Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Conférence sur la lumière

Panckoucke (1p. 124-131).

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CONFÉRENCE

SUR LA LUMIÈRE
Lue pour la première fois, par J. H. Bourdon, dans l’Assemblée de l’Académie
Royale de Peinture & de Sculpture, tenue le 9 Février 1669.
MESSIEURS,

Les remarques que je vous ai communiquées & que m’ont fourni les deux admirables tableaux de Carrache & de M. Poussin, dont je m’étois chargé de vous faire le rapport, ne vous auront peut-être pas satisfaits aussi pleinement que je l’aurois desiré, & que la matière le comporte. Vous savez cependant que je n’ambitionne rien tant que de vous être agréable ; & pour vous en donner des preuves plus complettes, je suis résolu, quelques difficultés que j’y envisage, de me frayer une route différente de celle dans laquelle vous m’avez vu marcher jusqu’à présent. Au lieu de choisir, suivant l’usage ordinaire, quelques tableaux du cabinet du Roi, pour sujet de cette Conférence, ce qui m’abrégeroit bien du travail, je vous demanderai la permission de revenir sur mes précédentes observations. J’ai dessein de les étendre, & je sens qu’on le peut. Je ne vous promets pas de vous donner quelque chose de complet, mais je tâcherai du moins, en vous proposant mes idées, de les rendre de quelqu’utilité pour la pratique d’un Art qui embrasse la nature toute entière, & sur lequel on ne peut trop réfléchir.

Si mes deux dernières Conférences vous sont encore présentes à l’esprit, vous devez vous rappeller que les observations qu’elles renferment étoient partagées en six parties, & que ces observations, relatives à l’examen que je faisois de chaque tableau, répondoient à autant de points capitaux de la Peinture : la Lumière, la Composition, le Trait, l’Expression, la Couleur & l’Harmonie. Je ne changerai rien à cette distribution : tous ces points, je compte les reprendre l’un après l’autre, & les discuter séparément, & suivant ce plan, je traiterai de la Lumière dans ce discours.

Ce sera de celle qui émane du Soleil & qui produit le jour ; car pour celle qui, par le secours de la flamme, dissipe l’obscurité, & fait, disparoître les ombres de la nuit, il n’en sera point question. La Lumière dont j’entreprends de


vous parler, change à chaque instant. En passant par différens degrés, elle éprouve diverses modifications, selon que le Soleil darde plus ou moins vivement ses rayons sur les objets qu’il éclaire, & ce sont ces effets que j’ai résolu d’examiner & d’approfondir. Je suivrai la Lumière dans tous ses passages, & je diviserai pour cela le jour en six parties. Je le prendrai au moment que la lumière ne fait que commencer à poindre, qui est ce qu’on appelle l’aube du jour. Je ferai voir ensuite le soleil se levant, & cet Astre, devenu plus brillant, quitter l’horizon, & après être parvenu au milieu de sa course, descendre pour se coucher & disparoître.

La Lumière qui luit dans ces six instans du jour, varie dans ses effets à chacun de ces instans. & à chaque fois, elle prend un caractère particulier & distinctif qu’apperçoit aisément quel qu’un qui apporte à sa contemplation des yeux de Peintre. Si après cela, on veut la considérer dans un esprit philosophique, peut-être trouvera-t-on que ces différents modes de la lumière sont autant d’agens qui influent sur l’ame & qui l’affectent de mouvemens & de desirs divers, à proportion que la lumière accroît ou diminue de force.

Je ne sçai si cette idée vous plaît, mais toute extraordinaire qu’elle puisse vous paroître, loin de la rejetter, je suis tenté de vous exposer ce que les diverses impressions que la Lumière fait sur l’ame, me laissent imaginer. Je vais hasarder de vous en tracer le tableau. La Nature n’est point encore animée, lorsque le jour commence à poindre, & je vois régner de tous côtés un silence profond : ce sera le lot de cette première heure du jour. Une douce joie s’empare des esprits au lever du soleil. L’heure qui vient ensuite appelle les hommes au travail ; bientôt les ardeurs brûlantes du Soleil de midi, en abattant les corps, les invitent à prendre du repos, des bras duquel ils ne sortent que pour se livrer le reste de la journée à des plaisirs tumultueux, & à ceux-ci succèdent les plaisirs paisibles, qu’on commence à goûter au moment de la cessation des travaux & à la chûte du jour.

Je ne suis pas assez plein de mon opinion, pour exiger, Messieurs, que cette progression systématique d’idées soit adoptée dans toute son étendue. J’avoue qu’elle pèche peut-être par trop de singularité, & je suis le premier à en reconnoître le foible ; mais du moins faut-il m’accorder qu’un Peintre jaloux de montrer de l’esprit & de mettre du sentiment dans ses productions, peut & doit en tirer parti, quand cela ne serviroit qu’à lui suggérer les moyens de diversifier souvent les effets de ses lumières, qu’à lui en mieux faire sentir le besoin, ainsi que les désagrémens de la monotonie ennuyeuse que causent la répétition & l’emploi trop réitéré d’une même espèce de lumière

Car voilà ce qui se passe tous les jours sous nos yeux. Un Peintre a-t’il réussi à bien exprimer un certain effet de lumière, il s’y complait, il en contracte l’habitude & il s’en fait une manière à laquelle il demeure constamment attaché & qu’il ne quitte plus. Voyez, par exemple, le Bassan, personne n’a mieux peint que lui l’aube du jour : personne aussi ne l’a répétée plus souvent. Il n’est presqu’aucun de ses tableaux qui ne soit éclairé d’une lumière naissante, venant de l’horison ; & il en faut convenir, tout précieux que soient ses ouvrages, cette répétition y met une sorte d’uniformité qui déplaît. Le Caravage s’est vu applaudi, parce qu’avant lui, aucun Peintre n’avoit représenté avec autant de vérité, des lumières qui, perçant dans des lieux obscurs & ténébreux, & y tombant à plomb sur les corps qu’elles y rencontrent, produisent sur ces objets de grandes ombres & de grands clairs qui les sont paroître avec une force, une vigueur & un relief surprenans ; & depuis cette acquisition nuisible, ce maître appauvri n’a plus su peindre des figures en plein air & n’a pas même cru qu’on le dût faire. A ces noms illustres, j’en pourrois joindre d’autres qui ne seroient pas moins imposans ; mais croyez qu’aucune de ces autorités ne feroit l’excuse des Artistes qui, trop peu sur leurs gardes, se laisseroient emporter à une pratique aussi dangereuse.

L’erreur pour être couverte d’un grand nom n’en demeure pas moins une erreur ; & toute uniformité, toute répétition d’idée est un vice. Il accuse dans celui qui s’en rend coupable, une disette & une stérilité de génie, que ne montrent point les ouvrages du Titien, ceux des Carraches & de leurs savans élèves, & surtout ceux de M. Poussin qui, s’il m’est permis de dire ce que j’en pense, a connu & pratiqué les règles de son art, mieux qu’aucun Peintre. On ne voit point que ces habiles gens aient épouse un goût & une manière particulière ; ils se sont remplis de tous les goûts & de toutes les manières, & n’en ont imité aucune servilement. La nature a été leur


unique guide : plus il l’ont étudiée, plus ils ont fait l’expérience qu’elle varioit perpétuellement dans ses effets, & à son exemple, ils se sont pareillement attachés à diversifier les effets de la lumière dans leurs tableaux. Belle leçon pour nos élèves, qui, s’ils s’y rendent dociles, leur servira d’un puissant préservatif contre cette pente naturelle, ou, pour mieux dire, contre la paresse & l’indolence qui nous portent trop volontiers à imiter, sans y rien mettre du nôtre, ce que nous avons vu pratiquer avec succès par nos prédécesseurs & qui, nous empêchant de nous êlever, nous fait demeurer pour toujours dans une humiliante, médiocrité.

Ne perdons point de vue, Messieurs, l’importante vérité que je viens de mettre sous vos yeux. Mais ce n’est pas assez d’avoir fait connoître au Peintre qui veut plaire la nécessité de varier ses lumières, il faut lui montrer encore que la lumière fait partie du sujet qu’il doit traiter & que conséquemment il doit, avant toutes choses, commencer par examiner dans quelle partie d jour & sous quel ciel la chose qui constitue son sujet a dû se passer. Il ne peut se refuser de se conformer à l’Histoire, si elle lui prescrit quelque chose d’essentiel & de particulier à cet égard ; mais si elle lui laisse le champ libre, il n’en sera que plus circonspect & plus attentif à garder les convenances ; il jugera par lui-même de l’heure & du moment qui seront les plus propres & les plus vraisemblables, ainsi que de l’intérét que peut jetter dans sa composition une lumière produifant un des effets que je vais parcourir.

L’Aube du jour

Je suppose qu’un Peintre eût à représenter quelqu’attaque ou quelque surprise de ville, qu’il eût à exprimer le commencement d’une bataille, il pourroît alors faire choix de l’Aube du jour, parce que c’est assez ordinairement à cette heure que se méditent & s’exécutent ces expéditions. La ville de Jéricho, celle de Haï, toutes deux forcées par Josué à la pointe du jour, la fameuse bataille d’Actium & beaucoup d’autres qui ont commencé avec le jour, vous diront que le choix de cette heure est convenable & ne répugne point à la vérité. Mais est-il besoin de fournir au Peintre qui ne seroit pas encore bien persuadé, un exemple du bon effet que produit en ces occasions sur une multitude de figures qu’il faut démêler & auxquelles il est nécessaire d’assigner différens plans pour éviter trop de confusion, une lumière qui frise la surface de la terre & qui, à peine sortie de l’horison, frappe doucement sur les corps & laisse dans l’ombre ou la demie-teinte ceux de ces corps qui sont interposés entre elle & l’œil du spectateur ? Qu’il consulte M. le Brun & qu’il admire le bon emploi que cet habile homme a fait de cette lumière, dans le merveilleux tableau qu’il vient de mettre au jour & dans lequel il a représenté Alexandre victorieux de Darius dans les campagnes d’Arbelles ; qu’il apprenne à s’en servir heureusement comme lui, pour former ses grouppes & les détacher les uns des autres.

Si je voulois faire parler la Poësie, elle vous diroit que cette première heure a favorisé plus d’une fois les desseins des amans. Ce fut à son lever que l’Aurore enleva Céphale & le ravit à Procris. Le soleil ne paroissoit pas encore, lorsque Pâris arracha Helene d’entre les bras de Ménélas ; & si vous traitez ces sujets ou d’autres, semblables, ne leur cherchez point une autre heure du jour. Elle parôit encore très-convenable pour des sujets de chasse. Avez-vous à nous faire voir Adonis se séparant de Vénus pour s’enfoncer dans les forêts, ou Meléagre allant à la poursuite du sanglier de Calydon ? Je vous conseille de les faire partir avant que le soleil se soit montré. Je ne pousserai pas plus loin ces indications ; mais souvenez-vous, je vous prie, que lorsque j’ai caractérisé les six principales heures du jour, j’ai attribué à celle-ci le caractère du silence, & en est assez pour vous mettre sur la voie.

Je dois présentement vous tracer un léger crayon des effets de la lumière dans ce premier insant du jour ; elle n’a pas encore acquis à beaucoup près toute sa vivacité & elle n’en met que plus de douceur dans tout ce qui elle éclaire. Si je ne devois pas vous en parler, lorsque je traiterai l’article des Couleurs, je vous ferois observer combien les objets gagnent à être ainsi éclairés. L’Aurore qui colore agréablement les extrémités de tous les corps, ne fait que commencer à dissiper les ténèbres de la nuit, & l’air continue à être chargé de vapeurs & d’un brouillard qui laisse les corps dans une espèce d’indécision, à proportion qu’ils s’éloignent de l’œil. Si, dans certains jours, les vapeurs sont moins denses, les objets seront plus distincts ; d’un autre côté, comme le soleil ne s’est pas encore montré, les ombres ne peuvent pas être fort sensibles. Tous les corps doivent participer de la fraicheur de l’air & demeurer tous dans une espèce de demi-teinte. A l’égard du ciel, qui est la partie la plus caractérisante, il ne doit pas être chargé de beaucoup de nuages ; & s’il y en a, ils ne seront lumineux que sur lestes bords. Le fond ou l’azur du ciel doit aussi tirer un peu sur l’obscur, observant dans les parties qui seront plus voisines de l’horizon, que cet azur prenne un ton plus clair, afin que le ciel fasse mieux la voûte, & parce que c’est de cet endroit que vient la lumière naissante ; elle y doit être rassemblée toute entière & le ciel s’y colorer d’un incarnat vermeil, qui s’étendant parallèlement à l’horizon, formera, jusqu’à une certaine élévation, des bandes alternativement dorées & alternativement argentines, qui diminueront de vivacité à proportion qu’elles s éloigneront du point d’où part la lumière. Cette


description n’est point à moi : c’est un tableau du Bassan qui me la fournit.

Le Lever du Soleil

Le lever du Soleil suit de près celui de l’Aurore & bientôt la Nature s’embellit de couleurs vives & brillantes que l’astre du jour amène & fait éclore ; la joie renaît, tous les êtres en paroissent pénétrés. Le soleil lance ses premiers rayons sur les nuées, sur le sommet des montagnes & sur la cime des plus grands arbres ; il en illumine principalement les contours par des éclats de lumière, dans les parties qui sont tournées vers lui, & ces objets, qui, sans ce secours, resteroient entièrement dans la demi-teinte, s’en dessinent & s’en détachent mieux sur un beau ciel ; car je supposé & il est rare que le ciel ne soit pas serein, lorsque le soleil se montre, la lumière de cet astre naissant opère de la même manière sur les fabriques, sur les terreins, & généralement sur tous les corps sur lesquels elle se répand, elle en frappe vivement les arrêtes & les bords, les colore, & en même-temps elle produit dans tout ce qui forme angle rentrant, des ombres que leur allongement rend à cette heure plus sensibles & qui marquent par conséquent plus distinctement les saillies & les différens plans de tous ces objets.

A ce détail, il vous est aisé de vous appercevoir que dans ce moment j’ai principalement en vue les Paysages, que je veux vous y faire observer l’heureux effet d’un Soleil levant ; & il n’est point douteux que de toutes les lumières, il n’en est point qui soient aussi favorables que celle-ci à ce genre de tableaux. Je vous ai parlé de plans, & je crois pouvoir assurer encore qu’aucune sorte de lumière ne les fait mieux ressentir. Le Soleil, n ayant pas encore abandonné les bords de l’horizon, jette ses traits de lumière, de façon que, dirigés parallèlement à la surface du terrein, quand il est uni, ils se répandent sur les parties de ce terrein qu’ils peuvent éclairer sans obstacle ; tandis que celles où ils ne peuvent pénétrer, demeurent privées de lumière ; & ces oppositions alternatives de lumières & d’ombres, bien ménagées, allongent un terrein, en dessinent les plans & les inégalités, & mettent une distance immense entre l’œil du spectateur & le fond du tableau.

Pour vous mieux faire appercevoir ce que je veux vous exprimer, souffrez que je vous propose l’examen des paysages de Paul Bril, qui me semble avoir merveilleusement bien entendu l’art de distribuer sa lumiére pour la distinction de ses plans. Permettez moi aussi de vous nommer un autre Peintre de Paysages que j’ai connu autrefois à Rome, & qui a si bien ; peint les effets du Soleil levant, c’est Claude Le Lorrain : les tableaux sont des images parfaites de la nature ; on y voit luire le soleil ; & ce qui est admirable & qui n’est guère qu’à lui, c’est à travers une vapeur, un brouillard léger que cet astre lumineux n’a pas encore tout-à-fait dissipé, & qui en modérant la vivacité de sa lumière, conserve dans le tableau une fraîcheur délicieuse.

Mais pour ne point quitter les Peintres d’Histoire, celui de tous qui paroît avoir connu le mieux les effets de la lumière d’un soleil naissant & en avoir fait une application plus juste & plus judicieuse dans ses tableaux, c’est, sans contredit, M. Poussin. Je crois l’avoir suffisamment établi, lorsque je vous ai fait la description & l’analyse de son excellent tableau de la guérison des Aveugles. Aussi après l’étude de la Nature même, celle des ouvrages de cet habile homme est, à mon avis, la plus utile & la plus nécessaire. Je voudrois qu’on s’accoûtumât à penser comme lui, qu’on apprît à son école à éclairer ses tableaux avec dessein, & qu’à son imitation, on réservât la lumière d’un soleil levant pour des sujets susceptibles de cette même joie, qu’inspire l’arrivée du soleil, tels que le sujet de Moyse sauvé, de S. Jean baptisant dans les eaux du Jourdain, exemples sensibles, que j’emprunte avec plaisir des propres ouvrages de ce grand Peintre & qui vous conduiront, si vous en avez besoin, à la découverte d’une infinité d’autres sujets de même caractère.

Le Matin

Il arrive assez fréquemment qu’avant que le Soleil parvienne au milieu de sa course, le ciel se trouble & se charge de nuages épais qui se résolvent bientôt en pluie, que les vents grondent & qu’ils excitent des orages & des tempêtes. Le Soleil se retire alors ; l’air épaissi & le ciel couvert empêchent ses rayons de percer, & les objets qu’il auroit dû éclairer, demeurant dans une ombre presque totale, sont prêts à se confondre & prennent un ton morne & lugubre. Ce dérangement dans le ciel, que je place le matin, quoique je n’ignore pas que le même accident ne puisse arriver dans toute autre partie de la journée, est trés-difficile à bien exprimer. Ce n’est pas le tems qui offre de plus agréables effets ; mais comme rien de tout ce que la nature présente ne doit être rejetté, ni ne doit être indifférent à un Peintre qui aime son Art, un tel Artiste ne doit pas négliger de se rendre familiers, par une contemplation méditée, les accidents que souffre alors la lumière ; il aura assez d’occasions d’en faire usage ; car s’il avoit à traiter quelque sujet qui tendît à la tristesse, il seroit aussi absurde que ridicule de choisir un tems pur & serein ; l’un contrarieroit l’autre, & vous pouvez vous rappeller les éloges que j’ai cru devoir donner au Carrache, pour avoir supposé un ciel couvert & ténébreux dans la représentation de son Martyre de Saint Étienne, qui, au moyen de cet incident, en est devenue plus touchante. Soyez persuadés que tout sujet destiné à inspirer de l’horreur, ou à maintenir dans l’affliction, doit être, autant qu’il est possible, privé d’une lumière vive & brillante, il fera plus d’impression sur le spectateur & ira plus sûrement à son but.

Le Midi

À l’heure de midi, le Soleil est dans sa plus grande force & brille de tout son éclat ; les yeux éblouis n’en peuvent supporter la vue ; & puisque cet astre tout de feu se refuse à nos regards dans la nature, un Peintre pourroit-il sans témérité oser entreprendre de le repésenter en cet état dans un tableau ? Non, il y auroit de l’imprudence. J’ajouterai qu’il faut bien se garder de rien peindre qu’on puisse arguer de faux, & certainement il n’y a aucune couleur sur la palette qui puisse rendre la plus grande splendeur de l’astre du jour. Le meilleur est d’éviter ce qui est au-dessus de ses facultés, & j’applaudis à un Artiste intelligent qui, obligé de traiter un événement qui se sera passé à cette heure du jour, & ne voulant point blesser le costume, auroit la sage précaution de cacher dans son tableau le soleil, qui se contenteroit d’indiquer cet astre par quelques rayons échappés, & qui interposeroit au-devant, sans qu’il y parût de l’affectation, des nuages, des arbres, des montagnes, des fabriques ou d’autres semblables corps. Indépendamment de cet expédient, fruit de l’Art, la Nature en offre un autre qui détermine suffisamment le milieu du jour, s’il est nécessaire de le faire sentir dans un ouvrage ; car à cette heure, le soleil tombant à plomb sur les corps, fait qu’ils ne portent point d’ombres sur eux-mêmes ; & si l’on y prête attention, la grande vivacité de la lumière fait encore que les couleurs même les plus ardentes ont pour lors beaucoup moins d’éclat que dans les heures où la lumière est plus tempérée.

Aussi un Peintre, qui doit avoir pour règle constante de ne jamais s’écarter de celles que lui prescrit la Nature, seroit-il fort répréhensible, si la lumière de l’heure de midi lui ayant été donnée pour celle qui doit éclairer un de ses tableaux, il employoit dans les figures & dans les autres objets qu’il feroit servir à sa composition, des couleurs entières & tranchantes, qui non-seulement voudroient le disputer à celle du soleil, mais qui sembleroient même avoir dessein de l’éclipser. S’il a véritablement à cœur de se rendre un parfait imitateur de l’effet naturel & laisser briller la lumière que donne le Soleil, ses couleurs doivent être rompues, sans quoi il peut être assuré que les objets sortiront du ton qui leur appartient : & c’est ici une des grandes difficultés de la Peinture, d’autant plus que le Peintre manque de secours, le soleil de midi ne fournissant point, comme dans les autres heures du jour, de ces grandes masses & de ces accidens de lumière qui ont tant de pouvoir sur les corps, pour les détacher les uns des autres & les faire paroître isolés. Chaque objet dans cet instant du jour a sa lumière particulière & son ombre qui ne porte point sur les objets voisins, ce qui nuit beaucoup à la formation des grouppes. Voilà aussi pourquoi la lumière de midi seroit celle dont je conseillerois le moins de faire usage ; & dans le cas qu’un Peintre ne pourroit pas s’en dispenser, je ne voudrois pas qu’il mît dans son ordonnance un trop grand nombre de figures. Quant aux sujets qui paroissent cadrer davantage avec cette lumière, j’incline toujours pour des actions de repos. Par exemple, Jesus-Christ s’entretenant avec la Samaritaine, Abraham recevant les Anges & les invitant à se reposer sous ses tabernacles, & si vous me permettez d’en proposer un tiré de mes propres ouvrages & qui me semble avoir eu quelque succès : Jésus-Christ palant à ses Disciples qui cueillent des épics de bled un jour de Sabat.

L’Après-Midi

Comme le tems a essuyé de grandes variations avant l’heure de midi, il continue quelquefois d’en éprouver lorsque cette heure est passée, & même de beaucoup plus considérables, surtout dans la saison de l’Eté. Le Soleil est plus ardent l’après-midi que le matin, & plus il est dans sa force, plus le ciel est prompt à s’enflammer. Il arrive assez fréquemment que dans un tems le chaleur, les nuées s’assemblent, se grouppent, s’amoncèlent d’une façon singulière ; le Soleil s’y peint & les dore admirablement ; elles prennent des couleurs d’un brillant étonnant. Il ne faut pas manquer ces beaux & heureux effets qui enrichissent un tableau, & qui le rendent extrêmement lumineaux ; mais s’il a plu & que le Soleil reparoisse, toute la nature se revêt de couleurs dont il semble qu’elle avoit négligé jusqu’alors de se parer, & c’est un nou veau spectacle qui mérite toute l’attention d’un Peintre. La liumière venant à frapper sur tous les objets qui s’offrent à notre vue, & les trouvant encore humides & chargés de gouttes d’eau, elle en fait autant de miroirs séparés, dans lesquels les couleurs des objets voisins se mirent & se multiplient, & acquierent une force & une vigueur qu’on ne leur connoissoit point auparavant.

Cette partie du jour est celle qui met plus à l’aise un Peintre ingénieux & qui lui permet plus de libertés ; il peut ordonner, arranger son ciel & ses lumieres comme il lui plaît ; il peut monter les dernières au point qu’il jugera nécessaire pour le meilleur effet de son tableau, faire partir la lumière par grands éclats, qui portant un jour très-lumineux dans les endroits où il en sera


besoin, y occasionneront des ombres tout aussi fières ; & il arrivera de-là que les reflets qui se répandront sur tous les entours des corps ainsi éclairés, devenant plus sensibles, le tableau dans sa totalité redoublera de force & de vigueur. Remarquez aussi que cette lumière est celle dont tous les grands Coloristes ont fait un plus fréquent emploi ; c’est elle qui anime ces admirables Bacchanales qui ont fait tant d’honneur au Titien ; & à en juger par le succès, on ne peut guères se refuser de la regarder comme consacrée à ces sortes de sujets bruyans. De tous les effets de lumière, aucun ne me piqueroit davantage ; mais après ce que j’ai conseillé, il ne me conviendroit pas de montrer de la prédilection pour une sorte de lumière plutôt que pour une autre. Je dois au contraire continuer de soutenir que la beauté du génie dépend autant de la façon dont un Peintre diversifie ses lumières, que de la variété qu’i met dans la distribution de ses figures.

Le Soleil Couchant

Ne soyez plus surpris après cela de me voir si vif, quand il faut recommander à tous ceux qui marchent dans la carrière de la Peinture, & surtout aux jeunes gens qui y mettent le pied, de suivre le progrès de la lumière dans tous ses instans. Il me reste à vous en faire encore appercevoir un, c’est celui qui se fait sentir lors du passage du jour à la nuit, ou, si vous l’aimez mieux, l’heure à laquelle le Soleil se couche ; l’horison paroît alors presque tout en feu, la lumière qui en sort & tout ce qui se rencontre sur son passage & qu’elle touche, participe de cette couleur de feu. Dans certains tems même, ceux, par exemple, qui promettent du vent pour le jour suivant, le ciel, dans la partie qui touche à l’horison, est presque rouge ou d’un orangé fort vif ; on voit quelquefois les nuages se charger d’une couleur violette, dans les parties qui sont en opposition avec le Soleil.

Plus ces accidens sont bisarres, plus il est nécessaire d’en prendre des notes ; & comme ils ne son tque momentanés, il faut être prompt à les copier tels qu’ils se montrent, non pas cependant pour les employer, sans y rien changer ; car quelque fidèle que soit la représentation d’une chose qu’on aura vue dans la nature, si, dans sa singularité, elle s’éloigne trop de la vraisemblance, inutilement voudra-t-on la faire recevoir pour vraie ; c’est de plus un des grands principes, qu’il ne faut rien outrer, & par conséquent la Nature n’est pas imitable lorsqu’elle tombe elle-même dans le vice. Mais on peut admirer ce qui paroît trop révoltant dans les effets surnaturels & pue communs que la Nature présente ; en usant de ce tempérament, ils demeureront toujours assez piquans, & il n’en est aucun dont on ne puisse alors faire usage avec succès & sans la moindre contradiction.

Il est encore bon d’observer de quelle manière les corps, au moment que le soleil se plonge sous l’horizon, deviennent lumineux, & se coorent principalement sur leurs bords, d’un jaune fort différent de celui de l’aurore. Celui-ci étoit plus pâle & plus argentin ; cet autre tire davantage sur la couleur d’or. Les ombres, au lever du soleil, avoient de la fraicheur ; c’est le contraire le soir : elles ont alors un caractère de sécheresse, reste de la chaleur du jour, qui a retiré toutes les vapeurs de dessus la terre. Il n’en subsiste plus à la fin de la journée, ce qui fait que les objets, pendant que le soleil paroît encore sur l’horizon, tranchent net sur leur fond, que les lumières & les ombres tranchent avec la même netteté, & que les reflets qu’occasionne dans les ombres des corps, le voisinage d’autres corps, y opèrent une répercussion plus vive & plus sensible, en participant cependant toujours de la teinte générale de la lumière répandue dans ce tableau. Cette règle est essentiell, sur-tout pour amener les paysages à l’intelligence ; car n’y régnant presque qu’une seule couleur, ce ne peut être qu’avec les secours des reflets & en modifiant la lumière avec art, que les tons, ainsi que les formes, s’y seront sentir & s’y arrangeront chacun à leur place. J’oubliois de faire remarquer, que le soleil étant près de tomber, se trouve dans la même position que lorsqu’il se levoit, & que la même raison qui prolongeoit alors les ombres, les met le soir dans la même disposition.

Je souhaiterois, Messieurs, en dire davantage. La chose est possible, mais elle est au-dessus de mes forces. Je vous supplie de vous contenter de ce foible essai : tout imparfait qu’il est, recevezle comme un témoignage de mon zèle & de mon attachement à remplir les devoirs d’Académicien.

Je n’ai point voulu traiter de la perspective aërienne, qui paroît cependant dépendante de mon sujet. Pour vous faire connoître la gradation & les effets des lumières & des ombres sur les corps, il eût fallu entrer dans des discussions de perspective pratique, donner des démonstrations, les accompagner de figures, & je n’ai point envie de mettre la main dans la moisson d’autrui. Vous avez dans votre Compagnie un Professeur intelligent ([1]) & exercé, qui ne laisse rien ignorer de cette science à vos Etudians. Je les exhorte de recourir à lui, de prêter une oreille attentive à ses utiles leçons, & de se ressouvenir qu’un Peintre qui sait la perspective & qui la pratique, est autant au-dessus de celui qui l’ignore, qu’un profond Dessinateur est supérieur à un misérable Artiste, qui n’auroit que des notions fort imparfaites du dessin.

Ce que je viens de vous lire, Messieurs, n’est que le prélude des engagemens que Bourdon avoit


contractés avec vous : il vous avoit promis de parcourir toutes les parties de la peinture, & à en juger par cet essai, il est aisé de voir que, si trop de vivacité dans l’imagination ne lui eût peut-être pas permis d’approfondir assez les matière, il y eût porté cet esprit d’invention qui le suivoit dans toutes ses opérations, & vous pouviez du moins compter sur une excellente esquisse, qui tôt ou tard eût animé quelqu’un d’entre vous & eût fait naître un cours de Peinture complet, ouvrage qui vous manque & dont les vues droites de Bourdon lui faisoient sentir la nécessité.

La mort qui rompt si souvent des projets utiles, a fait évanouir celui-ci. Il est pourtant vrai que notre Artiste auroit pu vous faire part encore une fois de ses réflexions, puisqu’au mois de Juillet de l’année 1670, il se trouva en tour de parler, & que sa mort n’arriva qu’en 1671. Mais un objet plus pressant & qui étoit à la vérité d’une beaucoup plus grande importance, s’offrit à lui & lui parut devoir mériter la préférence. L’Académie, vivement occupée de l’instruction de ses Elèves, délibéroit sur les moyens de rectifier & d’améliorer les études. Le Brun avoit prononcé tout récemment un excellent discours, dans lequel il enseignoit la meilleure manière de dessiner d’après le modèle. Plusieurs Académiciens avoient proposé chacun leur avis ; tous montroient un grand zèle pour la perfection de l’Ecole. Comment Bourdon eût-il pu demeurer muet, lui qui dans toutes les rencontres s’étoit toujours montré aux premiers rangs ? Craignant que son silence ne reçût quelque mauvaise interprétation, il n’atendit pas qu’on le prévint ; il se fit à lui-même crime de n’avoir pas parlé plutôt ; & des qu’il lui fut permis, il appuya de son sentiment ceux de ses illustres confrères.

Je ne vous rapporterai point mot pour mot ce qu’il dit en cette occasion, d’autant même qu’il se répandit moins en paroles qu’en démonstration ; je vous en serai simplement le récit. Bourdon pensoit qu’on ne peut trop-tôt se former une bonne manière de dessiner, & n’en connoissant point de préférable à celle a laquelle conduit l’étude de l’Antique, voici le chemin qu’il conseilloit de suivre aux Etudians, à ceux qui, déjà avancés dans la pratique du Dessin, sont en état de rendre avec justesse ce qu’ils se propesent d’imiter.

Il vouloit que, pour éviter de tomber dans le mesquin, & ne point contracter la manière de l’Artelier qu’on fréquente, on se familiarisât de bonne heure avec les belles Antiques, qu’on les dessinât partie par partie & ensuite dans leur totalité, & qu’en s’en fît une telle habitude qu’on pût, quand on le voudroit, ou que quelqu’un le demanderoit, les dessiner même de mémoire. Mais craignant encore que cette pratique, quelque sûre qu’elle soit, ne dégénérât en manière, il crut y devoir chercher un préservatif, & il imagina l’avoir trouvé dans un éstablissement de mesures & de proportions qui, différentes dans chaque figure, ainsi que pour chaque partie en particulier, mais toujours fixes, mettroient celui qui en seroit pleinement instruit & qui y auroit recours, en état de pouvoir exprimer avec la plus scrupuleuse exactitude ce qu’il auroit sous les yeux, & ne lui permettroit pas de s’éloigner en rien des formes données. Il ne redoutoit plus après cela aucuns écarts. Il sentoit bien qu’il y avoit dans cet assujettissement quelque chose de méchanique ; mais il devenoit nécessaire pour contenir une jeunesse, toujours prête à s’échapper & à prendre des licences, & il en pouvoit parler plus savamment que personne. De toutes les Ecoles, la sienne étoit peut-être celle qui, plus libertine, demandoit une plus prompte réforme.

Quoiqu’il en soit, après avoir amené les Elèves au point de dessiner les figures antiques avec facilité, & dans toute la précision ; après les avoir accoûtmés à calculer sans difficulté les nombres qui constituent les proportions de ces figures, & à en rendre compte toutes les fois qu’on l’exigeroit d’eux, il les introduisoit dans la saile du Modèle, où, les ayant fait asseoir & leur ayant mis le crayon à la main, il ne leur demandoit plus que de l’assiduité & de la persévérance, & surtout un respect inviolable pour les Réglemens.

Ces Réglemens, qui avoient pour principal objet l’étude d’après le Modèle, avoient été arrêtés dans les Assemblées précédentes, & Bourdon qui en connoissoit la sagesse, étoit fort élegné de proposer qu’on y fit aucun changement aucune innovation. Une nouvelle idée vint cependant le frapper, & il ne put se refuser d’en faire part à la Compagnie. Il lui fit entendre qu’il seroit à souhaiter, qu’après avoir dessiné une figure d’après nature & y avoir mis tout ce qu’il savoit faire, le même Etudiant fit un autre trait de cette figure, sur un papier à part. Il supposoit cet Etudiant encore plein de l’Antique, & il demandoi qu’en faisant cette seconde opération, le jeune Dessinauteur cherchât dans ce nouveau trait, à donner à sa figure le caractère de quelque figure antique, de l’Hercule-Commode, par exemple, ou bien de telle autre statue dont il se sentiroit plus particulièrement affecté & qui seroit plus sraîchement imprimée dans sa mémoire ; qu’il vérifiât ensuite, le compas à la main, si ce qu’il avoit dessiné d’après nature étoit dans les mesures que donnoit l’Antique, & supposé qu’il différât en quelqu’endroit, il exhortoit l’Elève de se corriger & de s’assujettir à des mesures dont on pouvoit d’autant plus sûrement lui répondre, qu’elles sont justes & n’ont rien d’arbitraire dans l’Antique.

Bourdon ne proposoit cette méthode, que parce qu’il étoit persuadé qu’il applanissoit par-là bien


des difficultés, & que les Elèves alloient faire avec elle de grands & de rapides progrès. Pour être mieux fondé dans son sentiment, il en avoit conféré avec l’illustre Poussin, & il se trouvoit muni de l’approbation de ce grand-homme. C’étoit son oracle, & pouvoir-il en consulter un qui fût plus sûr ? Il eut encore recours à lui, lorsque non-content des mesures des plus belles statues antiques qu’il avoit prises lui-même, étant à Rome, il chargea Mosnier, son disciple, qui alloit dans cette ville, d’y mesurer de nouveau ces statues. Il lui avoit enseigné la méthode qu’il devoit mettre en pratique & dont il étoit sûr, pour en avoir déjà fait lui-même l’épreuve. Il ne voulut pourtant pas que son Elève entreprît rien que de concert avec le Poussin, & il eut la satisfaction d’apprendre que l’habile Artiste dont il recherchoit l’avis, avoit fort goûté la justesse & la simplicité de sa méthode, que l’entreprise n’avoit pas été moins de son goût, & que tout usé qu’il étoit par le travail & par les années, l’amour de l’Art lui avoit fait retrouver de nouvelles forces ; & ce fut en effet avec les propres instrumens & presque sous les yeux & la direction du bon-homme que l’opération se fit. J’ai voulu laisser subsister l’expression de Bourdon dans toute sa simplicité.

Mosnier rapporta à son maître les principales figures antiques mesurées avec une exactitude & une précision qui ne laissoient rien à desirer, & Bourdon en choisit quatre qu’il offrit dans la séance du 5 Juillet 1670 & qu’il pria la compagnie de lui permettre d’exposer dans l’Ecole de l’Académie. On les y a vues pendant longtems ; mais à force de passer par les mains des Eléves qui les copoient ou qui les consultoient, ces dessins se sont entièrement détruits & ont disparu. Le souvenir du bienfait n’en est pas gravé moins profondément dans votre mémoire, il ne s’en effacera jamais. Est-il rien de plus flatteur ni de plus propre à encourager ceux qui vous sécondent dans l’exercice des travaux pénibles de cette Ecole, & qui sacrifient leur tems à l’éducation de votre jeunesse ?

Et vous, Monsieur, ne vous lassez point de leur être favorable. Faites valoir cet amour & ce goût que vous avez pour les Beaux-Arts. Que les Maîtres & les Elèves continuent de trouver en vous un protecteur & un père. Quelque grande que soit la perte qu’ils ont faite, vous pouvez la réparer ; & ce que nous osons vous demander encore, c’est que vous honoriez le plus souvent qu’il vous sera possible, nos Assemblées de votre présence. Vous y êtes assis dans une place où s’est vû le grand Colbert. Il aima l’Académie qui étoit son ouvrage, & par un retour de sentiment, toutes les fois qui il s’y fit voir, elle parut animée du même zéle & du même esprit qui faisoit agir ce sage Ministre. Elle ne fut occupée, comme lui que de la gloire de son Prince, de celle de la nation, de la sienne propre. Montrez-vous, Monsieur, & vous éprouverez les mêmes effets ; une douce joie s’emparera de tous les cœurs, l’émulation augmentera, les ouvrages y gagneront ; vous maintiendrez l’ordre qui fait toute la force de l’académie. Elle en sera plus digne d’approcher du trône, & de mériter, sous vos auspices, les bienfaits & la protection de notre auguste Monarque. (Article de M. Watelet).

  1. (1) M. Mignon.