Mercure de France (p. 95-96).

XLVI

Rentrer dans son argent.


Après ce qui vient d’être dit, celui-ci a quelque chose d’ahurissant. Qu’est-ce, en effet, que rentrer, sinon entrer de nouveau dans quelque chose ou dans quelqu’un d’où on était sorti ? On rentre dans sa maison ou dans sa coquille ; on rentre à la caserne après une bordée, ce qui est plutôt embêtant ; on rentre même dans les lieux, un jour de médecine, presque aussitôt après en être sorti, si le besoin s’en fait sentir derechef. Enfin on rentre dans tout ce que vous voudrez, à condition, toutefois, que les réciproques et nécessaires égards qui se doivent de contenu à contenant soient observés.

Métaphoriquement, je conçois encore qu’on rentre dans l’ordre, dans son sujet, dans sa nature, etc., puisqu’on suppose toujours une chose enveloppante permettant l’exode et la réintégration. À l’extrême rigueur, j’admettrais même la rentrée dans le néant, ce qui semble dur.

Mais « rentrer dans son argent » est au-dessus de mes moyens. Il faudrait imaginer follement quelque chose comme un fleuve ou un océan d’argent où on pourrait prendre des bains à telle époque de l’année. On dirait la saison d’argent, comme on dit la saison de Trouville ou d’Evian. En ce cas, on pourrait tout aussi bien rentrer dans l’argent des autres que dans le sien. Or, il paraît que cela ne se fait pas et ne se dit pas.

Pourquoi ?