Essais philosophiques sur l’entendement humain/11


ONZIEME ESSAI.

Sur la providence particulière & sur l’état à venir.


J’étois derniérement en conversation avec un de mes amis, amateur de paradoxes sceptiques. Je n’approuve en aucune façon plusieurs des principes qu’il avança ; cependant, comme ils me paroissent curieux, & qu’ils ont quelque rapport à la chaîne des raisonnemens que j’ai suivie dans mes essais, je vais les mettre ici de mémoire, le mieux que je pourrai, les soumettant au jugement de mon lecteur.

Voici comment la conversation commença. J’admirois le bonheur singulier de la philosophie : une liberté entiere est le grand privilége qu’elle exige ; ce n’est qu’en exposant librement le pour & le contre de toutes les doctrines qu’elle peut véritablement fleurir ; & sa bonne fortune la fait naître justement dans un âge & dans un pays de liberté & de tolérance, où les symboles, les confessions de foi, les loix pénales ne gênent pas même ses principes les plus extravagans[1]. Si l’on excepte le bannissement de Protagoras & la mort de Socrate, qui eut en partie d’autres causes, on trouvera à peine, dans l’histoire ancienne, un exemple de cette bigoterie jalouse & persécutrice dont notre siecle est si infecté. Épicure vécut, à Athenes, en paix & en tranquillité, jusqu’à un âge fort avancé : ses sectateurs[2] furent toujours admis à la dignité sacerdotale : il leur fut permis d’officier aux autels, dans les rites les plus sacrés de leur religion. Le plus sage des Empereurs romains[3] encouragea publiquement[4], par des pensions & par des salaires, les professeurs de toutes les sectes de philosophie sans distinction. Nous concevrons aisément combien la philosophie, dans son berceau, avoit besoin d’un pareil traitement, si nous réfléchissons que, même de nos jours, où l’on peut la supposer plus endurcie & plus robuste, elle ne se soutient qu’avec peine contre l’inclémence des saisons, exposée comme elle l’est aux violens orages de calomnie & de persécution qui fondent sur elle.

Vous admirez, me dit mon ami, comme un singulier bonheur de la philosophie, ce qui ne me paroît être que le résultat du cours naturel des choses, résultat immanquable dans tous les siecles & chez toutes les nations. Cette bigoterie opiniâtre, dont vous vous plaignez, & que vous croyez si fatale à la philosophie, n’est en effet que la fille ingrate de cette même philosophie, qui, après s’être alliée à la superstition, abandonne entièrement les intérêts de sa mere, pour devenir son ennemie & sa persécutrice la plus acharnée. Il n’étoit pas possible que ces dogmes & ces principes spéculatifs de religion, qui sont aujourd’hui le sujet des disputes les plus furieuses, fussent admis, ou qu’on en eût même l’idée dans l’enfance de monde. Le genre humain, plongé alors dans une crasse ignorance, se forgea une idée de religion mieux assortie à sa foiblesse & à sa timidité : les contes & les histoires qui composerent ces opinions sacrées, étoient plutôt les objets d’une foi traditionelle que des matieres d’argumentation & de dispute. Les philosophes produisent des principes & des paradoxes nouveaux ; mais l’allarme qu’on en conçut d’abord s’étant dissipée, ils paroissent avoir vécu depuis, pendant tous les tems de l’antiquité, dans la plus grande harmonie avec la superstition régnante. Ils avoient, en quelque sorte, fait avec elle, à l’amiable, un partage honnête du genre humain, se réservant les sages & les lettrés, & lui cédant la foule & les ignorans[5]. Vous ne me paroissez, repris-je, tenir aucun compte de la politique : vous ne croyez donc pas qu’un sage magistrat puisse justement concevoir de l’ombrage de certaines opinions philosophiques, comme sont celles d’Épicure, qui, niant l’existence de Dieu, & ce qui en est une suite nécessaire, la providence & un état à venir, relâche visiblement les nœuds de la morale & peut être regardé, par conséquent, comme un homme pernicieux au repos de la société civile.

C’est que je fais, répliqua-t-il, qu’en effet ces sortes de persécutions ne naquirent jamais, ni d’un sens rassis, ni d’aucune expérience des suites pernicieuses de la philosophie ; elles furent le fruit des passions & des préjugés. Mais, que diriez-vous si j’allois plus loin, si je soutenois que, quand Épicure eût été accusé, devant le peuple, par quelqu’un des Sycophantes de son tems, il lui eût été aisé de défendre sa cause, en prouvant que les principes de sa philosophie étoient aussi salutaires que ceux de ses accusateurs, malgré le zele outré avec lequel ils s’efforçoient d’armer contre lui la haine & la jalousie du public ?

Je souhaiterois fort, répondis-je, que vous voulussiez essayer votre éloquence sur un sujet aussi extraordinaire, & faire un plaidoyer pour Épicure, tel qu’il l’eût prononcé, propre à contenter, non la canaille d’Athenes, si tant est qu’il y en ait eu dans cette ville, alors si polie ; mais à faire impression sur la partie plus philosophe de son auditoire, sur ceux qu’on peut supposer capables de comprendre des argumens.

À cette condition, dit-il, la chose ne sera pas difficile. Si vous le trouvez bon, je me supposerai Épicure pour un moment : vous serez le peuple Athénien : & je vais vous faire une harangue qui remplira l’urne de fêves blanches, sans en laisser une seule noire qui puisse flatter la malice de mes adversaires.

Fort bien : partez, je vous prie de ces suppositions.

Je parois, ô Athéniens ! dans votre assemblée, pour justifier ce que j’ai soutenu dans mon école ; mais je trouve ici des antagonistes furieux, au lieu de raisonneurs calmes & exempts de passions. Vos délibérations, qui devraient rouler sur le bien public & sur l’intérêt de l’état, substituent à ces grands objets des disputes de philosophie spéculative : ces recherches, peut-être plus stériles encore qu’éblouissantes prennent la place de vos occupations les plus familières & les plus utiles. Je préviendrai cet abus, autant qu’il dépendra de moi. Nous ne disputerons point ici sur l’origine des mondes, & sur la maniere dont ils sont gouvernés ; nous rechercherons simplement jusqu’à quel point de pareilles questions intéressant le public : si je puis vous persuader qu’elles sont totalement indifférentes au bien de la société, à la tranquillité du gouvernement, je me flatte que vous nous renverrez, sans autre forme de procès, à nos écoles, pour y discuter à loisir la question la plus sublime, mais en même-tems la plus abstraite de toute la philosophie.

Vos philosophes religieux, peu satisfaits de la tradition de leurs peres & de la doctrine de leurs prêtres, auxquelles j’acquiesce très volontiers, se laissent aller à une téméraire curiosité, ils essayent jusqu’où ils pourroient établir la religion sur les principes du raisonnement : par-là ils excitent, au lieu de les lever, tous ces doutes qui naissent naturellement d’une recherche trop scrupuleuse. Après avoir peint des plus magnifiques couleurs, l’ordre, la beauté, & le sage arrangement de l’univers, ils demandent si ces admirables indices d’intelligence & de sagesse pourroient être l’ouvrage du concours fortuits des atomes ; si le seul hasard pourroit avoir produit ce que le génie le plus sublime ne peut jamais admirer dignement. Je n’examinerai point la justesse de ce raisonnement ; je lui accorderai toute la solidité que mes antagonistes & mes accusateurs peuvent desirer il me suffira de prouver, par cet argument même, que la question est toute spéculative, & que je ne sappe point la base de la société & du gouvernement, lorsque dans mes recherches philosophiques je nie une providence & un état à venir ; qu’au contraire je n’avance que des principes qu’ils doivent eux-mêmes, selon leurs propres lieux communs, reconnoître pour solides & satisfaisans, s’ils veulent raisonner d’une maniere conséquente.

Vous donc, qui êtes mes accusateurs vous accordez que le principal, ou le seul argument pour l’existence de Dieu (ce que je n’ai jamais contesté), se tire de l’ordre de la nature, où vous voyez tant de marques d’intelligence & de dessein que vous croiriez tomber dans l’extravagance de lui attribuer pour cause, soit le hasard, soit quelque force de la matiere aveugle & sans guide. Vous convenez que cet argument conclut de l’effet à la cause : de l’ordre qui regne dans l’ouvrage, vous inférez qu’il doit y avoir du dessein & de la prévoyance dans l’ouvrier : vous reconnoissez que votre conclusion est défectueuse, en cas que vous ne puissiez pas prouver ce point : & vous ne prétendez pas lui donner une étendue plus grande que celle que les phénomènes de la nature peuvent justifier. Ce sont-là vos aveux ; remarquez à présent, je vous prie, les conséquences que j’en tire.

En concluant d’un effet à sa cause, nous devons les proportionner l’un à l’autre : il ne nous est pas permis d’attribuer à la cause plus de qualités qu’il n’en faut exactement pour produire l’effet. Un corps de dix onces s’élève dans la balance : cela prouve que son contrepoids excede dix onces ; mais cela prouve nullement qu’il excede cent onces. La cause assignée à quelque effet n’est-elle pas suffisante pour le produire ? Il faut, ou la rejetter entièrement, ou lui ajouter des qualités nouvelles, qui puissent rendre complette sa proportion avec l’effet ; mais lui donner des qualités ultérieures, lui attribuer la capacité de produire d’autres effets, c’est se jeter dans la licence des conjectures, c’est supposer ces qualités & ces capacités arbitrairement, sans raison & sans autorité. Les êtres doués d’intelligence & de raison ne different point, à cet égard, de la matiere brute & insensible. Si les causes ne sont connues que par leurs effets, nous ne pouvons jamais leur attribuer d’autres qualités que celles qui sont précisément requises pour la production de ces effets ; & aucune logique ne nous autorise de redescendre d’une cause à d’autres effets que ceux par lesquels nous y étions arrivés. De la contemplation d’un tableau de Zeuxis, personne n’oseroit inférer qu’il n’étoit pas moins habile statuaire et Architecte que peintre, & qu’il réussissoit en pierre & en marbre comme en couleurs. Nous pouvons, en toute sûreté, attribuer à un ouvrier les talens & le goût que nous voyons briller dans son ouvrage, la cause doit être proportionnée à son effet ; mais, si nous la lui proportionnons avec précision & exactitude, nous n’y trouverons jamais des attributs qui portent plus loin, je veux dire, qui s’étendent de nouvelles vues & de nouvelles productions ; car, il est clair que de semblables attributs devroient être quelque chose de plus que ce qui est requis pour produire l’effet que nous considerons.

En accordant donc que les Dieux soient les auteurs de l’existence de l’univers & de l’ordre qui y regne, il s’ensuit de-là qu’ils possedent ce degré précis d’intelligence, de pouvoir, de bienveillance, qui éclate dans leur ouvrage ; mais il n’en résulte rien de plus, à moins que nous ne voulions suppléer, par des exagérations & des flatteries, aux lacunes de nos preuves & de nos raisonnemens. Nous sommes en droit de conclure l’existence des attributs dont nous voyons les traces, & dans le degré où nous les voyons, pour d’autres attributs, nous ne pouvons en faire l’objet que d’hypotheses arbitraires. Elles le seront d’autant plus, si nous allons jusqu’à supposer que dans des lieux ou des tems différens, ces vertus imaginaires se sont déployées, ou se déployeront avec plus de magnificence, & si nous nous forgeons des plans d’administration plus accommodés à notre fantaisie. Après nous être élevés de l’univers, qui est l’effet, à Jupiter, qui est la cause, il ne nous est plus permis de descendre de cette cause à de nouveaux effets, comme si ceux qui existent présentement n’étoient pas assez dignes des glorieux attributs dont nous revêtons cette divinité. La connoissance des causes n’étant dûe qu’à celle des effets il doit y avoir une proportion exacte entre les uns & les autres. C’est-là le terme où l’on doit s’arrêter ; on ne rencontre rien au-delà qui puisse devenir le fondement d’aucune nouvelle conclusion.

Or que faites-vous ? La nature vous offre certains phénomènes : vous en cherchez l’auteur, ou la cause ; & vous imaginant de l’avoir trouvée, vous devenez si amoureux de cette production de votre cerveau que vous vous figurez qu’il seroit impossible qu’elle n’eût donné l’être qu’à la scene présente du monde, scene si remplie de maux & de désordres. Vous oubliez que cette intelligence & cette bonté suprêmes ne sont que de pures chimeres, ou qu’elles n’ont du moins aucun fondement raisonnable ; & que vous n’avez point le droit d’orner votre divinité de qualités que vous n’avez jamais vu éclater dans ses ouvrages. Accommodez donc vos Dieux, ô philosophes, aux phénomènes présens de la nature ; & ne prétendez pas altérer ces phénomènes, pour les accommoder aux attributs que vous donnez à vos Dieux avec une si tendre libéralité. Lorsque les prêtres & poëtes, appuyés de votre autorité, ô Athéniens, me parlent de ces âges d’or & d’argent qui ont précédé cette scene actuelle de vices & de misere, je les écoute avec attention & avec respect. Mais j’avoue que je ne me sens pas cette soumission humble, ni cette pieuse déférence lorsque des philosophes, qui se font fort de négliger l’autorité & de cultiver la raison, me tiennent les mêmes propos. Alors je demande, qui les a transporté dans les régions célestes ? Quand ont-ils été admis au conseil des destinées, pour leur apprendre positivement que leurs divinités ont exécuté ou qu’elles exécuteront des choses que nous n’appercevons pas actuellement ? Me diront-ils que l’échelle de la raison les a fait remonter des effets aux causes ? Je répondrai que, s’ils ne s’étoient pas aidés des ailes de leur imagination, ils ne seroient jamais parvenus à renverser leur propre méthode, au point d’argumenter des causes aux effets & qu’ils n’auroient jamais présumé que des être aussi parfaits, que le sont leurs Dieux, dussent produire un ouvrage plus parfait que ne l’est le monde présent, puisqu’ils n’ont aucune raison de mettre dans ces substances célestes plus d’attributs, ni plus de perfection, que ce monde n’en exige. De-là cette stérile industrie pour rendre raison des maux de la nature & pour sauver l’honneur des Dieux, dans le même tems que nous sommes forcés de reconnoître la réalité de ces maux & de ces miseres dont l’univers abonde. On nous dit que ce qui a limité le pouvoir & la bienfaisance de Jupiter, ce qui l’a obligé à créer les hommes & toutes les créatures sensibles si imparfaites & si malheureuses, ce sont les qualités défectueuses & incorrigibles de la matiere, la nécessité d’observer des loix générales, & d’autres raisons de cette trempe. Ainsi l’on prend le pouvoir & la bonté pour des attributs que tout le monde reconnoît dans leur plus grande étendue. Je conviens que, dans cette suposition, on pourrait peut-être recevoir ces conjectures pour des solutions plausibles de phénomène du mal. Mais, j’insiste ; pourquoi prendre ces attributs pour universellement reconnus ? Pourquoi attribuer à une cause des qualités qui ne se montrent point dans son effet ? Pourquoi mettre son esprit à la gêne, pour justifier le cours de la nature par des hypotheses, peut-être imaginaires, & dont après tout cette même nature ne présente aucun vestige ?

Ainsi l’hypothese de la religion ne peut être regardée que comme une méthode particulière d’expliquer les phénomenes de l’univers visible ; mais un homme qui se pique de raisonner juste, n’osera jamais en inférer un seul fait : il n’osera, par cette méthode, ni rien changer dans les phénomènes, ni y rien ajouter. Si vous pensez qu’ils prouvent des causes à votre façon, à vous permis de conclure l’existence de ces causes. Dans des sujets aussi compliqués & aussi profonds chacun devroit donner libre carrière à ses conjectures & à ses raisonnemens. Mais tenez-vous-en là. Si vous rebroussez chemin, si argumentant des causes mêmes auxquelles vos argumens viennent de vous conduire, vous concluez quelque autre fait, soit passé, soit à venir, qui doive servir à une manifestation plus particulière de certains attributs, je dois vous avertir que vous avez quitté la méthode de raisonner que votre sujet exige, & qu’il faut certainement que vous ayiez ajouté aux attributs de la cause quelque chose au-delà de ce qui paroît dans l’effet ; puisqu’autrement vous n’eussiez pu, dans aucun sens raisonnable, ajouter à l’effet ce qui peut le rendre plus digne de la cause.

En quoi donc cette doctrine que j’enseigne dans mon école, ou plutôt que j’examine dans mes jardins, est-elle odieuse ? Ou qu’y a-t-il dans toute cette question qui intéresse, le moins du monde, la bonne morale, ou la paix & l’ordre de la Société ? Je nie, dites-vous, une providence & un chef suprême de monde, réglant le cours des événemens, punissant le vice par les traverses & par l’infamie, couronnant la vertu de gloire & de succès. Assurément, je ne nie pas le cours même des événemens : il s’offre aux recherches & à l’examen d’un chacun. Je conviens que dans la constitution présente des choses la vertu est accompagnée d’une plus grande paix intérieure que le vice, & que le monde lui fait un accueil plus favorable. Je sens, par l’expérience du passé, que l’amitié est le souverain plaisir de la vie, & la modération l’unique source de la tranquillité & du bonheur. Je ne balance jamais entre la vie vertueuse & la vie criminelle ; un esprit bien fait s’apperçoit que tout l’avantage est du côté de la premiere. Mais, toutes vos suppositions & tous vos raisonnemens, que m’apprennent-ils de plus ? Vous me dites, à la vérité, que cet argument des choses vient d’une intelligence & d’un dessein ; mais de quoi qu’il vienne, il est toujours le même par rapport à notre bonheur & à notre malheur, & par conséquent à notre vie & à notre conduite. Il m’est toujours aussi permis qu’à vous de me régler sur l’expérience des événemens passés. S’il vous plaît de vous appuyer sur une providence divine, & de soutenir que sous une justice distributive, souveraine dans l’univers, les bons peuvent s’attendre à des faveurs particulières, & les méchans doivent craindre des punitions extraordinaires, dispensées hors du cours naturel des événemens, je vous ferai encore ici remarquer la même erreur dont j’ai déjà tâché de vous convaincre. Vous vous obstinez à vous imaginer que l’existence divine, à laquelle vous prenez un si sérieux intérêt, étant accordée, il vous sera permis d’en tirer telles conséquences que vous voudrez, & d’aller au-delà de l’ordre connu de la nature, en argumentant d’après ces attributs que vous aurez prêtés à vos Dieux. Vous ne vous souvenez donc plus que dans ce sujet on ne peut raisonner que des effets aux causes : & que tout argument qui procede des causes aux effets doit nécessairement être un sophisme grossier ; puisqu’il est impossible de connoître quoi que ce soit d’une cause, que l’on n’ait auparavant, je ne dis pas connu par voie de conséquence, mais pleinement découvert dans son effet. Mais, quel jugement doit porter un philosophe de ses vains raisonneurs qui, au lieu de regarder la vie présente & la scene actuelle demande comme le seul objet de leur contemplation, renversent le cours de la nature jusqu’en faire qu’un passage à quelque chose de lointain, un portique qui conduit à un palais plus vaste, mais tout-à-fait différent, un prologue qui ne sert qu’à préparer la pièce, & à lui donner plus de grâce & de convenance ? D’où pensez-vous que ces philosophes prennent l’idée qu’ils se font des Dieux ? Vient-elle d’ailleurs que de leur cerveau & de leur fantaisie ? Si elle étoit copiée d’après les phénomènes admis, iroit-elle plus loin que ces phénomènes ? Ne leur seroit-elle pas exactement ajustée ? Que peut-être la divinité possede des attributs dont nous ne lui avons jamais vu donner des marques ; que peut-être elle regle ses actions sur des principes dont nous n’avons jamais découvert l’exercice ; tout cela doit être accordé gratuitement. Mais après tout, ce ne sontlà que des possibilités & des hypotheses : il n’y a pas la moindre raison d’établir ces attributs & ces principes d’action, qu’autant que nous savons qu’ils se sont déployés, & & qu’ils ont été réduits en acte.

Y a-t-il, dans le monde, des marques d’une justice distributive ? Si vous répondez affirmativement, je conclus que puisque la justice se déploie elle-même ici bas, elle est satisfaite ici bas. Si vous répliquez négativement, je conclus que c’est donc sans raison que vous nommez les Dieux justes. Si vous tenez un milieu entre l’affirmative & la négative, en disant que la justice divine s’exerce ici en partie, mais qu’elle ne s’exerce pas dans toute son étendue ; je dis que vous n’avez aucun droit de fixer cette étendue, aucune raison de la pousser au delà de ce que vous lui voyez faire actuellement.

Ainsi, ô Athéniens, je réduis toute ma dispute avec mes antagonistes à un point aisé à décider. Le cours de la nature est exposé à ma contemplation & à la leur. L’expérience lève son étendart, je veux dire, qu’elle nous montre le train ordinaire des événemens ; & nous le suivons dans toute notre conduite : on ne doit s’en rapporter à autre chose, ni à la guerre, ni dans le conseil : on y devroit faire uniquement attention & dans l’école & dans le cabinet. En vain notre faible entendement voudroit-il rompre ces barrières, trop étroites pour les folles imaginations qui-nous dominent. Tirer du cours de la nature un argument pour établir l’existence d’une cause individuelle, intelligente, d’un être auteur & conservateur de l’ordre du monde, c’est poser un principe également, incertain & inutile : incertain, parce que le sujet dont il s’agit est entièrement hors de la portée de l’expérience humaine : inutile, parce que la connoissance que nous avons de cette cause étant entièrement bâtie sur l’expérience, nous ne pouvons pas, en bonne logique, partir de cette cause & retourner en arriere pour former de nouvelles inductions, puisque nous ne pouvons rien, ajouter au cours connu & expérimenté de la nature, dans la vue d’y fonder de nouveaux principes de vie & de conduite.

Voyant que mon ami avoit fini sa harangue : vous n’avez pas négligé, lui dis-je, l’artifice des anciens orateurs : me faisant tenir la place de peuple, vous vous êtes insinué dans ma faveur en embrassant des principes pour lesquels vous m’avez toujours connu un attachement particulier. Mais, si je vous permets de faire de l’expérience, comme je crois en effet qu’on doit le faire, la seule regle de vos jugemens sur cette question, & sur toutes les autres questions de fait, je ne doute pourtant pas qu’on ne puisse réfuter, par cette expérience même à laquelle vous provoquez, le raisonnement que vous avez mis dans la bouche d’Épicure. Si vous voyiez, par exemple, un bâtiment à moitié fini, entouré d’un amas de briques, de pierres, & de ciment, avec tous les outils de maçonnerie ; ne concluriez-vous pas par l’effet que c’est-là un ouvrage de l’art, fait à dessein ? Et partant derechef de cette cause, ne pourriez vous pas conclure encore que son effet recevra de nouveaux accroissemens ; que le bâtiment s’achèvera bientôt ; & que l’architecture continuera à y mettre les perfections qui lui conviennent ? Si vous voyiez la trace d’un pied humain, imprimée sur le rivage de la mer, vous concluriez qu’un homme y a passé, & qu’il y avoit aussi laissé la trace de l’autre pied, quoique effacée ensuite, soit par l’écroulement de sable, soit par des inondations. Pourquoi donc refuseriez-vous d’admettre le même raisonnement par rapport à l’ordre de la nature ? Vous n’avez qu’à considérer le monde & la vie présente comme un bâtiment imparfait, qui donne cependant des marques d’une intelligence supérieure : si vous partez ensuite de cette intelligence, qui ne peut rien laisser dans l’imperfection, qu’est-ce qui vous empêchera de conclure la réalisation d’un plan plus fini, qui doit recevoir son accomplissement dans des espaces éloignés ou dans des tems reculés ? Ces deux manieres d’argumenter étant exactement semblables, sous quel prétexte pourriez-vous embrasser l’une, tandis que vous rejetteriez l’autre ?

L’infinie différence des sujets, répondit-il, seroit une raison suffisante de la différence que je mettrais dans mes argumens & dans mes conclusions à cet égard. Les ouvrages d’invention humaine permettent d’aller de l’effet à la cause, de revenir de la cause à l’effet, de former de nouvelles inductions touchant ce dernier, & d’examiner le changement que vraisemblablement il a subi, ou qu’il peut subir encore. Mais, quelle est la base de cette façon de raisonner ? C’est que l’homme est un être connu par l’expérience ; c’est que ses desseins & ses motifs nous sont familiers ; c’est que ses projets & ses inclinations ont une liaison & sont un tout, conformément aux loix que la nature a établies pour sa conduite. Trouvant donc un ouvrage qui procede de l’art & de l’industrie de l’homme, & étant d’ailleurs instruit de la nature de cet animal, nous pouvons tirer, sur ce qu’on en peut attendre, une infinité d’inductions, qui seront toutes fondées sur l’observation & sur l’expérience. Mais, si nous ne connoissions l’homme que par l’examen d’un seul de ses ouvrages, il nous seroit impossible d’argumenter de cette façon ; à cause qu’en ce cas-là, toutes les qualités que nous lui connoîtrions étant prises de ce seul ouvrage, elles ne pourroient jamais nous mener plus loin, ni devenir le fondement d’aucune nouvelle conclusion. L’empreinte d’un pied sur le sable, envisagée toute seule, ne prouve autre chose si ce n’est qu’elle a été produite par l’application d’une figure qui a les mêmes dimensions ; au lieu que l’empreinte d’un pied humain prouve, par le secours d’autres expériences, que vraisemblablement il y a eu une seconde empreinte, effacée par le tems, ou par d’autres accidens. Ici nous remontons de l’effet à la cause, & nous redescendons de la cause à l’effet, pour inférer les altérations faites dans le dernier ; mais ce n’est point par la continuation d’une série simple, & d’une même chaîne de raisonnemens : il y entre cent expériences & cent observations diverses, sans lesquelles cette méthode d’argumenter devroit être regardée comme tout-à-fait erronée & sophistique.

Il n’en est pas de même des preuves que nous tirons des ouvrages de la nature. Nous ne connoissons la divinité que par ses productions : comme elle est un être unique dans l’univers, nous ne pouvons la ranger sous aucune espece, ni sous aucun genre, dont les attributs, connus par expérience, puisse nous donner le droit de former des analogies par rapport aux liens. Autant que l’univers montre de sagesse est de bonté, autant nous concluons que Dieu & sage & bienfaisant. Quand un degré particulier de ces perfections brille dans quelque effet, nous attribuons à son auteur ce degré-là, exactement proportionné au cas dont il s’agit ; mais la saine logique nous défend de lui donner, soit par voie d’argument, soit par voie de supposition, plus d’attributs, ou les mêmes attributs dans un plus haut degré. Or, ce ne seroit qu’en prenant de pareilles licences que nous pourrions argumenter de la cause, & en induire des changemens, arrivés dans l’effet, que nous n’aurions jamais immédiatement observés. Un plus grand bien sera produit par cet être ; il possede donc un plus haut degré de bonté. Les récompenses & les punitions seront distribuées avec moins de partialité ; cela prouve une justice & une équité supérieure. Chaque addition que l’on suppose faite aux ouvrages de la nature, est le fondement de celle qu’on fait aux attributs de son auteur : & par conséquent lorsque toutes ces additions, prises ensemble, n’ont aucune raison, aucun argument pour base, elles ne peuvent jamais être admises qu’en qualité de conjectures & d’hypotheses.

En général, nous pouvons, je crois, établir la maxime ; que là où une cause n’est connue que par ses effets particuliers, il est impossible d’en inférer de nouveaux effets. Car les qualités qui devraient se joindre aux précédentes pour produire ces nouveaux effets, devraient être, ou différentes, ou supérieures en degré, ou d’une activité plus étendue que n’étoient celles qui ont produit simplement le premier effet, lorsque nous sommes sensés ne connoître que la cause précise de celui-là[6]. Donc nous ne pouvons jamais avoir la moindre raison de supposer ces qualités. La grande source de nos erreurs sur ce sujet, & de la licence démesurée des conjectures auxquelles nous nous livrons, c’est que nous mettant tacitement à la place du souverain Être, nous jugeons qu’il doit toujours tenir la même conduite, que dans sa situation nous aurions choisie comme la meilleure & la plus raisonnable[7]. Mais, outre que

le cours ordinaire de la nature peut déjà nous convaincre que presque toutes choses sont réglées par des principes & des maximes très-différentes des nôtres ; outre cela, dis-je, il est évidemment contraire à toutes les loix de l’analogie de conclure des intentions & des projets des hommes, aux intentions & aux projets d’un Être qui est si fort au-dessus des hommes. L’expérience nous découvre, en nous-mêmes & dans nos semblables, une certaine solidité & une sorte de liaison d’idées & de desseins : c’est pourquoi, quand nous avons appris à connoître les intentions de certaines personnes dans certains cas, nous pouvons souvent déduire raisonnablement les unes des autres, & former une longue chaîne de conclusions qui ont pour objet leur conduite passée ou à venir. Mais, cette méthode ne sauroit avoir lieu par rapport à un Être aussi éloigné & aussi incompréhensible que Dieu, un Être qui a moins d’analogie avec quelque autre être du monde que ce soit, que le Soleil n’en a avec une bougie, un Être qui ne se manifeste que par quelques traces, par quelques traits effacés au-delà de quoi nous n’avons aucun droit de supposer en lui d’autres attributs, ni d’autres perfections. Ce que nous prenons pour perfection Supérieure pourroit, dans le fond, être un défaut ; mais, fût-ce une perfection, la bonne logique & la saine philosophie ne l’attribueroient pourtant jamais à la divinité, tant quelle n’éclatera pas pleinement dans ses ouvrages : cela sentiroit trop le flatteur & le panégyriste. Il n’y a donc ni philosophie, ni religion (& celle-ci n’est autre chose qu’une espece de philosophie,) qui puisse nous mener plus loin que l’expérience ou nous prescrire des regles de conduite différentes de celles dont nous sommes redevables aux réflexions que nous faisons sur la vie commune. L’hypothese de la religion ne peut nous démontrer aucun fait nouveau : elle ne peut nous faire prévoir ni prédire aucun événement, nous faire espérer aucune récompense, ni craindre aucune punition, outre ce que nous connoissons déjà par voie de l’expérience & de l’observation. Ainsi, mon apologie pour Épicure demeure solide & satisfaisante : & les intérêts politiques de la société ne dépendent en rien des disputes philosophiques sur les sciences abstraites & sur la religion.

Il y a encore, répartis-je, une circonstance à considérer, que vous avez omise. Quand je vous accorderois vos prémisses, je nierois toujours votre conclusion. Vous concluez que les doctrines religieuses, & les argumens qu’on en dérive, ne peuvent avoir d’influence sur notre conduite & vous vous fondez sur ce qu’ils ne doivent point en avoir. Vous ne considérez pas que les hommes raisonnent autrement que vous, que la croyance d’un Dieu leur fournit plusieurs conséquences : & qu’ils supposent que ce Dieu infligera au crime des peines, & accordera à la vertu des récompenses, qui ne sont point comprises dans le cours ordinaire de la nature. Il n’importe ici que ce raisonnement soit juste ou non ; son influence sur la vie humaine demeure toujours la même, Ceux qui s’efforcent de désabuser le genre humain de ces sortes de préjugés, sont peut-être de bons raisonneurs ; mais, je ne saurois les reconnoître pour bons citoyens, ni pour bons politiques ; puisqu’ils affranchissent les hommes d’un des freins de leurs passions, & qu’ils rendent l’infraction des loix de l’équité & de la société plus aisée & plus sûre à cet égard[8].

Après tout, je pourrois peut-être adopter votre conclusion générale en faveur de la liberté de penser, mais sur des prémisses différentes des vôtres. Je pense que l’état doit tolérer tous les principes de philosophie ; puisqu’il n’y a aucun exemple que les intérêts politiques du gouvernement aient souffert d’une pareille indulgence. Il n’y a point d’enthousiasme chez les philosophes[9] : leurs doctrines ne sont pas fort attrayantes pour le peuple : & on ne sauroit mettre de frein à leurs raisonnemens, qui n’entraîne des suites dangereuses pour les sciences, & pour l’état même, en frayant le chemin à la persécution & à l’oppression sur des points auxquels les hommes en général doivent prendre le plus grand intérêt.

Au reste, poursuivis-je, il se présente une difficulté touchant le sujet même que vous avez traité ; mais, je la proposerai sans la presser, de peur qu’elle ne m’engage dans des raisonnemens d’une nature trop subtile & trop délicate. Pour l’exprimer en un mot, je doute fort qu’il soit possible, comme vous l’avez supposé dans tout votre discours, de connoître une cause uniquement par son effet ; ou, pour dire la chose autrement, qu’il puisse y avoir une cause d’une nature si singuliere & si unique, quelle n’admette aucune cause parallele, & n’ait aucun rapport, aucune ressemblance avec les autres objets qui s’offrent à notre considération. Nous ne saurions inférer un objet de l’autre qu’après avoir remarqué une liaison constante entre leurs especes : & si l’on nous présentoit un effet entiérement unique, qui ne pût être compris sous aucune espece connue ; je ne vois pas que nous puissions former aucune induction ni conjecture sur sa cause. Si l’expérience, l’observation & l’analogie, sont en effet nos seuls guides raisonnables dans ces sortes d’inductions ; il faut que l’effet & la cause, tout ensemble, ressemblent à d’autres effets & d’autres causes, qui nous soient connus, & que nous ayions trouvés fréquemment unis. Je vous laisse à réfléchir sur ce principe, & à en suivre les conséquences ; je ne ferai que toucher une observation. C’est que les antagonistes d’Épicure supposent partout que l’univers est un effet tout-à-fait isolé, unique dans son espece, & qui n’a rien de parallele : après quoi ils en font la preuve de l’existence d’une divinité, cause également isolée, & hors de tout parallele. Vos raisonnemens sur cette supposition me paroissent au moins très-dignes d’attention. Je reconnois qu’il y a de la difficulté à concevoir comment on peut retourner de la cause à l’effet, & en raisonnant d’après les idées tirées de la premiere, en inférer des changemens, ou des additions, qu’on supposeroit dans le dernier.


  1. Heureuse prérogative, dont la société retire tous les jours d’admirables avantages, dans ce déluge d’écrits où l’on ne reconnoît aucune regle de bienséance ; aucune barrière sacrée ! L’Angleterre s’en est ressentie d’une maniere bien funeste ; & c’est peut-être le plus grand principe de sa décadence. Voyez le discours de M. de Haller, qui est à la tête du Triomphe de l’Évidence. Note de l’Éditeur.
  2. Luciani Συμπἰσιον ἆ Δἀπιδαι.
  3. Luciani & Dio.
  4. Idem Ευνᾶχοϛ.
  5. Il est aisé de sentir que la fausse philosophie & toute fausse religion peuvent s’accommoder sans peine, & transiger ensemble à leur gré. Mais, c’est précisément le caractere de la vraie religion de ne pouvoir admettre les écarts d’une philosophie faussement ainsi nommée ; & le devoir naturel de sa propre conservation l’oblige à réprimer cette philosophie, toutes les fois qu’elle travaille à détruire la religion. Or, voilà ce que les Hume & leurs semblables ne sauroient digérer ; voilà ce qu’ils appellent bigoterie & persécution. Sont-ils fondés à tenir ce langage ? Et que feroient-ils du genre humain, si on leur en abandonnait la conduite ? Cæci ducerens cæcos in forcam. Note de l’Éditeur.
  6. On n’écartera par la difficulté, en disant que les nouveaux effets procedent de la continuation de la même énergie qui s’est déjà manifestée par les premiers effets. Car, supposons que ce soit le cas, & on ne peut le supposer que très-rarement, cette continuation, ou plutôt cette opération d’une énergie semblable, ( car il est impossible que ce soit rigoureusement la même dans des tems & des espaces différens, ) ne sera qu’une hypothese des plus gratuites, & donc on ne sauroit trouver la moindre trace dans les effets, d’où cependant toute la connoissance que nous avons des causes tire son origine. Dès que la cause inférée est proportionnée, comme elle doit l’être, à l’effet connu, il est impossible qu’elle possede des qualités dont on puisse conclure de nouveaux ou de différens effets. Note de l’auteur.
  7. C’est l’antropomorphisme subtil ; & si M. Hume se bornoit à l’attaquer, il rendroit service à la philosophie & à la théologie, qui ont été fort gâtées par cette façon de penser, d’autant plus dangereuse qu’elle est naturelle à l’homme, & qu’il ne peut s’en défaire qu’à l’aide d’un degré fort rare de raison épurée. Mais, notre philosophe, au lieu de remédier à cet inconvénient, s’expose à un autre beaucoup plus grand, se jette dans une extrémité qui interdit à l’homme l’usage le plus légitime de la faculté de raisonner. Il y a de l’ordre & des beautés incontestables dans cette portion infiniment petite d’espace que j’observe pendant une durée infiniment petite de tems. Donc la vie & la connoissance de tout ce qui existe, a existé, & existera dans tous les tems, découvriroit à une intelligence capable de l’embrasser un ordre tout autrement admirable, & des beautés bien supérieures. Si ce raisonnement est vicieux ou faux, il n’y a plus de logique. Note de l’Éditeur.
  8. Proprio gladio se jugulat. Que tous les incrédules du monde, que tous ceux qui élevent aux nues cette précieuse liberté de penser, dont ils font un usage si pernicieux, répondent à ce raisonnement, ou qu’ils renoncent à la qualité de bons citoyens. Note de l’Éditeur.
  9. Il y en a souvent mille fois plus que chez ceux dont la dévotion approche du fanatisme. Et au défaut de l’enthousiasme, l’orgueil & d’autres passions font le même effet. Note de l’Éditeur.