Essai philosophique concernant l’entendement humain/Au libraire


MONSIEUR LOCKE
AU
LIBRAIRE.



LA netteté d’Eſprit & la connoiſſance de la Langue Françoiſe, dont M. Coſte a déja donné au Public des preuves ſi viſibles, pouvoient vous être un aſſez bon garant de l’excellence de ſon travail ſur mon Eſſai, ſans qu’il fût neceſſaire que vous m’en demandaſſiez mon ſentiment. Si j’étois capable de juger de ce qui eſt écrit proprement & élegamment en François, je me croirois obligé de vous envoyer un grand éloge de cette Traduction dont j’ai ouï dire que quelques perſonnes, plus habiles que moi dans la Langue Françoiſe, ont aſſûré qu’elle pouvoit paſſer pour un Original. Mais ce que je puis dire à l’égard du point ſur lequel vous ſouhaitez de ſavoir mon ſentiment, c’eſt que M. Coſte m’a lû cette Verſion d’un bout à l’autre avant que de vous l’envoyer, & que tous les endroits que j’ai remarqué s’éloigner de mes penſées, ont été ramenez au ſens de l’Original, ce qui n’étoit pas facile dans des Notions auſſi abſtraites que le ſont quelques-unes de mon Eſſai, les deux Langues n’ayant pas toûjours des mots & des expreſſions qui ſe répondent ſi juſte l’une à l’autre qu’elles rempliſſent toute l’exactitude Philoſophique ; mais la juſteſſe d’eſprit de M. Coſte & la ſouplesse de ſa Plume lui ont fait trouver les moyens de corriger toutes ces fautes que j’ai découvertes à meſure qu’il me liſoit ce qu’il avoit traduit. De ſorte que je puis dire au Lecteur que je préſume qu’il trouvera dans cet Ouvrage toutes les qualitez qu’on peut déſirer dans une bonne Traduction.