Mercure de France (p. 154-155).

LXXXIV

Assurer l’avenir de ses enfants.


Depuis si longtemps que les pères s’occupent de l’avenir de leurs enfants, n’est-il pas étrange que les enfants ne pensent pas à l’avenir de leurs pères ? Qui donc faisait remarquer cela et quel avenir cet anonyme pouvait-il bien avoir en vue ? Le Bourgeois s’étonne des questions ainsi présentées. Quoi de plus simple, cependant ? Il faudrait prévoir le cas où un père aurait été engendré par son enfant.


C’est en vain que d’eux tous le sang m’a fait descendre,
Si j’écris leur histoire, ils descendront de moi.


Vers cornéliens, aujourd’hui presque oubliés, dont la splendeur consolait Alfred de Vigny, le poète gentilhomme, de la disgrâce de n’être pas né dans une boutique pour léguer, à son tour, une clientèle à de fortunés et crétins enfants.

Le Bourgeois, plus heureux, se félicite dans une autre langue. Pour ce qui est de ses ancêtres, à lui, il ne saurait ni en descendre ni en remonter. Toute sa lignée, depuis les siècles, garde l’horizontalité absolue dans la platitude géométrique du lieu le plus bas, et cette posture est assurée dans l’avenir, sauf miracle, à tous ceux qui pourront sortir de lui.

Sauf miracle, cela s’est vu. Un être d’exception peut, quand même, jaillir de cette alluvion de déjections. Mais de quel avenir cette géniture pourra-t-elle bien gratifier ses pères ? J’abandonne la cocasserie phénoménale du problème à ceux de mes lecteurs qui furent enfantés sur les joyeuses collines.