Fables canadiennes/05/La pie et le canard

C. Darveau (p. 332-334).

FABLE XVII

LA PIE ET LE CANARD

 La pie est voleuse
 Autant que parleuse ;
 Deux défauts fort vilains
 Que parmi les humains
 De place en place encore
 On trouve quelquefois,
 Mais que bientôt, je crois,
 Du couchant à l’aurore
 L’on ne trouvera plus
 Si nos livres sont lus.

 
 Donc une pie,
 Une impie,
 Ne trouvant pas assez moelleux,
 Pour ses petits encor frileux,
 Son nid de mousse et de brins d’herbe,
 Profita de l’éloignement
 D’un canard logé richement
 Pour entrer dans son nid superbe
 Et lui voler son chaud duvet.
 Le canard qui savait
 Ce que vaut une plume,
 Dans son cœur rempli d’amertume
 Assez longuement réfléchit ;
Puis il se dit :

 — La pie a la griffe légère :
 Donc elle n’est pas étrangère
 À ce larcin qui l’enrichit.
 Faisons arrêter la pillarde
 Et, comme elle est fort babillarde,
 Et que les siens jasent aussi
 Beaucoup trop d’ordinaire,
 Je saurai bien ainsi
 Le fond de cette affaire.

Il fit comme il disait, rien de plus, rien de moins.
 Il appela comme témoins
 Devant une cour haut prisée
 Tous les petits de l’accusée
Et les interrogea tour à tour longuement.
 Mais, à sa grande surprise,
Ils surent éviter alors toute méprise
 En se taisant obstinément.
 Et lui, fort bon de sa nature,
Et lui se consola de sa déconfiture
En répétant ces mots que nous vous confirmons :


Il est dur de parler — même s’il faut instruire
 Quand nos paroles doivent nuire
 À ceux que nous aimons.