Fables chinoises du IIIe au VIIIe siècle de notre ère/16

LA VACHE DU BRAHMANE


 
Un brahmane avait une vache :
Il faut qu’on sache
Que c’était là, ni plus ni moins,
De quoi suffire à ses besoins,
Car, de lait frais, la bonne bête
Lui donnait un boisseau par traite.

Ce brahmane entend raconter
Que si quelqu’un peut apporter
Une quantité de lait qui, d’emblée,
Pourra nourrir une assemblée
De vrais disciples du Bouddha,
Il accomplit par là,
Pour mainte année,
Un acte producteur
De bonheur.

 
Alors durant un mois, il s’interrompt de traire,
Pensant bien faire

Et récolter, au bout du mois,
Ses trente boisseaux à la fois.
Quand le délai fut à son terme,
Dans sa ferme
Il invite des çramanas
Pour un repas.

Voici comment finit la fête :
Il n’obtint de la brave bête,
Sur trente boisseaux qu’il voulait,
Qu’un unique boisseau de lait.
Chacun le traita d’imbécile…
Être avisé n’est point facile,
Et beaucoup de gens font aussi
Le même faux calcul. Ainsi,
Ils croient faire œuvre de prudence
En accumulant l’abondance,
Mais l’eau, le feu vite ont raison
De leurs biens et de leur maison.

Hâte-toi de donner quand tu tiens ta fortune ;
Sinon, quelle joie en tirer ? — Aucune.