Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Charrue
Définition
Charrue ; machine employée pour le labourage, & qui est traînée par des bœufs ou des chevaux. Il y a des charrues de forme & de construction différentes, suivant le service qu’on veut en tirer.
Charrue des jardins ; c’est une ratissoire, destinée à ratisser les grandes allées des parcs.
Article
CHARRUES. Les premières charrues n'étaient d'abord qu'un morceau de bois dur, aiguisé par le bout ; on l’a armé ensuite de cuivre, & enfin de fer. Il y a des différences très-marquées dans la construction & dans la forme des charrues modernes en usage dans les divers pays de labour ; elles varient toutes, soit par la longueur & la figure de la flèche, soit par le soc, par le coûtre, par les manches, &c. Cependant, comme il y en a quelques-unes qui sont meilleures que d'autres, à certains égards, ou qui conviennent mieux, suivant la nature. & l’espèce particulière des terrains, il est bon d'en prendre une connoissance générale.
La charrue (dit Mortimer, agriculteur anglois) préférable pour les terres aigilleuses, noires & tenaces, est celle qui est longue, large, avec un soc épais & un versoir quarré, qui enlève une grande largeur de terre, qui a le coûtre long & un peu courbé, avec une oreille fort grande, un pied long & large, pour faire un sillon profond.
La charrue pour les terres grasses, blanches ou grises, n'a pas besoin d'être aussi grande que la précédente ; elle doit être seulement un peu plus large sur le derrière, & avoir un coûtre long & courbé, & le soc même avec une oreille qui monte jusqu'au bras, & qui empêche le versoir de porter.
La charrue pour le sable ou le gravier rouge, blanc ou pour telle autre terre légère, doit être beaucoup moins pesante que la première ; elle doit avoir le coûtre plus mince & plus courbé, & l’oreille moins large.
On se sert aux environs de Colchester, ajoute l’auteur anglois, d'une, charrue à roues, extrêmement légère, avec laquelle on laboure avec deux chevaux deux acres de terre par jour ; mais il est vrai que le terrain est fort léger. Ce qu'elle de particulier, est un versoir de fer, évidé en dedans, lequel retourne la terre infiniment mieux qu'aucune autre espèce de charrue.
La charrue dont on se sert dans la province de Lincoln, a une figure toute particulière ; elle est excellente pour les terrains marécageux, remplis d'herbes, de joncs, & où il n'y a point de pierres, à cause de son coûtre & de la largeur de son soc, auquel on donne souvent plus d'un pied de large, qui est extrêmement pointu. On applique à cette charrue un manche ou soutien que l'on hausse ou baisse par le moyen d’un coin qui empêche le devant de la charrue d'enfoncer trop avant dans la terre ; d'autres coins contiennent la partie postérieure de la charrue. Le coutre consiste en une roue tranchante, laquelle coupe la racine des herbes en travers à mesure qu'elle avance, pendant que le soc les coupe par le pied.
Les habitans de la province de Sussex ne se servent que d'une charrue à une seule roue, extrêmement pesante, & d'autant plus mal aisée à traîner, que le derrière en est fort large.
Le terrain des environs de Caxton, dans la province de Cambridge, est extrêmement argilleux & tenace, & parsemé de petites hauteurs sur lesquelles on sème du bled. On met en prairies les parties ; les plus basses, qui dans les hivers pluvieux sont quelquefois si inondées, qu'on ne sait comment y faire paître les bestiaux.Comme il en coûterait trop pour y faire des saignées avec la bêche, les habitans du pays se servent pour cet effet d'une espèce de charrue qui ne diffère des autres qu'en ce qu'elle est plus forte & plus épaisse. Il y a une pièce de bois attachée, à la flèche, laquelle est armée d'un coûtre, & d'un autre fiché dans la flèche, lesquels sont courbés en dedans pour ouvrir la tranchée. Le soc est plat & fort large, & c'est lui qui ouvre le fond de la tranchée. Le versoir est trois fois plus long que dans les autres charrues, pour jeter la terre loin de la tranchée. Cette charrue, ouvre une tranchée d'un pied de large au fond, d'un pied & demi de large au sommet, & d'un pied de profondeur. Il faut vingt chevaux pour la tirer ; mais on est suffisamment dédommagé de la dépense par le service qu'on en tire.
Charrue double.
On voit dans la planche IX, Fig. 7, cette double charrue, ainsi nommée, parce qu'elle trace deux sillons à la fois.
Elle est de l’invention d'Ellis, riche fermier de Gaddensden, dans la province de Hestforden en Angleterre.
La construction de cette charrueest si simple, que le moindre ouvrier peut la faire. Il faut seulement observer que les crans représentés par la Fig. 7, soient près l'un de l'autre, parce que leur usage est de régler la profondeur des sillons, & de conserver le niveau de la charrue. Dans le cas où les bras sont trop longs, on peut les raccourcir, proportionnellement au terrain qu'on veut labourer.
(Gent. Mag. Feb. 1770.
Charrue anglaise, sans roues.
Il s'est fait depuis quelques années un changement remarquable dans la façon de labourer les terres du Comté d'Essex : il en coûte un quart de moins pour les labours, & je crois, dit un fermier, qu'elles sont mieux travaillées, cultivées. Il fallait précédemment quatre chevaux, un charretier-laboureur & un conducteur, pour faire le labour d'un acte dans un jour Nous faisons, dit-il, le même ouvrage avec trois chevaux & un seul homme, & lorsqu'on a de forts chevaux, il n'en faut que deux. Ces avantages résultent d'une meilleure construction de charrue & d'une meilleure disposition des terres pour le tirage. Il suffira de donner ici quelques indications sur les pièces qui composent cette charrue améliorée. (Voyez pl. XL, Fig. 1.)
1°. L'âge a sept pieds cinq pouces de longueur, cinq, pouces en hauteur sur quatre d'épaisseur latérale ; & à partir de l’endroit où est fixé le contre, l’âge diminue d'épaisseur & hauteur, jusqu'à n'avoir plus que trois pouces sur ces deux faces : à ce même point, l’âge est un peu courbé vers la terre.
2°. Le sep est une pièce droite, longue de trois pieds six pouces, large de quatre pouces à sa partie antérieure, & de trois pouces à la partie de derrière sur quatre pouces & demi d'épaisseur dans toute sa longueur.
Pour que l’âge & le sep soient placés comme il faut, l'un relativement à l'autre, tirez une ligne de la partie postérieure & inférieure du sep jusqu'au dessous de la tête de l’âge, comme la ligne ponctuée A B, & mesurez par cette ligne la hauteur de l’âge ou sa distance du fond du sillon ; il doit y avoir à la queue du sep quatorze pouces de la ligne au-dessous de l’âge, & seulement douze pouces au dessous de la tête de l’âge D à la ligne B. La position relative de ces deux parties est si imporrante, que lorsque celle que nous conseillons manque, la charrue travaille mal : tout autre défaut dans cet instrument peut être réparé ; mais celui-ci ne le peut pas ; il faut démonter les pièces. Si la tête de l'âge est plus haute que douze pouces, la charrue sortira de terre, au lieu d'y faire l'effet du levier, de garder sa position & de faire un ouvrage égal.
3°. L'âge tient au sep par le bras, qui, dans sa moitié inférieure, a la même grosseur que l’âge, il entre en mortoise dans le sep, & est chevillé sur l’âge. Ce bras a cinq pieds, & son extrémité ou le manche doit être trois pieds au-dessus de la ligne de niveau A B, si elle était prolongée.
4°. L'âge est encore lié avec le sep par l’attelier 3, qui a douze pouces de largeur, deux pouces d'épaisseur, & est fortement assemblé à tenon & mortoise.
5°. Le boulon 8 est une troisième partie qui affermit l’âge au sep ; sa position, son union avec le soc le rendent le centre de la charrue & des efforts qu'elle supporte. Il doit avoir un demi-pouce de diamètre ; il traverse l’âge & le sep.
6°. Les socs dont nous faisons usage dans les terres fortes & glaiseuses, pèsent six livres étant neufs. Ils ont treize pouces à la partie large des ailes, & une pointe d'environ quatre pouces, plus plate que quarrée : ils sont ajustés au sep, de manière que la partie des ailes se trouve trois quarts de pouce plus bas que la ligne de niveau. De cette dépression de la pointe, dépend l’entrée du soc dans la terre, & elle fait qu'il s'y maintient.
7°. Cette partie du soc qui déborde, laisseroit sous le sep un vide où la terre s'attacheroit, & rendroit le frottement rude & le tirage plus pénible, ce qu'on prévient, en attachant sous le sep une plaque de fer qui recouvre ce vide & le dessous du sep : la tête du boulon est perdue ou enchâssée dans cette plaque ; ainsi, tout le pied du sep est égal & uni ou coulant.
8°. Le coûtre a un pouce & demi de large ; sa tige un pouce quarré d'épaisseur & deux pieds de long : sa pointe approchera à volonté plus ou moins du soc, selon la nature du terrain.
9°. Le versoir de la charrue aura trois pieds de long, un pied de largeur ; il est plat à sa surface inférieure, mais convexe ou arrondi en dessus. Il ne peut être trop mince, pourvu qu'il ait assez de force ; il doit approcher de la forme d'un coin, & présentant une pente douce, former une continuité du soc pour passer aisément à sa suite sous la terre. Sa partie postérieure aura huit pouces de largeur : il est cloué au-devant du sep avec des clous qui traversent celui-ci, & sont rivés dessous : par derrière il est attaché au bras avec de fortes chevilles de
bois. La convexité ou rondeur de sa forme lui donne dix pouces de largeur, trois pouces du bord inférieur ; l’augmentation de largeur doit être dans la proportion de deux pouces de largeur sur trois pouces dehauteur. Ces proportions sont suffisantes pour faire des sillons de médiocre largeur, comme nous en faisons dans les terres fortes cinq dans une largeur de cinq pieds. Quand on veut faire des sillons plus larges & des sillons plus hauts, voici ce qu'on doit pratiquer.
Sur le dessus du versoir, à la partie, postérieure, on place une plaque de fer longue de dix-huit pouces, large de quatre pouces, & d'une forte épaisseur. Cette partie se place & déplace à volonté plus haut ou plus bas ; pour cet usage, on a percé le versoir de trois ou quatre trous, afin d'attacher la plaque de fer à la hauteur convenable ; par ce moyen, une seule charrue fait le service de plusieurs différentes. Comme le col ou la partie antérieure du versoir s'useroit en peu de temps, on y attache avec des clous une plaque de fer qu'on renouvelle au besoin.
10°. Immédiatement avant le versoir, est le coq de fer 7 qui sert à tenir plus ferme le soc, à empêcher les racines de s’engager entre le poitrail & le soc. Il doit avoir deux pouces quarrés d'épaisseur, & sa partie plate doit faire face à la tête de la charrue ; cette pièce doit être un peu inclinée vers le poitrail ; son autre extrémité est fixée dans le soc.
11°. Le bâton de la charrue ne sert pas seulement pour y tenir la main ; il doit y avoir cinq pieds six pouces de longueur, être droit & d'une forme à être saisi par la main à son extrémité supérieure : au bout d'en bas on ajuste un morceau de fer ; l'extrémité du bâton se place dans un trou qui est à la partie concave ou intérieure du poitrail, dont il se retire à volonté pour son usage, qui est de tourner le tranchant du coûtre comme l’on veut, de nettoyer la charrue de terre quand il en est besoin : quant au reste du bâton, il porte sur la cheville qui attache le versoir au bras.
Nous n'expliquerons pas les pièces connues 14 qui servent au tirage de la charrue, on dira seulement que cette manière d'atteler, partage le tirage entre tous les chevaux plus également que l'attelage ordinaire. Dans celle-ci, lorsqu'il y a trois ou quatre chevaux, ceux qui sont les plus-proches de la charrue, non-seulement tirent pour leur part, mais portent encore un poids proportionné à la force du tirage des chevaux de devant.
Le pied anglais n'a qu'onze pouces du pied de France.
Charrue à défricher.
Cette charrue à défricher est de l’invention du citoyen de Pommiers.
Les défrichemens dans les terrains couverts d’ajoncs & de bruyères sont si coûteux & si pénibles, qu’il vaudroit mieux quelquefois acheter un fonds de terre, que de prendre la peine de les défricher. La charrue que nous allons décrire, dispensera non-seulement du soin de se servir de la pioche dans les défrichemens des brandes, mais encore dans ceux des vieilles vignes. Quatre bœufs suffisent pour l’atteler, & l’on défriche aisément, par son moyen, toute sorte de terrain. Le travail en est facile, & l’homme le plus foible peut y suffire sans aucun effort, & sans qu’il ait besoin d’aucun poids pour guider ou contenir la charrue.
Il n’est pas douteux que pour réussir dans un travail aussi difficile que le défrichement des landes, on ne doive employer une charrue solide, & dont les proportions soient bien exactes ; mais si la construction d’un pareil instrument est facile, & qu’elle puisse être exécutée par le laboureur lui-même, cette charrue réunit tous les avantages ; tels sont ceux que présente l’instrument aratoire du citoyen de Pommiers.
Les roues de cette charrue doivent avoir 54 pouces de hauteur, & sont composées de douze raies ; la jante a 2 pouces d’épaisseur & autant de largeur ; le moyeu a 8 ou 10 pouces de longueur, & l’on peut y mettre des frettes ; on peut également les construire sans serrure.
On donne à la perche de la charrue 8 pieds 4 pouces de longueur, & sa grosseur doit être proportionnée à la force du travail auquel on la destine. On a soin de faire des trous pour la chaîne, de deux en deux pouces, à quatre pouces au-dessus du coutre, & lorsque la perche baissé trop, on peut l’élever, en ajoutant une hausse au-dessus de l’oreille ; celle-ci aura de longueur deux pieds 8 pouces ; la tête seulement 8 pouces, & elle sera camuse, & à l’endroit où elle reçoit le soc, on la bombera & l’on aura soin de faire pencher le versoir. Si par hasard on n’avoit pas de morceaux de bois assez gros pour construire la tête on pourroit la faire de deux pièces, & on l’assujettiroit à la perche & au cep par une cheville qui serviroit également à l’éloigner ou à la rapprocher. D’après cette construction, il est évident que la terre enlevée par le soc doit tourner autour de l’oreille, qu’elle est divisée par la pression de celle-ci & que son tournant arrache les racines.
La largeur du soc est de 12. pouces, sa longueur de 21 ; il doit être terminé en pointe ; son enfourchure, dont il faut que lemilieu soit parallèle, aura cinq pouces & demi de largeur, & un pouce & demi de hauteur ; la force de celle-ci doit être proporiionnée au défrichement qu’on veut faire ; quelques clous suffiront pour
attacher le soc à l’oreille, si on a eu soin de poser, vers le tiers de sa longueur, une bande de fer de six pouces, sur un de largeur.
La perfection de la charrue dépendant absolument du cep, il faut observer dans la construction de cette pièce, 1o. qu’elle doit être faite avec du bois très-dur ; 2o. que sa longueur est de deux pieds 8 pouces ; sa largeur 6 pouces, & 5 son épaisseur ; 3o. qu’il faut qu’elle soit bien dressée & creusée en dessus de demi-pouce sur la longueur d’un pied ; 4o. enfin qu’on doit rabattre le dessus, afin que le soc soit emmanché très-droit. On observera sur toutes choses qu’il faut que le cep soit extrêmement incliné, parce que s’il étoit droit, comme dans d’autres charrues, la moindre résistance le feroit soulever, pencher le soc, & ne produiroit aucun effet ; mais si on observe dans sa construction tous les points qu’on a indiqués, alors le talon frappera la terre dans l’endroit le plus difficile, & rien ne pourra l’arrêter. Si la charrue s’échappait de côté, ce seroit une preuve que le soc n’est pas posé droit, & il faudroit y remédier sur le champ.
Pour empêcher les herbes, les racines, de s’amasser entre l’oreille & le coûtre, on aura soin de pratiquer une ouverture auprès de ce dernier ; l’expérience apprendra la grandeur qu’il convient de lui donner ; par ce moyen tout passera, & l’on ne sera jamais obligé de s’arrêter ; si la lande ne se renversoit pas bien, on y remédieroit en éloignant davantage l’oreille.
L’essieu doit avoir 36 pouces de long ; mais pour en diminuer la dépense, on peut le faire de bois. La sellette qui porte sur l’essieu & qui est entre les roues, a 1 ou 3 pouces d’épaisseur ; les pièces des côtés ont deux pieds de longueur, & lorsque celle du milieu est assez longue, èllé peut servir de timon. On conçoit que celui-ci doit varier dans sa forme, & qu’il ne doit pas être le même pour atteler des bœufs ou des chevaux ; on attache contre la sellette un crochet destiné à tenir une chaîne de la longueur de trois pieds, laquelle est terminée par un anneau assez grand pour que la perche puisse passer au travers ; un second crochet, fixé contre cette dernière, sert à alonger ou à raccourcir la chaîne.
On fera d’abord l’essai de cette charrue dans une terre en valeur, ensuite dans une pelouse, après quoi on la montera à son point, & on s’en servira dans les landes. Elle devient beaucoup plus aisée après quelques jours d’usage, & soit habitude, soit parce que l’instrument va beaucoup mieux, l’iilusion en est au point qu’on croiroit à peine que c’est le même dont on se servoit en commençant. Cette charrue est très peu dispendieuse ; un soc de vingt livres, un coutre de quinze & une chaîne de douze, voilà tout le fer qui entre dans sa construction ; le reste est en bois, & aux roues près, le laboureur peut la construire lui-même : il observera, quand il voudra faire usage de cette charrue, qu'on lui donne entrée par trois endroits, 1°. par la sellette ; 2°. par le trou de la perche ; 3°. en accourcissant la chaîne. Deux hommes, quatre bœufs ou quatre chevaux peuvent, avec cette charrue, défricher les landes les plus fortes, tandis que quatre hommes & sept couples de bœufs suffisoient à peine pour celles qu'on employoit auparavant, au même usage. (Voyez pl. XL, Fig. 2.)
Charrue propre à faire des tranchées d'un pied de profondeur, d'un pied 8 pouces de large au sommet & de 10 pouces au fond, dont le talut soit égal des deux côtés. Cette charrue est de l’invention de Cuthberg Clarke, anglais.
Voici l’explication des figures, pl. XIII.
Fig. 1. La charruevue de côté.
Fig. 2. La même charrue vue de front.
Fig. 3. La même vue par derrière.
Fig. 4. Coupe qui montre la disposition des trois coutres.
A, B, C ; trois coutres enchâssés dans le coutre-soc S à angles droits, & attachés aux bras de la charruepar des vis D, E, F, Fig. 4. Le soc est de fer depuis S jusqu'en A, & a 10 pouces de large au fond qui est la largeur de la tranchée.
G, roue ou rouleau qui sert à deux usages ; l'un à empêcher que la charrue n'entre trop avant dans la terre, l'autre à couper les mottes en trois. Pour cet effet, le rouleau dont la largeur est de 20 pouces, est armé de chaque côté d'une plaque de fer qui déborde de 3 pouces. Il y a au milieu une autre plaque de la même grandeur ; les coutres sont sur la même ligne.
K K ; pivots du rouleau.
L L ; vis qui assujettissent l’arc-boutant qui soutient les pivots.
M ; crochet de fer auquel estattachée la chaîne qui sert à tirer la charrue.
N ; la chaîne.
O ; tête de la charrue dans laquelle les timons sont emmortoísés.
P, Q, R ; les trois timons.
S ; fer dans lequel entre le contre-soc de la charrue.
T ; pièce de bois, le long de laquelle la motte monte après avoir été coupée.
V, V ; pièces qui jettent la terre de côté & d'autre de la tranchée.
W, W ; bande de fer qui attache le derrière de la charrueau timon du milieu.
X ; tenon.
Z Z ; les mancherons.
a, b ; traverse qui contient les mancherons.
c, d ; surface du terrain. Tout ce qui est au-dessous représente l’excavation que fait la charrue.
f, e, g ; l'angle du coûtre avec une ligne parallèle au plan horizontal ; il est d'environ 45 degrés.
Charrue tranchante. Cet instrument est fort utile dans les prés ou les pâturages, pour ouvrir les tranchées, les rigoles, les saignées. Cette charrue est encore fort bonne pour couper le gazon, lorsqu'on veut le remettre tout entier dans la même place ou ailleurs. Elle est composée d'un long manche terminé par un bouton pour pouvoir le tenir plus commodément ; l'autre bout porte sur un avant-train composé de deux roues & d'une traverse, à laquelle est attaché un coûtre auquel on donne une longueur proportionnée à l’épaisseur du gazon qu'on veut couper.
Ces charrues sont de plusieurs façons ; les unes sont à une roue, les autres à deux, & quelques-unes n'en ont point ; on choisit celles qui conviennent le mieux au terrain & à l’ouvrage.
Charrue pour détruire les fourmillières.
Cet instrument est composé d'un fer tranchant a, d'environ trois pieds de long & de 4 ou 5 pouces de large dont le dos est fort épais ; il y a deux manches pour le saisir ; on a pratiqué deux trous où l'on passe les traits des chevaux qu'on y attelé ; une traverse de fer sert à l'affermir ; c'est une espèce de petit coûtre qui coupe la fourmilliere en deux parties, & l'on peut en mettre deux, lorsqu'on veut la couper en quatre. Pourvu que vous ayez un cheval pour tirer cet instrument, un garçon pour le conduire & un homme pour le tenir, vous abattrez plus de fourmillières en un jour que huit hommes n'en peuvent abattre par la voie ordinaire ; il faut seulement observer que, comme il coupe les fourmillières par la racine, il laisse dessous un vide qui cause quelque préjudice au terrain ; mais on peut remédier à ee défaut en semant du foin, du trèfle, &c.
Charrue à quatre coutres.
On connoît la charrue ordinaire à deux roues, qu'on regarde comme la meilleure pour toutes sortes de terres, excepté les terres glaises & bourbeuses, qui s'attachent aux roues, & les embarrassent tellement qu'elles ne peuvent pas tourner.
On se sert en quelques endroits d'une invention pour remédier à cet inconvénient, qui est d'entourer les cercles de fer et les raies des roues de cordes de paille d'un pouce d'épaisseur. Les roues pressant la terre, les cordes, en s'applatissant, s'écartent des deux côtés, & cet écartement repousse la boue & l’empêche de s'attacher aux roues, comme elle le seroit sans cela.
La charrue dont il s'agit, est ordinairement divisée en deux parties, savoir, la tête & la queue. La tête contient les deux roues & leur essieu de fer qui passe le long d'une traverse fixe, dans laquelle il tourne aussi bien que dans les roues ; les deux montans qui sont inserés perpendiculairement dans cette traverse, & dont chacun a deux rangs de trous qui servent à hausser & à baisser la flèche, en haussant & en baissant une traverse mobile, pour augmenter ou diminuer la profondeur du sillon ; la traverse d'assemblage, au bout de laquelle les montans s'ajustent en haut dans les mortoises où ils sont cloués ; le châssis avec ses anneaux & crochets de fer par lesquels toute la charrue est tirée ; la chaîne qui attache la queue de la charrue à la tête par le collier d'un bout, & passe de l’autre bout par un trou au milieu de la traverse fixe, où elle est attachée par une tringle ; la chaîne dont l'un des bouts est attaché à la flèche par une cheville, & l'autre au bout d'en haut de la même tringle, laquelle est retenue contre le montant gauche par le cercle d'osier qui les embrasse tous deux, & va passer à gauche par-dessous le bout de la traverse d'assemblage, ou au lieu de ce cercle d'osier, par un bout de corde, & quelquefois par le bout de la chaîne, quand elle est assez longue.
La queue de la charrue contient, la flèche, le coûtre, le soc, la planche, l’érançon., qui passe (par la flèche près du bout ; le manche court, c qui est attaché avec une cheville vers le haut de a l'étançon, & avec une autre au haut de la planche ; le montant, qui appartient au côté droit de la queue de la charrue, & auquel la pièce d'en bas est attachée, comme l’est aussi la planche du dessous dont la partie antérieure est attachée au montant avec une cheville dont l’autre bout entre dans la fleche ; & le double tenon, qui supporte la planche en haut, & passe par la flèche pour y être attaché par ses vis ou par les écrous.
La flèche diffère quelquefois en longueur, étant de dix pieds quatre pouces dans certaines charrues, au lieu que dans d'autres elle n'est que
de huit pieds ; elle est aussi de différente figure, étant droite d'un bout à l'autre dans les unes, tandis que dans d'autres elle ne l’est que depuis l’endroit où elle monte en haut tout d'un coup ; de sorte que si on laisse tomber un plomb du coin à la surface unie sur laquelle elle est placée, on y trouvera onze pouces & demi, qui sont sa hauteur dans cet endroit ; & si on laisse tomber un autre plomb du coude de la flèche sur la même surface, on y trouvera un pied huit pouces & demi, qui sont la hauteur à laquelle la flèche est élevée de la terre à cet endroit ; & si on laisse tomber un troisième plomb depuis le bas de la flèche à l’endroit qui porte sur la. Traverse à la surface de la terre, il fera voir que la fleche est élevée de deux pieds dix pouces au-dessus de la surface à cet endroit ; il y a d'un bout à la partie postérieure du premier coûtre trois pieds deux pouces ; de-là jusqu'au dos du coûtre suivant, treize pouces ; de-là au troisième, treize, & de-là au quatrième, autant.
Cette courbure de la flèche est faite pour éviter la trop grande longueur des coutres antérieurs, laquelle serait nécessaire, si la flèche étoit droite ; & alors, à moins qu'ils ne fussent extrêmement épais & pesans, ils seroient sujets à se fausser, & la pointe du quatrième seroit si éloignée de son emboîture, qu'il aurait une force presque insurmontable pour lâcher les coins qui le contiennent ; d'où il arriveroit que le coutre se leveroit, & ne trancheroit plus la terre ; ce qui n'arrive pas quand la flèche est courbée. Cette flèche se fait ou de frêne, qui est le bois le plus léger, ou de chêne, qui est le plus durable ; sa dimension, tant en épaisseur qu'en largeur, peut varier, suivant que la terre qui doit être labourée, est plus pesante ou plus légère ; mais celle que nous venons de décrire, a cinq pouces d'épaisseur au trou du premier coutre, & quatre de largeur.
A la planche, qui est large de sept pouces, sont joints les tenons de fer, dont le gauche doit être plus avancé, afin que le bord de sa partie intérieure, qui est plat, soit bien serré contre le bois de la planche. Cette piece tient la planche attachée à la flèche par ses vis & ses écrous, comme le fait aussi une cheville qui est dans le trou auquel correspond une petite partie de la flèche ; la cheville y étant poussée, tire la planche en haut, & la tient serrée contre la flèche. La principale chose dont on doit prendre connaissance, c'est l’angle qui montre l’élévation de la planche. Quand cet angle est plus grand que le 45e degré, une charrue ordinaire ne va jamais bien : dans cette charrue à quatre coutres, on le fait de 42 ou 43 degrés au plus.
Passons au soc, où l'on distingue le bout de la pointe, la queue du soc, qui est long de trois pieds neuf pouces ; l’aileron ; la douille dans laquelle le bas de la planche entre ; une plaque mince de fer qui est rivée à la queue du soc ; c'est par cette plaque que la queue du soc est attachée à l’étançon par une petite cheville de fer qui a une vis au bout & un écrou qui est monté du côté intérieur ou droit de l’étançon.
La pointe du soc est longue environ de trois pouces & demi, platte par-dessous, & ronde en dessus : il doit être d'acier fort dur en bas ; le bord de l’aileron doit être bien acéré ; la longueur est indifférente. La douille est une mortoise d'environ un pied de long à la partie supérieure, & de deux pouces de profondeur : son bout de devant ne doit pas être perpendiculaire, mais oblique, comme le devant de la planche qui y entre ; & le bord d'en haut de cette partie antérieure doit toujours porter contre la planche. Mais si ce bout de la douille n'étoit pas tout-à-fait aussi oblique que la planche, on peut y remédier, en rognant un peu de bois à la pointe de la planche.
Un côté du soc doit être parfaitement droit, mais celui d'en bas, à l’endroit de son col, doit, être un peu creux du côté de la terre, mais jamais de plus d'un demi-pouce dans aucune charrue ordinaire, & d'un quart de pouce dans celles, qui ont quatre coutres ; de sorte que, quand le soc est nouvellement fait & posé sur son fond, il ne porte sur la surface unie qu'en trois endroits, c'est-à-dire, à la pointe, à la queue & au coin de l’aileron.
La figure 7 est le soc renversé, il montre la concavité de l’aileron à l’endroit qui doit être plus grande pour un terrein pierreux & embarrassé.
Le grand manche est long de cinq pieds quatre pouces, & large de quatre pouces dans sa plus grande largeur ; il est attaché à la planche & au montant.
Le manche court n'a que trois pieds neuf pouces, & est attaché à l’étançon & au bout de la planche de devant au dessus de la flèche.
La principale chose, & celle qu'on doit le moins se dispenser d'observer, est de placer les quatre coutres de manière que les quatre plans imaginaires que leurs tranchans décrivent quand la charrue va en avant, soient tous parallèles les uns aux autres, ou à-peu-près ; car si un d'eux inclinoit beaucoup à un des trois autres, ou qu'il s'en éloignât, ils ne pourroient pas entrer dans la terre ensemble. Pour les placer ainsi, leurs trous doivent être faits à travers la flèche convenablement ; c'est-à-dire, le trou du second coutre deux pouces & demi plus à la droite que
le premier ; ainsi du troisième & du quatrième, conformément aux quatre incisions qu'ils doivent faire dans un sillon de dix pouces ; & comme une seule flèche n'est pas assez large pour qu'on y puisse faire les quatre trous des coutres à cette distance, on est obligé d'y ajouter une piece. Le second trou est fait partie dans la flèche & partie dans cette piece ; le troisième & le quatrième sont faits entièrement dans cette piece ; trois vis attachent cette piece au côté droit de la flèche avec leurs écrous.
La distance de deux pouces & demi, à laquelle chacun des trois coutres ajoutés est placé plus à la droite que celui qui est immédiatement après, doit être comptée du milieu d'un trou au milieu de l'autre : la partie de devant de chaque trou doit incliner un peu vers la gauche, en sorte que les dos des coutres ne portent pas contre le côté gauche des incisions faites par les tranchans.
Chaque trou étant une mortoise, est large d'un pouce & un quart, & ses deux côtés opposés sont parallèles depuis le haut jusqu'en bas ; chacune de ces mortoises est longue par en haut de trois pouces & demi, & par en bas de trois pouces ; la partie de derrière de chaque trou des coutres n'est pas perpendiculaire, mais oblique ; elle détermine la situation oblique du coutre qui y est enchâssé avec un coin, comme tous les autres le sont.
Le coutre a deux pieds huit pouces de longueur ; son tranchant est de 16 pouces de longueur ; son manche a la même longueur. On le fait d'abord de cette longueur, afin qu'y en ayant une partie au dessus de la charrue, on puisse le chasser plus bas, à mesure que la pointe s'use ; ce manche est large d'un pouce & de sept huitièmes, & épais de sept huitièmes de pouce également dans toute sa longueur : sa largeur & son épaisseur pourroient être représentées par un parallélogramme rectangle.
Dans toutes les charrues, le premier coutre est ou doit être placé dans la fleche de la manière suivante ; c'est-à-dire, que son dos porte contre, celui de son trou ; son côté droit, d'en haut contre le bord d'en haut, & son côté gauche contre le bord d'en bas, de sorte qu'il faut toujours trois coins pour le tenir ; l'un devant, un autre à gauche en haut & un troisième à droite en bas. Le trou doit être fait de façon que le coutre y étant placé de travers, sa pointe puisse incliner assez vers le côté gauche, pour être environ deux pouces & demi plus à la gauche que la pointe du soc, s'il était poussé aussi bas que lui ; mais il ne doit jamais être aussi bas dans aucune charme. Quant à sa situation en avant, sa pointe ne devroit jamais être devant le milieu de celle du soc.
Les trois coutres ajoutés doivent être dansla même situation que celui dont nous venons de parler, eu égard à l’inclinaison de leurs pointes vers la gauche, & c'est un avantage pour eux ; car par ce moyen, quand on leve l'aileron entournant les manches vers la gauche, les pointes ne sortent point de la terre du côté droit, comme elles le feraient sans cette inclinaison vers la gauche ; mais à l’égard de leur position en avant, le mieux est que chacun des trois soit un peu plus perpendiculaire que celui qui le suit. C'est ainsi que le quatrième coutre approche plus de la perpendiculaire que les autres, y ayant, par ce moyen, plus de place entr'eux en haut qu'en bas, ils sont plus facilement débarrassés du gazon, quand les pièces étant couvertes d'une grande quantité de chiendent ou d'autres herbes, montent entr'eux. Il est vrai que cela arrive rarement ; mais il faut alors un homme qui marche à côté avec un bâton fourchu, pour détacher le gazon ou l'herbe, qui sans cela rempliroit les espaces qui sont entr'eux, & empêcheroit l’opération de la charrue, en la soulevant.
On doit observer qu'aucun des coutres ne doit descendre aussi bas que la base du soc, excepté quand on laboure fort superficiellement, que l’aileron du soc soit assez large pour couper la quatrième piece ou le quatrième sillon ; sans quoi la terre, restée ferme, pourroit soulever la charrue & la détourner. Mais quand on laboure profondément, elle rompt ce quatrième sillon, quoique l’aileron ne soit pas assez large pour y atteindre.
On fera bien de mettre entre les écrous & le bois des plaques de fer ou d'acier, pour empêcher que l’écrou ne creuse le bois.
Les trous où entrent les coutres, doivent aussi être garnis de plaques de fer ; tant en haut qu'en bas.
Le collier de fer est attaché à la flèche par deux crochets qui prennent à deux courtes chevilles qu'on a fait entrer dans la charrue, précisément derrière le trou du second coutre, chacun d'un côté de la flèche. L'usage des entaillures pratiquées dans le collier, est d'aider à la direction de la pointe du soc. A mesure que la pointe du soc s'use, il incline un peu plus vers la droite, & l’on y remédie en mettant le crochet dans une entaillure plus près de la gauche, ce qui dirige la pointe un peu plus vers la gauche ; & cela est plus facile à faire dans cette sorte de charrue que dans les charrues ordinaires, dont les colliers tournent tout autour de la flèche ; chaque côté de ce collier est long d'un pied.
Quand on veut approcher la charrue un peu plus près des montans, on met le crochet dans le second ou troisième chaînon. On remarque que quand on raccourcit la chaîne, la pointe du soc incline un peu vers la gauche.
Remarquez que les trous de la caisse par lesquels les jambes de la barre du châssis passent, ne doivent pas être faits à angle droit avec la caisse, mais biaisant en enhaut, de manière que le devant du châssis soit plus haut que le derrière, sans quoi le haut des montans pancheroit tout-à-fait en arriere quand la charrue est tirée.
L'usage des entaillures de la barre du châssis est pour donner à la charrue un sillon plus large ou plus étroit : si on y met les chaînons du côté droit, cela fait aller les roues à la gauche, & donne un plus grand sillon ; & si on les met du côté gauche, cela donne un plus petit sillon, en faisant venir les roues à la droite.
La distance qu'il y a entre les deux jambes de la barre est de 8 pouces, elles doivent être assez fortes : les chaînons étant placés dans les entaillures éloignées les unes des autres, empêchent les roues d'avancer plus l’une que l'autre ; ce qui arriveroit si les deux étaient dans une même entaillure ou dans deux joignantes, à moins que ce ne fût celle du milieu ; ces chaînons sont longs de six pouces & demi chacun.
Il y a un anneau par lequel les deux chaînons & les deux crochets sont joints, & dans lequel ils tournent.
La gauche de la charrue a vingt pouces de diamètre, & celle de la droite deux pieds trois pouces ; la distance à laquelle elles sont l’une de l'autre sur la terre, est de deux pieds cinq pouces & demi.
Les montans ont un pied & onze ponces de hauteur depuis la caisse jusqu'à la traverse ; ils sont perpendiculaires à l’égard de la caisse, & la distance de l'un à l'autre est de dix pouces & demi. La traverse est soutenue aux deux bouts par deux chevilles de fer qui y sont attachée» avec des chaînes, afin qu'elles ne se perdent pas si elles tombent. La hauteur depuis la surface de la terre jusqu'au trou de la caisse par lequel passe la première chaîne, est de treize pouces, étant deux pouces au-dessous des trous de la barre du côté de derrière de la caisse ; la hauteur de l'autre bout où le crochet du collier saisit la cheville dans la fléche, est de vingt pouces au-dessus de la même surface unie ; ce qui montre combien la chaîne descend en avant pour tirer la charrue en bas.
Quand on a fait une charrue à quatre coutres, on doit l’essayer avec le premier avant d'y mettre les trois autres ; car si elle ne va pas bien avec un seul, il n'y a point d'apparence qu'elle aille avec quatre ; & l’on n'a vu ni entendu dire au contraire qu'aucune charrue allât bien avec un coutre, sans qu'elle allât bien avec quatre, quand ils ont été placés comme il a été dit plus hàut.
Or voici les marques à quoi on reconnaît qu'une charrue a été bien construite : si elle fait un sillon d'une égale profondeur à la droite & à la gauche ; si, quand elle va, la queue du soc & le bas du montant portent sur le fond du sillon, & si elle est aisée dans la main de celui qui la mène y sans presser l'un de ses bras plus que l'autre.
Le laboureur qui est accoutumé à une charrue à deux roues, ne les laisse jamais renverser quand il tourne au bout de la piece d'un sillon à l'autre. Pour cet effet, quand il a levé la charrue, en la tournant un peu, il a l’adresse de lever les montans avec le bout de la flèche, en appuyant fortement la main contre le manche, pendant que la charrue est couchée d'un côté, jusqu'à ce que les chevaux, les roues & la charrue soient presqu'en ligne droite au commencement du sillon, alors il la leve, & fait son nouveau sillon.
Charrue légère. La charrue légère a sa flèche & sa queue presque les mêmes que celles de la charrue ordinaire, dont la flèche étant accourcie & attachée par des vis à la planche, pourroit faire une charrue légère. Le soc de cette dernière est depuis sa queue jusqu'à la partie de devant de sa douille, long de deux pieds & un pouce, & de-là à la pointe, de dix pouces & demi ; ce qui s'entend de la base. Sa planche est longue de deux pieds sept pouces & demi, épaisse de deux pouces & demi, & large de neuf pouces. Les écrous de deux clous à vis tiennent la flèche à la planche. L'écrou de la cheville a un crochet par en bas, auquel un des chaînons de la chaîne courte du palonier est attaché pour le tirage de la charrue. Le seul usage de cet écrou, est d'empêcher la cheville de tomber par son propre poids, par celui de la chaîne, & par celui du palonier : mais pour n'avoir pas la peine de le serrer & de le desserrer, on se sert souvent d'un clou quarré un peu plus gros que le trou, lequel on fait si bien entrer avec un marteau, qu'il ne peut pas sortir de lui-même. On peut cependant facilement le faire sortir avec quelques coups de marteau aussi souvent qu'il est nécessaire de le mettre dans un autre trou.
Deux limons sont attachés à la planche avec quatre vis & leurs écrous.
Leurs surfaces inférieures sont de toute leur
longueur parallèles à la planche, & à la surface supérieure du bout de devant de la flèche. Sans cela les surfaces supérieures & inférieures de cette planche ne seroient pas parallèles au soc ; elles feroient avec lui le même angle que les limons & sa flèche font.
Ces limons doivent se courber en dehors, jusqu'à ce qu'ils arrivent à un pied environ près de la chaîne, à cause que le milieu de la planche de la charrue légère ne suit que fort rarement la direction du cheval, & c'est pour cela qu'il doit y avoir beaucoup de place entre ces limons. Ils doivent aussi s'écarter l’un de l'autre par leur extrémité, à cause que celui du côté droit doit souvent être levé, & celui de la gauche baissé, en levant la charruevers le côté gauche ; car si on la levoit vers le droit, le soc marcheroit sur l’aileron, & sa pointe sortiroit de la terre, à moins qu'elle ne fût sur une surface qui penchât vers la droite : la distance entre leurs bouts de devant, est de deux pieds huit pouces.
Leur force & leur roideur doivent être telle, qu'ils ne se plient pas entre leurs bouts de devant & la queue de la flèche ; car s'ils sont si foibles qu'ils cèdent au poids du sillon, la pointe du soc descendra dans la terre, & sa queue se levera, & alors la charrue ne peut pas aller bien. Plus ils sont courts, plus ils sont forts & roides, étant de la même grosseur ; on peut les faire de telle longueur qu'il y ait justement de la place pour le cheval devant la barre, qui tient les limons à une distance convenable. Ils sont depuis leurs bouts jusqu'à la barre, longs de quatre pieds dix pouces, & de-là à la planche de dix pouces, & de trois pouces & demi quarrés à la barre.
Le palonier a des entaillures auxquelles les traits tant du limonier que du cheval qui est devant lui, sont attachés. La longueur du palonier est incertaine : mais quand on laboure entre des rangs, & que les plantes sont devenues grandes, on le fait aussi court qu'il puisse l’être, sans que les traits écorchent les jambes des chevaux.
Nous plaçons par le moyen de la dossière ou de la chaîne des limons, cette charrue, de manière qu'elle prenne plus ou moins profondément. Le changement de ses chaînons dans le crochet, produit le même effet que celui du changement des clous dans les differens trous des leviers dans la charrue ordinaire.
La flèche a sa longueur de quatre pieds dix pouces : on fait sa largeur & épaisseur telles, qu’elle soit aussi légère, qu’elle puisse l’être sans plier.
Il y a une mortoise par laquelle passe l’étançon ; une autre mortoise du montant parallèle à l’étançon, sur lequel montant elle est clouée.
On a pratiqué un trou dans la flèche, où le bout de manche gauche entrant, empêche la flèche de se mouvoir, & c'est la meilleure manière d'attacher le manche d'une charrue. Remarquez les trous par lesquels les deux jambes du double tenon passent, & y sont soutenues par leurs écrous. Le trou du coutre, le trou postérieur par lequel la charrue est attachée à la planche, & les deux trous de devant de la flèche, par l'un ou l'autre desquels passe la cheville qui la tient à la partie de devant de la planche. Ces derniers trous doivent être faits aussi près l'un de l'autre qu'il se puisse, sans fendre le bois qui est entre deux. Il y a différentes manières d'empêcher que cela n'arrive ; l'une est de faire entrer deux chevilles quarrées à travers la flèche avant qu’on fasse les trous ; ou bien on peut couvrir ces trous en haut & en bas avec du fer, ce qui fera le même effet ; & alors il ne fera pas nécessaire qu'il y ait plus d'un pouce de l'un à l'autre.
Voici la manière de placer la flèche & les quatre trous par lesquels on attache avec des vis les limons à la planche. Supposé que le pas du cheval soit une ligne droite, & que la ligne qui est à angles droits avec la planche, & qui est à une égale distance de chaque limon, passe exactement par-dessus, sans faire d'angle à l’un ou à l'autre de ses côtés, alors la flèche doit être placée à angles droits avec la planche, afin que le soc puisse en allant faire une ligne parallèle au pas du cheval, excepté la petite inclinaison qu'à sa pointe à gauche ; mais cette charrue suit rarement le cheval de cette manière. La ligne à angles droits fait généralement des angles avec le pas du cheval ; sans quoi, il arriveroit (quand la flèche est placée près du limon gauche, & la cheville à laquelle elle est attachée à la chaîne près du droit dans le trou, où elle doit être placée pour que le fer soit parallèle au pas du cheval) que le poids du côté droit de la planche & de son limon seroit trop fort pour que la main droite de celui qui mène la charrue pût la manier ; & si on met ladite cheville, par exemple, dans le trou 7, le parallélisme du soc avec le pas du cheval se perd, & sa pointe peut incliner trop vers la gauche ; & quand il faut faire un sillon à la droite du pas du cheval, la flèche doit être approchée plus près du milieu de la planche ; & la cheville à laquelle la chaîne est attachée, doit être placée à la gauche de la flèche, supposé dans le trou 2, cela amenera la plus grande partie de la planche à la droite du pas du cheval. Le soc étant alors placé à angles droits avec la planche, fera un fort grand angle avec le pas du cheval, & la charrue n'ira pas
bien du tout. C'est pourquoi étant nécessaire que le soc fasse toujours une ligne parallèle au pas du cheval, & souvent aussi nécessaire que la planche fasse des angles obliques avec lui, il s'ensuit que la flèche doit faire des angles obliques avec la planche pour conserver le parallélisme avec le pas du cheval ; & cela ne peut se faire que par les trous qui croisent la planche.
On peut aussi changer la position de la flèche, en coupant le bois à côté d'un trou, & mettant un coin au côté opposé de la cheville.
Celui qui mène la charrue peut, par le moyen des manches, faire quelques changemens dans sa manière d'aller.
Si par le tirage du cheval ou des chevaux de devant, la charrue portoit trop sur le limonier, on peut y remédier en faisant un rang de trous au bord postérieur de la planche pour la cheville de la chaîne, au lieu de ceux du milieu ; car plus cette cheville est placée en arrière, moins les limons porteront sur le limonier, principalement quand il y a plus d'un cheval qui tire, à cause que ceux de devant tirent les limons plus en bas que le limonier.
On sent comment la charrue légère est tirée, & comment les traits y sont attachés ; ceux des deux chevaux sont attachés aux entaillures des bouts du palonier ; le devant de ceux du limonier est attaché à un crochet ou un anneau dans le bois du collier ; & le devant de ceux du cheval qui le précède est attaché de la même manière à son collier : mais ces derniers traits étant deux fois aussi longs que ceux du limonier, ils doivent être soutenus dans le milieu par un bout de corde ou de chaîne ; on doit prendre garde que cette cords ou chaîne ne soit pas si courte, qu'elle tienne les traits trop hauts pour être en ligne droite ; car alors le collier étant pressé blesseroit le limonier, outre que cela seroit que la charrue seroit tirée trop en haut ; car quand le cheval de devant ne tire pas en même ligne que le limonier, c'est un grand avantage pour tenir la charrue ferme dans la terre.
S'il y a un autre cheval, ses traits sont attachés au collier du second.
Quand nous labourons entre des rangs où les plantes sont fort hautes, comme celles des navets en graine, qui sont plus hautes que les chevaux, pour commencer en dedans un nouveau sillon parallèle au premier quand il y a un fossé dans le milieu, de l’intervalle où les chevaux doivent marcher, le meilleur est de placer la flèche aux trous B & E dans la fig. 3, & la cheville de la chaîne auprès du limon gauche, ce qui fait venir la queue de la charrue à la droite, & les bouts de devant des limons étant, vers la gauche, en tournant les manches un peu de ce côté, celui du limon droit porte contre la selle de bois en d, & ne peut pas donner contre les plantes ni les déchirer.
Des navets conservés pour la graine, ont été labourés de cette manière, quoiqu'on eut cru impossible qu'une charrue & des chevaux marchassent entre les rangs sans les détruire. On peut donner au froment le dernier labour à peu près de la même manière.
Quand nous faisons un sillon en dehors du rang (qui est alors toujours à la gauche de la charrue) elle doit être mise dans une situation différente & contraire : mais les plantes étant alors pour l'ordinaire basses, il n'y a point de danger que le palonier ou les limons les accrochent ; celui qui fait marcher les chevaux, doit prendre garde de ne pas marcher dessus, & que les chevaux ne le fassent pas non plus.
C'est dans cette dernière manière de labourer, quand on s'approche de fort près des jeunes plantes la première ou la seconde fois, qu’on doit prendre garde de ne pas les couvrir avec la terre, qui est sujette à passer à la gauche de la charrue, surtout quand elle est sèche & fine. On peut empêcher cela en grande partie, quand la terre est nette, en attachant avec trois, ou quatre dans un morceau quarré & mince d'une planche à la tablette, & un autre en bas sur le derrière du coutre à son côté gauche. Son bout de devant est attaché au coutre avec une languette de cuir, qui passe par un trou fort près du bout de la planche. Si ce n'est dans ce cas, nous ne faisons jamais usage de planche, étant souvent avantageux dans le labourage que la terre passe à la gauche ; car par-là il y a plus de surface de la terre changée, que si elle tomboit toute à la droite ; & quand on laboure en été auprès des rangs de froment sans s'approcher de fort près des plantes, cette terre qui passe par-dessus le soc & tombe à la gauche, aide à réparer les endroits où le sillon n'avoit pas été jetté assez près du rang dans le labour précédent.
On tourne la première fois le sillon vers le rang, les chevaux marchent dans la tranchée qui est auprès, & la charrue commune pour jetter en bas la côte ou le sillon qui a été de cette raie, tiennent la charrue dans une grande justesse, & font qu’elle fend la raie en deux moitiés, que la planche qui est ajustée pour cela, jette contre les rangs des deux côtés de l'intervalle.
Souvent nous nous servons aussi de la charrue à deux roues pour élever les sillons sur lesquels nous semons les rangs avec les semoirs ; ce n'est
pas que la charrue lègère ne fasse tout ce qui est nécessaire à notre labourage : mais le poids des charrues ordinaires fait qu'elles marchent plus fermes ; d'ailleurs le laboureur y étant plus accoutumé, les préfère à toutes les autres dans les endroits où leurs roues ne font point de tort.
Cependant on ne voit point de raies mieux faites que celles qui le sont avec la charrue légère, ni un plus beau labour ; & je crois que si on la faisoit plus forte & plus pesante, on pourroit s'en servir dans des terres glaises & bourbeuses où les roues des charrues ne peuvent pas marcher.
Un laboureur doit être guidé par ses yeux, par son tact, & par sa raison, pour la manière de placer la charrue : mais il ne peut pas le faire sans un nombre suffisant de trous. J'ai entendu dire que quelques-uns de ceux qui se mêlent de faire des charrues légères, ont attaché la flèche à la planche, de manière qu'elle étoit immobile ; par-là elle devient inutile pour labourer entre les rangs.
On se sert d'un joug pour chaque bœuf qui tire à la file, comme ils doivent toujours tirer quand ils travaillent avec la charrue légère ; quand ils sont accoutumés à tirer deux à deux, c'est-à-dire, deux de front, on doit les exercer pendant une semaine à tirer seuls, avant qu'on se serve d'eux pour le labour, sans quoi ils sont capables de détruire les rangs, l'un prenant à la droite dans l’attente que son compagnon viendra se mettre à sa gauche, & l'autre à la gauche pour faire place à son compagnon pour qu'il se mette à la droite pour marcher de front avec lui, tâchant ainsi de marcher deux à deux comme ils étoient accoutumés d'être placés.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'avertir qu'il faut emmuseler les bœufs quand ils labourent ; on en sent assez la nécessité, à cause qu'ils mangent les plantes dès qu'elles sont à un pouce de terre : mais il n'est pas nécessaire d'emmuseler les chevaux, jusqu'à ce que les plantes soient assez hautes pour leur venir jusqu'au nez, quand ils sont bridés.
charrue de Norfolk. Plusieurs agriculteurs d'Angleterre, & qui y jouissent d'une grande réputation, vantent les avantages de la charrue particulière à la province de Norfolk ; en voici la description & la figure telles que les publie la feuille du cultivateur.
Nous avons représenté dans la pl. XXXVIII, fig. 3, la charrue employée dans le comté de Norfolk en Angleterre, parce que l’agriculture est très-perfectionnée dans cette province, & que cet instrument, présente plusieurs avantages que n'ont pas la plupart des autres charrues. Nous, ne prétendons cependant pas dire qu'elle soit la meilleure de toutes celles qu'on connoît ; nous savons que cet instrument doit varier suivant le sol où il doit être employé.
Explication de la figure.
A ; le manche.
B ; l'âge.
D ; pièce de bois correspondant à la scie.
E ; pièce de fer correspondant à l’attelier.
F ; partie du versoir en bois.
G ; partie du versoir en fer.
H ; le soc avec une pièce de rechange à son bout.
I, K ; le cep.
L ; partie du versoir qui relève la terre. Il y a près de F une cheville de fer pour tenir le versoir à une distance convenable.
N ; le coûtre.
O O O ; pièces de fer pour renforcer les joints dans les parties où les plus grands frottemens ont lieu.
P ; cheville de fer recourbée & placée à l'extrémité du manche.
Q ; pièce, de fer qui unit l'âge avec l’avant-train.
R ; le patron.
S ; la selette.
UU ; deux chevilles pour fixer l’âge.
V ; cheville de fer pour soutenir la selette.
W ; cheville de fer & chaîne pour fixer l’âge.
X ; espèce de forceau retenu par des chevilles.
T, X ; châssis dentelé en-dedans. Sept pièces de fer servant à fixer la pommelle.
AB ; cheville de fer pour retenir l’anneau & la pièce de fer Q. Ac, Ac trous à l'extrémité des montans & par où passent les guides. 3, 1, 3, la pommelle retenue par le fer 1 à la pièce 7, 3, 3 deux anneaux à chaque extrémité de la pommelle, auxquels sont fixés les deux paloniers. 4, 4. Les traits des chevaux sont attachés en 5, 5.
Les trous pratiqués dans les montans de fer TT sont destinés à élever ou abaisser la selette au moyen des chevilles de fer V inférieur, ce qui est nécessaire pour faire piquer la charrue
plus ou moins profondément ; mais, lorsque la charrue est fixée convenablement, on ne la change guère plus, à moins qu'on ne veuille faire des sillons très-profonds pour égoûter les champs, ou que le soc ne soit très-usé. Les trous percés dans la longueur de l'âge remplissent le même but.
2. Les trous dont la selette S est percée sont destinés à receveur les chevilles VV, au moyen desquelles on peut changer la direction de l'âge suivant qu'on veut labourer à plat ou en sillons, relevés. Les dents du châssis TX ont une destination semblable.
3. Les trous pratiqués dans l'âge B servent à fixer l’anneau & la pièce de fer au moyen de la cheville AB. La cheville de fer & la chaîne W ont la même destination, & servent à unir solidement l'arrière-train à l'avant-train. Au moyen de tous ces trous, on dirige la charrue comme on veut, & on fait aller le soc à la profondeur qu'on juge nécessaire suivant les inégalités du terrain. Ces charrues sont si bien construites, qu'il suffit de changer les chevilles de fer de trois lignes, pour s'appercevoir tout de suite que le soc pique plus ou moins profondément. La cheville W, tirée de la moitié de sa longueur, & la cheville quarrée AB, tournée sur une autre de ses faces, suffisent quelquefois, quand on laboure une jachère, pour faire enfoncer le soc d'une manière sensible. De cette façon, la charrue de Norfolk va à telle profondeur qu'on juge à propos, tandis qu'on peut s'en servir aussi pour écorcher seulement la surface du terrain.
4. Le coutre N doit être placé de manière que la pointe soit à trois pouces ou environ du soc, & dirigée de manière qu'une ligne tirée de cette pointe à l'extrémité de la partie de fer du versoir, passe tout juste à côté du soc.
5. Les guides sont formées par un seul cordon attaché à la bride d'un cheval, en-dehors ; elles passent par un anneau placé sur le harnois, ensuite à travers le trou AC, de-là par l’anneau P du manche, & reviennent par le trou AC, de l'autre côté & à travers les mêmes anneaux, allant s'attacher au côté extérieur de la bouche de l'autre cheval. Un cordon particulier, attaché à la partie interne de chaque bride, sert à joindre les deux chevaux, & de cette façon, il suffit de tirer la guide d'un côté pour faire tourner ensemble les deux chevaux du même côté.
6. Les chevaux sont attelés très-court, de manière que les pieds dé derrière soient le plus rapprochés que faire se peut des pièces de l'attelage.
La charrue doit toujours être placée de sorte qu'il y ait le moindre frottement. Elle est d'ailleurs si simple, que le laboureur le moins adroit peut bientôt s'en servir.
Cette charrue présente plusieurs avantages ; deux chevaux suffisent pour la faire aller, & on n'a pas besoin de garçon-conducteur. Attelée ainsi, elle est employée dans les terres les plus fortes, & elle peut faire, lorsque le temps est favorable, un acre (mesure anglaise) par jour. On met quelquefois un poids qui est souvent de 100 liv. entre le versoir & l’âge, afin de la faire enfoncer davantage. Dans ce cas, comme la terre est très-forte, on ne fait par jour que la moitié du travail ordinaire. Le manche simple est très-commode ; on le tient de la main gauche, tandis qu’on a à la droite un fouet, & qu'on se sert de cette main pour tirer les guides. Lorsqu'on laboure dans un terrain inégal, on peut, dans un instant, relever ou abaisser la charrue à volonté & avec la plus grande facilité ; un bon laboureur change souvent deux ou trois fois, dans le même sillon, la portée de sa charrue. Les deux chevaux allant de front, servent à guider le laboureur, qui peut voir entre les deux, & fait ainsi des sillons parfaitement droits.
Nota. Pour mieux faire connoître cette charrue, ses usages & avantages, nous ajouterons, à ce précédent extrait de la feuille du cultivateur, ce que nous lisons dans un des ouvrages de M. Marshall, agriculteur anglois, praticien qui a le plus écrit sur l’agriculture, si on en excepte M. Young, éditeur des annales d'agriculture, qui se publient tous les mois depuis 1784 ; il est assez singulier, dit M. Marshall, rural economy of Norfolk, que cette charrue ne soit employée que dans le comté de Norfolk ; la première fois que je l’ai vue c'étoit à Thetford, & je ne me rappelle pas avoir vu dans ce comté, de charrue d'aucune autre construction différente, ni d'avoir rencontré cette espèce de charrue ailleurs que dans le comté de Norfolk. Cependant on sait que cet instrument a été porté à différentes fois dans presque tous les districts de l'Angleterre, mais il me semble qu'il n'a été adopté par aucun de ces pays, si ce n'est peut-être dans le canton de la forêt de Nottingham.
Il n'y a aucun doute sur l’excellence de la charrue de Norfolk pour cultiver les terres de ce comté ou de tout autre sol qui lui ressemble, c'est-à-dire pour labourer une terre qui a de la profondeur, de la légèreté, une terre sableuse où le soc ne rencontre ni tuf, ni pierres grosses ou moyennes, ni grosses racines. Mais la largeur, la forme du soc de cette charrue font qu'elle ne peut pas servir avec succès à labourer une terre très-dure à entamer, ou dans laquelle il y a beaucoup de pierres ou d'autres obstacles qu'on ne
surmonte qu'en employant beaucoup de force, & la manière usitée de tenir ou d'assujettir la partie postérieure du cep empêche aussi qu’on ne puisse bien faire un profond sillon.
Les particularités de la construction de cette charrue sont surtout les suivantes : les roues sont plus grandes, plus travaillées que celles des autres petites charrues, quoique la forme des roues mêmes soit d'une belle simplicité ; le soc est plus plat que dans les charrues communes, il est aussi moins aigu. Le cep n'est pas en entier de bois, du moins sa face qui touche la terre, mais il est de fer, soit de fer forgé, soit de fer de fonte ; c'est une forte plaque qui a la forme du talon du cep des petites charrues nouvelles de la province d'Yorck ; enfin, la charrue de Norfolk n'a qu'un bras.
Marshall croit que ce seroit améliorer cet instrument que d'y mettre deux bras, au lieu d'un seul, parce qu'il trouve que, quand le laboureur appuie les deux mains sur le bras de la charrue, comme il est nécessaire dans un labour difficile, il a l’attitude très-gauche & l’air de peiner.
C'est sans doute une très utile addition ou amélioration pour toute espèce de charrue, que ces semelles ou talons de fonte de fer adaptés au cep ; elle doit rendre la marche ou le glissement du cep plus facile, & rendre le tirage de toute charrue, & sur-tout des charrues fort pesantes, moins pénible dans les terres glaiseuses, poisseuses, tenaces. Ce moyen me paroît beaucoup plus utile que ne seroit la roue ou roulette, ou les deux roulettes adaptées au talon du cep qui sont, dit-on, employées dans quelques cantons d'Angleterre, & dont des auteurs anglois parlent pour en dire les inconvéniens ; aussi l'usage de ces roulettes n'a point été adopté généralement. Le peu de diamètre ou grosseur des jentes des roues angloises, faites d'une seule bande de fer plat, paroît avoir l’avantage d'occasionner moins de frottement, de se charger de moins de terre que nos roues de bois ; mais ces roues ont, dit-on, les inconvéniens de se trop enfoncer dans les terres légères & sableuses, & dans les terres fortes quand elles sont molles ; ce quí m'a autorisé à leur croire plus de désavantages que d'avantages, c'est que de quelques cantons où on emploie en France ces roues à cercles ou jentes de fer, elles ne se sont pas étendues plus loin.
Fouet-guide pour la charrue. M. Marshall, agriculteur anglois, desireroit que pour perfectionner l'usage de la charrue de Norfolk, on y ajoutât l’instrument de son invention qu'il nomme fouet-rênes ou fouet-guide. Le laboureur ayant besoin de rênes ou guides pour faire arrêter ou tourner ses chevaux à chaque sillon qu'il fait, & d'un fouet si pour leur faire hâter le pas, il lui est moins commode d'avoir deux instrumens, ou moyens séparés, les guides & un fouet, que de se servir d'un seul qui réunit l'usage du fouet & celui des guides ou rênes.
La guide ou rêne est un cordeau de chanvre, dont les extrémités sont ajustées à la bride des chevaux, selon l'usage du pays ; ou bien ils sont, comme l'on dit, rênés à la françoise ou à l’italienne. La main ou poignée du manche de ce fouet-guide est fixée à volonté dans le manche de la charrue. Quant à la manière de se servir de cet instrument, comme fouet pour frapper les chevaux, il consiste à faire tourner le cordeau qui est le long de la cuisse du cheval, & de terminer ce mouvement par une saccade, ce qui s'apprend facilement par l'exercice.
Charrue des jardins. Elle diffère de la charrue de labour, & n'a qu'un soc, servant à ratisser les grandes allées des parcs. Cet instrument est composé de deux brancards, de deux traverses de bois & d'un fer tranchant d'environ trois pieds de long, un peu incliné pour mordre d'un pouce dans la terre. Cette charrue peut être conduite à bras, mais on y attele ordinairement un cheval pour la traîner ; & son conducteur appuie dessus par-derrière, afin d'avancer l’ouvrage.
La demi-charrue ou la petite charrue de jardinage, n'est, à proprement parler, qu'une râtissoire fort large montée avec un châssis de bois sur une ou deux roues, & qu'un homme pousse facilement devant lui, lorsqu'il ne s'agit que de nettoyer un terrain léger & sabloneux.
Charrue-ratissoire. Elle est composée de trois morceaux de bois enchâssés l’un dans l'autre, & d'un fer tranchant d'environ trois pieds de longueur ; trois morceaux de bois font autant de côtés du quarré, & le tranchant fait le quatrième par en bas. Le tranchant est un peu incliné pour mordre environ d'un pouce dans les allées. Quand un cheval traîne cette machine, & que l'homme qui la conduit par un guide appuie assez fortement dessus, si le cheval va aisément, on avance l’ouvrage en peu de tems.