LA LINGUANMANIE



Si l’on réduisait toutes les passions de l’homme à ses affections primitives, tous ses idiomes à l’expression de ses pensées-mères, si je puis parler ainsi, en dépouillant celles-là de toutes les nuances dont il les a défigurées, et ceux-ci de toutes les acceptions dont il a surchargé leurs signes, les dictionnaires seraient moins volumineux et les sociétés moins corrompues.

Par exemple, combien l’imagination n’a-t-elle pas brodé en amour le canevas de la nature ? Si ses efforts se fussent bornés à l’embellir des illusions morales les plus touchantes, nous devrions nous en applaudir. Mais il y a beaucoup plus d’imaginations déréglées que d’imaginations sensibles ; et voilà pourquoi il y a plus de libertinage que de tendresse parmi les hommes ; voilà pourquoi il faut maintenant une foule d’épithètes pour retracer toutes les nuances d’un sentiment, qui, tiède ou exalté, vicieux ou héroïque, généreux ou coupable, n’est après tout et ne sera jamais que le penchant plus ou moins vif d’un sexe vers l’autre. L’impudicité, la lubricité, la lasciveté, le libertinage, la mélancolie érotique, sont des qualités très-distinctes, et ne sont cependant que des nuances plus ou moins fortes des mêmes sensations. La lubricité, la lasciveté, par exemple, sont des aptitudes purement naturelles au plaisir, car plusieurs espèces d’animaux sont lascifs et lubriques, mais il n’en est point d’impudiques. L’impudicité est une qualité inhérente à la nature raisonnable, et non pas une propension naturelle, comme la lubricité. L’impudicité est dans les yeux, dans la contenance, dans les gestes, dans les discours ; elle annonce un tempérament très-violent, sans en être la preuve bien certaine, mais elle promet beaucoup de plaisir dans la jouissance, et tient sa promesse, parce que l’imagination est le véritable foyer de la jouissance, que l’homme a variée, prolongée, étendue par l’étude et le raffinement des plaisirs.

Mais enfin ces dénominations et toutes les autres de cette espèce ne sont autre chose qu’un appétit violent qui porte à jouir sans mesure, à chercher sans cette retenue, peut-être plus naturelle qu’on ne croit, mais, dans sa plus grande partie, d’institution humaine, à chercher, dis-je, sans cette retenue que nous appelons pudeur, les moyens les plus variés, les plus industrieux, les plus sûrs de se satisfaire, d’éteindre des feux qui dévorent, mais dont la chaleur est si séduisante, qu’on les provoque après les avoir éteints.

Cet état tient purement à la nature et à notre constitution. C’est la faim, le sentiment du besoin de prendre sa nourriture, lequel, par excès de sensualité, produit la gourmandise, et, par la privation trop longue des moyens de se satisfaire, dégénère en rage. Le désir de la jouissance, qui est un besoin tout aussi naturel, quoique moins fréquent et plus ou moins impérieux, selon la diversité des tempéraments, se porte quelquefois jusqu’à la manie, jusqu’aux plus grands excès physiques et moraux, qui tous tendent à la jouissance de l’objet par lequel peut être assouvie la passion ardente dont on est agité.

Cette fièvre dévorante s’appelle chez les femmes nymphomanie[1] ; elle s’appellerait chez les hommes mentulomanie, s’ils y étaient aussi sujets qu’elles ; mais leur conformation s’y oppose, et plus encore leurs mœurs, qui, exigeant moins de retenue et de contrainte, et ne comptant la pudeur qu’au nombre de ces raffinements dont l’industrie humaine a su embellir ou nuancer les attraits de la nature, ne les exposent point aux ravages des désirs trop réprimés ou trop exaltés. D’ailleurs, nos organes étant beaucoup plus susceptibles de mouvements spontanés que ceux de l’autre sexe, l’intensité des désirs peut rarement être aussi dangereuse, bien que les hommes, aussi bien que les femmes, aient des maladies produites par une cause à peu près pareille[2], mais dont une constitution mâle, plus aisée à détendre, ne saurait être aussi longtemps pénétrée.

Il serait triste, il serait hideux de raconter les effets si bizarres de la nymphomanie. Peut-être le dérèglement de l’imagination y contribue-t-il beaucoup plus que l’énergie vénérienne que le sujet qui en est attaqué a reçu de la nature. En effet, le prurit de la vulve n’est point du tout la nymphomanie. Le prurit peut être, à la vérité, une disposition à cette manie ; mais il ne faut pas croire qu’il en soit toujours suivi. Il excite, il force à porter les doigts dans les conduits irrités, à les frotter pour se procurer du soulagement, comme il arrive dans toutes les parties du corps que l’on agace dans la même vue, pour y atténuer les causes irritantes. Ces titillations, ces attouchements, quelque vifs et désirés qu’ils puissent être, se font du moins sans témoins, au lieu que ceux qu’occasionne la nymphomanie bravent les spectateurs et les circonstances. C’est que le prurit ne s’établit que dans la vulve, au lieu que la manie forcenée de la jouissance réside dans le cerveau. Mais la vulve lui transmet en outre l’impression qu’elle reçoit avec des modifications propres à investir l’âme d’une foule d’idées lascives : de là, ce feu s’alimente lui-même ; car la vulve est affectée à son tour par l’influence de l’âme avide de volupté, indépendamment de toute impression des sens, et réagit sur le cerveau. Ainsi l’âme est de plus en plus profondément pénétrée de sensations et d’idées lascives, qui, ne pouvant pas subsister trop longtemps sans la fatiguer, déterminent sa volonté à faire cesser cette inquiétude attachée à la prolongation de tout sentiment trop vif, à employer tous les moyens imaginables pour parvenir à ce but.

Il est incroyable combien l’industrie humaine, aiguisée par la passion, a varié les moyens de donner du plaisir, ou plutôt les attitudes du plaisir ; car il est toujours le même, et nous avons beau lutter contre la nature, nous ne dépasserons pas son but. Elle paraît avoir distribué, à la vérité, beaucoup de provoquants dans ses productions[3] ; mais il est certain que les fibres du cerveau s’étendent indépendamment d’aucune affection immédiate de la nature. Tout ce qui échauffe l’imagination, agace les sens ou plutôt la volonté, à laquelle très-souvent les sens ne suffisent point, et ceux-ci sont autant au moins aidés par celle-là, que l’imagination peut jamais l’être par le tempérament le plus vif, le plus ardent, par les sens les mieux disposés, les mieux servis de l’âge et des circonstances.

Ensuite, comme c’est le propre de toutes les passions de l’âme de devenir plus violentes, en raison de la résistance, et que la nymphomanie n’est pas facile à contenter, elle finit par être insatiable. Les femmes qui en sont atteintes ne gardent plus aucune mesure ; et ce sexe, si bien fait pour une molle résistance, pour étaler tous les charmes de la timide pudeur, déshonore, dans cette affreuse maladie, ses attraits par les plus sales prostitutions ; il demande, il recherche, il attaque ; les désirs s’irritent par ce qui semblerait devoir suffire pour les assouvir, et qui suffirait en effet si le simple prurit de la vulve sollicitait le plaisir. Mais quand le foyer du désir est le cerveau, il s’accroît sans cesse ; et Messaline, plutôt lassée que rassasiée[4], court sans relâche après le plaisir et l’amour, qui la fuient avec horreur.

Il faut en convenir cependant, l’observation nous offre en ce genre quelques phénomènes qui semblent le simple ouvrage de la nature. M. de Buffon a vu une jeune fille de douze ans, très-brune, d’un teint vif et très-coloré, de petite taille, mais assez grasse, déjà formée et ornée d’une jolie gorge, qui faisait les actions les plus indécentes au seul aspect d’un homme. La présence de ses parents, leurs remontrances, les plus rudes châtiments, rien ne la retenait ; elle ne perdait cependant pas la raison, et ses accès affreux cessaient quand elle était avec des femmes. Peut-on supposer que cette enfant avait déjà beaucoup abusé de son instinct ?

En général, les filles brunes, de bonne santé, d’une complexion forte, qui sont vierges, et surtout celles qui, par leur état, semblent destinées à ne pouvoir cesser de l’être, les jeunes veuves, les femmes qui ont des maris peu vigoureux, ont le plus de disposition à la nymphomanie, et cela seul prouverait que le principal foyer de cette maladie est dans une imagination trop aiguisée, trop impétueuse, mais que l’inaction, contre nature, des sens pourvus de force et de jeunesse, en est aussi un des principaux mobiles. Il est donc juste que chaque individu consulte son instinct, dont l’impulsion est toujours sûre. Quiconque est conformé de manière à procréer son semblable, a évidemment droit de le faire ; c’est le cri de la nature qui est la souveraine universelle, et dont les lois méritent sans doute plus de respect que toutes ces idées factices d’ordre, de régularité, de principes, dont nous décorons nos tyranniques chimères, et auxquelles il est impossible de se soumettre servilement ; qui ne font que d’infortunées victimes ou d’odieux hypocrites, et qui ne règlent rien, pas plus au physique qu’au moral que les contrariétés faites à la nature ne peuvent jamais ordonner. Les habitudes physiques exercent un empire très-réel, très-despotique, souvent très-funeste, et exposent plus souvent à des maux cruels qu’elles n’arment contre eux. La machine humaine ne doit pas être plus réglée que la machine qui l’environne ; il faut travailler, se fatiguer même, se reposer, être inactif, selon que le sentiment des forces l’indique. Ce serait une prétention très-absurde et très-ridicule que de vouloir suivre la loi d’uniformité, et se fixer à la même assiette, quand tous les êtres avec lesquels on a des rapports intimes sont dans une vicissitude continuelle. Le changement est nécessaire, ne fût-ce que pour nous préparer aux secousses violentes qui quelquefois ébranlent les fondements de notre existence. Nos corps sont comme des plantes dont la tige se fortifie au milieu des orages par le choc des vents contraires.

L’exercice, une gymnastique bien conçue, seraient sans doute la ressource la plus efficace contre les suites dangereuses de la vie inactive ; mais cette ressource n’est pas également à l’usage des deux sexes. L’équitation, par exemple, ne paraît pas très-convenable aux femmes, qui ne peuvent guère en user qu’avec danger, ou avec des précautions qui la rendent presque inutile. Il est si vrai que la nature ne les a pas disposées pour cet exercice, que là seulement elles paraissent perdre les grâces qui leur sont particulières, sans prendre celles du sexe qu’elles veulent imiter.

La danse paraît plus compatible aux agréments propres aux femmes ; mais la manière dont elles s’y livrent est souvent plus capable d’énerver que de fortifier les organes. Les anciens, qui ont eu le grand art de faire servir les plaisirs des sens au profit du corps, avaient fait de la danse une partie de leur gymnastique ; ils employaient la musique pour calmer ou diriger les mouvements de l’âme ; ils embellissaient l’utile, ils rendaient salutaire la volupté.

Mais si, dans la connaissance des corps politiques, les amusements furent assortis à la sévérité des institutions dont ces corps tiraient leur force, ils dégénérèrent bien rapidement avec leurs mœurs[5] ; et si les anciens s’occupèrent d’abord à trouver tout ce qui pouvait augmenter les forces et conserver la santé, ils en vinrent à ne chercher qu’à faciliter et étendre les jouissances ; et c’est encore ici une occasion de remarquer combien nous les exaltons pour nous calomnier nous-mêmes. Quel parallèle y a-t-il à faire de nos mœurs avec l’esquisse que je vais tracer ?

Quand une femme avait corycobolé une demi-heure, de jeunes personnes, soit filles, soit garçons, selon le goût de l’actrice, l’essuyaient avec des peaux de cygnes. Ces jeunes gens s’appelaient Jatraliptæ. Les Unctores répandaient ensuite les essences. Les Fricatores détergeaient la peau. Les Alipilarii épilaient. Les Dropacistæ enlevaient les cors et les durillons. Les Paratiltriæ étaient de petits enfants qui nettoyaient toutes les ouvertures, les oreilles, l’anus, la vulve, etc. Les Picatrices étaient de jeunes filles uniquement chargées du soin de peigner tous les cheveux que la nature a répandus sur le corps, pour éviter les croisements qui nuisent aux intromissions. Enfin, les Tractatrices pétrissaient voluptueusement toutes les jointures pour les rendre plus souples. Une femme ainsi préparée se couvrait d’une de ces gazes qui, selon l’expression d’un ancien, ressemblaient à du vent tissu, et laissait briller tout l’éclat de la beauté ; elle passait dans le cabinet des parfums, où, au son des instruments qui versaient une autre sorte de volupté dans son âme, elle se livrait aux transports de l’amour… Portons-nous les raffinements de la jouissance jusqu’à cet excès de recherches[6] ?

Il serait possible d’apporter en preuve de notre infériorité en fait de libertinage, par rapport aux anciens, une infinité de passages qui étonneraient nos satyres les plus déterminés. Nous avons déjà montré dans un morceau de ces Mélanges, très en raccourci, ce que le peuple de Dieu savait faire[7]. Érasme a recueilli dans les auteurs grecs et romains une foule d’anecdotes et de proverbes qui supposent des faits dont l’imagination la plus hardie est effrayée : j’en citerai quelques-uns.

Nous n’avons point, par exemple, de mauvais lieux qui puissent nous donner une idée de ce qu’on appelait à Samos le parterre de la nature. C’étaient des maisons publiques où les hommes et les femmes, pêle-mêle, s’abandonnaient à tous les genres de libertinages ; car ce serait prostituer le mot de volupté que de l’employer ici. Les deux sexes y offraient des modèles de beauté, et de là le titre de parterre de la nature[8]. Les vieilles mettaient encore à profit, dans d’autres lieux, les restes de leur lubricité. Elles étaient tellement impudiques, qu’on les comparait à des animaux qui avaient l’odeur, l’ardeur, la lasciveté des boucs[9] :


...... Verum noverat
Anus caprissantis vorare viatica.

Dans l’île de Sardaigne, qui n’a jamais été un pays très-florissant ni très-peuplé, le nom du lieu appelé Ancon avait pour étymologie celui de la reine Omphale, qui faisait tribader ses femmes ensemble, puis les enfermait indistinctement avec des hommes choisis pour briller dans ces sortes de combats[10].

On sait ce que le despotisme oriental a toujours coûté à l’humanité et à l’amour ; il a dans tous les temps foulé celle-là et profané celui-ci. C’est de Sardanapale[11], l’un des plus vils tyrans de ces contrées, que vient l’idée et l’usage d’unir la prostitution des filles et des garçons.

Corinthe pouvait le disputer à Samos pour la perfection de la prostitution publique ; elle y était tellement révérée qu’il y avait des temples où l’on adressait sans cesse des prières aux dieux pour augmenter le nombre des prostituées[12]. On prétendait qu’elles avaient sauvé la ville. Mais en général, les Corinthiennes passaient pour posséder presque exclusivement l’art de la souplesse et des mouvements voluptueux[13]. On les reconnaissait à une certaine tournure, à une coupe, à un galbe particulier.

Les Lesbiennes sont citées pour l’invention ou la coutume d’avoir rendu la bouche le plus fréquent organe de la volupté[14].

Différents peuples se distinguèrent ainsi par des usages bien étranges et plus fréquents chez eux que chez tous les autres ; de sorte que ce qui n’est aujourd’hui que le vice de tel ou tel individu, était alors le caractère distinctif de tout un peuple. Ainsi, de ces peuples de l’île d’Eubée qui n’aimaient que les enfants et qui les prostituaient de toutes manières, vint le mot chalcider[15]. Ainsi, l’on créa celui de phicidisser pour indiquer une fantaisie bien dégoûtante[16]. On exprima l’habitude qu’avaient les habitants de l’île de Siphnos, l’une des Cyclades, d’aider les plaisirs naturels par ceux de l’anus, au moyen du mot siphniasser[17]. Ainsi, l’on trouva des mots pour tout peindre dans des siècles de corruption où l’on éprouva de tout. De là, le cleitoriazein[18], ou contraction de deux clitoris ; opération qu’Hesychius et Suidas ont pris la peine de nous expliquer, en nous apprenant que ce travail se fait comme le frai de la carpe contre sa semblable ; l’une s’agite quand l’autre s’arrête, et réciproquement (d’où le proverbe non satis liquet) ; de là, l’expression de cunnilangues, que Sénèque définit ainsi. Les Phéniciens différaient des Lesbiens en ce que les premiers se rougissaient les lèvres pour imiter plus parfaitement l’entrée du sanctuaire de l’amour ; au lieu que les Lesbiens, qui n’y mettaient d’autre fard que l’empreinte des libations amoureuses, les avaient blanches[19], et ce n’est pas la manière la plus singulière dont on ait paré ses lèvres, car Suétone rapporte que le fils de Vitellius les enduisait de miel pour sucer le gland de son giton, de manière à augmenter son plaisir, en lubrifiant ainsi la peau fine qui revêt cette partie ; la salive de l’agent, imprégnée de miel, attirait les flots d’amour. C’était[20] un aphrodisiaque connu et puissant pour les hommes usés. Mais Vitellius faisait cette cérémonie tous les jours, et publiquement, sur tous ceux qui voulaient s’y prêter[21] ; ce qui n’est guère plus bizarre que ces libations (semen et menstruum) que certaines femmes, selon Épiphane, offraient aux dieux, pour les avaler ensuite[22].

Je finis cette singulière récapitulation par demander aux moralistes si les anciens valaient beaucoup mieux que nous, et aux érudits quel service ils croient avoir rendu aux hommes et aux lettres, quand ils ont déterré ces anecdotes et tant d’autres pareilles dans les archives de l’antiquité ?

  1. Νυμφομανια.
  2. Le satyriasis, le priapisme, la salacie, etc.
  3. Sennert cite une femme qui, ayant bu un peu de borax dissous, tomba en nymphomanie ; et Muller conseille le musc mêlé avec des aromatiques, introduits d’une manière quelconque, pour lubrifier le vagin.
  4. Et resupina jacens multorum absorbuit ictus.
    Mox, lenone suas jam dimittente puellas,
    Tristis abit : sed, quod potuit, tamen ultima cellam
    Clausit, adhuc ardens rigidæ tentigine vulvæ,
    Et lassata viris, sed non satiata, recessit.

    Juv., lib. II, sat. 6.
  5. Je doute, par exemple, que la Corycomachie ou la Corycobolie, qui était la quatrième sphérique des Grecs, soit restée en usage chez eux lorsqu’ils furent devenus le peuple le plus élégant de la terre. On suspendait au plancher un sac rempli de corps lourds ; on le prenait à deux mains, et on le portait aussi loin que la corde pouvait s’étendre ; après quoi, lâchant le sac, ils le suivaient ; et lorsqu’il revenait vers eux, ils se reculaient pour céder à la violence du choc, puis le repoussaient avec force. (Voyez M. Burette, sur la Gymnastie des Grecs et des Romains.) Je ne crois pas qu’un tel exercice ait été du goût des petites-maîtresses d’aucun siècle.
  6. Une simple nomenclature d’une très-petite partie des mots de leur dictionnaire de volupté, si je puis parler ainsi, peut décider la question.

    La Corycobole était une tronchine.
    Les Jatraliptes, les essuyeurs en cygne.
    Les Unctores, les parfumeuses.
    Les Fricatores, les trotteuses.
    Les Tractatrices, les pressureuses ou pétrisseuses.
    Les Dropacistæ, les enleveuses de durillons.
    Les Alipilarii, les épilateurs.
    Les Paratiltres, les vulvaires.
    Les Picatrices, les parfileuses en vulves.
    La Samiane, le parterre de la nature. (Voyez ci-après, p. 126.).
    L’Hircisse, le bouquinage des vieilles.
    La Corobole, κοιροπωλῶ. (Pour peu qu’on sache le grec, l’on m’entend.)
    La Cleitoride, ou contraction du clitoris.
    La Corinthienne, la mobilité des charnières.
    La Lesbienne, les cunni-langues
    La Siphnissidienne, le postillon.
    La Phicidissienne, la pollution de l’enfance.
    Sardanapaliser, vautrer entre les eunuques et les filles.
    Chalcidisser, le lèchement des testicules.
    Fellatricer, sucer le gland.
    Phœnicisser, irrumuer en miel, etc., etc.

    Une preuve qu’ils étaient plus aguerris que nous, c’est qu’il n’y a presque pas un de ces mots que nous ne soyons obligés de rendre par une périphrase.
  7. Voyez la Tropoïde, où j’aurais pu ajouter un très-grand nombre d’autres passages tirés de la Bible. On trouve, par exemple, dans le Livre de la Sagesse (chap. XIV, v. 26), plusieurs reproches d’impureté, d’avortements criminels, d’impudicités, d’adultères, etc. Jérémie (chap. V, v. 18, etc.) déclame contre l’amour des jeunes garçons. Ezéchiel parle de mauvais lieux et des marques de prostitution à l’entrée des rues (ch. XVI, v. 24, 25, 26, 37), etc., etc.
  8. Erasme, Prov. XXIII, pag. 668. — « Samorium flores. — Ubi quis extremam voluptatem decerperet. — Σαμίωνἄνθη, la Samoniante. — Puellæ, veluti flores arridentes, ad libidinem invitabant. »
  9. « Ani hircassantes, Γραῡς χαπρῶσα. » Erasme, Prov. IX, pag. 336. « De juvene, cui anus libidinosa omnia suppeditabat, quo vicissim ab illo voluptatem auferret. Nota est hircorum libido, odorque, qui et subantes consequitur. »
  10. Γλυκύν άγκῶνα. Ancon. Érasme, pag. 335. « Omphalis regina per vim virgines dominorum cum eorum servis inclusisse ad stuprum, ut sola haberetur impuditia. Lydi autem eum locum, in quo fœminæ constuprabantur, γλυκύν άγκῶνα, appellasse, sceleris atrocitatem mitigantes verbo. »
    On voit que, même en ce genre, le despotisme n’a plus rien à inventer.
  11. Σαρδανάπαλος. Érasme, Prov. XXVII, pag. 889. — « Cæterum deliciis usque adeo effeminatus, ut inter eunuchos et puellas, ipse puellari cultu desidere sit solitus. »
  12. Érasme, Prov. LXVIII, pag. 1018. « Ut dii augerent meretricum numerum. » Érasme ajoute que les Vénitiennes de son temps étaient les filles lubriques par excellence. « Nusquam uberior quam apud Venetos. » Ibid.
  13. Χοιροπωλήσειν, la Corobole, à χοῖρος. Érasme, Prov. XCL pag. 906. « Corinthia videris, corpore quæstum factura. In mulierem intempestivius libidinantem. De mulieribus Corinthi prostantibus dictum est alibi. Dictum est autem χοιροπωλῶ, novo quidem verbo, quod nobis indicat quœstum facere corpore. »
  14. Λεσβιἁζειν. Lesbiari. La Lesbienne. « Antiquitus polluere dicebant. » Érasme, Prov. LXX, pag. 1018. « Χοῖρος enim cunnum significat (quæ combibones jam suos contaminet. Aristophanes in Vespis). Érasme, ibid. « Aiunt turpitudinem, quæ per os peragitur, fellationis opinor, aut irrumationis, primum à Lesbiis auctoribus fuisse profectam, et apud illos primum omnium fæminam tale quiddam passam esse. » — Ainsi le talent caractéristique des Lesbiennes était de gamahucher ; d’où « Mihi at videre labda juxta Lesbios.» (Aristoph., λάβδα Λεσβίους, fellatrix.) La fellatrice, qui suce le gland, était encore une épithète des Lesbiennes, où c’était la mode de commencer par cette cérémonie. Érasme, Prov. LXXVII, pag. 987. « Feliatricem indicat… quæ communis Lesbiis, et vitio quod ei tribuitur genti, etc. »

    N. B. Il y avait, il y a quelques années, à Paris, une fille charmante, née sans langue, qui parlait par signes avec une adresse étonnante, et s’était vouée à ce genre de prostitution. M. Louis l’a décrite sous le titre d’Aglossostomographie.

  15. Καλκιδιζειν. Chalcidissare. Érasme, Prov. XCIV, p. 804. « Gens (Chalcidicenses) male audisse ob fœdos puerum amores. »
  16. Φικιδίζειν. Phicidissare. Se faire lécher les testicules par de jeunes chiens. (Suétone.)
  17. Σιφνιάζειν. Siphniassare. (Pl., lib. IV, 12.) Érasme, Prov. LXXXV, pag. 847. « Pro eo, quod est manum admovere postico : sumptum esse à moribus Siphniorum. »
  18. Κλειτοριάζειν. Érasme, Prov. XVIII, pag. 751. « De immodica libidine. Unde natum proverbium, non satis liquet. Libidinosa contrectatio. »
  19. « Phœnicissantes labra rubicunda sibi reddebant ; sic Lesbiassantes alba labra semine. »

    Cunnum Charinus lingit et tamen pallet.
        (Martial, lib. I, Epig. 78.)
    Nescio quid certe est. An vere fama susurrat,
     Grandia te medii tenta vorare viri ?
    Sic certe clamant Virronis rupta miselli
     Ilia, et emulso labra notata sero.
      (Q. Val. Catullus, ad Gellium, Epig. LXXXI.)

  20. Hier. Mercurial.
  21. « Quotidiè ac palàm. — Arterias et fauces pro remedio fovebat. »
  22. Hier Merc., lib. IV, pag. 93. — « Scribit Ephiphanius fœminas semen et menstruum libare Deo, et deinde potare solitas. »