Ennéades (trad. Bouillet)/I/Livre 5/Notes

Les Ennéades de Plotin,
Traduction de M. N. Bouillet
Ennéade I, livre v :
Le Bonheur s’accroît-il avec le temps ? | Notes
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LIVRE CINQUIÈME.

LE BONHEUR S’ACCROÎT-IL AVEC LE TEMPS ?

Ce livre est le trente-sixième dans l’ordre chronologique. Sa composition a donc précédé celle du livre quatrième, auquel il se rattache par le sujet qui y est traité.

Gaspar Barthius en a fait une traduction sur laquelle il s’exprime ainsi : « Duodecenni mihi puero inter exercitia græcæ interpretationis excidit translatio acutissimi et subtilissimi libelli, An felicitas augeatur tempore, apud Plotinum ; nobilissimum philosophum ex iis qui, Platonicam et Pythagoricam sapientiam postremis Romæ temporibus conjungentes, novam quampiam ex mixtis duabus sectam concinnarunt. Eam translationem huc transcribam, ne inter chartarum schedia pereat, non quod magnopere intersit eam conservari, sed quia puerilia etiam conamina nos in provectiore ætate delectant. Non præstabo autem opusculi nævos, si quis venerit accusatum ; quia tantum vix ei tribuo, ut scriptioni huc transferendæ adsim, quin abjiciam potius de cætero quam defendam. » (In Adversarr., lib. L, cap. 8, p. 2347.)

La question que Plotin traite dans ce livre avait été déjà avant lui discutée souvent dans les écoles. On en trouve une preuve dans le passage suivant d’Aristote :

« Ne peut-on prononcer qu’un homme soit heureux tant qu’il est vivant, et faut-il, comme le prétendait Solon, attendre la fin de sa vie ?... S’il faut voir la fin d’un homme pour le déclarer heureux, non pas comme l’étant actuellement, mais parce qu’il l’a été autrefois[1], ne serait-il pas étrange, lorsqu’un homme est heureux, que l’on s’obstinât à ne pas dire la vérité sur son état présent[2] sous prétexte qu’on ne veut pas préconiser le bonheur de ceux qui sont encore vivants, à cause des revers auxquels ils sont exposés, et parce qu’on regarde le bonheur comme quelque chose de durable et d’immuable, tandis que la destinée humaine est sujette à de fréquentes vicissitudes, que les mêmes personnes peuvent éprouver bien des fois ? En effet, il est clair que si l’on s’attache à observer les vicissitudes de la fortune, on pourra souvent dire d’un même individu qu’il est heureux et ensuite qu’il est malheureux, et ce sera faire du bonheur une condition fort équivoque et fort peu stable. » (Éthique à Nicomaque, I, 10 ; p. 35-37 de la trad. de M. Thurot.)

La même question a été aussi traitée par Cicéron, dont l’opinion paraît être conforme à celle d’Aristote :

« Quoniam omnis summa philosophiæ ad beate vivendum refertur, beate autem vivere vos in voluptate ponitis ; id primum videamus, beate vivere vestrum quale sit. Atque hoc dabitis, ut opinor, si modo sit aliquid esse beatum, id oportere totum poni in anima sapientis : nam si amitti vita beata potest, beata esse non potest. Quis enim confidit semper illud stabile et firmum permansurum, quod fragile et caducum sit ? Qui autem diffidet perpetuitati bonorum suorum, limeat necesse est ne aliquando, amissis illis, sit miser. Beatus autem esse in maximarum rerum timore nemo potest. Nemo igitur esse beatus potest. Neque enim in aliqua parte, sed in perpetuitate temporis vita beata dici solet ; nec potest quisquam alias beatus esse, alias miser[3]. Qui enim existimabit posse se miserum esse, beatus non erit. Nam, quum semel est suscepta beata vita, tam permanet quam illa effectrix beatæ vitæ sapientia ; neque exspectat ultimum tempus ætatis : quod Crœso scribit Herodotus præceptum a Solone... Qui bonum omne in virtute ponit, is potest dicere perfici beatam vitam perfectione virtutis : negat enim summo bono afferre incrementum diem[4]. Qui autem voluptate vitam effici beatam putabit, qui sibi is conveniet, si negabit voluptatem crescere longinquitate ? Igitur ne dolorem quidem. An dolor longissimus quisque miserrimus[5], voluptatem non optabiliorem diuturnitas facit ? Quid est igitur cur ita semper Deum appellet Epicurus beatum et æternum ? Demta enim æternitate, nihilo beatior Jupiter quam Epicurus : uterque enim summo bono fruitur, id est, voluptate[6]. » (De Finibus, II, 27.)

  1. Voy. liv. v, § 3, 4, 6, p. 93 de ce volume.
  2. Voy. § 1 p. 92.
  3. Voy. § 7, p. 95.
  4. Voy. § 10, p. 97.
  5. Voy. § 6, p. 94.
  6. Voy. § 2, p. 92.