Mercure de France (p. 155-156).

LXXXV

Faire honneur à ses affaires.


Le mot « affaires » me trouble toujours. J’ai essayé, dès le commencement de cette Exégèse, d’en dire quelque chose. Je n’ai réussi qu’à manifester mon impuissance. Ce qui me semble tout particulièrement haïssable dans ce chien de mot, c’est son mystère. Impossible d’y pénétrer. « Faire honneur à ses affaires » est une des paroles les plus dites et certainement les moins entendues.

Qu’est-ce que l’honneur vient faire ici ? Je le demande aux sages. Faire honneur à quelqu’un est une locution intelligible. Exemple. On se fend en quatre pour prouver à un pirate armé jusqu’aux dents qu’on a pour lui de l’estime et une profonde considération. Honorer les canailles qui ont l’argent ou le pouvoir, c’est le cri de la conscience bourgeoise. Mais faire honneur à ses affaires est un texte difficile.

Je sais aussi bien que vous que, dans une langue inintelligible aux purs esprits, cela veut dire payer une lettre de change, un billet souscrit ou toute autre saleté du même genre. Je n’ignore pas non plus qu’un tenancier de lupanar, un empoisonneur de pauvres, un usurier à cent cinquante ou deux cents pour cent font honneur à leurs affaires quand ils règlent exactement leurs échéances. Eh ! bien, que vous dirai-je ? cette façon en relief d’exprimer une platitude me bouleverse.