FABLE IV.

Le Sanſonnet, & le Coucou.



VN Sanſonnet, Jargonneur ſignalé,
De captif qu’il eſtoit, devenu volontaire,
De deſirs amoureux ſe trouva régalé :
C’eſt de l’indépendance, une ſuite ordinaire.
Il dreſſe ſon petit Grabat
Dans un Buiſſon de Noble-Epine,

Vn Coucou fameux ſcelerat,
Qui, comme chacun ſçait ne vit que de rapine,
Qui va de Nid, en Nid croquant les œufs d’autruy
Et les remplaçant d’œufs de luy,
Au Nid du Sanſonnet, traduiſit ſon lignage.
Noſtre amy Jargonneur, ignoroit cét uſage ;
Il fut dés ſa jeuneſſe élevé parmy nous,
Et vivoit, par hazard, en honneſte ménage,
Où l’on ne parloit point des ruſes des Coucous.

Frere le Roſſignol, diſoit-il en luy-meſme,
Couvant les nouveaux Œufs avec un ſoin extrême,
Vous vous vantez d’eſtre le Roy des Bois ;
Mais ſi jamais ma Famille eſt écloſe,
Ha ! Foy de Sanſonnet, c’eſt bien à cette fois,
Que vous aurez la gorge cloſe.
Dans voſtre Art de roſſignoler,
Vous donnez des leçons, à tout ce que nous ſommes ;
Mais, mes petits ſçauront parler,
Comme parlent Meſſieurs les hommes.

Ces petits long-temps attendus,
Et de tout mal-heur deffendus,
Il plût à l’Eternel de donner la lumiere
A nos Sanſonnets pretendus.
Maiſtre Oyſeleur, d’eſpece ſinguliere,
Se promet d’exercer ſon Meſtier doctement,
Le Plumage coucou, bleſſoit un peu ſa veuë,
Mais il eſperoit en la meuë,
Les Peres, comme on ſçait, ſe flatent aisément.
Le voilà donc, tenant Ecole de ramage,

Il n’eſt dictons, ou quolibets,
Qu’apprennent tels Oyſeaux en cage,
Qu’il ne ſiffle aux Coucous, reputez Sanſonnets.
Parlez, leur diſoit-il, parlez l’humain langage,
C’eſt le plus éloquent de tous,
Coucou, répondent les Coucous,
Il n’en peut tirer autre choſe,
Quoy qu’il entonne, ou qu’il propoſe,
Coucous ne diſent que Coucou :
Le Sanſonnet penſa devenir fou.
Depuis quand, diſoit-il, cette Metamorphoſe ?

Comment œufs de Coucou ſont-ils ſortis de moy ?
Du temps que j’augmentay l’eſpece volatille,
Tout Oyſeau n’engendroit qu’Oyſeau ſemblable à ſoy :
C’eſt depuis que j’habite en humaine famille,
Que la Nature a fait cette nouvelle Loy.
Mais quoy ? reprenoit-il, dans cette Loy nouvelle,
La Nature ſe trompe, ou n’eſt plus naturelle.

Pourquoy moy Sanſonnet engendrer des Coucous ?
Pourquoy couver des œufs, qui ne ſont point à nous ?

Pourquoy ?…… ſans doute il euſt pouſsé loin le murmure ;
Mais un Milan paſſant par là,
Quoy ? luy dit-il, ce n’eſt que pour cela
Que tu vas de Povrqvoy fatiguant la Nature ?
Hé ! mon amy ton mal eſt devenu commun,
Parmy les Animaux, je n’en connois aucun

Qui ne puiſſe s’attendre à pareille aventure.