Mercure de France (p. 156-157).

LXXXVI

Faire un trou à la lune. Faire son trou.


Identiques dans l’Absolu, identiques dans l’Infini. On ne dira jamais : Faire un trou au soleil, ni à la terre, ni à Mars, ni même à Vénus. On ne fait de trous qu’à la lune, on ne fait son trou que dans la lune, laquelle, à vrai dire, n’est qu’un vaste système de trous et de cavernes profondes.

C’est, du moins, le témoignage d’un romancier anglais contemporain qui a été assez heureux pour profiter d’une occasion tout à fait unique de visiter la lune, ces derniers temps. Il en a même rapporté d’énormes barres d’or vierge que tout Londres a pu admirer. On sait enfin que l’or est à fleur de lune et aussi banal que les pierres sur ce satellite[1].

Ainsi se trouve expérimentalement corroborée, après des générations de caissiers, la métaphore bourgeoise d’un passage heureux à travers la lune, quand on se dérobe en emportant le bien d’autrui. Ainsi se démontre, avec une précision que j’ose qualifier d’astronomique, l’inhérence de l’idée de trou à l’idée générale de prospérité humaine. Le Bourgeois a deviné juste, comme toujours, mais cette fois, il nous précipite dans les cieux.


  1. Les Premiers Hommes dans la Lune, traduit de l’anglais de H.-G. Wells, par Henry-D. Davray. Mercure de France.