que ce système de sténographie était particulier à chaque écrivain ; il donnait lieu parfois à des libellés très bizarres ; citons le suivant, assez fréquent dans les actes de la municipalité :

« Les image et image de la image de Gérardmer, assemblés en la chambre image en image des maire, jurés et gens de justice… » qui signifie :

« Les habitants et communaults de la communauté de Gérardmer, assemblés en la chambre communale en présence des maire, jurés et gens de justice… »

D’autres fois encore, l’abréviation était particulière au mot abrégé, ainsi dans la carte de Gérardmer en 1782 jointe à ce travail, le signe image signifie : maison appartenant à.

= Agriculture =


  1. En 1732, les jurés étaient T. Martin. – J.-B. Martin. – N. Martin. – Viry. – Denyot. – Michel. – Gégoult. – Gley. – Claudel. – Coultret. – Gérard. – Pierrot. – Bresson.
  2. L’usage a conservé de nos jours le nom de greffier aux secrétaires de mairie. La charge de greffier et de tabellion communal fut héréditaire dans les familles Claudel. – Gérard. – Paxion.
  3. Archives communales D.D.I.
  4. Id. D.D.XII.
  5. Archives communales B.B.II. Il fut poursuivi de ce chef.
  6. B.B.II. Acte du 26 Septembre 1774.
  7. Archives communales, F.F.I.
  8. Id. C.C.II.
  9. Arch. Cles F.F.I. Le budget s’élevait environ à 500 francs.
  10. La levée des impôts pour 1791 fut concédée à 1 denier et demi par livre d’impôt ; plus 2 livres sur le tout. Le percepteur fut J.-B. Gaudier.
  11. Archives communales postérieures à 1789. Registre des délibérations.
  12. Bisaïeul maternel de M.F. Martin, maire actuel, – et grand-oncle de défunt J.-B. Garnier-Thiébaut.
  13. (Nous n’avons pu découvrir la nature de ces insignes.)
  14. Des fêtes analogues eurent lieu l’an VII (30 Ventôse) et l’an VIII (14 juillet).
  15. Quelques jours avant (21 Janvier), ils avaient signé au registre des délibérations une déclaration ainsi formulée: « Conformément au décret de l’Assemblée nationale du 27 Novembre, qui exige de tous les fonctionnaires publics la prestation du serment civique, voulant donner l’exemple de la soumission aux lois, nous prêterons, dimanche prochain, à l’issue de la messe paroissiale, en présence du Conseil général de la commune et des fidèles, le serment voulu par le dit décret, étant dans la ferme persuasion que l’Assemblée nationale n’a voulu et n’a touché en rien aux principes de la religion catholique, apostolique et romaine dans laquelle nous voulons vivre et mourir. »
  16. Il y était encore en l’an V, puisqu’il prêta, avec les autres prêtres résidant à Gérardmer, (Fleurance, Viry, A. Le Roy, J.-B. Le Roy), le serment que voici : «  Je jure haine à la royauté et à l’anarchie ; attachement et fidélité à la constitution de l’an III. »
  17. La cure fut élevée à la 1re classe en 1836. Les titulaires qui l’occupèrent, dont nous devons les noms à M. le curé de Gérardmer, furent les abbés Henry, (1814-1856) ; Richard, (1856-66) ; depuis 1866, M. l’abbé Guyot, chanoine honoraire, docteur en théologie et en droit canon.
  18. La subvention remplaçait les aides établis dès 1489. Les vingtièmes, au nombre de 2, dataient de Louis XV.
  19. Leurs noms existent aux archives, dans les comptes de 1721 à 1790 ; ce sont, à part deux ou trois exceptions, ceux des familles actuelles.
  20. Les listes d’imposés (de 1789 à 1790 donnent les totaux suivants : Imposés ordinaires et enfants tenant biens et ménages : 6.378. – Imposés avec réduction : 617 ; savoir, enfants et orphelins manœuvres n’ayant pas de biens: 8. – Nouveaux bâtissants: 68. – Nouveaux entrants: 98. – Nouveaux mariés: 260. – Sortants: 49. – Francs pour avoir 10 enfants: 38. – Étrangers prenant corps de gagnage dans la communauté: 96. – Exempts d’impôts: 2.781, savoir, incendies: 3. – Invalides: 84. – Employés de la ferme du roi: 60. – Mendiants entretenus par la communauté: 2626. – Miliciens: 8.
  21. Le rôle des impositions de 1790 énumère ainsi « les personnes cy-devant privilégiées » qui depuis la Révolution sont tombées sous la règle commune: p10cmrrr J.-G. Colin, vicaire en chef ; A. Le Roy, prêtre, et Dauhié, chanoine, pour leurs casuel et pension, imposés à &amp ; 64l &amp ; 10s &amp ; 2d
    Le Chapitre de Remiremont, la Confrérie du Saint-Rosaire, celle des Morts, la Fabrique pour leurs propriétés &amp ; 14l &amp ; &amp ;
    La communauté, pour ses biens et le bail des dîmes &amp ; 44l &amp ; 1s &amp ; 4d
    Pour les chaumes de Belbriette, Balveurche, Saint-Jacques et la scierie de Retournemer &amp ; 189l &amp ; 13s &amp ; 3d
    Pour exploitation de bois à deux particuliers &amp ; 6l &amp ; 7s &amp ;
    Le sieur Lhuillier, curé de Corcieux, pour la propriété des dîmes levées à Gérardmer &amp ; 26l &amp ; 8s &amp ;
  22. En 1789 les commis étaient Jacquot et Claude. Leur compte s’élève à 19.036 francs (recettes) et 15.387 francs (dépenses).
  23. (2) Nous citons en suivant l’ordre chronologique les principales dépenses faites à ce sujet : 1 fr. 9 g. pour une poule de bois (gelinotte), donnée à M. Rondel. – 8 fr. pour un faisan. – 20 fr. pour deux gelinottes et 18 fr. 11 gr. pour deux poules de bois et un lièvre envoyés à S. A. R. – 11 fr. 6 gr. pour un chevreuil envoyé à Mme de Vissan, à Plombières. – 4 fr. 8 gr. pour une poule de bois et une gelinotte envoyées à S. A. R. – 24 fr. 6 gr. pour deux chevreuils envoyés à S. A. R. – 3 fr. 6 gr. pour transport d’un chevreuil à Vagney. – 8 fr. 6 gr. pour grives et autre gibier donnés au receveur du Chapitre. – 12 fr. pour un faisan envoyé au marquis de Bassompierre, à Plombières. – 9 fr. 4 gr. pour deux perdrix envoyées à M. le Chancelier Saint-Georges, à Plombières. – 10 fr. 6 gr. pour une gelinotte envoyée au comte de Curel, également à Plombières. – 56 fr. payés à un homme de La Bresse, pour deux coqs de bruyère envovés à S. A. R.
  24. 14 fr. 10 gr. pour fromages envoyés aux contrôleur et officiers de Remiremont. – 15 fr. 2 gr. pour 2 fromages et 115 livres de beurre donnés au receveur du Chapitre. – 6 fr. 6 gr. pour 2 fromages donnés à ce même fonctionnaire, car il a « attendu la subvention. » – 46 fr. 8 gr. pour les 40 livres de beurre dues au domaine.
  25. 1593. Comptes du domaine d’Arches, d’après Lepage.
  26. Archives communales A.A.I.
  27. L’imposition du sel en 1778 était de 15.000 livres à Gérardmer.
  28. Archives communales, A.A.I.
  29. Id.
  30. Archives communales E.F.I et II.
  31. En 1638, la commune traita avec François Laforêt, charpentier à Remiremont, qui s’engageait à servir pendant une année dans la milice de Lorraine, en place de Joseph Valentin, de Gérardmer, tombé au sort, pour 32 écus tournois de 3 livres. (Archives communales E.E.II).
  32. Un dragon monté recevait 3 fr. 6 gr. par jour ; 2 francs s’il était à pied. Pendant l’hiver de 1681, les troupes du roi étaient logées en Lorraine et Barrois. Chaque soldat avait droit, par jour : « à une livre , de pain, livre de viande de bœuf, veau, mouton ou pourceau, au choix des habitants, et une pinte de vin , mesure de Paris. Chaque cavalier touchait, par cheval, une ration de 3 pintes d’avoine dont 64 font le resal (mesure de Nancy), 15 livres de foin et 5 de paille. (Archives communales E.E.II).
  33. Archives communales C.C.IV.
  34. Id. E.E.II.
  35. M. P. Phulpin , de Girecourt-sur-Durhion – beau-père de l’auteur – est un descendant de Gabriel Phulpin. L. G.
  36. L’examen du détail des fournitures militaires donne les renseignements qui suivent sur les prix des denrées et les conditions de l’existence : logement et nourriture d’un cavalier et on cheval: 3 fr. 3 gros ; id. d’un fantassin : 27 gros (1680) ; pour ferrer un cheval : 7 gros ; pour 6 journées de particulier : 7 fr. 6 gros ; pour le souper de 11 hommes : 10 francs ; pour 8 jours à un garde de Mgr le prince: 336 francs (1675) ; une bride fut payée 4 francs ; 3 livres de pain blanc: 9 gros.
  37. Félix Bouvier. Les Vosges pendant la Révolution.
  38. À cette liste d’officiers nous devons ajouter les noms des militaires qui sont devenus capitaines, savoir : Sous le premier empire : Barthélemy Gérôme. – Maurice Gérard. – Claude Georgel. – Nicolas Perrin et J.-B. Jacquot. Sous le second empire : Antoine Viry, médecin major de 1re classe. – J.-B. Marion, chef de bataillon, tué en 1870. – Antoine Morand, et plus près de nous, Antoine Gley, officier comptable, commandeur de la Légion d’honneur. – J.-B. Morand, capitaine retraité, officier de la Légion d’honneur, et les frères Michel, capitaines.
  39. Extrait du Temporel des paroisses.
  40. Lettres patentes de Mgr l’Evêque de Toul, des 3 Septembre 1571 et 14 Juillet 1612.
  41. A. Digot, t. III, p. 409.
  42. J.-B. Jacquot, p. 12.
  43. Archives communales D.D.X.
  44. Pour terminer, nous donnons la liste des redevances royales de la commune de Gérardmer, d’après L. Bexon. lrrr Rentes seigneuriales dites pour lance non ferrée, pintes &amp ; &amp ; &amp ;
    de truite, barils de beurre et 1 gros 2 blancs par conduit, &amp ; &amp ; &amp ;
    rachetées par transaction &amp ; 18l &amp ; 15s &amp ;
    Cens de bois communaux &amp ; 3l &amp ; 14s &amp ; 6d
    Vaine pâture &amp ; 21l &amp ; 8s &amp ; 6d
    Rachat de banalités, fours et moulins &amp ; 34l &amp ; 5s &amp ;
    Cens fixes &amp ; 519l &amp ; &amp ;
    Rachat de mainmorte &amp ; 146l &amp ; &amp ;
    Droits d’affouage, forêts royales (4 francs barrois par habitant) &amp ; 1.200l &amp ; &amp ;
    Amodiation des chaumes et vaine pâture du domaine &amp ; 2.000l &amp ; &amp ;
    Taille romaine pour le Chapitre de Remiremont &amp ; 3l &amp ; 16s &amp ;
    Subvention &amp ; 6.000l &amp ; &amp ;
    Ponts et chaussées &amp ; 5.000l &amp ; &amp ;
    Vingtièmes &amp ; 4.700l &amp ; &amp ;
    Le sel &amp ; 15.000l &amp ; &amp ;
    Le tabac nécessaire aux bestiaux &amp ; 6.000l &amp ; &amp ;
  45. Archives communales F.F.IV.
  46. Id.
  47. Archives communales F.F.IV.
  48. Le lecteur consultera avec plaisir sur ce sujet l’étude de M. le docteur A. Fournier: Épidémie de sorcellerie.
  49. H. Lepage.
  50. En quinze ans, on condamna à mort, sous Charles III, 900 personnes pour crime de sorcellerie (Marchal, Hist. de Lunéville).
  51. On rasait les prévenus de sorcellerie sur tout le corps, pour voir s’il n’avaient pas de marques diaboliques.
  52. Archives communales F.F.III (1725)
  53. Archives communales, F.F.X.
  54. Id. B.B.II.
  55. Archives communales. Papiers non classés.
  56. Id. Registres des délibérations de l’assemblée municipale postérieurs à 1789.
  57. L’année précédente, l’assemblée communale avait déjà décidé qu’elle bâtirait une maison au Rain pour y loger 4 gendarmes nationaux.
  58. Ce prêtre émigré devint un érudit célèbre, auquel on doit une histoire de la Pologne en 10 volumes, possédée par la Bibliothèque nationale. Il fut secrétaire-interprète du maréchal Davoust, et professa les langues toute sa vie. (D’après l’abbé Jacquel).
  59. Barre de fer qui servait à tisonner.
  60. Archives communales. Papiers non classés.
  61. Il faut ajouter aux excès commis celui que rapporte l’abbé Jacquel : pendant la Terreur, on conduisit au pied de l’arbre de la Liberté les 2 sœurs de Hubert Didier, pieux solitaire, connu sous le nom de frère Humbert, et on les y fustigea. Elles se vengèrent noblement, en abandonnant par testament leur maison (ferme du Bergon) et leurs autres immeubles au bureau de bienfaisance de Gérardmer. (Histoire de Gérardmer, p. 64, ouvrage cité).
  62. Archives communales C.C.IV.
  63. Id. C.C.IV.
  64. Id. C.C.IV.
  65. Id. B.B.III. Estienne Gautier était donc instituteur depuis 1723 au moins.
  66. Le bail lui-même n’existe plus.
  67. C’est l’aïeul de M. J.-B. Gaudier, marchand de bois. – En l’an III, il y avait aussi comme instituteur Nicolas Jacquot, un des commissaires chargé de la répartition des terrains.
  68. Archives communales postérieures à 1789. Registre des délibérations.
  69. Id.
  70. Le presbytère servait de maison commune, voir précédemment.
  71. D’une délimitation exacte des sections.
  72. Archives communales postérieures à 1789. Registre des délibérations.
  73. Il ne le devint définitivement que par les lois de la troisième république.
  74. Archives communales C.C.IV., V. et D.D.XV.
  75. Id.
  76. Id.
  77. Id.
  78. Id.
  79. Id.
  80. Archives communales D.D.XV.
  81. Archives communales D.D.XV.
  82. Id.
  83. Les plans de la reconstruction sont aux archives départementales.
  84. La municipalité n’a pas fait ces réserves pour les écoles de sections, qui ont toujours été mixtes (sauf récemment celles de Xonrupt et de Kichompré).
  85. Providence de Portieux. – Les sœurs de la Providence succédèrent à la maîtresse (1839-1888).
  86. Elle était fille de J.-B. Gaudier, instituteur en 1789. C’est à son neveu, M. J.-B. Gaudier, que nous devons ces renseignements. Nous l’en remercions sincèrement. L. G.
  87. Dès 1821.
  88. Estienne Gaudier était déjà instituteur en 1723.
  89. Le prévôt d’Arches ayant « receu advertissement qu’au lieu de Gérardmer y a plusieurs hommes comme vagabonds et autres, menant une prodigalité, tellement que, par telle fréquence et continuation, se treuvent constitués et réduicts en pauvreté et du tout despouillés de moyens, néanmoins et sans que telle dissolution les corrige nullement, ne délaissent à susciter disputes et actions sur bien petit et léger fondement, et pour ce en entrer en justice, sy que de ce n’en peut reyssir que une peine et travail pour les mayeurs et gens de la justice du dit Gérardmer, qui n’osent faillir leur administrer justice. » –  Ce qui a pour résultat de priver les seigneurs de leur part d’amendes et de frustrer les parties gagnantes ; – « pour à quoy proveoir et remédier… iceluy Sr Prévost a ordonné, et par ce présent acte ordonne à honneste homme Gérard Thomas dudit Gérardmer, cejourd’huy, créé maieur (maire) audit lieu, que pendant le temps de son office il n’ait à recevoir aucune personne en justice, moins les oyr en contestation s’ils n’ont moyens pour s’acquitter… et… qu’au préalable ils aient à fournir promptement bonne et solvable caution… ; – « ce que se fera et observera à l’advenir à peine de s’en prendre aux maieurs et les contraindre à payer pour ceux qu’ils recevront en justice sans moyen ou caution… – Donné à Vagney le 18 Septembre 1586, présents et témoins Valentin Viry, Demengeon Potin, Jean Perrin et Gérard Jean Gérard, tous dudit Gérardmer ». Nous avons trouvé ce document dans des papiers non classés. Nous en devons l’analyse au savant archiviste départemental M. Chevreux. En maintes circonstances nous avons eu recours aux connaissances spéciales et à l’obligeance de M. Chevreux ; il a bien voulu, pour ce travail, nous aider de ses conseils compétents et relire notre manuscrit. Qu’il nous permette de lui adresser ici l’expression de nos plus vifs remerciements. L. G.
  90. Archives communales C. C. V. Elle donnait à Gérard, tabellion communal, la procuration de la communauté.
  91. Id. D. D. I. Protestation à S. A. R. contre les acensements particuliers.
  92. Par opposition à l’enseignement dans la famille ou privé.
  93. Archives communales postérieures à 1789. Casier Instruction.
  94. Archives communales postérieures à 1789. Case instruction.
  95. L’essai ne fut pas heureux ; quelques grandes villes seulement gardèrent les écoles primaires supérieures créées à cette époque ; il fallut un demi-siècle pour que l’œuvre de Guizot fût reprise avec succès par un de nos compatriotes, M. Jules Ferry, ministre de l’instruction publique ; c’est à lui que revient l’honneur d’avoir organisé définitivement l’enseignement primaire supérieur.
  96. M. Ast fit de pressantes démarches pour hâter la création de l’école primaire supérieure ; de son côté M. Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, aplanit les difficultés.
  97. a et b Population de la commune en 1817:4.948 habitants; en 1892 : 7.197.
  98. D’après l’Annuaire de M. Merlin. Le directeur et les professeurs sont nommés par le ministre ; les instituteurs et les institutrices sont nommés par le Préfet. Ils possèdent les brevets primaires (élémentaire et supérieur) ; le certificat d’aptitude pédagogique est exigé des titulaires.
  99. Archives communales postérieures à 1789. Case Instruction.
  100. Un cours complémentaire est annexé à cette école.
  101. D’après les plans de M. Schuler, architecte diocésain.
  102. Collection des lycées et écoles normales.
  103. École supprimée en 1890.