E. Richardin, Per Lamm et Cie (Collection "La Voie Merveilleuse"p. 67-93).
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IV


Le lendemain, je fus réveillé par le bruit sec d’une clenche de porte discrètement soulevée et, comme à travers les volets percés de trous en forme de cœurs, un jour déjà rose filtrait dans ma chambre, je reconnus Kathe portant sur un plateau les éléments du premier déjeuner. En même temps une appétissante odeur de café au lait et de pain grillé acheva de me rappeler à la réalité.

— Ponchour, dit Kathe, en posant son plateau sur la table de nuit, afez fus pien tormi, petit monsir ?

Elle tira les rideaux, ouvrit la fenêtre, poussa les volets, et je vis que la matinée était déjà avancée. Dans le ciel clair, un pâle soleil commençait à se montrer. Tandis que je savourais le café à la crème et les rôties beurrées, la servante avait été quérir de l’eau chaude et m’indiquait dans son baragouin mi-allemand et mi-français qu’il était temps de me lever. Je ne me fis pas prier ; dès que le plateau fut enlevé, je me jetai à bas du lit et je procédai du mieux que je pus à ma toilette. Cela ne traîna pas ; j’étais habitué à m’habiller seul et j’avais hâte de revoir Frida.

Sitôt vêtu, je me hasardai dehors. Un grêle son d’épinette s’échappait d’une des pièces situées à l’extrémité du couloir. L’émission des notes cristallines était accompagnée par les modulations d’une voix limpide qui solfiait. Je me souvins de l’invitation de Mlle Gertrude et j’allai heurter à la porte de la chambre d’où s’envolait cette musique matinale.

Herein ! répondit une voix féminine.

Je supposai que cela signifiait : « Entrez ! » Sans plus de cérémonie, je soulevai la clenche et pénétrai dans la pièce.

Un joli feu de bûches de hêtres clairait dans la cheminée. Non loin de la fenêtre et me tournant le dos, Mlle Gertrude du Kœler, en déshabillé de mérinos bleu ciel, avec sa barbe de dentelles nouée en fanchon, plaquait des accords, tandis que Frida, déjà vêtue de sa robe de flanelle blanche, les cheveux épars sur ses frêles épaules, se tenait debout, en face d’un cahier de musique supporté par un pupitre, et chantait les notes.

Au grincement de la porte sur ses gonds, elles se retournèrent toutes deux, et Frida souriante m’adressa un amical signe de tête.

— C’est toi, petit ! s’écria Mlle Gertrude, j’espère que tu as bien dormi dans ton grand lit… Maintenant je vais te prêter le livre dont je t’ai parlé.

Elle alla ouvrir une bibliothèque vitrée, y prit un volume in-8o, relié en veau fauve et me le confia. C’était Estelle et Némorin, de M. de Florian, avec de nombreuses estampes hors texte.

— Là poursuivit-elle, assieds-toi sagement sur ce tabouret, près du feu, amuse-toi à lire et ne bouge pas jusqu’à la fin de la leçon…

J’obéis, mais avant d’entamer ma lecture, je regardai curieusement l’intérieur de la chambre. — Elle était gaie, située au midi, tapissée d’un papier grisaille dont les dessins représentaient les fables de La Fontaine. Les rideaux du lit et de la fenêtre, l’étoffe des fauteuils Louis XVI, en toile de Jouy camaïeu, reproduisaient les mêmes sujets que le papier de tenture. La bibliothèque de palissandre, ornée de cuivres, était garnie de livres et de cahiers de musique aux antiques reliures. Sur la tablette de la cheminée, deux vases de fleurs artificielles flanquaient un groupe de faïence peinte, figurant une allégorie des Quatre éléments. La glace encadrée de bois sculpté se terminait par un trumeau où l’on voyait une bergère rose gardant ses moutons, pendant qu’un berger flûtait à côté d’elle, à l’ombre d’un bouquet de saules bleuâtres. Ce décor du temps passé s’harmonisait à merveille avec la musique grêle de l’épinette.

Je m’amusai alors à examiner les estampes d’Estelle et Némorin et à parcourir le texte. En tout autre moment, cette histoire de bergeries sentimentales m’eût certainement charmé ; mais, pour le quart d’heure, j’étais trop préoccupé et je n’apportais à ma lecture qu’une médiocre attention.

J’admirais la grâce de Frida, l’expression sérieuse de son délicat visage ; je me délectais à écouter les notes qui s’envolaient de ses pures lèvres entr’ouvertes, et cela suffisait à me faire oublier l’heure…

Soudain, avec un élan joyeux, la petite princesse vint se poser sur un tabouret voisin du mien. La leçon était finie.

Tout en réchauffant ses doigts à la flamme claire, Frida se retourna vers Mlle Gertrude encore assise devant le clavier, et lui dit câlinement :

— À présent, grand’tante, toi aussi, chante-nous quelque chose !

La vieille demoiselle, visiblement flattée, prit un cahier de musique, le feuilleta, puis ses doigts agiles, courant sur les touches, modulèrent une naïve ritournelle, et elle soupira d’une voix un peu chevrotante, mais très agréable et très juste :

Cher Valoé, de la plus tendre amante
Viens accomplir, viens couronner les vœux ;
Tu trouveras ma tendresse constante
Et tu liras ton bonheur dans mes yeux,
Et… et tu liras ton bonheur dans mes yeux.

La voix avait des tremblements, des roucoulements de tourterelle. Les sons d’harmonica de l’épinette s’égrenaient légèrement, ajoutant je ne sais quoi d’attendri et de suave à cette poésie fanée du vieux temps. J’éprouvais une secrète langueur à écouter les paroles que je ne comprenais qu’à demi, mais qui me chatouillaient le cœur comme une caresse. Je fermais mes paupières et je m’imaginais que c’était Frida elle-même qui me parlait de sa tendresse, et m’invitait à lire mon bonheur dans ses yeux couleur noisette. Brusquement je rouvrais les miens et je la voyais avec délices sourire, battre des mains et crier :

— Encore, tante, encore !

La vieille demoiselle ne demandait pas mieux. Cette musique d’autrefois lui rappelait sans doute le temps de sa jeunesse ; les saisons où, comme Frida, elle avait eu des cheveux blonds et porté des robes blanches. Elle défilait pour nous, ainsi qu’un précieux chapelet de souvenirs, les romances sentimentales, les airs d’opéra qui avaient été en vogue quarante années auparavant :

Puis il me prend la main, il me la presse
Avec tant et tant de tendresse…

Ou bien :

Dans un amoureux délire
Un berger tendre et discret
Chantait ainsi son martyre
Aux échos de la forêt…

Chacun de ces airs était résonnant de mots d’amour. La musique me montait à la tête, elle me grisait. Dans mon imagination surexcitée, je voyais le décor suranné de la chambre rajeunir, refleurir ; je croyais entendre soupirer la flûte du galant berger assis sous les saules bleuâtres du trumeau ; il me semblait que la bergère avait les mêmes regards printaniers que Frida et se confondait avec elle…

Je serais longtemps resté sous le charme de ce rêve, si Kathe, entrant tout à coup, n’avait annoncé que le dîner était sur la table. — Les heures matinales avaient passé comme un vol d’hirondelle, et quand nous nous levâmes tous trois pour descendre à la salle à manger, nous nous aperçûmes seulement de la fuite du temps, en entendant au loin le beffroi de la Grosse Horloge sonner midi.

La nappe était mise dans la salle aux boiseries brunes où j’avais été introduit la veille, et qui servait de réfectoire et de parloir. Le soleil de décembre, filtrant à travers les vitres engivrées, changeait l’aspect de cette pièce qui, le soir, m’avait paru si rébarbative. Sous la lumière de midi, le perroquet, épluchant des graines de chènevis dans sa cage ronde, me sembla presque aimable et bon enfant. Mlle Odile du Kœler elle-même avait une mine moins autoritaire, plus épanouie. Quand nous fûmes attablés, elle se tint un moment debout et récita en français une sorte de bénédicité, puis, soulevant le couvercle de la soupière fumante, distribua à la ronde des assiettées d’un potage qui exhalait une forte odeur de cannelle.

Le menu était copieux, mais les plats qui le composaient avaient tous un caractère d’étrangeté qui déroutait mon appétit. La choucroute garnie de petites saucisses très aromatisées, les Knœpfle nageant dans une sauce blanche, le jambon aux confitures, étaient pour moi des mets quasi inconnus et auxquels je ne touchais qu’avec une craintive prévention. J’étais, du reste, seul de mon avis, car Frida et les deux maîtresses du logis dégustaient de bon cœur cette cuisine alsacienne qui leur paraissait très savoureuse.

Ces demoiselles du Kœler étaient, en effet, originaires de la Basse-Alsace. Leur frère, le grand-père de Frida, avait jadis occupé dans notre ville une haute position administrative et elles étaient venues se fixer près de lui. Après sa mort, elles avaient continué d’habiter avec leur neveu la maison de Salvanches, où elles avaient importé les habitudes et les façons de vivre de leur province. Frida, élevée par elles, partageait naturellement leurs goûts et s’étonnait de me voir si médiocrement alléché par la cuisine de ses tantes.

— Vous n’avez donc pas faim ? me disait-elle ; ne faites pas la petite bouche… C’est très bon, ce qu’on nous sert !

Alors, pour ne pas lui déplaire et ne pas déchoir dans son estime, je m’efforçais d’avaler ce qu’on mettait dans mon assiette, mais je mangeais sans enthousiasme. Au dessert, heureusement, une tarte à la confiture de couetsche me réconcilia avec le menu. Un vin blanc dont on l’arrosait et qui sentait la pierre à fusil remplaça avantageusement la bière et me délia la langue.

Néanmoins, ma satisfaction ne fut complète que lorsqu’on se leva de table et quand la grand’tante Odile nous dit de sa grosse voix gutturale :

— Maintenant, enfants, je vous donne campos… Couvrez-vous chaudement et allez vous promener au jardin…

J’endossai mon manteau, Frida s’emmitoufla dans sa palatine de chèvre mouflue, et nous voilà partis.

Au dehors, le soleil luisait clair, mais n’avait pas assez de chaleur pour fondre le givre des pelouses. La terre résonnait sous nos pieds et, à l’exception de quelques touffes de roses de Noël, les plates-bandes gelées étaient absolument nues. Parmi les parterres, on ne voyait que des rosiers engainés dans de la paille, et des squelettes d’arbustes poudrés à blanc. Nous n’en flânions pas moins gaiement au long des allées bordées de buis. Nous poussâmes ainsi jusqu’à un espace complètement boisé, où des arbres de haute futaie dressaient haut dans l’air leurs troncs sveltes et leurs branches moussues. Ce bois, au sol tapissé de lierre et de pervenche, se prolongeait jusqu’aux limites de la propriété, qu’enceignait un vieux mur ventru et menaçant ruine. Même un pan de cette enceinte s’était depuis peu éboulé ; par-dessus les pierres croulantes on distinguait un sentier qui longeait la muraille à l’extérieur et dévalait parmi des vignes.

— Vous n’avez pas peur que des brigands entrent chez vous par cette trouée ? dis-je à Frida.

— D’abord, répliqua-t-elle d’un petit air brave, il n’y a plus de brigands, et puis nous avons des chiens qui font bonne garde la nuit.

Cette réponse et cette mine décidée la grandirent encore à mes yeux, et je la contemplai avec admiration, tandis que, me précédant, elle continuait à s’enfoncer sous bois. Nous arrivâmes à un rond-point formé par un cordon de robustes platanes, dont l’écorce lisse, s’enlevant par plaques, apparaissait tantôt grise et tantôt verdâtre, comme une peau de serpent. Au centre, s’élevait la vasque d’une fontaine tarie avec, au milieu, une statue de pierre représentant une nymphe en train de répandre l’eau de son urne. Cette eau ne coulait plus, mais de minces stalactites de glace brillaient, suspendues aux lèvres du vase et aux doigts de la naïade.

— Ce rond-point, reprit Frida, est ma promenade favorite… C’est ici que j’ai appelé par trois fois la fée et qu’elle ne m’a point répondu… Essayez à votre tour, vous aurez peut-être plus de chance…

Elle s’était appuyée au bord de la vasque et sa gracile forme blanche se détachait finement sur la maçonnerie verdie de la fontaine. Les branches entre-croisées des platanes secouaient de neigeuses poussières de givre sur ses cheveux moutonnants et jusque sur ses longs cils, entre lesquels luisaient étrangement ses yeux noisette. Elle était si jolie ainsi et si attirante que je fus complètement fasciné et que je m’écriai en m’approchant d’elle :

— C’est vous qui êtes la fée, et je n’ai pas besoin d’en appeler une autre !…

Je lui pris la main et je la pressai, comme dans la romance de Mlle Gertrude du Kœler, « avec tant et tant de tendresse » que la chaleur de mon étreinte devint communicative. Transies tout à l’heure par la bise, nos deux mains brûlaient. Nous demeurâmes un bon moment en face l’un de l’autre, silencieux et souriants. Puis les doigts de Frida serrèrent plus étroitement les miens :

— Vite, dit-elle en m’entraînant, sauvons-nous !…

Et sans savoir pourquoi, sans nous expliquer notre trouble, nous nous enfuîmes tous deux par une allée droite qui nous conduisit hors du bois.

Frida ne s’arrêta que lorsque nous eûmes atteint une autre partie du jardin, où scintillait au soleil une vaste serre vitrée. Elle entre-bailla la porte :

— Venez, murmura-t-elle, je vais vous montrer nos fleurs.

Dès que j’eus pénétré sous le spacieux vitrage d’où tombait un jour blanc, je fus enveloppé par une moite touffeur. De chaque côté, sur des gradins, s’étageaient des quantités de plantes qui m’étaient presque toutes inconnues. Des palmiers nains y étalaient leurs tiges en éventail ; des orangers y portaient à la fois des fleurs et des fruits verts. Des héliotropes au parfum de vanille et des roses jaunes s’y épanouissaient, sans paraître se douter qu’au dehors il gelait à pierre fendre. Frida me guidait à travers l’étroit sentier ménagé entre les gradins verdoyants. Toute fière de sa science, elle me nommait les plantes que je ne connaissais pas :

— Celle-ci, avec ses longs cornets blancs, s’appelle le datura… N’y touchez pas, c’est du poison !… Là-bas, celle qui fleurit toute rose parmi des épines est un cactus… Voici du myrte et voici la sensitive… Regardez !

Elle toucha du bout des doigts les nœuds de la plante, et lentement les feuilles ailées s’abaissèrent, puis se collèrent le long de la tige. J’ouvrais de grands yeux et plus que jamais je recommençais à croire à son pouvoir féerique.

À l’extrémité de la serre, des arbustes et des lianes grimpantes formaient une sorte de niche entièrement garnie à l’intérieur d’un gazon de capillaires et de saxifrages, au-dessus, de nombreux pots de cyclamens laissaient pendre leurs fleurs roses ou carminées, pareilles à des capuces retroussées.

D’un bond, Frida se blottit dans cette niche capitonnée de verdure, d’où sa neigeuse blancheur apparaissait plus éclatante encore. Entre ses cils, elle me coula un ensorcelant regard, puis, avec un sourire de reine et un impératif geste du doigt, elle murmura en me montrant le sable fin qui s’étendait à ses pieds :

— Mettez-vous là !

Docile je m’y agenouillai, tourné vers elle comme vers une idole qu’on adore. Je perdais peu à peu la notion de la réalité. Les odeurs suaves ou capiteuses dont l’air chaud de la serre était imprégné me montaient au cerveau et me grisaient. Sous cette influence, l’amoureuse musique et les douces paroles que j’avais entendues le matin me revenaient en mémoire et se confondaient avec l’haleine des fleurs que je respirais. Mes yeux se fixaient sur la délicate figure de Frida et ne pouvaient s’en détacher. Un mélange d’adoration et de tendresse inclina ma tête alourdie et je la posai dévotement sur les genoux de la mignonne princesse, en bégayant :

— Frida, je vous aime… Je vous aimerai toujours !… Voulez-vous ?

Sa main effleura mes cheveux, et elle répondit gravement :

— Je veux bien… Vous serez mon bon ami, comme Justin est le Schatz de votre Céline…

J’éprouvais une ineffable joie à sentir ses doigts caressants sur mes cheveux, et je ne bougeais plus… Mon extase durait depuis une minute, lorsque j’en fus brutalement tiré par les sons gutturaux d’une voix revêche qui partait de l’autre bout de la serre, et, en me retournant, j’aperçus dans la pénombre la forme anguleuse de Fraulein :

— Frida, criait-elle, voilà un quart d’heure que je vous cherche !… Que faites-vous ici ?… Vous savez bien que c’est défendu… D’ailleurs, ce petit garçon n’est pas une société pour vous, et vous avez encore toutes vos leçons à apprendre !

Elle s’était rapprochée, et Frida, tout en rechignant, était sortie de sa niche. Fraulein la fit passer devant, sortit de la serre, et je les suivis piteusement. Dans le trajet, je fus fort étonné de voir que le jour baissait déjà. Comme le temps avait rapidement marché !… Dans le vestibule, je trouvai sur une banquette Céline qui m’attendait. Je voulais m’élancer vers Frida pour lui dire adieu, mais l’intraitable gouvernante la poussait déjà vers une pièce qui servait de salle d’étude et, pendant que la porte s’ouvrait et se refermait impitoyablement, j’eus à peine le temps d’entrevoir la blanche forme et les boucles blondes de ma mignonne amie.

Comme compensation, Céline m’emmena dans la salle à manger, où je devais remercier les demoiselles du Kœler de leur hospitalité. Les deux vieilles filles, assises à leur place préférée, vaquaient aux mêmes occupations que la veille : Mlle Odile dévidait ses éternels pelotons et Mlle Gertrude lisait près de la lampe déjà allumée.

— Allons, dit l’aînée, bonsoir, mon garçon, sois sage…

— Au revoir, petit, ajouta Gertrude en me donnant une tape sur la joue, continue de bien lire et fais nos compliments à ton père…

Kathe remit à Céline mon paquet de nuit. Du fond de sa cage, le perroquet me salua de son rauque guten Abend, puis, après une dernière révérence, nous quittâmes la salle à manger. En traversant le vestibule, je jetai un regard contristé vers la porte de l’étude, de l’autre côté de laquelle j’entendais Fraulein baragouiner une leçon d’allemand… Et ce fut fini. — Quelques minutes après, nous cheminions vers la grille, et je me retournais une dernière fois pour contempler le château poudré de givre où demeurait Frida.

Cette fois, nous ne redescendîmes pas seuls. Justin, l’ogre aux dents blanches, nous escortait. Il donnait le bras à ma bonne, et je remarquai que lorsque nous passions par des endroits plus enveloppés d’obscurité, il appliquait de furtifs baisers sur les joues de Céline, qui ne semblait nullement s’en formaliser. Moi non plus, du reste. Ma tendresse pour Frida me rendait indulgent, et même, en entendant susurrer les baisers du charbonnier, le regret me prenait, de n’avoir pas profité de la solitude de la serre pour embrasser la petite princesse.

Justin nous quitta seulement près de notre maison, que nous retrouvâmes aussi tranquille et bien close que lors de notre départ.

— Tu sais, me recommanda encore Céline en allumant son bougeoir, pas un mot à ton père !… Nous serions grondés tous deux et je risquerais d’être mise à la porte…