Fontaine aux Perles/11. Le souterrain

Fontaine aux Perles
Legrand et Crouzet (Tome IIIp. 79-85).
XI
LE SOUTERRAIN


Tant que Hervé Gastel fut couché sur la petite plate-forme du roc, il crut entendre ces chants désordonnés et ces cris d’orgie dont nous avons parlé au chapitre précédent, mais il eut beau tendre l’oreille, il ne put saisir aucune plainte venant de la base du rocher.

Il se releva, et aussitôt l’écho lointain des chants de l’orgie cessa de se faire entendre.

Il crut avoir rêvé.

Puis, pour l’acquit de sa conscience, il tourna encore autour de la plate-forme, tâtant partout la pierre avec la pointe de son couteau de chasse.

— Il faut pourtant que je le retrouve ! murmura-t-il. — Peut-être n’est-il pas mort sur le coup et a-t-il besoin d’un peu d’aide pour vivre, ou d’une prière pour mourir.

Il descendit avec précaution le sentier qu’il venait de gravir l’instant d’auparavant, repassa devant la porte silencieuse de la métairie de Marlet, fit le tour du rocher et s’arrêta entre la Vanvre et la base du roc, juste au-dessous de l’endroit où l’étranger avait disparu.

C’était là que son corps avait dû tomber. — Il n’avait pu tomber que là.

Hervé, penché sur le sol, tâtonnait et cherchait, — Il ne trouvait rien.

Impossible que le corps eût pu rouler jusqu’à la Vanvre, éloignée d’une quinzaine de pas.

Qu’était devenu ce cadavre, qu’on ne trouvait ni en bas ni en haut ?

Hervé songea involontairement aux superstitions qui avaient bercé son enfance. La fièvre entra dans son cerveau ; il crut entendre encore ces lointains chants de fête…

Les démons se réjouissaient-ils de la mort d’un homme ?

Les laveuses de nuit, cachées dans les hautes herbes de la rivière, chantaient-elles autour d’un cadavre ?

Hervé Gastel eut voulu fuir, et il ne le pouvait pas ; des formes bizarres passaient devant ses yeux ; chaque buisson lui semblait un fantôme, et le cours de la Vanvre qui étendait à ses pieds sa nappe blanchâtre, lui apparaissait comme un suaire immense dont les plis s’allongeaient à perte de vue…

Il fut plus d’un quart d’heure avant de reprendre assez de force pour gravir de nouveau le rocher ; mais dès qu’il se fut éloigné du théâtre de ses erreurs surnaturelles, son esprit vaillant et jeune secoua brusquement un reste de crainte. Il se signa, dit un De profundis pour le mort, et gagna le petit sentier qui, du sommet du roc de Marlet, descendait à Fontaine-aux-Perles.

Et à mesure que sa frayeur partait, sa jalousie revenait ; il se disait maintenant que cet homme qu’il avait rencontré aux environs du château n’était point, suivant toute apparence le soldat dont on avait parlé à la table de Presmes.

La jalousie est ainsi faite. — Tant que l’homme avait vécu, Hervé l’avait pris pour un rival ; maintenant que l’homme était mort, Hervé travaillait à se bien persuader que c’était un autre qui était son rival.

Arrivé auprès de la ferme de Fontaine-aux-Perles, ce ne fut point à la porte principale qu’il s’adressa. Il fit le tour de la maison et frappa doucement aux carreaux d’une petite fenêtre percée dans le pignon de la ferme.

On fut quelque temps avant de répondre, puis la petite fenêtre s’ouvrit, et la douce voix de Bleuette demanda :

— Qui est là ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La métairie de Marlet, située de l’autre côté du rocher, était beaucoup plus grande que les fermes du pays de Rennes. — En revanche elle était fort délabrée et ses murs lézardés donnaient passage à tout vent. Sa toiture en ardoises était défoncée en plusieurs endroits, et malgré l’apparence que conservait l’ensemble du bâtiment, il était difficile de penser qu’une telle demeure pût servir à d’autres qu’à de pauvres gens de la forêt.

Ceux-ci habitués à leurs toits de chaume, qui laissent passer le vent comme la pluie, se trouvent bien partout, pourvu que l’eau ne dépasse pas le rebord de leurs sabots, et qu’ils aient un coin de toit assez large pour mettre la paille de leur lit à l’abri d’une averse.

Mais les habitants de la ferme de Marlet, si dégradée et ruinée qu’elle parût, n’étaient point des pauvres gens de la forêt.

Sous le hangar attenant au rocher, il y avait quatre beaux chevaux, faits pour être montés par des gentilshommes ; et qui n’avaient certes jamais mis leur nerveuse encolure sous le collier de la charrue. — Dans la chambre principale, à l’intérieur de la ferme, il y avait, outre le mobilier en usage chez les paysans, un râtelier contenant quatre belles et bonnes carabines et plusieurs paires de riches pistolets.

Nous entrons dans la ferme vers dix heures du soir à peu près, au moment où monsieur te chevalier de Briant suivait Hervé Gastel dans les jardins de Presmes.


BLEUETTE ET HERVÉ GASTEL
FONTAINES-AUX-PERLES

Il n’y avait personne dans la salle commune, au milieu de laquelle se dressait la vaste table vide, entourée de ses bancs déserts.

Au fond de cette pièce se trouvait une énorme cheminée où fumaient quelques lisons à demi éteints. — Au fond, on voyait deux grands lits, à trois étages chacun ; il n’y avait personne dans ces lits.

À droite, une porte s’ouvrait qui donnait entrée dans une petite pièce où deux grabats étaient placés l’un auprès de l’autre. Le premier de ces grabats était vide. — Dans le second dormait un enfant de quinze ans dont la figure charmante disparaissait presque, inondée par les boucles de ses cheveux blonds — Cet enfant avait sur le visage la pureté d’un ange, mêlée à de précoces tristesses. En ce moment il souriait à ses rêves.

Nous l’avons déjà vu bondir joyeusement hors des taillis à la rencontre de ses frères, les trois fils aînés de Carhoat.

C’était le petit René, — le pauvre enfant qui courait seul par les grands bols suivant de loin le chant de Bleuette et se couchant sur l’herbe en pleurant aux endroits où l’herbe foulée gardait l’empreinte du repos de Bleuette.

L’autre grabat attendait la vieille Noton Renard, servante des Carhoat qui veillait encore et s’agitait autour du foyer presque éteint de la salle commune Noton Renard était une vieille femme ridée, dont l’humidité de la forêt et le brûlant soleil des landes avaient tour à tour noirci et hâlé la peau. Elle était la femme de Francin Renard, ce paysan madré, au chapeau en éteignoir que nous avons vu en compagnie du vieux Carhoat, dans cette anfractuosité du roc de Marlet, où venait de disparaître si tragiquement le pauvre chevalier de Briant.

Noton avait l’air grondeur et maussade comme toutes les vieilles servantes mais, sur son laid visage, où les lignes se brisaient, bizarrement croisées par les rides, on n’eût rien pu découvrir qui dénotât la méchanceté. — Noton était une brave vieille qui grognait volontiers, mais qui ne mordait point. — Peut-être eût-elle mordu si on l’eût empêchée de grogner.

Elle était vêtue d’un déshabillé de toile rouge, sorte de veste plate sur le dos dont la taille, ornée d’un gros chignon, se place beaucoup au-dessus des reins et presque entre les deux épaules. — Sa jupe d’épluche à larges raies vertes noires et blanches, se rattachait par derrière au chignon du déshabillé pour tomber roide et plate, le long de ses hanches. Elle portait pour coiffure la petite catiolle de la forêt en grosse toile à larges ourlets. — Pour chaussure, elle avait des sabots qui contenaient ses pieds d’abord, puis une demi-botte de paille.

Noton Renard venait quelquefois regarder le sommeil de l’enfant, — et quand la bouche de celui-ci s’ouvrait pour murmurer en son rêve, comme un écho affaibli, la complainte de la Fontaine aux Perles, la vieille haussait les épaules en grommelant, et se signait comme si elle eût voulu chasser le diable.

Mais son occupation principale n’était ni dans la chambre de René, ni dans la salle commune.

Elle ouvrait à chaque instant une petite porte située entre les deux lits à trois étages, et disparaissait pour revenir bientôt avec des pots vides qu’elle allait remplir à la cave.

Chaque fois qu’elle ouvrait cette porte, on entendait comme un écho lointain de chants confus et rauques : — ce même écho que Hervé Gastel avait entendu en haut et en bas du rocher dans le silence de la nuit.

On descendait à la cave par deux issues dont l’une, recouverte d’une trappe, s’ouvrait à gauche derrière l’un des grands lits. — L’autre donnait en dehors de la chambre commune. Noton ne prenait point ce dernier chemin pour aller remplir ses pots vides, parce que ses vieilles jambes n’auraient pu franchir, sans trébucher, l’échelle roide et longue qui conduisait de ce côté à la cave.

L’autre ouverture, au contraire, donnait sur un escalier praticable, à la rigueur, que l’on pouvait suivre sans nécessité absolue de se casser le cou.

Noton Renard venait de descendre l’escalier de la cave avec deux pots ou pichés vides à la main, lorsqu’elle reparut à la trappe. La pauvre vieille, essoufflée, s’appuya au coin du lit pour respirer.

— Boire, toujours boire !… murmura-t-elle, — et blasphémer… et hurler des refrains qui viennent de l’enfer !… Ah ! s’il n’y avait pas là tout près un enfant du bon Dieu qui protège la maison, le diable nous aurait déjà fait des siennes ! Mais on dit que ça suffit d’une bonne prière pour empêcher le démon d’entrer dans un logis… et l’enfant prie tous les soirs… Ah ! qu’il est beau quand il prie, et que Jésus doit aimer le son de sa voix !…

Elle se remit sur ses jambes tremblantes et gagna la petite porte qu’elle poussa du pied. — La petite porte retomba derrière elle.

Elle se trouvait dans un couloir étroit et obscur où l’air épais avait des saveurs humides.

Des bruits de voix, indistincts et confus, se mêlaient au loin. — Le sol était glissant sous les pas de la vieille femme.

Malgré les ténèbres complètes, elle marchait droit devant elle sans tâtonner, et comme fait l’aveugle dans une route souvent parcourue.

Au bout d’une vingtaine de pas, elle poussa du pied une seconde porte qui s’ouvrit et laissa pénétrer dans le corridor une lueur assez vive.

On aurait pu voir, à l’aide de cette lueur, que le chemin suivi par Noton Renard était un boyau étroit, taillé tantôt dans le roc vif, tantôt dans la terre, et dont les parois suintaient une sorte de transpiration brillante.

La pièce où elle entra, en sortant de ce couloir, était de forme ronde, d’une étendue considérable, et s’éclairait par une résine soutenue à l’aide d’un bâton fendu et fiché dans le roc.

Cette lumière insuffisante donnait à peine une forme aux objets. — On distinguait néanmoins, çà et là, des armes jetées pêle-mêle, une demi-douzaine de petits barils devant contenir de la poudre, et quelques vêtements de diverses espèces accrochés à des clous. Dans un coin, il y avait un chevreuil à demi-écorché.

Au-delà, la vue ne pénétrait point, et la résine, trop faible, ne pouvait arriver jusqu’au plafond qui disparaissait dans les ténèbres.

Dans cette pièce, le bruit des voix, considérablement rapproché, s’entendait d’une façon distincte. On reconnaissait une discussion animée, au travers de laquelle couraient des jurons et de longs éclats de rire.

La vieille femme la franchit en se hâtant, et frappa trois coups, à l’aide d’un de ses pichés, sur le bois d’une porte qui, trop éloignée de la résine, disparaissait dans l’obscurité.

— Qui va là ? demanda-t-on de l’autre côté de la porte.

— Du vin, répondit Noton Renard.

Le battant massif tourna sur ses gonds rongés de rouille, et Noton se trouva sur le seuil d’une autre pièce qui, par comparaison, semblait brillamment illuminée.

Au milieu de cette pièce, il y avait une table recouverte d’une nappe grossière où se confondaient les débris d’un repas.

Quatre chandeliers de fer étaient aux quatre coins de cette table, autour de laquelle le vieux Carhoat et ses fils s’asseyaient en compagnie de Francin Renard qui tenait le bas bout.

De même que le couloir et la première pièce, celle-ci avait pour muraille le roc nu, coupé de veines terreuses.

On n’y voyait point de meubles, sauf quelques escabelles placées sans ordre le long des murs.

À l’extrémité la plus éloignée de la table, la lumière des quatre chandelles de suif, qui brûlaient dans les flambeaux, éclairait vaguement les dernières marches d’un escalier.

On en voyait quatre, cinq, six ; la septième disparaissait déjà dans l’ombre. Il y en avait peut-être d’autres. — On ne les voyait point.

— Allons, Noton, aimable sorcière, dit le vieux Carhoat, — verse-nous à boire et va-t’en.

La vieille obéit sans répondre. Elle fit le tour de la table, emplissant jusqu’au bord les verres que lui tendaient Carhoat et ses fils.

Quand ce fut le tour de Francin Renard, soir époux, elle fit une grimace de mauvaise humeur et posa le piché sur la table.

— Tu as des mains pour te servir ! gronda-t-elle.

Francin haussa les épaules et se versa tranquillement une rasade. — C’était un époux sensé qui savait ce que vaut la paix du ménage.

— Eh bien ! Noton, dit le vieux Carhoat, — petit René dort-il comme il faut ?

— Pauvre chérubin ! répliqua la vieille, c’est le bon ange de votre maison, Carhoat ! mais tout péché a son châtiment… et Dieu vous le prendra.

— Va-t’en sorcière, va-t’en ! s’écria le vieillard, en frappant du poing la table qui trembla au choc. — Si je te revois ce soir, je te brise un piché sur le crâne.

— Et si tu ne reviens pas dans un quart-d’heure avec du vin frais, dit Laurent, l’aîné de Carhoat, je te fais prendre un bain dans la Vanvre.

Noton, accoutumée a ces menaces, sortit sans se hâter.

Les quatre Carhoat portaient le costume que nous leur avons vu dans le taillis, et Francin Renard n’avait eu garde de changer le sien, attendu que toute sa garde-robe était en ce moment sur son dos.

Il avait seulement remplacé, avec la permission de son maître, son grand chapeau en éteignoir, par un bonnet de laine qui gardait ses longues oreilles contre l’humidité du souterrain.

Les trois fils aînés du marquis se ressemblaient assez de taille et de visage ; l’aîné, Laurent de Carhoat, était un beau cavalier aux traits aquilins, au regard intelligent et fier que voilait en ce moment l’ivresse. Ses abondants cheveux châtains tombaient en boucles mêlées jusque sur ses épaules. Il avait une fière moustache noire retroussée, et n’eût été quelque vague expression, stigmate mystérieux que le vice ou la honte sait imprimer même à la fierté, on l’aurait pu prendre pour un grand seigneur en goguette.

Prégent, le second, avait l’air plus grossier, et sa chute se lisait mieux sur ses traits indolents, dépourvus de caractère.

Phihppe, le dernier, ressemblait presque trait pour trait à Martel. Il avait comme lui de longs cheveux blonds sur un front pensif. La seule différence était dans le regard dur de ses yeux et dans l’amertume fatiguée de son sourire.

Tous trois en ce moment avaient la face empourprée par l’ivresse.

Le vieux Carhoat, qui avait bu autant qu’eux, gardait une sorte de sang-froid.

Quant au fermier Renard, il était violet ; mais ce digne paysan ne perdait jamais la tête ; il pouvait mourir à force de boire, mais ne pouvait point s’enivrer.

— C’est le diable ! dit Laurent poursuivant la conversation, interrompue par l’arrivée de la vieille Noton. — On ne gagne pas à ce métier-là le vin qu’on boit et le pain qu’on mange… Il y a des jours où je serais tenté de croire que le meilleur métier est celui d’honnête homme !

— Bah ! fit Prégent, — il y a comme cela de mauvaises veines… On gagne un jour, on perd le lendemain.

— Voilà longtemps que nous n’avons gagné, dit Philippe.

— Raison de plus pour que la chance tourne, enfants ! s’écria Carhoat. — Allons, vive la joie, morbleu ! Depuis quand parlons-nous raison dans notre trou ?

— C’est qu’on réfléchit, père, répliqua Laurent : — la nuit est longue sur les grands chemins. Quand on se sent de l’argent dans ses poches, cela tient lieu de conscience… On s’étourdit… On a le cœur de rire et de chanter… mais quand on revient les mains vides…

— Eh bien ! monsieur le comte, interrompit Carhoat, — Quand on a manqué le cerf un jour, on prend sa revanche le lendemain.

— Le père a raison, dit Prégent. — Bois, Laurent ; bois, Philippe, et chantons.

Il entonna un air à boire en langue bretonne ; le vieux marquis le soutint vaillamment ; Philippe et Laurent, animés par le bruit, firent bientôt chorus, et la voix nasillarde de Francin Renard compléta l’harmonie.

Mais quand la chanson apportée du bon pays de Morlaix fut finie, un silence se fit dans le souterrain, et cette gaîté factice tomba lourdement à plat.

Y avait-il au fond de ces cœurs déchus un sentiment vengeur de remords ou le regret ?

— Plus d’argent, reprit Laurent ; — plus de femmes !… Où est le temps où nous choisissions entre les plus belles filles de Rennes, et où cette cave froide devenait la nuit un palais ?

Prégent et Philippe poussèrent un douloureux soupir.

— C’était le bon temps ! murmurèrent-ils.

— Sans doute, sans doute, répéta le vieux marquis ; mais je pense bien que le trou pourra redevenir un palais, et que nous aurons encore du velours et du satin autour de cette table… Allons, enfants ! allons, morbleu, du cœur ! N’avons-nous pas là, tout près, de l’autre côté de la montée, cent cinquante mille écus de rentes que nous partagerons bien quelque jour !

Les trois jeunes gens secouèrent la tête d’un air incrédule.

— Il ne s’agit que de s’y bien prendre, poursuivit le vieillard ; — il y a une manière de garnison au château de Presmes, c’est vrai… mais avec une trentaine de lurons et quelques petites intelligences dans la place, on ferait le coup tout doucement.

— Eh bien ! dit Philippe, — pourquoi ne pas tenter la chance tout de suite.

— Ah ! mon garçon, répliqua le marquis, — te voilà maintenant qui vas trop vite… il faut de l’argent pour les trente hommes, et il faut de l’argent pour ménager les petites intelligences dont je parlais tout à l’heure… or, nous n’avons point d’argent !

— Pas d’argent ! répétèrent tristement les trois Carhoat.

— Sauf respect de vous, nos maîtres, dit Francin Renard en se frottant le menton, — il y aurait pourtant bien moyen d’avoir de l’argent, sans se fatiguer comme vous faites.

Le vieillard et les trois jeunes gens interrogèrent à la fois Renard d’un air curieux.

Celui-ci baissa les yeux sous ces regards croisés et continua d’une voix plus basse :

— Pardié ! nos messieurs… il y a là-bas à Rennes, notre demoiselle qui gagne les écus à boisseaux…

Ce mot, jeté parmi l’orgie, mit de la pâleur sur tous les visages.

— Tais-toi ! dit Carhoat d’une voix altérée.

Les trois jeunes gens baissèrent la tête, — le vieillard regardait Francin d’un air menaçant.

Celui-ci, effrayé de l’effet qu’il avait produit, demeurait bouche béante et cherchait des paroles d’excuse…