Essai philosophique concernant l’entendement humain/Livre 4/Chapitre 4


CHAPITRE IV.

De la Réalité de notre Connoiſſance.


§. 1. Objection : Si notre connoiſſance eſt placée dans nos idées, elle peut être toute chimerique.
JE ne doute point qu’à préſent il ne puiſſe venir dans l’Eſprit de mon Lecteur que je n’ai travaillé jusqu’ici qu’à bâtir un château en l’air, & qu’il ne ſoit tenté de me dire, « A quoi bon tout cet étalage de raiſonnemens ? La Connoiſſance, dites-vous, n’eſt autre choſe que la perception de la convenance ou de la disconvenance de nos propres idées. Mais qui fait que ce que peuvent être ces Idées ? Y a-t-il rien de ſi extravagant que les Imaginations qui ſe forment dans le cerveau des hommes ? Où eſt celui qui n’a pas quelque chimère dans la tête ? Et s’il y a un homme d’un ſens raſſis & d’un jugement tout-à-fait ſolide, quelle différence y aura-t-il, en vertu de vos Règles, entre la Connoiſſance d’un tel homme, & celle de l’Eſprit le plus extravagant du monde ? Ils ont tous deux leurs idées ; & apperçoivent tous deux la convenance ou la disconvenance qui eſt entre elles. Si ces Idées différent par quelque endroit, tout l’avantage ſera du côté de celui qui a l’imagination la plus échauffée, parce qu’il a des idées plus vives & en plus grand nombre ; de ſorte que ſelon vos propres Règles il aura auſſi plus de connoiſſance. S’il eſt vrai que toute la Connoiſſance conſiſte uniquement dans la perception de la convenance ou de la disconvenance de nos propres Idées, il y aura autant de certitude dans les Viſions d’un Enthouſiaſte que dans les raiſonnemens d’un homme de bon ſens. Il n’importe ce que les choſes ſont en elles-mêmes, pourvû qu’un homme obſerve la convenance de ſes propres imaginations & qu’il parle conſéquemment, ce qu’il dit eſt certain, c’eſt la vérité toute pure. Tous ces Châteaux bâtis en l’air ſeront d’auſſi fortes Retraites de la Vérité que les Démonſtrations d’Euclide. A ce compte, dire qu’une Harpye n’eſt pas un Centaure, c’eſt auſſi bien une connoiſſance certaine & une vérité, que de dire qu’un Quarré n’eſt pas un Cercle.

Mais de quel uſage ſera toute cette belle Connoiſſance des imaginations des hommes, à celui qui cherche à s’inſtruire de la réalité des Choſes ? Qu’importe de ſavoir ce que ſont les fantaiſies des hommes ? Ce n’eſt que la connoiſſance des Choſes qu’on doit eſtimer, c’eſt cela ſeul qui donne du prix à nos Raiſonnemens, & qui fait préferer la Connoiſſance d’un homme à celle d’un autre, je veux dire la connoiſſance de ce que les Choſes ſont réellement en elles-mêmes, & non une connoiſſance de ſonges & de viſions ».

§. 2.Réponſe : notre connoiſſance n’eſt pas chimérique, par-tout où nos Idées s’accordent avec les choſes. A cela je répons, que ſi la Connoiſſance que nous avons de nos Idées, ſe termine à ces idées ſans s’étendre plus avant lors qu’on ſe propoſe quelque choſe de plus, nos plus ſérieuſes penſées ne ſeront pas d’un beaucoup plus grand uſage que les reveries d’un Cerveau déreglé ; & que les Véritez fondées ſur cette Connoiſſance ne ſeront pas d’un plus grand poids que les diſcours d’un homme qui voit clairement les choſes en ſonge, & les débite avec une extrême confiance. Mais avant que de finir, j’eſpére montrer évidemment que cette voye d’acquerir de la certitude par la connoiſſance de nos propres idées renferme quelque choſe de plus qu’une pure imagination ; & en même temps il paroîtra, à mon avis, que toute la certitude qu’on a des véritez générales, ne renferme effectivement autre choſe.

§. 3. Il eſt évident que l’Eſprit ne connoit pas les choſes immédiatement, mais ſeulement par l’intervention des idées qu’il en a. Et par conſéquent notre Connoiſſance n’eſt réelle, qu’autant qu’il y a de la conformité entre nos Idées & la réalité des Choſes. Mais quel ſera ici notre Criterion ? Comment l’Eſprit qui n’apperçoit rien que ſes propres idées, connoîtra-t-il qu’elles conviennent avec les choſes mêmes ? Quoi que cela ne ſemble pas exempt de difficulté, je croi pourtant qu’il y a deux ſortes d’Idées dont nous pouvons être aſſûrez qu’elles ſont conformes aux choſes.

§. 4.Et prémiérement, de ce nombre ſont toutes les idées ſimples. Les prémiéres ſont les Idées ſimples ; car puisque l’Eſprit ne ſauroit en aucune maniére ſe les former à lui-même, comme nous l’avons fait voir, il faut néceſſairement qu’elles ſoient produites par des choſes qui agiſſent naturellement ſur l’Eſprit & y font naître les perceptions auxquelles elles ſont appropriées par la ſageſſe & la volonté de Celui qui nous a faits. Il s’enſuit de là que les idées ſimples ne ſont pas des fictions de notre imagination, mais des productions naturelles & réguliéres de Choſes exiſtantes hors de nous, qui opérent réellement ſur nous ; & qu’ainſi elles ont toute la conformité à quoi elles ſont deſtinées, ou que notre état exige : car elles nous repréſentent les choſes ſous les apparences que les choſes ſont capables de produire en nous, par où nous devenons capables nous-mêmes de diſtinguer les Eſpèces des ſubſtances particuliéres, de diſcerner l’état ou elles ſe trouvent, & par ce moyen de les appliquer à notre uſage. Ainſi, l’idée de blancheur, ou d’amertume telle qu’elle eſt dans l’Eſprit étant exactement conforme à la Puiſſance qui eſt dans un Corps d’y produire une telle idée, à toute la conformité réelle qu’elle peut ou doit avoir avec les choſes qui exiſtent hors de nous. Et cette conformité qui ſe trouve entre nos idées ſimples & l’exiſtence des choſes, ſuffit pour nous donner une connoiſſance réelle.

§. 5.Secondement, toutes les Idées complexes, excepté celles des Subſtances. En ſecond lieu, toutes nos Idées complexes, excepté celles des Subſtances, étant des Archetypes que l’Eſprit a formez lui-même, qu’il n’a pas deſtiné à être des copies de quoi que ce ſoit, ni rapportez à l’exiſtence d’aucune choſe comme à leurs originaux, elles ne peuvent manquer d’avoir toute la conformité néceſſaire à une connoiſſance réelle. Car ce qui n’eſt pas deſtiné à repréſenter autre choſe que ſoi-même, ne peut être capable d’une fauſſe repréſentation, ni nous éloigner de la juſte conception d’aucune choſe par ſa diſſemblance d’avec elle. Or excepté les idées de Subſtances, telles ſont toutes nos idées complexes qui, comme j’ai fait voir ailleurs, ſont des combinaiſons d’Idées que l’Eſprit joint enſemble par un libre choix, ſans examiner ſi elles ont aucune liaiſon dans la Nature. De là vient que toutes les idées de cet Ordre ſont elles-mêmes conſiderées comme des Archetypes ; & les choſes ne ſont conſiderées qu’entant qu’elles y ſont conformes. De ſorte que nous ne pouvons qu’être infailliblement aſſûrez que toute notre Connoiſſance touchant ces idées eſt réelle, & s’étend aux choſes mêmes, parce que dans toutes nos Penſées, dans tous nos Raiſonnemens & dans tous nos Diſcours ſur ces ſortes d’Idées nous n’avons deſſein de conſiderer les choſes qu’autant qu’elles ſont conformes à nos Idées ; & par conſéquent nous ne pouvons manquer d’attraper ſur ce ſujet une réalité certaine & indubitable.

§. 6.C’eſt ſur cela qu’eſt fondée la réalité des Connoiſſances Mathématiques. Je ſuis aſſuré qu’on m’accordera ſans peine que la Connoiſſance que nous pouvons avoir des Véritez Mathematiques, n’eſt pas ſeulement une connoiſſance certaine, mais réelle, que ce ne ſont point de ſimples viſions, & des chimeres d’un cerveau fertile en imaginations frivoles. Cependant à bien conſiderer la choſe, nous trouverons que toute cette connoiſſance roule uniquement ſur nos propres idées. Le Mathematicien examine la vérité & les propriétez qui appartiennent à un Rectangle ou à un Cercle, à les conſiderer ſeulement tels qu’ils ſont en idée dans ſon Eſprit ; car peut-être n’a-t-il jamais trouvé en ſa vie aucune de ces Figures, qui ſoient mathematiquement, c’eſt-à-dire, préciſément & exactement véritables. Ce qui n’empêche pourtant pas que la connoiſſance qu’il a de quelque vérité ou de quelque propriété que ce ſoit, qui appartienne au Cercle ou à toute autre Figure Mathematique, ne ſoit veritable & certaine, même à l’égard des choſes réellement exiſtantes, parce que les choſes réelles n’entrent dans ces ſortes de Propoſitions & n’y ſont conſiderées qu’autant qu’elles conviennent réellement avec les Archetypes qui ſont dans l’Eſprit du Mathematicien. Eſt-il vrai de l’idée du Triangle que ſes trois Angles ſont égaux à deux Droits ? La même choſe eſt auſſi véritable d’un Triangle, en quelque endroit qu’il exiſte réellement. Mais que toute autre Figure actuellement exiſtante, ne ſoit pas exactement conforme à l’idée du Triangle qu’il a dans l’Eſprit, elle n’a abſolument rien à démêler avec cette Propoſition. Et par conſéquent le Mathematicien voit certainement que toute ſa connoiſſance touchant ces ſortes d’Idées eſt réelle ; parce que ne conſiderant les choſes qu’autant qu’elles conviennent avec ces idées qu’il a dans l’Eſprit, il eſt aſſûré, que tout ce qu’il fait ſur ces Figures, lorſqu’elles n’ont qu’une exiſtence idéale dans ſon Eſprit, ſe trouvera auſſi véritable à l’égard de ces mêmes Figures ſi elles viennent à exiſter réellement dans la Matiére : ſes reflexions ne tombent ſur ces Figures, qui ſont les mêmes, où qu’elles exiſtent, & de quelque maniére qu’elles exiſtent.

§. 7.Et la réalité des connoiſſances Morales. Il s’enſuit de là que la connoiſſance des Véritez Morales eſt auſſi capable d’une certitude réelle que celle des Véritez Mathematiques, car la certitude n’étant que la perception de la convenance ou de la diſconvenance de nos Idées ; & la Démonſtration n’étant autre choſe que la perception de cette convenance par l’intervention d’autres idées moyennes ; comme nos Idées Morales ſont elles-mêmes des Archetypes auſſi bien que les Idées Mathematiques, & qu’ainſi ce ſont des idées complettes, toute la convenance ou la diſconvenance que nous découvrirons entr’elles produira une connoiſſance réelle, auſſi bien que dans les Figures Mathematiques.

§. 8.L’Exiſtence n’eſt pas requiſe pour rendre cette connoiſſance réelle. Pour parvenir à la Connoiſſance & à la certitude, il eſt néceſſaire que nous ayions des idées déterminées, & pour faire, que notre Connoiſſance ſoit réelle, il faut que nos Idées répondent à leurs Archetypes. Du reſte, l’on ne doit pas trouver étrange, que je place la certitude de notre Connoiſſance dans la conſideration de nos Idées, ſans me mettre fort en peine (à ce qui me ſemble) de l’exiſtence réelle des Choſes ; puiſqu’après y avoir bien penſé, l’on trouvera, ſi je ne me trompe, que la plûpart des Diſcours ſur leſquels roulent les Penſées & les Diſputes de ceux qui prétendent ne ſonger à autre choſe qu’à la recherche de la Vérité & de la Certitude, ne ſont effectivement que des Propoſitions générales & des notions auxquelles l’exiſtence n’a aucune part. Tous les Diſcours des Mathematiciens ſur la Quadrature du Cercle, ſur les Sections Coniques, ou ſur toute autre partie des Mathematiques, ne regardent point du tout l’exiſtence d’aucune de ces Figures. Les Demonſtrations qu’ils font ſur cela, & qui dépendent des idées qu’ils ont dans l’Eſprit, ſont les mêmes, ſoit qu’il y ait un Quarré ou un Cercle actuellement exiſtant dans le Monde, ou qu’il n’y en ait point. De même, la vérité & la certitude des Diſcours de Morale eſt conſiderée indépendamment de la vie des hommes & de l’exiſtence que les Vertus dont ils traitent, ont actuellement dans le Monde ; & les Offices de Ciceron ne ſont pas moins conformes à la Vérité, parce qu’il n’y a perſonne dans le Monde qui en pratique exactement les maximes, & qui règle ſa vie ſur le Modèle d’un homme de bien, tel que Ciceron nous l’a dépeint dans cet Ouvrage, & qui n’exiſtoit qu’en idée lorſqu’il écrivoit. S’il eſt vrai dans la ſpéculation, c’eſt-à-dire, en idée, que le Meurtre mérite la mort, il le ſera auſſi à l’égard de toute action réelle qui eſt conforme à cette idée de Meurtre : Quant aux autres actions, la vérité de toutes les autres eſpèces de Choſes qui n’ont point d’autre eſſence que les idées mêmes qui ſont dans l’Eſprit des hommes.

§. 9.Notre Connoiſſance n’eſt pas moins véritable ou certaine, parce que les idées de Morale ſont de notre propre invention, & que c’eſt nous qui leur donnons des noms. Mais, dira-t-on, ſi la connoiſſance Morale ne conſiſte que dans la contemplation de nos propres Idées Morales ; & que ces Idées, comme celles des autres Modes, ſoient de notre propre invention, quelle étrange notion aurons-nous de la Juſtice & de la Temperance ? Quelle confuſion entre les Vertus & les Vices, ſi chacun peut s’en former telles idées qu’il lui plairra ? Il n’y aura pas plus de confuſion, ou de deſordre dans les choſes mêmes, & dans les raiſonnemens qu’on fera ſur leur ſujet, que dans les Mathematiques il arriveroit du deſordre dans les Démonſtrations, ou du changement dans les Propriétez des Figures & dans les rapports que l’une a avec l’autre, ſi un homme faiſoit un Triangle à quatre coins, & un Trapeze & quatre Angles droits, c’eſt-à-dire en bon François, s’il changeoit les noms des Figures, & qu’il appellât d’un certain nom ce que les Mathematiciens appellent d’un autre. Car qu’un homme ſe forme l’idée d’une Figure à trois angles dont l’un ſoit droit, & qu’il l’appelle, s’il veut, Equilatere ou Trapeze, ou de quelque autre nom ; les propriétez de cette Idée & les Démonſtrations qu’il fera ſur ſon ſujet, ſeront les mêmes que s’il l’appeloit Triangle Rectangle. J’avoûë que ce changement de nom, contraire à la propriété du Langage, troublera d’abord celui qui ne ſait pas quelle idée ce nom ſignifie ; mais dès que la Figure eſt tracée, les conſéquences ſont évidentes, & la Démonſtration paroit clairement. Il en eſt juſtement de même à l’égard des Connoiſſances Morales. Par exemple, qu’un homme ait l’idée d’une Action qui conſiſte à prendre aux autres ſans leur conſentement ce qu’une honnête induſtrie leur a fait gagner, & qu’il lui donne, s’il veut, le nom de Juſtice ; quiconque prendra ici le nom ſans l’idée qui y eſt attachée, s’égarera infailliblement, en y attachant une autre idée de ſa façon. Mais ſéparez l’idée d’avec le nom, ou prenez le nom tel qu’il eſt dans la bouche de celui qui s’en ſert ; vous trouverez que les mêmes choſes conviennent à cette idée qui lui conviendront ſi vous l’appellez injuſtice. A la vérité, les noms impropres cauſent ordinairement plus de deſordre dans les Diſcours de Morale, parce qu’il n’eſt pas ſi facile de les rectifier que dans les Mathematiques, où la Figure une fois tracée & expoſée aux yeux fait que le mot eſt inutile, & n’a plus aucune force ; car qu’eſt-il beſoin de ſigne lorſque la choſe ſignifiée eſt préſente ? Mais dans les termes de morale on ne ſauroit faire cela ſi aiſément ni ſi promptement, à cauſe de tant de compoſitions compliquées qui conſtituent les idées complexes de ces Modes. Cependant qu’on vienne à nommer quelqu’une de ces idées d’une maniére contraire à la ſignification que les Mots ont ordinairement dans cette Langue, cela n’empêchera point que nous ne puiſſions avoir une connoiſſance certaine & démonſtrative de leurs diverſes convenances ou diſconvenances, ſi nous avons le ſoin de nous tenir conſtamment aux mêmes idées préciſes, comme dans les Mathématiques, & que nous ſuivions ces Idées dans les différentes relations qu’elles ont l’une à l’autre ſans que leurs noms nous faſſent jamais prendre le change. Si nous ſéparons une fois l’idée en queſtion d’avec le ſigne qui tient ſa place, notre Connoiſſance tend également à la découverte d’une vérité réelle & certaine, quels que ſoient les ſons dont nous nous ſervions.

§. 10.Des noms mal impoſez ne confondent point la certitude de notre Connoiſſance. Une autre choſe à quoi nous devons prendre garde, c’eſt que lorſque Dieu ou quelque autre Légiſlateur ont défini certains termes de Morale, ils ont établi par-là l’Eſſence de cette Eſpèce à laquelle ce nom appartient ; & il y a du danger, après cela, de l’appliquer ou de s’en ſervir dans un autre ſens. Mais en d’autres rencontres c’eſt une pure impropriété de Langage que d’employer ces termes de Morale d’une maniére contraire à l’uſage ordinaire du Païs. Cependant cela même ne trouble point la certitude de la Connoiſſance, qu’on peut toûjours acquerir, par une légitime conſidération & par une exacte comparaiſon de ces Idées, quelques noms bizarres qu’on leur donne.

§. 11.Les Idées des Subſtances ont leurs Archetypes hors de nous. En troiſième lieu, il y a une autre ſorte d’Idées complexes qui ſe rapportant à des Archetypes qui exiſtent hors de nous, peuvent en être différentes ; & ainſi notre Connoiſſance touchant ces Idées peut manquer d’être réelle. Telles ſont nos Idées des Subſtances, qui conſiſtant dans une Collection d’idées ſimples, qu’on ſuppoſe déduite des Ouvrages de la Nature, peuvent pourtant être différentes de ces Archetypes, dès-là qu’elles renferment plus d’Idées, ou d’autres Idée que celles qu’on peut trouver unies dans les Choſes mêmes. D’où il arrive qu’elles peuvent manquer, & qu’en effet elles manquent d’être exactement conforme aux Choſes mêmes.


§. 12.Autant que nos Idées conviennent avec ces Archetypes, autant notre Connoiſſance eſt réelle. Je dis donc que pour avoir des idées des Subſtances qui étant conformes aux Choſes puiſſent nous fournir une connoiſſance réelle, il ne ſuffit pas de joindre enſemble, ainſi que dans les Modes, des Idées qui ne ſoient pas incompatibles, quoi qu’elles n’ayent jamais exiſté auparavant de cette maniére, comme ſont, par exemple, les idées de ſacrilège ou de parjure, &c. qui étoient auſſi véritables & auſſi réelles avant qu’après l’exiſtence d’aucune telle Action. Il en eſt, dis-je, tout autrement à l’égard de nos Idées des Subſtances ; car celles-ci étant regardées comme des copies qui doivent repréſenter des Archetypes exiſtans hors de nous, elles doivent être toûjours formées ſur quelque choſe qui exiſte ou qui ait exiſté ; il ne faut pas qu’elles ſoient compoſées d’idées que notre Eſprit joigne arbitrairement enſemble ſans ſuivre aucun Modèle réel d’où elles ayent été déduites, quoi que nous ne puiſſions appercevoir aucune incompatibilité dans une telle combinaiſon. La raiſon de cela eſt, que ne ſachant pas quelle eſt la conſtitution réelle des Subſtances d’où dépendent nos Idées ſimples, & qui eſt effectivement la cauſe de ce que quelques-unes d’elles ſont étroitement liées enſemble dans un même ſujet, & que d’autres en ſont excluës ; il y en a fort peu dont nous puiſſions aſſûrer qu’elles peuvent ou ne peuvent pas exiſter enſemble dans la Nature, au delà de ce qui paroît par l’Expérience & par des Obſervations ſenſibles. Par conſéquent toute la réalité de la Connoiſſance que nous avons des Subſtances eſt fondée ſur ceci : Que toutes nos Idées complexes des Subſtances doivent être réelles qu’elles ſoient uniquement compoſées d’Idées ſimples qu’on ait reconnu coëxiſter dans la Nature. Juſque-là nos Idées ſont véritables ; & quoi qu’elles ne ſoient peut-être pas des copies exactes des Subſtances, elles ne laiſſent pourtant pas d’être les ſujets de la Connoiſſance réelle que nous avons des Subſtances : Connoiſſance qu’on trouvera ne s’étendre pas fort loin, comme je l’ai déja montré. Mais ce ſera toûjours une Connoiſſance réelle, auſſi loin qu’elle pourra s’étendre. Quelques Idées que nous ayions, la convenance que nous trouvons qu’elles ont avec d’autres, ſera toûjours un ſujet de Connoiſſance. Si ces idées ſont abſtraites, la Connoiſſance ſera générale. Mais pour la rendre réelle par rapport aux Subſtances, les idées doivent être déduitent de l’exiſtence réelle des Choſes. Quelques Idées ſimples qui ayent été trouvées coëxiſter dans une Subſtance, nous pouvons les rejoindre hardiment enſemble, & former ainſi des Idées abſtraites des Subſtances. Car tout ce qui a été une fois uni dans la Nature, peut l’être encore.

§. 13.Dans nos recherches ſur les Subſtances, nous devons conſiderer les Idées : & ne pas borner nos penſées à des noms, ou à des Eſpèces qu’on ſuppoſe établies par des noms. Si nous conſiderions bien cela, & que nous ne bornaſſions pas nos penſées & nos idées abſtraites à des noms, comme s’il n’y avoit, ou ne pouvoit y avoir d’autres Eſpèces de Choſes que celles que les noms connus ont dejà déterminées, & pour ainſi dire, produites, nous penſerions aux Choſes mêmes d’une maniére beaucoup plus libre & moins confuſe que nous ne faiſons. Si je diſois de certains Imbecilles qui ont vêcu quarante ans ſans donner le moindre ſigne de raiſon, que c’eſt quelque choſe qui tient le milieu entre l’Homme & la Bête, cela paſſeroit peut-être pour un Paradoxe bien hardi, ou même pour une fauſſeté d’une très-dangereuſe conſéquence ; & cela en vertu d’un Préjugé, qui n’eſt fondé ſur autre choſe que ſur cette fauſſe ſuppoſition, que ces noms, Homme & Bête, ſignifient des Eſpèces diſtinctes, ſi bien marquées par des Eſſences réelles que nulle autre Eſpèce ne peut intervenir entre elles ; au lieu que ſi nous voulons faire abſtraction de ces noms, & renoncer à la ſuppoſition de ces Eſſences ſpecifiques, établies par la Nature, auxquelles toutes les choſes de la même dénomination participent exactement & avec une entiére égalité, ſi, dis-je, nous ne voulons pas nous figurer qu’il y ait un certain nombre précis de ces Eſſences ſur leſquelles toutes les choſes ayent été formées & comme jettées au moule, nous trouverons que l’idée de la figure, du mouvement & de la vie d’un homme deſtitué de Raiſon, eſt auſſi bien une Idée diſtincte, & conſtituë auſſi bien une eſpèce de Choſes diſtincte de l’Homme & de la Bête, que l’Idée de la figure d’un Ane accompagnée de Raiſon ſeroit différente de celle de l’Homme ou de la Bête, & conſtitueroit une Eſpèce d’Animal qui tiendroit le milieu entre l’Homme & la Bête, ou qui ſeroit diſtinct de l’un & de l’autre.

§. 14.Objection contre ce que je dis qu’un Imbecille eſt quelque choſe entre l’Homme & la Bête. Réponſe. Ici chacun ſera d’abord tenté de me dire, Si l’on peut ſuppoſer que les Imbecilles ſont quelque choſe entre l’Homme & la Bête, que ſont-ils donc, je vous prie ? Je répons, ce ſont des Imbecilles ; ce qui eſt un auſſi bon mot pour quelque choſe de différent de la ſignification du mot Homme ou Bête, que les noms d’homme & de bête ſont propres à marquer des ſignifications diſtinctes l’une de l’autre. Cela bien conſideré pourroit réſoudre cette Queſtion, & faire voir ma penſée ſans qu’il fût beſoin de plus longs diſcours. Mais je ne connois pas ſi peu le zèle de certaines gens, toûjours prêts à tirer des conſéquences, & à ſe figurer la Religion en danger, dès que quelqu’un ſe hazarde de quitter leurs façons de parler, pour ne pas prévoir quelles odieuſes épithetes on peut donner à une telle Propoſition ; & d’abord on me demandera ſans doute, ſi les Imbecilles ſont quelque choſe entre l’Homme & la Bête, que deviendront-ils dans l’autre Monde ? A cela je répons, prémiérement, qu’il ne m’importe point de le ſavoir ni de le rechercher : ** Rom XIV, 4 Qu’ils tombent ou qu’ils ſoûtiennent, cela regarde leur Maître. Et ſoit que nous déterminions quelque choſe ou que nous ne déterminions rien ſur leur condition, elle n’en ſera ni meilleure ni pire pour cela. Ils ſont entre les mains d’un Créateur fidelle, & d’un Pére plein de bonté qui ne diſpoſe pas de ſes Créatures ſuivant les bornes étroites de nos penſées ou de nos opinions particuliéres, & qui ne les diſtingue point conformément aux noms & aux Eſpèces qu’il nous plaît d’imaginer. Du reſte, comme nous connoiſſons ſi peu de choſes de ce Monde, où nous vivons actuellement, nous pouvons bien, ce me ſemble, nous réſoudre ſans peine à nous abſtenir de prononcer définitivement ſur les différens états par où doivent paſſer les Créatures en quittant ce Monde. Il nous peut ſuffire que Dieu ait fait connoitre à tous ceux qui ſont capables d’inſtruction, de diſcours & de raiſonnement, qu’ils ſeront appellez à rendre compte de leur conduite, & qu’ils recevront † † 2 Corinth. V, 10 ſelon ce qu’ils auront fait dans ce Corps.

§. 15. Mais je répons, en ſecond lieu, que tout le fort de cette Queſtion, ſi je veux priver les Imbecilles d’un État à venir, roule ſur une de ces deux ſuppoſitions qui ſont également fauſſes. La prémiére eſt que toutes les choſes qui ont la forme & l’apparence extérieure d’homme, doivent être néceſſairement deſtinées à un état d’immortalité après cette vie ; ou en ſecond lieu, que tout ce qui a une naiſſance humaine doit jouïr de ce privilege. Otez ces imaginations ; & vous verrez que ces ſortes de Queſtions ſont ridicules & ſans aucun fondement. Je ſupplie donc ceux qui ſe figurent qu’il n’y a qu’une différence accidentelle entr’eux & des Imbecilles, (l’eſſence étant exactement la même dans l’un & dans l’autre) de conſiderer s’ils peuvent imaginer que l’Immortalité ſoit attachée à aucune forme extérieure du Corps. Il ſuffit, je penſe, de leur propoſer la choſe, pour la leur faire deſavouer. Car je ne croi pas qu’on ait encore vû perſonne dont l’Eſprit ſoit aſſez enfoncé dans la Matiére pour élever aucune figure compoſée de parties groſſiéres, ſenſibles, & extérieures, juſqu’à ce point d’excellence que d’affirmer que la Vie éternelle lui ſoit duë, ou en ſoit une ſuite néceſſaire ; ou qu’aucune Maſſe de matiére une fois diſſoute ici-bas doive enſuite être rétablie dans un état où elle aura éternellement du ſentiment, de la perception & de la connoiſſance, dès-là ſeulement qu’elle a été moulée ſur une telle figure, & que ſes parties extérieures ont eu une telle configuration particuliére. Si l’on admet une fois ce Sentiment, qui attache l’Immortalité à une certaine configuration extérieure, il ne faut plus parler d’Ame ou d’Eſprit, ce qui a été juſqu’ici le ſeul fondement ſur lequel on a conclu que certains Etres Corporels étoient immortels, & que d’autres ne l’étoient pas. C’eſt donner davantage à l’extérieur qu’à l’intérieur des Choſes. C’eſt faire conſiſter l’excellence d’un homme dans la figure extérieure de ſon Corps plûtôt que dans les perfections intérieures de ſon Ame ; ce qui n’eſt guere mieux que d’attacher cette grande & ineſtimable prérogative d’un État immortel & d’une Vie éternelle dont l’Homme jouït préferablement aux autres Etres Materiels, que de l’attacher, dis-je, à la maniére dont ſa Barbe eſt faite, ou dont ſon Habit eſt taillé ; car une telle ou une telle forme extérieure de nos Corps n’emporte pas plûtôt avec ſoi des eſpèrances d’une durée éternelle, que la façon dont eſt fait l’habit d’un homme lui donne un ſujet raiſonnable de penſer que cet habit ne s’uſera jamais, ou qu’il rendra ſa perſonne immortelle. On dira peut-être, Que perſonne ne s’imagine que la Figure rende quoi que ce ſoit immortel, mais que c’eſt la Figure qui eſt le ſigne de la reſidence d’une Ame raiſonnable qui eſt immortelle. J’admire qui l’a renduë ſigne d’une telle choſe ; car pour faire que cela ſoit, il ne ſuffit pas de le dire ſimplement. Il faudroit avoir des preuves pour ne convaincre une autre perſonne. Je ne ſache pas qu’aucune Figure parle un tel Langage, c’eſt-à-dire, qu’elle déſigne rien de tel par elle-même. Car on peut conclurre auſſi raiſonnablement que le corps mort d’un homme, en qui l’on ne peut trouver non plus d’apparence de vie ou de mouvement que dans une Statuë, renferme une Ame vivante à cauſe de ſa figure, que de dire qu’il y a une Ame raiſonnable dans un Imbecille, parce qu’il a l’extérieur d’une Créature raiſonnable, quoi que durant tout le cours de ſa vie, il ne paroiſſe dans ſes actions aucune marque de raiſon ſi expreſſe que celles qu’on peut obſerver en pluſieurs Bêtes.

§. 16.De ce qu’on nomme Monſtre. Mais un Imbecille vient de parens raiſonnables ; & par conſéquent il faut qu’il ait une Ame raiſonnable. Je ne vois pas par quelle règle de Logique vous pouvez tirer une telle conſéquence ; qui certainement n’eſt reconnuë en aucun endroit de la Terre ; car ſi elle l’étoit, comment les hommes oſeroient-ils détruire, comme ils font par-tout, des productions mal formées & contrefaites ? Oh, direz-vous, mais ces Productions ſont des Monſtres. Eh bien, ſoit. Mais que ſeront ces Imbecilles, toûjours couverts de bave, ſans intelligence, & tout-à-fait intraitables ? Un défaut dans le corps fera-t-il un Monſtre, & non un défaut dans l’Eſprit, qui eſt la plus noble, & comme on parle communément, la plus eſſentielle partie de l’Homme ? Eſt-ce le manque d’un Nez ou d’un Cou qui doit faire un Monſtre, & exclurre du rang des hommes ces ſortes de Productions ; & non, le manque de Raiſon & d’Entendement ? C’eſt réduire toute la Queſtion à ce qui vient d’être refuté tout à l’heure ; c’eſt faire tout conſiſter dans la figure, & ne juger de l’Homme que par ſon extérieur. Mais pour faire voir qu’en effet de la maniére dont on raiſonne ſur ce ſujet, les gens ſe fondent entierement ſur la Figure, & réduiſent toute l’Eſſence de l’Eſpèce humaine (ſuivant l’idée qu’ils s’en forment) à la forme extérieure, quelque déraiſonnable que cela ſoit, & malgré tout ce qu’ils diſent pour le déſavouer, nous n’avons qu’à ſuivre leurs penſées & leur pratique un peu plus avant, & la choſe paroîtra avec la derniére évidence. Un Imbecille bien formé eſt un homme, il a une Ame raiſonnable quoi qu’on n’en voye aucun ſigne : il n’y a point de doute à cela, dites-vous. Faites les oreilles un peu plus longues & plus pointuës, le nez un peu plus plat qu’à l’ordinaire ; & vous commencez à héſiter. Faites le viſage plus étroit, plus plat & plus long ; vous voilà tout-à-fait indéterminé. Donnez-lui encore plus de reſſemblance à une Bête Brute, juſqu’à ce que la tête ſoit parfaitement celle de quelque autre Animal, dès-lors c’eſt un Monſtre ; & ce vous eſt une Démonſtration qu’il n’a point d’Ame, & qu’il doit être détruit. Je vous demande préſentement, où trouver la juſte meſure & les derniéres bornes de la Figure qui emporte avec elle une Ame raiſonnable ? Car puiſqu’il y a eu des Fœtus humains, moitié bête & moitié homme, & d’autres dont les trois parties participent de l’un, & l’autre partie de l’autre, & qu’il peut arriver qu’ils approchent de l’une ou de l’autre forme ſelon toute la variété imaginable, & qu’ils reſſemblent à un homme ou à une bête par différens dégrez mêlez enſemble ; je ſerois bien aiſe de ſavoir quels ſont au juſte les lineamens auxquels une Ame raiſonnable peut ou ne peut pas être unie, ſelon cette Hypotheſe, quelle ſorte d’extérieur eſt une marque aſſûrée qu’une Ame habite ou n’habite pas dans le Corps. Car juſqu’à ce qu’on en ſoit venu là, nous parlons de l’Homme au hazard ; nous en parlerons, je croi, toûjours ainſi, tandis que nous nous fixerons à certains ſons, & que nous nous figurerons certaines Eſpèces déterminées dans la Nature, ſans ſavoir ce que c’eſt. Mais après tout, je ſouhaiterois qu’on conſiderât que ceux qui croyent avoir ſatisfait à la difficulté, en nous diſant qu’un Fœtus contrefait eſt un Monſtre, tombent dans la même faute qu’ils veulent reprendre, c’eſt qu’ils établiſſent par-là une Eſpèce moyenne entre l’Homme & la Bête ; car je vous prie, qu’eſt-ce que leur Monſtre en ce cas-là, (ſi le mot de Monſtre ſignifie quoi que ce ſoit) ſinon une choſe qui n’eſt ni homme ni bête, mais qui participe de l’un & de l’autre ? Or tel eſt juſtement l’Imbecille dont on vient de parler. Tant il eſt néceſſaire de renoncer à la notion commune des Eſpèces & des Eſſences, ſi nous voulons pénétrer véritablement dans la nature des Choſes mêmes, & les examiner par ce que nos Facultez nous y peuvent faire découvrir, à les conſiderer telles qu’elles exiſtent, & non pas, par de vaines fantaiſies dont on s’eſt entêté ſur leur ſujet ſans aucun fondement.

§. 17.Les Mots & la diſtinction des choſes en Eſpèces nous impoſent. J’ai propoſé ceci dans cet endroit, parce que je croi que nous ne ſaurions prendre trop de ſoin pour éviter que les Mots, & les Eſpèces, à en juger par les notions vulgaires ſelon leſquelles nous avons accoûtumé de les employer, ne nous impoſent ; car je ſuis porté à croire que c’eſt là ce qui nous empêche le plus d’avoir des connoiſſances claires & diſtinctes, particuliérement à l’égard des Subſtances ; & que c’eſt de là qu’eſt venuë une grande partie des difficultez ſur la Vérité, & ſur la Certitude. Si nous nous accoûtumions ſeulement à ſéparer nos Reflexions & nos Raiſonnemens d’avec les Mots, nous pourrions remedier en grand’partie à cet inconvénient par rapport à nos propres penſées que nous conſidererions en nous-mêmes ; ce qui n’empêcheroit pourtant pas que nous ne fuſſions toûjours embrouillez dans nos Diſcours avec les autres hommes, pendant que nous perſiſterons à croire que les Eſpèces & leurs Eſſences ſont autre choſe que nos Idées abſtraites telles qu’elles ſont, auxquelles nous attachons certains noms pour en être les ſignes.

§. 18. Recapitulation. Enfin, pour reprendre en peu de mots ce que nous venons de dire ſur la certitude & la réalité de nos Connoiſſances ; par-tout où nous appercevons la convenance ou la diſconvenance de quelqu’une de nos Idées, il y a là une Connoiſſance certaine, & par-tout où nous ſommes aſſûrez que ces Idées conviennent avec la réalité des Choſes, il y a une Connoiſſance certaine & réelle. Et ayant donné ici les marques de cette convenance de nos Idées avec la réalité des choſes, je croi avoir montré en quoi conſiſte la vraye Certitude, la Certitude réelle ; ce qui de quelque maniére qu’il eût paru à d’autres, avoit été juſqu’ici, à mon égard, un de ces Deſiderata, ſur quoi, à parler franchement, j’avois grand beſoin d’être éclairci.