Enquête sur la monarchie/Préface de l’édition de 1909/III

Nouvelle librairie nationale (p. 4-6).

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pouvait pas mettre aux voix le problème de l’existence nationale. On devait le soumettre à la pensée des patriotes. Si la valeur de leurs réponses diverses importe beaucoup, leur nombre est secondaire en regard de ces nécessités politiques qui ne dépendent pas des goûts ni des dégoûts. Je me suis efforcé de lire le tableau des réalités nécessaires, comme le voient les yeux, comme le comprend la raison.

Quelques conservateurs n’ont pas vu sans chagrin sacrifier la chère méthode suivant laquelle on accumula pêle-mêle les doléances sur l’autorité abaissée, la revendication des libertés violées et des droits méconnus, les querelles de classe et les griefs de religion. Sans dédaigner aucun des termes ainsi agités et brouillés, ni la juste émotion qu’ils éveillent ensemble, je n’ai pas estimé superflu de les mettre en ordre.

Ces termes, tous ces termes précieux, jusqu’au dernier, on les retrouvera par la suite de notre étude, mais chacun à la place que lui marque et que lui mesure non pas son mérite ou son importance, mais ce qu’on peut appeler son numéro d’ordre pour la position et le raisonnement du problème. En ramenant le problème politique au commun dénominateur de notre intérêt national, on n’en évite aucun aspect, on les éclaire tous. Les cas de conscience, les crises d’intérêt privé, les difficultés sociales gagnent en netteté quand on les examine invariablement du point de vue qui nous est commun et qui fonde notre communauté politique : il y a une aire territoriale appelée la France ; il y a des hommes, appelés les Français, que dominent vingt siècles d’une même vie partagée : faisons une synthèse de nos questions françaises subjectivement à la France. Cet adverbe barbare fera peut-être entendre à des esprits fermés ou malintentionnés qu’on ne se soucie aucunement ici de nier l’ordre intrinsèque de ces questions, ni l’existence de points de vue plus généraux. On dit : de point de vue politique plus général, il n’y en a pas ; il n’est point de cadre politique plus large que la nation. Or, la nation est en danger. Nous parlons de cela et de ce qui en dépend.


III. — Le ralliement a la Monarchie

Cette méthode eut l’avantage d’occuper si fortement le terrain du patriotisme que les républicains ne purent désormais s'y placer sans malaise, car il les exposait tout nus au reproche funeste de désirer le roi, à moins que ce ne fût au péril de le désirer, d’être attirés à lui par la magie du vrai ou par la dure chaîne des raisons auxquelles on ne peut pas répondre. Quiconque a voulu convenir de mettre le salut de la nation au-dessus de tout intérêt et de tout préjugé n’a plus trouvé grand’chose à dire en faveur de la République. Par leurs rétiPage:Charles Maurras - Enquête sur la monarchie.djvu/167 Page:Charles Maurras - Enquête sur la monarchie.djvu/168