Essai de psychologie/Chapitre 83

(p. 261-263).


Chapitre 83

Du caractere.


Quand un talent s’est développé jusqu’à un certain point ; quand une vertu ou un vice ont poussé des racines assez profondes, ils deviennent, pour ainsi dire, un centre d’attraction qui exerce sa puissance sur tout ce qui l’environne. Toutes les facultés spirituelles & corporelles se ressentent plus ou moins de l’énergie de cette force. Le cerveau se modelant sur son impression, façonne en conséquence les sucs nourriciers, & leur donne un arrangement relatif au ton dominant.

De là naît le caractere, qui n’est que l’ensemble ou le résultat des dispositions habituelles.

Chaque talent, chaque profession, chaque état a son caractere que l’observateur attentif découvre, que le moraliste étudie, que le législateur consulte.

La multiplicité des talens, des vertus ou des vices dans le même sujet rend le caractere plus compliqué, d’une décomposition plus difficile.

On a dit que c’est un caractere bien fade que de n’en avoir aucun. Ces termes expriment assez bien cette extrême médiocrité en tout genre, ce parfoit unisson de plusieurs riens, de plusieurs qualités manquées, qui laissent un homme dans une indétermination si complete qu’on ne sait à quelle classe il appartient ni quelle valeur lui assigner. Un tel homme n’a proprement ni talent ni vertu ni vice. Il en est de ces caracteres indéterminés, comme de ces visages qui n’ont point de physionomie, parce qu’ils n’ont aucun trait qui saille.

Il faut que l’éducation s’industrie beaucoup pour trouver dans un fond aussi ingrat quelque disposition qui mérite d’être cultivée par préférence. Elle ne doit cependant pas désespérer de ses soins. Souvent la nature se plait à cacher des dons estimables sous des apparences qui promettent peu. Elle veut être sollicitée à se produire ; & elle ne se découvre qu’à ceux qui savent l’interroger.