Encyclopédie anarchiste/Intermédiaire - Internationale

Collectif
Texte établi par Sébastien Faure, sous la direction de, La Librairie internationale (tome 2p. 1050-1061).


INTERMÉDIAIRE adj. (du latin intermedius : de inter, entre et medius, median). Dans son sens propre et étymologique, intermédiaire signifie : qui est entre deux, qui tient le milieu. Exemple : espace intermédiaire ; corps intermédiaire. « Il y a des idées dont la liaison ne peut être connue que par le secours d’un certain nombre d’idées intermédiaires » (D’Alembert). Les terrains intermédiaires sont les terrains qui sont situés entre les roches des époques primitives et les couches de formation récente.

Le mot « intermédiaire » s’applique aussi aux personnes et aux collectivités humaines et dans ce cas il signifie : entremise, voie, canal, personne interposée. Exemple : « J’ai reçu votre lettre par l’intermédiaire de notre ami X ». La caste ecclésiastique se flatte d’établir des rapports, d’assurer les relations entre Dieu et ses créatures. « Il faut être bien infaillible ou bien hardi pour se prétendre intermédiaire entre Dieu et l’homme » (Timoléon de Brissac). « La noblesse est un intermédiaire entre le roi et le peuple comme le chien de chasse est un intermédiaire entre le chasseur et les lièvres. » (Chamfort).

Le commerce sert d’intermédiaire entre la production et la consommation, et tous ceux qui basent leurs moyens d’existence sur l’achat et la vente d’un produit, d’une marchandise, d’une valeur quelconque sont des personnes interposées et par conséquent des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Sous régime capitaliste, ainsi que sous tout régime basé sur le profit ou bénéfice, le nombre des intermédiaires est considérable. De l’acheteur en gros qui rafle sur le marché la totalité des produits, la race pullulante des intermédiaires, passant par l’acheteur de demi-gros, s’étend à l’acheteur au détail, et il n’est pas rare que, lorsqu’il est vendu, par le détaillant, au consommateur, le prix du produit ait doublé et même triplé. Tout un monde vit sur ce scandaleux trafic (Voir Commerce). L’écart est toujours sensible, souvent fort élevé, parfois inavouable tant il est révoltant, entre le coût du produit à la source même : la production, et le prix qu’il atteint à l’embouchure : la consommation. Plus grand est le nombre de mains par lesquelles passe la marchandise et plus considérable est cet écart, chaque main s’efforçant à prélever sur le produit en circulation un bénéfice aussi élevé que possible.

Longtemps, les économistes de l’École de Manchester — dite École libérale — ont déclaré que la libre concurrence a pour objet et doit avoir nécessairement pour résultat de freiner cette sorte de curée au gain, en opposant une barrière aux désirs de gain immodéré des intermédiaires : vendeurs en gros, demi-gros et détail. A l’origine, il en fut ainsi dans une assez large mesure, bien que, de tout temps, les négociants disposant de gros capitaux, pouvant passer des marchés avantageux et ayant un caractère périodique portant sur un laps de temps considérable, bénéficiant d’un long crédit, aient été en mesure (et ils ne se faisaient pas scrupule d’en profiter), de faire la loi, d’influencer le cours des marchandises et de vicier à leur gré la loi de l’offre et de la demande. Mais, de nos jours, la libre concurrence a perdu sa force régulatrice ; elle a cessé d’assigner aux bénéfices exagérés une limite considérée comme « honnête » et raisonnable. Les grandes maisons de commerce en gros ont créé des firmes importantes ; ces firmes ont renoncé à se faire concurrence entre elles ; elles ont trouvé plus avantageux de s’entendre. Celles-ci, s’associant, se sont groupées avec d’autres ; celles-là, se concertant, se sont liguées avec les entreprises rivales, tout en gardant la gestion respective de leurs intérêts. Toutes ont, ainsi, constitué de vastes consortiums. Par la force de leurs capitaux, ces consortiums ont monopolisé en fait les produits : blé, sucre, café, fer, houille, papier, caoutchouc, pétrole, acier, etc. Par la puissance de leur organisation bancaire, par l’étendue de leurs relations internationales, par la multiplicité de leurs filiales, succursales et comptoirs, ils sont parvenus à dominer le marché mondial et, devenu forcément tributaire de ces colossales entreprises, le trafic ne se ressent plus des effets tant prônés de la concurrence.

Il serait puéril d’escompter l’intervention de la loi, pour supprimer, voire enrayer un tel état de choses. D’une part, il est inhérent au développement du régime capitaliste marchant vers son apogée ; il est en rapport direct de ce développement et, pour l’empêcher, il faudrait briser les rouages mêmes du Capitalisme. D’autre part, la loi n’est et ne peut être que l’expression juridique de la puissance capitaliste ; les gouvernants et les parlementaires ne sont et ne peuvent être que des fondés de pouvoir ayant pour mission de veiller à la sauvegarde des intérêts de la finance cosmopolite et au maintien de ses privilèges. Enfin, la loi elle-même n’a pour but que d’exprimer la volonté des maîtres et de justifier, par des textes ad hoc, les déprédations, confiscations et vols dont les forces d’argent se rendent coupables, au détriment de la multitude de toutes langues et de toutes couleurs.

Seule, une révolution expropriant brutalement et sans indemnité la classe capitaliste et procédant à un état de choses entièrement nouveau, supprimera l’innombrable horde des intermédiaires.

Toutefois, il existe, d’ores et déjà, un moyen de contrecarrer peu ou prou les agissements des intermédiaires. Ce moyen, c’est le coopératisme de production et de consommation. Diminuer le nombre des intermédiaires qui, sans participer à la production des marchandises, sans ajouter à la valeur de celle-ci une plus-value quelconque, vivent et s’enrichissent de la série d’opérations : achats et ventes dont ils sont les bénéficiaires, établir entre producteurs et consommateurs une sorte de ligne droite assurant la circulation directe des marchandises de producteurs à consommateurs, telle est la pensée qui a présidé à la formation des sociétés coopératives. Dans les pays, comme l’Angleterre, la Belgique et la Russie, la coopération est parvenue à une grande extension, le nombre des intermédiaires a proportionnellement diminué.

L’instauration d’une société libertaire supprimera automatiquement ces intermédiaires qui, bien que travaillant parfois autant et même plus que les producteurs, forment actuellement un organisme parasitaire. Reportant, alors, leur activité sur le travail créateur de richesses, cette foule d’intermédiaires allègera la tâche quotidienne des ouvriers et paysans avec lesquels ils se confondront. — Sébastien Faure.


INTERNAT n. m. Le fait de vivre à l’intérieur d’un établissement : séminaire, couvent, collège, école, etc.

La question de l’internat pédagogique est importante et elle se rattache de beaucoup plus près qu’on le pourrait croire à la question sociale.

Dans le mode actuel d’éducation des enfants, l’internat est surtout appliqué dans la bourgeoisie : lycées, collèges, pensionnats. Les enfants des ouvriers et des paysans vont à l’école primaire où ils sont externes. Seule une petite minorité d’enfants déshérités : orphelins, enfants abandonnés, enfants condamnés par les tribunaux, sont élevés en collectivité dans des internats.

C’est donc avant tout la bourgeoisie qui s’est élevée contre l’internat que beaucoup d’auteurs ont considéré comme néfaste.

L’homme se souvient avec amertume de son enfance cloîtrée entre les tristes murs d’un collège. La mauvaise nourriture, le dortoir où il gelait l’hiver ; le temps réglé à la minute du lever au coucher ; les récréations mêmes passées dans une cour étroite où souvent on se battait ; les promenades en rangs deux par deux sous l’œil d’un pion miteux et maussade.

Les vacances étaient accueillies avec allégresse. Les parents, enchantés de revoir leur enfant après des mois d’absence, le choyaient, le comblaient de friandises et de cadeaux. Puis on partait en voyage à la mer ou à la montagne. Les deux mois passaient féeriques et, après, c’était le triste retour vers le bahut détesté.

Je ne regrette pas mon enfance ; les jours
Du collège me sont un souvenir morose :
Pensums, devoirs, haricots et chlorose,
Et l’ennui qui suintait aux quatre coins des cours.

(Jean Richepin : Les Blasphèmes.)

Ce que l’internat comporte de mauvais tient à la société capitaliste elle-même. Le professeur fait un métier qui l’ennuie ; en général, loin d’aimer les enfants il les déteste, parce qu’il est obligé de les instruire pour vivre. Pour beaucoup d’entre eux, l’élève n’est qu’un numéro, et ils ne s’intéressent pas à son développement intellectuel. Les plus consciencieux prennent intérêt aux quelques élèves qui forment l’élite de la classe ; le reste est tenu, ou presque, pour inexistant.

Quant à la vie, elle est réglée par une administration pour laquelle les élèves ne sont qu’un mal nécessaire. Pour économiser on leur donne une mauvaise nourriture, on ne chauffe pas les dortoirs, on réduit la lumière. Les grands jardins que l’on montre aux parents pour les allécher sont interdits aux écoliers. On veut pouvoir ne pas les perdre de vue un seul instant, par crainte de la chute, du coup, de l’accident quelconque qui amènerait une « histoire » avec les parents.

Malgré la surveillance, les mœurs contre nature s’installent au dortoir, aux commodités. Les plus grands font à leurs cadets une éducation sexuelle de méthode déplorable. Les élèves des classes supérieures, pubères déjà, sont martyrisés par le besoin génital ; dans leurs nuits sans sommeil ils mordent leur traversin. Tous pratiquent l’onanisme ; quelques-uns deviennent pédérastes. Dans leurs rêves la femme (la fille du prolétariat, bien entendu) apparaît comme un gibier lubrique, et aux alentours du bachot c’est dans la chambre sordide d’une fille de trottoir qu’ils connaîtront l’amour pour la première fois.

Mais l’internat pourrait être tout autre qu’il n’est. Le lycée, bâti hors des villes, pourrait être aéré et gai. Les élèves, en dehors des heures d’étude, s’ébattraient aux jardins dans une liberté à peu près complète ; les dortoirs, inconfortables, pourraient être remplacés par de petites chambres pourvues du confort. Des éducateurs aimant la pédagogie, seraient des maîtres aimés et feraient l’éducation morale de leurs élèves.

Car, au point de vue de l’instruction, l’internat est bien supérieur à l’externat. La famille contredit le collège et lui est presque toujours inférieure. L’enfant apprend de ses parents à mépriser l’étude et à la considérer comme un bourrage fastidieux auquel il faut s’astreindre, seulement parce que la carrière dépend du succès aux examens.

On a reproché à l’externat de faire vivre l’enfant dans un milieu artificiel qui n’est pas la vie. Ce milieu, en réalité, est supérieur à la vie ; l’enfant y acquiert la foi au travail, à l’effort, au mérite. Il a bien le temps d’apprendre que toutes ces vertus ne sont que fausse monnaie et que ce qui fait réussir, c’est avant tout l’argent et l’intrigue.

L’internat scolaire, généralisé à tous les enfants, aurait pour avantage de les soustraire, dans une grande mesure, à l’influence familiale.

Si l’éducation familiale est mauvaise dans la bourgeoisie, où l’enfant apprend de très bonne heure que l’argent est tout dans la vie et qu’il faut être prêt à faire n’importe quoi pour en gagner, dans le prolétariat elle est bien pire.

L’enfant ouvrier et paysan a, dans sa famille, le spectacle de l’ignorance, de la brutalité, de la méchanceté. Il voit son père rentrer ivre et battre sa mère ; il assiste aux querelles avec les voisins ; il apprend à maltraiter les animaux. A la faveur des conversations il reçoit, pendant les années de l’enfance où le cerveau conserve indéfiniment les empreintes, tous les préjugés de son milieu social. Devenu adulte, il reproduira les parents, ce qui fait qu’il n’y a pas de progrès, ou plutôt que le progrès est très lent.

La société de l’avenir élèvera ses enfants dans des internats. Les classes auront disparu, et nos descendants assisteront à une transformation profonde des mentalités. La religion, si difficile à déraciner tant que l’enfant est élevé dans la famille, disparaîtra en quelques générations, lorsque la société assumera la charge de l’éducation.

On ne verra plus de brutes humaines sales, grossières et alcooliques. L’ouvrier de demain ressemblera, par son aspect extérieur, au bourgeois d’aujourd’hui, et, au point de vue mental, il n’en aura pas les défauts, l’hypocrisie, l’égoïsme farouche.

Enfin l’externat libèrera la femme du lourd fardeau de l’élevage des enfants qui la retient en esclavage pendant les meilleures années de son existence. — Doctoresse Pelletier.

INTERNAT. Tous ceux dont l’adolescence — et une partie de la jeunesse, et l’enfance parfois dès six ans — a connu la longue théorie des études, des réfectoires, des « récréations », des classes et des dortoirs, les promenades alignées sous les ordres du « pion » et les rondes de bêtes en cage sous les galeries et les préaux des cours, et soupçonné, comme dit Mabilly,

« …derrière la porte
La vie qui passe
Dans la rue qui s’essouffle.
Les grands espaces
Illimités…
Et le vent de la liberté
Qui souffle »,

toutes ces années hachées de régularité morne et tyrannique qui défilent sur l’écran du « pensionnaire » ; tous ceux qui ont ensuite — boursiers, étudiants pauvres — tournant la médaille aux faces conjuguées, ajouté leur nom à la liste des « Petit Chose » et des « Amédée Lobuse », qui sont allés, comme disait André Barre, « dans les cavernes de l’Université servir les salamandres », ceux-là ont acquis le triste privilège d’exercer contre l’internat de légitimes représailles. Ils ont tâté, sur le vif, la mise hors le mouvement des corps assoiffés de détente exubérante, touché les effets de la claustration physique et de l’isolement moral à l’âge des élans et des poussées expansives, senti les déformations qu’un régime scolaire anormal fait peser sur des générations cloîtrées pour de stériles travaux, vécu ou côtoyé les perversions qui, de la boîte congréganiste au lycée officiel, ont brisé l’évolution de plus d’un Sébastien Roch… Et ils se dressent en ennemis contre une institution qui perdure, semble-t-il, par l’absurdité chronique de ses méthodes et l’engrenage de ses vices.

Il est superflu de refaire ici — pédagogiquement — le procès de l’internat tel que le conçoit encore notre Université rétrograde. Il est une aggravation et comme le couronnement d’un système dont cette Encyclopédie précise en divers endroits la redoutable nocivité… Rappelons que, dès 1793, après avoir dispersé les Jésuites mais gardé la congrégation, l’Université confie à l’internat quelque deux mille prisonniers. Elle ne pouvait que s’avancer davantage — la réaction aidant — dans uns voie si en harmonie avec « la poussée centralisatrice et l’intervention de l’État ». Plus tard, sous l’Empire, les libéraux — de Laprade à Jules Simon — incorporeront la réforme de l’internat à une refonte de l’enseignement secondaire : soixante ans de République en ont si bien entretenu la vitalité que les esprits libres du temps, secourus par quelques praticiens sagaces de la puériculture et une poignée de patriotes inquiets pour « notre » recul en face des nations d’affaires, en sont encore à le dénoncer ! Que la bourgeoisie surtout subisse les atteintes d’un mal qui se répercute d’ailleurs en difficultés générales, d’accord, mais rien de ce qui peut délivrer les petits ne nous est étranger et nous traînons la peine solidaire des atteintes faites dans le monde à la liberté et le bien de tous périclite quand est étranglée l’initiative dès les premiers pas juvéniles…

Il semblerait, à regarder l’internat tenace, que la source de la culture fût tarie chez nous si croulait la tradition d’encaserner l’enfance pour l’instruire. Et cela est vrai en un sens, car « nous continuons, comme l’observe Ed. Demolins dans son A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons, à former des hommes pour une société qui est définitivement morte ». Dans nos « sociétés à formation communautaire, caractérisées par la tendance à s’appuyer non sur soi-même mais sur le groupe : famille, tribu, clan, pouvoirs publics », l’éducation demeure tournée vers le passé. Les autres, les « sociétés à formation particulariste », qui marquent la tendance au self-control, l’éducation cesse d’être une transposition dans le souvenir pour faire corps avec la vie pratique. Et ses produits, qu’animent l’audace et l’esprit d’entreprise, sont en train de conquérir allègrement le monde. Nos maîtres cependant continuent d’ignorer que la force d’un peuple est dans l’indépendance et l’initiative de ses unités. Et l’éducation, aggravée d’internat, ne cesse, sous leurs auspices, d’être un bourrage et un écrasement. « Au collège, en Angleterre, nous n’apprenons pas grand-chose, si ce n’est peut-être à nous conduire dans la vie ». Que diraient de l’aveu de ce jeune Anglais nos mentors universitaires dont tout l’idéal est de paralyser nos esprits — dans les enceintes où ils retiennent nos pauvres corps — sous le lourd fatras d’un savoir pratiquement sans objet.

L’internat ? « S’il n’existait pas, disait Georges Renard, d’abord les parents seraient condamnés à garder leurs enfants chez eux une partie de la journée et qui, pis est, à les élever. Monsieur et Madame seraient forcés d’avoir une vie de famille et de se respecter l’un l’autre… Monsieur devrait prendre sur les heureux moments qu’il coule en paix au café, au club, dans les coulisses. Madame ne pourrait plus suffire à la multitude de ses occupations, visites, bals, soirées, concerts, spectacles, conférences avec la couturière ou le tailleur pour dames. Quoi de plus triste !, quoi de plus peuple ! Avoir des enfants, passe encore ! Les nourrir, il le faut bien. Mais donner une part de son temps et de son cœur à leur éducation, c’est un luxe qui ne convient qu’aux pauvres. » On peut attaquer la famille, le milieu courant, souligner leurs tares et leur insuffisance, s’élever contre leurs réactions souvent pernicieuses, mais on n’empêchera pas que — face aux geôles où nous avons langui et qui ont comprimé notre essor — ils ne soient la vie et quelque chose de cette liberté que pleurent les oiselets tourneurs derrière les grilles de l’internat. A l’heure des rires, des jeux, des escapades à travers champs et bois, toute une jeunesse — dont je n’ai pas à connaître la classe sociale — végète entre les murs du cloître ou du collège, de l’orphelinat ou de la maison de redressement, à l’orphelinat, l’établissement de correction : les plus terribles visages d’un internat sous toutes ses faces exécré !…

Les bourgeoisies saxonnes, les Scandinaves ont depuis longtemps donné de l’air à leur progéniture. Les « pensions de famille » anglaises (dont certaines sont des types remarquablement modernes) ont des allures de grandes personnes émancipées près des « institutions » privées ou gouvernementales où nos Latins anémient « la promesse de leur gloire ». Regardez, par exemple, la Suisse ou l’Amérique.

« Là aussi, l’enfant va au collège et il arrive, là aussi, que le collège est loin. Impossible de rentrer chaque soir. Que faire ? L’enfant va-t-il être parqué avec mille ou quinze cents autres dans un énorme et lugubre bâtiment ? Non, il change de foyer, voilà tout. Sa famille le confie à une autre famille… Et, le croiriez-vous, chez ces peuples-là, les gens préfèrent mille fois cette façon d’agir à ces grands internats qui sont l’honneur de notre pays. Mais les imiter, fi donc ! Voyez-vous la France prendre modèle sur un pays neuf, comme l’Amérique, ou sur un pays nain, comme la Suisse ? Emprunter à l’étranger, quelle humiliation ! » (G. Renard). Et l’internat continue à nous réduire et à nous avilir. Et la déchéance, et les stigmates du troupeau y trouvent leur compte…

Si l’internat — élargi, épuré, désencaserné, et tel que plus rien n’y survive du « bahut » de nos souvenirs — devient le milieu scolaire de l’avenir pour l’adolescence (car nous n’oserons plus, que diable, parler, au sens actuel, d’école pour l’enfant !) qu’il se rapproche le plus possible de ce noyau éducatif à la fois chaud, riche et fécond qu’est la famille d’affinité. Car nous ne ferions que soustraire l’enfant à la tyrannie du milieu domestique autoritaire, obtus et inharmonique, pour le rejeter dans la prison déprimante, étouffeuse de vie naissante si devaient s’y dérouler, dans une forme et un esprit voisin de l’internat d’aujourd’hui, les années de prime jeunesse, si lourdement, prématurément, exagérément studieuses… — Lanarque.


INTERNATIONAL adj. (du latin inter, entre, et de national). Chose qui s’accomplit entre nations. D’où : INTERNATIONALE (subst. fém.), association des travailleurs de tous les pays.

En la préconisant, les précurseurs socialistes furent au-dessus du mot propre pour arriver à une entente générale des peuples, surpassant les nationalités, et conçue en vue d’une révolution sociale universelle.

L’idée internationale fut surtout concrétisée par les premières associations d’ouvriers des différentes parties du monde, pour des revendications sociales.

En 1843, Mlle  Flora Tristan proposait une société universelle. Dans un congrès à Londres, en 1847, Marx et Engels en jetaient les bases en disant : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » En 1862, à Londres, des rapports s’établirent entre ouvriers anglais et français. En 1864, on discuta et arrêta le projet d’une fédération internationale. Le premier Congrès pour l’Association Internationale se tint à Genève en 1866 et des statuts furent adoptés.

Entre temps, en 1865, était fondée la Fédération romande, imbue des idées étatistes, radicales-socialistes, coopératistes et législatives. Karl Marx en était le grand animateur très écouté. La maxime : Affranchissement des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes fut lancée.

Dans ce but, un deuxième Congrès a lieu à Lausanne en 1867. Cette même année se tient à Genève le Congrès pour la Paix et la Liberté. Bakounine y émet sa théorie de la destruction des États et de la libre Fédération des Communes.

En 1868, au troisième Congrès à Bruxelles, on déclare que tout doit appartenir à l’État régénéré et à la Collectivité : sol, sous-sol, chemins de fer, etc. Le même mois, à Berne, au second Congrès pour la Paix et la Liberté, la minorité s’en détache et constitue : l’Alliance de la démocratie socialiste et déclare adhérer à l’Internationale. Son programme était :

1° Abolition des cultes ; substitution de la science à la foi ;

2° Égalisation politique, économique et sociale des individus des deux sexes ; abolition du droit d’héritage ; la terre, les instruments de travail, comme tout autre capital, devenant propriété collective de la société ne pourront être utilisés que par les associations agricoles et industrielles ;

3° Égalité des moyens d’entretien, d’éducation et d’instruction pour les enfants des deux sexes ;

4° Repousser toute action politique n’ayant pas pour but immédiat et direct le triomphe de la cause des travailleurs ;

5° Union universelle des libres associations remplaçant les États actuels ;

6° La solidarité internationale des travailleurs substituée à cette rivalité des nations qu’on appelle patriotisme ;

7° Association universelle de toutes les associations locales par la liberté.

Parmi les membres élus au Comité directeur était Bakounine. En Italie, en Espagne, en France, des groupes se constituèrent de suite. Les sections de la Suisse romande forment une fédération… L’Alliance demande au Conseil général de Londres son admission dans l’Internationale ; l’admission est refusée. C’est alors que sur les instances de Bakounine, l’Alliance supprime ses bureaux nationaux et est admise tout en conservant son programme théorique, elle n’est plus qu’une section de l’Internationale avec son siège à Genève.

Au quatrième Congrès à Bâle, en 1869, les rapports sur l’abolition du droit d’héritage et sur l’organisation de la propriété collective, présentés par Bakounine et Robin, soutenus par Varlin, sont adoptés. K. Marx est mis en minorité par 32 voix, contre 19 et 17 abstentions. De là datent les premiers dénigrements de Marx contre Bakounine.

Au Congrès romand de la Chaux-de-Fonds, en 1870, on essaie de ne pas admettre la section de l’Alliance de la fédération romande ; la majorité est pour l’admission. C’est la scission, la minorité se retire.

Dans sa partialité, le Conseil général de Londres reconnaît à la minorité siégeant à Genève le titre de Comité fédéral romand, et, à la majorité siégeant à la Chaux-de-Fonds, la laisse libre d’un autre titre ; Comité fédéral du Jura fut adopté, puis Fédération jurassienne.

Bakounine voulait profiter de la guerre de 1870 pour tenter la révolution. A cet effet il lança un manifeste à toutes les sections de l’Internationale, provoquant un soulèvement à Lyon en septembre et un autre à Marseille le 31 octobre, prologues de la Commune de Paris et des insurrections de Lyon, Marseille et Narbonne les 18, 19, 20 mars 1871.

En novembre 1871, la Fédération Jurassienne tient le Congrès de ses sections à Sonvillier, les sections romandes y sont invitées. Dans les statuts qui sont établis on relève : 1° Que le Comité fédéral n’est investi d’aucune autorité, il est simplement un bureau de renseignements, de correspondance et de statistique ; 2° Les sections conservent leur autonomie absolue, toute latitude est laissée à celles qui veulent former entre elles des fédérations locales ou spéciales ; 3° Le Congrès annuel de la Fédération ne s’immisce en aucune façon dans l’administration intérieure des sections, etc., etc.

La scission n’est pas officielle mais se confirme en 1872 par les intrigues de K. Marx, qui fait décider la tenue du prochain Congrès à La Haye ; Bakounine ne peut s’y rendre sans traverser la France et l’Allemagne d’où il est expulsé par suite de ses condamnations.

Puis, c’est le Conseil général de l’Internationale qui est transféré à New-York. Marx craignait qu’en restant à Londres les réfugiés français de la Commune y prissent la haute-main.

Le socialisme international s’affirme autoritaire avec Karl Marx et libertaire avec Bakounine. L’Internationale est divisée en deux sans que le fait soit reconnu par un Congrès.

Chacun fait sa propagande. En 1873, à Genève Congrès de la Fédération Jurassienne, suivi d’un Congrès général le 1er septembre, où sont représentées la Belgique, l’Angleterre, la Hollande, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, la France, l’Amérique. On y décide la suppression du Conseil général.

Voici quelques extraits des nouveaux statuts de l’Internationale :

« L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

« Tous les individus adhérant à l’Internationale reconnaîtront comme devant être la base de leur conduite envers les autres hommes : la vérité, la justice, la morale.

« Les Fédérations et Sections conservent leur complète autonomie.

« La mission du Congrès annuel est de mettre en présence les aspirations des travailleurs des divers pays et de les harmoniser par la discussion. Les questions de principe ne pourront jamais être l’objet d’un vote. Les décisions du Congrès général ne seront exécutoires que pour les Fédérations qui les auront acceptées, etc. »

« Les marxistes tiennent leur Congrès à Genève.

A Bruxelles, en 1874, c’est le Congrès des fédéralistes. En 1876 à Berne a lieu le Congrès anti-autoritaire, sous le nom de huitième Congrès de l’Internationale dans lequel est votée la motion italienne ci-après : « La Fédération italienne croit que le fait insurrectionnel, destiné à affirmer par des actes les principes socialistes, est le moyen de propagande le plus efficace et le seul qui, sans tromper et corrompre les masses, puisse pénétrer jusque dans les couches sociales les plus profondes et attirer les forces vives de l’humanité dans la lutte que soutient l’Internationale ».

Il serait trop long d’énumérer ici tous les procès dont souffrit l’Internationale.

En 1877, le gouvernement italien dissout les fédérations et groupes de l’Internationale.

A Verviers se tient le neuvième Congrès. Kropotkine en fait partie.

En même temps a lieu à Gand un Congrès universel de l’Internationale où se rencontrent autoritaires et libertaires. La conciliation ne peut se faire, la division est de plus en plus évidente.

En 1878, au Congrès de la Fédération Jurassienne, Élisée Reclus développe un rapport d’où nous extrayons : « Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons la justice… Jamais un progrès, soit partiel, soit général, ne s’est accompli par simple évolution pacifique : il s’est toujours fait par une révolution soudaine. Si le travail de préparation se fait avec lenteur dans les esprits, la réalisation des idées a lieu brusquement… Et comment procéder à cette révolution ?… Commencerons-nous par abdiquer pour devenir libres ? Non, car nous sommes des anarchistes… qui n’ont personne pour maître et ne sont les maîtres de personne… En supprimant l’État, nous supprimons aussi toute morale officielle… Il n’y a de morale que dans la liberté…, etc. »

En 1879, à la réunion de la Fédération Jurassienne, les bases idéales de l’anarchie sont définies et sanctionnées en 1880 au Congrès de la Chaux-de-Fonds. Kropotkine y montre la nécessité de la propagande dans les campagnes.

Deux Congrès en 1881, l’un à Paris, l’autre à Londres. L’une des dernières réunions de la Fédération Jurassienne se tient à la Chaux-de-Fonds.

L’Internationale agonise sous le coup des différents procès, des expulsions et des interdictions de réunions dans presque tous les pays depuis 1869. Elle disparaît par le grand procès de Lyon en 1883, où 46 prévenus sont traduits en cour d’assises sous l’accusation d’internationalisme, ils sont condamnés à de nombreuses années de prison.

Tous les gouvernements ont senti que l’Internationale entamait leur vitalité. La société dissoute n’en existe pas moins dans les esprits, l’Idée fait son chemin malgré tous les obstacles.

En ce moment maints partis politiques se déclarent internationalistes, préconisant un vague socialisme à base étatiste. Les dirigeants les tolèrent parce qu’en fait leur action continue à s’exercer dans le cadre des patries dont ils ne répudient pas les frontières. Ils abusent les peuples sur le caractère « international » de leur action. Et chacun, à la Société des Nations, s’avère le protagoniste d’un nationalisme agissant et s’ingénie, perfidement, à conserver pour son pays le privilège des armements. Le système de ces partis n’est international et pacifiste que par habile phraséologie.

Le vrai internationaliste est celui qui ne se prête à aucun compromis national. Tel l’anarchiste qui dit que la Terre est sa patrie et que les frontières tracées par des conquêtes ou des ambitions financières n’existent pas pour lui, et qu’il n’acceptera pas d’être lié par elles.

Cet internationalisme, le seul logique, regarde comme frères les humains de toutes les couleurs. Pour lui, jaunes, noirs ou blancs ont un intérêt évident à l’entraide et ne peuvent, dans les haines, les hostilités et les guerres, que favoriser les tyrans et réduire leur part individuelle de bien-être et de joie. — L. Guerineau.


INTERNATIONALE SYNDICALE. Ce mot a déjà été traité dans les études consacrées à Confédération générale du Travail et Association internationale des Travailleurs.

Toute la vie de la Ire Internationale, toute son action toute l’activité de l’Internationale, tous les Congrès, jusqu’au Congrès de Londres (1920), sont relatés dans ces deux études, auxquelles le lecteur doit absolument se reporter pour être exactement et complètement renseigné.

Il ne reste donc à examiner que l’action depuis 1920 et les Congrès suivants : Londres (1920), Gênes et Rome (1922), Vienne (1924), Paris (1927) pour la Fédération Syndicale internationale ; les Congrès de 1923, 1925 et 1928, à Moscou, pour l’Internationale Syndicale rouge ; le Congrès de Liège (1928) pour l’Association internationale des Travailleurs.

Fédération internationale syndicale d’Amsterdam. — Cette Internationale est, relativement, de constitution récente.

De même que de 1874, année de la disparition définitive de la Ire Association Internationale, après le Congrès de Bruxelles, jusqu’en 1895, au Congrès de Zurich, il n’y eut aucune action internationale coordonnée et organisée, il n’y eut, non plus, d’Internationale de 1896 à 1900, date de la constitution du Secrétariat International. Les Congrès de Stuttgart (1902), de Dublin (1903), Amsterdam (1905), Christiania (1907), Paris (1909), Budapest (1911) et Zurich (1913) furent organisés par ce Secrétariat International.

La guerre vint mettre fin à l’existence de cet organisme. Les Centrales Nationales alliées (France, Angleterre, Belgique, Italie, auxquelles se joignirent l’Espagne et la Suisse, un peu plus tard) tinrent cependant, pendant la guerre, les Conférences de Londres (1915), Leeds (1916), Berne (1917), Berne encore en 1919.

C’est à cette dernière Conférence, à laquelle participèrent : l’Angleterre, la France, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la Norvège, la Suède, l’Espagne, que, fut décidée la liquidation du Secrétariat International et la reconstitution de l’Internationale Syndicale.

L’Italie, absente, donna son acquiescement par lettre. La Conférence se mit d’accord sur une Charte internationale du Travail que les représentants anglais, français et belges reçurent mission de défendre auprès de la Conférence de la Paix de Versailles (1919) et de faire insérer dans le Traité de Paix, dans la partie qu’on a appelée le Titre XIII.

La constitution de la Fédération Syndicale Internationale eut lieu au Congrès de juillet 1919, à Amsterdam.

Toutes les Centrales européennes, plus celle des États-Unis, y participèrent.

La F.S.I. décida, dès sa constitution, de participer à la Conférence Internationale du Travail de Washington pour l’application universelle de la journée de 8 heures.

La F.S.I., à son origine, groupa 24 Centrales et plus de 20 millions d’adhérents.

Elle eût pu être une force absolument irrésistible, si elle avait été une Internationale véritable, au lieu d’être une Association de nationalismes divisée en deux camps : ex-Alliés et ex-Centraux.

29 Secrétariats internationaux professionnels, groupant près de 17 millions d’ouvriers de toutes professions, sont immédiatement constitués.

La Fédération Internationale Syndicale représente donc, dès le début, la plus grande force mondiale qui ait jamais existé : si elle avait compris la situation générale et osé agir, elle eut imposé au monde une transformation sociale radicale. Elle ne sut comprendre ni agir.

Elle se contenta de s’occuper de haute stratégie diplomatique et, si son action en Autriche, en Espagne, voire même en Russie, en faveur des affamés, a eu des conséquences heureuses, il est, néanmoins hors de doute, qu’elle eût pu faire bien davantage, si elle avait été animée de réels sentiments de classe et non imbue d’intérêt soi-disant général.

La F.S.I. tint à Londres, en 1920, son deuxième Congrès. Il y fut question des réparations, des nationalisations ; de la nécessité de tenir une Conférence internationale des transports et du lancement d’un emprunt international pour la liquidation des réparations.

Elle participa à la Conférence de Gênes (1922) à laquelle assista la Russie soviétique qui, pour la première fois, entrait dans le concert des puissances.

La F.S.I. tint une Conférence préalable au cours de laquelle elle adopta une résolution sur la reconstitution économique de l’Europe. Elle présenta cette résolution — qui fut rejetée — à la Conférence des États réunis à Gênes, laquelle devint très rapidement, exclusivement politique et n’atteignit d’ailleurs aucun de ses buts.

Le Congrès de Rome qui se tint presque aussitôt la fin de la Conférence de Gênes, homologua la résolution prise par la F.S.I. à Gènes.

Il s’occupa aussi de l’action contre la guerre, de l’organisation de cette action, il reprit l’organisation des relations entre les Secrétariats, internationaux professionnels et de la Fédération Syndicale internationale ouvrière par la Conférence de Zurich en 1913.

Le 3e Congrès eut lieu à Vienne (Autriche), du 2 au 7 juin 1924. C’est à ce Congrès que fut dressé le programme minimum dé la F.S.I. qui comprend : la défense de faire travailler les enfants au-dessous de 15 ans ; l’enseignement universel avec, dans tous les États, des bureaux d’orientation professionnelle ; les conditions générales de travail des adolescents, des femmes, des hommes ; l’hygiène et la sécurité ; le droit syndical et l’émigration ; les assurances, le placement, le contrôle ouvrier, le logement.

La F.S.I. organisa en outre, en 1922, un Congrès mondial de la Paix qui se tint, en décembre, à La Haye. Tous les pays, y compris la Russie, y participèrent. La lutte contre la guerre y fut envisagée sur le plan démocratique et légalitaire. A aucun moment, il ne fut question d’organiser sérieusement la lutte efficace contre la guerre.

Le 4e Congrès de la F.S.I. se tint à Paris, en août 1927, au Grand Palais, cependant que celui de l’A.I.T. se tenait, lui, dans la forêt de Berlin, deux années auparavant.

Il s’occupa de la cuisine intérieure du Bureau. Purcell, président, dans son discours inaugural, attaqua brutalement Jouhaux et surtout Oudegeest. Pendant tout le congrès ce ne fut qu’une lutte constante entre les Trade-Unions britanniques et le reste de la F.S.I.

Ce fut, en réalité, la lutte entre l’esprit d’unité international, plus fictif et tactique que réel et sincère, d’ailleurs créé par le Comité anglo-russe — et l’esprit de maintien du statu quo, nettement exprimé par Jouhaux, Sassenbach, Oudegeest et Mertens. Fimeney, l’âme du mouvement « unitaire », ne dit mot pendant tout le Congrès.

En conclusion, Oudegeest, mis en fort mauvaise posture par la délégation anglaise, dut se retirer. Le Congrès ne fit aucune besogne utile et toutes les questions furent renvoyées à l’étude du Conseil général.

Purcell fut écarté de la présidence, mais un autre Anglais, Hieks, le remplace.

Telle est, brièvement relaté, l’activité de la Fédération Internationale Syndicale.


Internationale Syndicale Rouge. — L’Internationale Syndicale Rouge, née de la scission qui se produisit dans les années 1919 et 1920 dans presque toutes les Centrales de la F.S.I., tint son premier Congrès à Moscou, du 3 au 19 juillet 1921.

J’ai déjà exposé quel fut, à ce Congrès, le rôle de la délégation française.

Il importe qu’on sache que ce Congrès constitutif délibéra « librement » ? sous la surveillance des soldats rouges, baïonnette au canon.

Tout le travail des organisateurs syndicaux russes, auxquels s’étaient joints tous les leaders politiques Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, etc., tendit à imposer aux délégués étrangers et plus spécialement allemands, français, italiens et espagnols, une charte qui consacrait la domestication des Centrales nationales aux Partis politiques communistes et de l’Internationale Syndicale Rouge à l’Internationale Communiste.

Sur la proposition de A. Rosmer (France) et de Tom Mann (Angleterre), rapporteurs, le Congrès vota la résolution suivante :

« Considérant que la lutte entre le capital et le travail dans tous les pays capitalistes a acquis, par suite de la guerre et de la crise mondiale, un caractère particulièrement tranchant, implacable et décisif ;

« Que dans le processus de cette lutte se dessine, devant les masses ouvrières, de jour en jour plus distinctement, la nécessité d’écarter la bourgeoisie de la production et, partant, du pouvoir politique ;

« Que ce résultat ne peut être atteint exclusivement que par l’établissement de la dictature du prolétariat et du régime communiste ;

« Que dans leur lutte pour la conservation de la dictature bourgeoise, toutes les couches capitalistes dominantes ont atteint déjà un degré considérable de concertation et d’unification de leurs organisations nationales et internationales, aussi bien politiques qu’économiques, que l’action offensive du prolétariat rencontre une force unie de la bourgeoisie ;

« Que la logique de la lutte de classes actuelle exige l’unification la plus complète des forces du prolétariat et de sa lutte révolutionnaire et détermine ainsi la nécessité d’un contact étroit et d’une liaison organique entre les diverses formes du mouvement. ouvrier révolutionnaire, avant tout entre l’Internationale communiste et l’Internationale syndicale Rouge des syndicats ; qu’il est aussi hautement désirable que tous les efforts soient dans le domaine national vers l’établissement de relations similaires entre les partis communistes et les syndicats rouges ;

« Le Congrès décide :

« 1) Toutes les mesures doivent être prises pour le groupement le plus ferme des syndicats révolutionnaires dans une organisation de combat unifiée avec un centre dirigeant international unique ; l’Internationale Rouge des syndicats ouvriers ;

« 2) Des liens aussi étroits que possible doivent être établis avec la IIIe Internationale communiste, avant-garde du mouvement ouvrier révolutionnaire dans le monde entier, basés sur la représentation réciproque au sein des organismes exécutifs, de délibérations communistes, etc. ;

« 3) Cette liaison doit avoir un caractère organique et technique ; elle devrait se manifester dans la préparation conjointe et la réalisation des actes révolutionnaires sur une échelle nationale aussi bien, qu’internationale ;

« 4) Le Congrès affirme la nécessité de tendre à l’unité des organisations syndicales révolutionnaires et à l’établissement d’une liaison réelle et étroite entre les syndicats ouvriers rouges et le parti communiste dans l’application des directives des deux Congrès. »

Le vote de cette résolution fut le point de départ de la scission des forces syndicales centralistes et fédéralistes. Marx et Bakounine étaient à nouveau face à face. Ils le sont encore et n’ont pas fini de l’être.

Le Congrès fixa, selon son esprit bien entendu, les tâches tactiques des syndicats. Il se prononça sur la neutralité, l’indépendance des syndicats du socialisme, sur la politique de la Fédération syndicale d’Amsterdam, sur les méthodes de lutte, le programme d’action de l’I.S.R. Il examina également le contrôle ouvrier, les Comités d’usines et de fabriques et détermina l’organisation dans les différents pays.

Enfin, il vota les statuts de l’I.S.R. dont le fameux article 11, ci-dessous indiqué, souleva tant de controverses :

« Pour établir des liens solides entre l’I.S.R et la IIIe Internationale communiste, le Conseil Central :

« 1) Envoie au Comité Exécutif de la IIIe Internationale trois représentants avec voix délibérative ;

« 2) Organise des séances communes avec le Comité Exécutif de la IIIe Internationale, pour la discussion des questions les plus importantes du mouvement ouvrier international et pour l’organisation d’actions communes ;

« 3) Quand la situation l’exige, il lance des proclamations d’accord avec l’Internationale communiste. »

Cet article n’est, en somme, que la « codification » de l’esprit qui se dégage de la résolution Rosmer-Tom Mann qu’il exprime très clairement.

Les fédéralistes, à l’encontre de tant d’autres discutailleurs, se dressèrent contre l’ensemble des statuts. C’était logique. Leur opposition était donc totale. Elle le resta.

Le 2e Congrès, qui se tint également à Moscou, ne fit que renforcer la juste opposition à l’esprit de subordination de l’Internationale communiste sur les syndicats réduits au rôle passif d’agents d’exécution des ordres reçus par le canal des partis communistes dans chaque pays.

En effet, en dépit de la résolution votée à Saint-Étienne et présentée par le Bureau de la C. G. T. U., qui sauvegardait l’autonomie du syndicalisme, le 2e Congrès de l’I. S. R. vota, avant l’adhésion de la C. G. T. U., une résolution présentée par le camarade Dogadov, secrétaire de la C. G. T. russe, et ainsi conçue :

xxx « Considérant :

« 1°) Que l’I. S. R. a pour tâche de grouper tous les ouvriers révolutionnaires dans le but d’une lutte commune contre le capital et pour l’instauration de la dictature prolétarienne ;

« 2°) Que ce but ne peut être atteint que si tous les lutteurs de la révolution sociale sont, profondément pénétrés de l’esprit communiste ;

« 3°) Que la victoire même du communisme n’est possible que sur le plan international, ce qui suppose une liaison intime et une coordination d’action entre l’I. C. et l’I. R. S. ;

« 4°) Qu’il y a, parmi les ouvriers, des groupes à tendance syndicaliste révolutionnaire qui veulent sincèrement établir un front unique avec les communistes, tout en croyant que la représentation réciproque entre l’I. C. et l’I. S. R. établie par le Congrès de l’I. S. R. ne correspond pas aux traditions du mouvement de leur pays ;

« 5°) Que la C. G. T. U. française, qui représente ce point de vue, se prononce énergiquement pour la collaboration de l’I. C. et de l’I. S. R. et pour les mouvements communs dans toutes les actions offensives et défensives contre le capital ;

« Les délégations des syndicats de Russie, d’Allemagne, d’Italie, de Bulgarie, de Pologne et d’Espagne, tout en se plaçant au point de vue de la nécessité absolue de donner le rôle directeur au Parti communiste dans chaque pays et à l’I. C. sur le plan international, proposent néanmoins, de tendre la main aux ouvriers révolutionnaires français et d’adopter les propositions de la C. G. T. U. »

Cette résolution, qui est bien, en fait, la consécration de la subordination du mouvement économique à l’Internationale communiste, confirme purement et simplement la motion Rosmer-Tom Mann, votée par le premier Congrès.

Les soi-disant concessions qu’elle fait, dans le texte, à l’esprit syndicaliste révolutionnaire sont, en réalité, inexistantes.

Le vote de cette résolution aboutit, en France, à une deuxième scission et à la constitution d’une IIIe C. G. T., la C. G. T. S. R., qui a repris toute la doctrine du syndicalisme révolutionnaire, qui était celle de la C. G. T. d’avant-guerre.

Le 3e Congrès, qui se tint à Moscou, s’occupa surtout de la question du front unique et de celle de l’Unité.

Les thèses — toutes tactiques — édifiées au cours de ce Congrès ne reçurent jamais aucun commencement d’application. Il s’agissait, pour l’I. S. R., de bluffer et de faire croire aux ouvriers que Moscou désirait l’unité et que cette unité ne se réalisait pas parce que les autres Internationales ne le voulaient pas.

Peu après ce Congrès, qui mit au monde le fameux Comité anglo-russe qui devait amener les Trade-Unions dans le giron de l’I. S. R., la liquidation de l’I. S. R. et la rentrée des syndicats rouges à la F. S. I. d’Amsterdam fut envisagée.

Cette façon de voir était d’ailleurs partagée par une partie du Bureau politique de l’I. C. et, en particulier, par Tomsky, président de la C. G. T. russe et membre du Bureau politique de l’I. C.

Des efforts furent tentés, en France, par la C. G. T. U., et en Bulgarie par les syndicats autonomes sympathisants de l’I. S. R.

Toutes ces tentatives de conquêtes du dedans furent déjouées par les dirigeants d’Amsterdam.

Le 4e Congrès, qui eut lieu encore à Moscou, en 1928, se convainquit rapidement de la stérilité des efforts dans cette direction.

L’intérêt diplomatique du gouvernement russe n’exigeant pas, pour le moment, le sacrifice de l’I. S. R., le 4e Congrès changea brusquement de direction.

Alors que le 3e Congrès déclarait qu’il fallait 90 % de l’activité à la réalisation de l’unité, le 4e Congrès recommande, lui, de renforcer les Centrales existantes et d’en créer au besoin de nouvelles.

En réalité, alors que le 3e Congrès avait pour plate-forme essentielle l’unité, le 4e Congrès a choisi, pour principale plateforme, l’aggravation de la scission.

A l’heure où j’écris ces lignes, nous en sommes là.

Il est, toutefois, vraisemblable que la rentrée définitive dans le concert des nations de la Russie soviétique et son admission à la Société des Nations auront pour conséquence la fusion de la F. S. I. d’Amsterdam et de l’I. S. R. de Moscou. Quand et comment s’opérera cette jonction ? Nul ne le sait !

Tel est, à ce jour, le processus de la vie de l’Internationale russe qui ne compte, à l’exception des Centrales russe et française, que des fractions de mouvements.

Filiale et chose de l’I. C., elle est dirigée par un homme de paille qui n’agit que par ordre de l’Exécutif communiste.

Alors qu’elle eût pu grouper toutes les forces syndicalistes révolutionnaires du monde et faire figure, en face de la F. S. I. d’Amsterdam, elle ne fut qu’un organisme de division dont il faut souhaiter au plus tôt la disparition.



L’Association Internationale des Travailleurs. — Cette Internationale, qui est la continuation, sur le plan syndical, de la Ie Internationale, appelée elle aussi A. I. T., a été fondée en décembre 1922, à Berlin.

Je ne reviendrai, ni sur les deux Conférences préparatoires de 1921 et 1922, ni sur le Congrès constitutif, ni sur la Conférence d’Insbruck (1923) et le Congrès d’Amsterdam (1925).

Toutes ces manifestations de la IIe A. I. T. ont été exposées par le Secrétaire général, A. Souchy, lorsqu’il a fait son étude sur l’A. I. T. (Voir Association Internationale des Travailleurs).

Il ne me reste donc qu’à relater le Congrès qui s’est tenu à Liège en juillet 1918, et qui est le troisième de l’actuelle A. I. T.

Il consacra ses travaux aux questions suivantes : Rationalisation, chômage et 6 heures, la guerre et le militarisme, la création d’un fonds de secours international, l’attitude de l’A. I. T. dans les luttes syndicales actuelles.

Il condensa son point de vue sur toutes ces questions dans les résolutions ci-après, dont l’intérêt n’échappera à personne.

Résolution sur la Rationalisation

Le Congrès considère la rationalisation actuelle de l’économie capitaliste comme un résultat direct d’une nouvelle phase de développement du système capitaliste trouvant son expression dans la disparition du vieux capitalisme privé et son remplacement par le capitalisme collectif moderne. Cette nouvelle phase signifie pratiquement la disparition de la libre concurrence et l’instauration de la dictature économique, laquelle, par l’exclusion de toute concurrence économique, travaille consciemment à l’exploitation du monde d’après un système unique.

La rationalisation n’est qu’une conséquence de cette transformation nouvelle du monde capitaliste et ne personnifie dans ses méthodes que la concurrence brutale de la machine de chair et sang et de celle de fer et d’acier, dont les résultats profitent uniquement au patronat. Pour les producteurs, par contre, cette nouvelle méthode signifie l’ensevelissement de leur santé physique et intellectuelle et la soumission sans d’esclavage industriel les contraignant à un état de chômage continuel et à un abaissement continu des conditions de vie.

Le congrès, loin de voir dans cette nouvelle transformation de l’économie capitaliste une condition pour la réalisation du socialisme, voit dans les nouvelles méthodes une forme plus parfaite de l’exploitation des vastes masses de producteurs et des consommateurs, formes qui, dans le meilleur des cas, peuvent être considérées, comme les prémices d’un capitalisme d’État Futur, mais jamais comme les préparatifs nécessaires à l’avènement du socialisme.

Le Congrès est d’avis que, le chemin vers le socialisme n’est pas déterminé par une ascension continuelle de la capacité de production, mais, en première ligne, mais d’abord, par une claire connaissance de l’état social et la ferme volonté d’activité socialiste constructive, trouvant leur expression dans les aspirations à la liberté et à la justice sociale. Le socialisme n’est pas seulement un problème économique, mais aussi un problème psychologique et culturel et en ce sens, aspire à lier spirituellement les individus à son œuvre, en ce qu’il s’efforce de présenter le travail d’une façon complexe et attractive, une aspiration qui ne sera jamais conciliable avec la rationalisation moderne. Non pas la centralisation des industries d’après les principes soi disant spéciaux de l’économie des différents peuples, mais décentralisation de l’ensemble de notre système de production, comme il l’est de plus en plus exigé par le développement de la technique moderne ; non pas par une spécialisation de toutes les branches de la production poussées au paroxysme, mais unité du travail, union de l’agriculture et de l’industrie et une éducation complexe des individus pour le développement de leurs facultés intellectuelles et manuelles. C’est dans cette voie que se dirige le socialisme.

Le Congrès est d’avis que le nouveau développement du capitalisme, qui trouve son expression dans la formation des trusts et cartels nationaux et internationaux gigantesques, rend de plus en plus inoffensives les vieilles méthodes de la classe ouvrière, et que ce nouveau développement ne peut être envisagé qu’avec la formation d’organisations économiques révolutionnaires internationales qui viennent tout d’abord en question pour la défense des revendications des travailleurs au sein du système actuel et aussi pour la réalisation et la réorganisation pratique de la société dans l’esprit du socialisme. Ce n’est qu’inspiré par l’esprit du socialisme international que le mouvement ouvrier, que les travailleurs seront à même de préparer leur libération économique, politique et sociale, et de la réaliser pratiquement.

Le Congrès est d’avis que le socialisme libertaire est l’unique moyen de protéger l’humanité contre la chute d’un nouveau servage industriel et que ce grand but final doit être la base de toutes les luttes quotidiennes pratiques qui nous incombent par la misère de l’heure.

Le Congrès voit dans la diminution de la journée de travail un des moyens les plus importants pour enrayer le chômage en masse, rendu chronique par le nouveau système, et ce de façon que toute augmentation de la production corresponde à une diminution de la journée de travail.

Le Congrès est d’avis que ce but ne peut être atteint que si les organisations économiques des ouvriers se décident à reconnaître à chaque travailleur le droit à la vie ; conséquemment l’exercice, d’une activité productive, et ce, de façon que, dans chaque arrêt de l’économie au sein du système actuel, il ne reste pas une partie des travailleurs dans les usines, alors que l’autre est jetée à la rue, comme ce fut le cas jusqu’à présent, mais que, par une diminution du temps de travail appropriée, tous les ouvriers continuent d’être employés. Avec une telle méthode, l’organisation recevrait pour les travailleurs une toute autre importance en tant que classe, et leurs sentiments de solidarité seraient renforcés d’une façon tout à fait insoupçonnée.

Le Congrès appelle tous les membres de l’A.I.T. à mener la propagande de ces idées parmi les masses et de contribuer ainsi à la réalisation prochaine du socialisme libertaire, et de mettre la lutte pour la journée de six heures en tête de ses actions immédiates.

Résolution sur les six heures

xxxLe Congrès,

Constatant que les crises du chômage revêtent de plus en plus un caractère aigu et chronique, que le prolétariat est victime de ces crises dans tous les pays du monde ;

Déclare que les causes de chômage résident :

1° Dans le développement du machinisme ;

2° Dans l’accroissement continuel du nombre des travailleurs, accroissement constitué par l’emploi de plus en plus grand de la main d’œuvre féminine et par la venue au travail industriel d’éléments qui, jusqu’alors, étaient employés aux travaux de la terre ;

3° Dans l’introduction de nouvelles méthodes de production dans l’industrie, méthodes qui ont pour effet d’augmenter considérablement la vitesse de production ;

4° Dans les bas salaires qui ne permettent pas aux salariés d’avoir un pouvoir d’achat suffisant à absorber la production.

Le Congrès constate que le perfectionnement et le développement du machinisme, qui auraient dû apporter un soulagement à la peine des travailleurs, n’ont, jusqu’à présent, servi que les intérêts des capitalistes ; tout en s’affirmant partisans convaincus du progrès sous toutes ses formes, le Congrès déclare qu’en aucun cas, il ne peut avoir pour rançon un renforcement de l’exploitation humaine.

En ce qui concerne les nouvelles méthodes de production, connues sous le nom de rationalisation, le Congrès, après avoir sérieusement étudié la question, dénonce cette forme de travail comme portant atteinte à la dignité humaine et comme étant un facteur considérable de chômage.

Le Congrès dénonce par-dessus tout la volonté du capitalisme de créer, dans tous les pays, une armée de chômeurs, constituant un réservoir de main d’œuvre qu’il opposera aux travailleurs lorsque ceux-ci voudront entreprendre une lutte revendicative quelconque. Le chômage aurait ainsi pour effet de diviser la classe ouvrière, de diminuer d’autant sa combativité, de l’amener à délaisser les organisations révolutionnaires et de l’orienter de plus en plus vers les politiciens.

L’association internationale des Travailleurs, poursuivant un but diamétralement opposé, désire avant tout que chaque bras soit employé et que les travailleurs aient constamment plus de bien-être et de liberté et qu’ils prennent de en plus conscience de la nécessité de la lutte pour leur émancipation totale.

Le congrès préconise de façon pressante, et pour porter remède à la douloureuse situation du prolétariat mondial, la diminution des heures de travail, concrétisée par l’application de la journée de six heures.

En conséquence,

Les organisations centrales nationales, réunies en Congrès international s’engagent à mener dans leurs pays respectifs une lutte intense en faveur de la journée de six heures et pour la suppression du travail aux pièces, à la tâche ou à la prime. Cette lutte devra être entreprise sans délai, la revendication des six heures devant passer au premier plan des revendications immédiates de toutes les Centrales adhérentes. Elle devra absorber une grosse partie de l’activité des organisations syndicales à tous les échelons.

Chaque organisation devra étudier sérieusement le problème, de façon à ce que les méthodes de propagande et d’action soient déterminées localement, nationalement et internationalement. Le Congrès préconise l’entreprise d’une quinzaine de propagande mondiale en faveur de la journée de six heures, quinzaine pendant laquelle les organisations devront consacrer la totalité de leur activité à faire connaître cette revendication et à la faire adopter par le prolétariat mondial.

Pour que tous les efforts soient bien coordonnés et portent le maximum de fruits, les organisations nationales devront adresser un rapport sur la situation de leurs pays et leurs possibilités de propagande au Secrétariat de l’A. I. T. et, lorsque celui-ci sera en possession de toute la documentation nécessaire, il indiquera la date où la quinzaine de propagande pourra être entreprise.



En préconisant la journée de six heures et en affirmant que le triomphe de cette revendication apportera plus de mieux-être aux travailleurs et placera le prolétariat mondial dans une situation plus favorable vis-à-vis du capitalisme international, le Congrès reste dans la tradition syndicaliste révolutionnaire. Il dénonce par avance à l’opinion des travailleurs du monde, les individualités ou groupements qui, sous quelque prétexte que ce soit, consciemment ou inconsciemment, s’opposeraient en principe au triomphe de la revendication des six heures, car leur opposition ne pourrait que servir le capitalisme et être néfaste au prolétariat.

Le Congrès fait un appel pressant à tous les travailleurs du monde pour qu’ils apportent leurs efforts et leur collaboration active a la lutte qu’entreprend l’Association Internationale des Travailleurs, seule Internationale syndicale poursuivant librement son action d’émancipation totale ; l’instauration de la journée de six heures est une question de vie ou de mort pour le prolétariat. Groupé dans les organisations adhérentes à l’A. I. T., il prouvera au capitalisme sa volonté de vivre dignement et son désir ardent de liberté.

Vivent les six heures ! Vive l’A. I. T. !

La guerre et le militarisme

Le militarisme est le système de la violence étatiste monopolisée pour la défense et l’élargissement du domaine d’exploitation nationale (guerre de défense ou d’agression), pour la soumission de nouveaux domaines d’exploitation (guerre coloniale) et pour la répression des masses populaires révoltées (grèves, agitation, émeutes).

Dans tous les cas, il s’agit de la protection et de l’augmentation des profits des classes dominantes, c’est-à-dire de la classe ennemie du prolétariat

Le militarisme est le dernier et le plus puissant moyen de la bourgeoisie pour tenir la classe ouvrière sous sa dépendance et réprimer ses luttes pour la liberté.

Partout où, dans des luttes nationales ou de libération, un nouveau militarisme se forme (Russie, Chine), celui-ci se tourne toujours de nouveau contre les travailleurs eux-mêmes, parce que, d’après sa nature même, il n’est qu’un instrument de répression des masses dans l’intérêt d’une classe de privilégiés et doit être l’ennemi de toute liberté.

C’est donc la tâche primordiale de la classe ouvrière de combattre non seulement le militarisme capitaliste actuel, mais de supprimer le militarisme comme tel. Les meilleurs moyens de combattre le militarisme seront ceux qui sont le plus conformes à l’esprit antimilitariste.

Il s’agit tout d’abord de désagréger l’esprit du militarisme, de la discipline et de la soumission, par une propagande active, d’éduquer les soldats et de saper les bases des armées afin qu’elles perdent leur efficacité contre les travailleurs. Les armées de volontaires, les armées blanches, les armées fascistes, etc., doivent être boycottées déjà en temps de paix.

Les militaires se composant en majorité d’ouvriers, et, dans l’état actuel de la technique moderne de guerre, les armées étant absolument dépendantes de l’industrie de guerre, il est au pouvoir des travailleurs de paralyser toute action militariste par le refus de servir, grèves, sabotage et boycott, même si ces actions militaires sont entreprises par des troupes blanches.

La meilleure préparation d’une telle action de masses consiste déjà actuellement dans le refus individuel de servir et dans le refus du prolétariat organisé de fabriquer des armements.

Il s’agit avant tout d’empêcher l’éclatement d’une nouvelle guerre et, pour cela, de supprimer les principales causes de la guerre et du militarisme par une transformation économique de notre ordre social actuel (révolution sociale).

Le Congrès appelle donc toutes les organisations adhérentes de l’A. I. T.

1° A propager le refus de fabriquer des matériaux de guerre d’une façon pratique, et ce dès maintenant ;

2° A convaincre les ouvriers des usines de guerre et d’entreprises pouvant être transformées en telles, qu’il est du devoir de la classe ouvrière de déclarer la grève à une menace de guerre, de s’emparer du matériel de guerre et de toutes les matières pouvant servir à en fabriquer ; de mettre les usines hors d’état de servir au capitalisme.

3° Les organisations adhérentes devront former, partout où cela sera possible, des Comités de grève générale qui auront pour tâche d’étudier les moyens de s’emparer des usines de les défendre et de les détruire au cas où elles seraient susceptibles de retomber aux mains du capitalisme. Ils devront également étudier les moyens de s’emparer des points vitaux de l’organisation nationale : nœuds et voies de chemins de fer, mines, centrales électriques, postes et télégraphes, points de distribution d’eau, corps de santé et produits pharmaceutiques ; ils devront s’emparer d’otages pris dans le monde de la bourgeoisie, de la politique, du clergé et de la banque.

En un mot, ils devront tout mettre en œuvre pour transformer la grève générale insurrectionnelle en révolution triomphante.

Création d’un fonds international de solidarité

La solidarité est, nationalement aussi bien qu’internationalement, un des moyens les plus efficaces et les plus reconnus par le prolétariat révolutionnaire. Dans tous les pays règne aujourd’hui une pression matérielle et économique terrible sur les grandes masses de travailleurs, pression qui devient plus féroce encore sur la vie politique également dans les pays de dictature. Si le prolétariat international veut traverser sans trop de pertes la crise qui sévit actuellement et qui empêche le renforcement du mouvement progressif ; s’il veut garder intacte, tout au moins dans leurs formes les plus primitives, ses organisations de combat, il est indispensable que le lien qui unit le prolétariat de tous les pays soit internationalement noué et que l’appui mutuel soit largement réalisé.

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La nécessité d’un tel lien international est d’autant plus frappante qu’il existe, dans la plupart des pays, des fonds de secours ou des organisations de solidarité ou d’entraide et que, de tous côtés, le désir est exprimé de voir toutes ces organisations unis internationalement.

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L’idée d’une Union Internationale de Solidarité doit servir à vivifier et à renforcer la solidarité internationale. L’initiative solidaire sur les lieux sera renforcée par le lien international. Aucune atteinte à l’indépendance totale ne doit être tentée ; la collaboration internationale donnera, au contraire, la possibilité d’une activité plus énergique dans tous les pays, de façon à pouvoir, dans les cas d’extrême urgence, apporter l’aide immédiate à ceux qui ont en besoin.

Règlement de l’Union Internationale de Solidarité

1° Le 3e Congrès de l’A. I. T. considère désirable et nécessaire la collaboration, au sein de l’A. I. T. des fonds de solidarité déjà existants, ainsi que des Comités ou organisations similaires d’entraide révolutionnaire. Dans les pays où il n’existe pas encore de Comités d’entraide ou de secours aux emprisonnés au sein du prolétariat révolutionnaire organisé, il est du devoir de la Centrale syndicale révolutionnaire d’en créer une. A cet effet, le Congrès propose le mode suivant :

2° Partout où il n’existe pas encore de tel organisme, mais où existent des possibilités dans cette direction, des Comités ou Groupes se créent avec le but d’aidée matériellement et moralement les victimes de la lutte de classes. Cette aide peut, suivant les cas, prendre la forme d’aide juridique, pécuniaire autre que la situation peut exiger ;

3° Les groupes ainsi formés ou déjà existants seront complètement autonomes, c’est-à-dire qu’ils auront le droit de s’administrer eux-mêmes et de déterminer de quelle façon ils doivent recueillir les sommes destinées à la solidarité. Ils s’engagent seulement à verser une cotisation régulière à l’Union Internationale de Solidarité ;

4° Cette cotisation sera fixée au prorata des membres et après entente entre le Bureau de l’Union Internationale de Solidarité et l’organisation intéressée ;

5° Dans des cas spéciaux les Unions nationales, aussi bien que l’Union Internationale, peuvent lancer des appels pour des— fonds spécifiques. Les secours seront répartis par le Bureau de l’U.I.S. qui rendra compte de son activité aux Unions nationales de solidarité. Ces Unions deviennent par le fait même, section de l’A.I.T. ;

6° L’Union Internationale de Solidarité doit immédiatement transmettre les sommes reçues par elle à titre de solidarité internationale ;

7° Les Unions présentent leur rapport trimestriel à l’U. I. S. Ces rapports sont publiés par les soins de cette dernière ;

8° Des rapports immédiats doivent être présentés quand il s’agit d’événements de grande importance, de procès et tentatives réactionnaires. Des rapports fréquents doivent être envoyés dans les cas où les événements sont de longue haleine ;

9° La solidarité internationale est effectuée :

a) Dans tous les cas où cette solidarité n’est pas effectuée par l’organisation du pays ;

b) Dans les cas d’arrestations et de persécutions en masse ;

c) Aux emprisonnés déportés, et à leurs familles, dans les pays où règne la dictature (Italie, Russie, Chili, Cuba, etc.) ;

d) Aux émigrés politiques à l’étranger

e) Aux familles et enfants de ceux qui sont devenus les victimes de la lutte de classes ;

10° L’Union Internationale de Solidarité publie tous les six mois— un rapport sur son activité.

Résolution sur l’attitude de l’A. I. T.
dans les luttes syndicales actuelles

Considérant que les puissances dominantes et le capitalisme accaparent toutes les conquêtes faites dans le domaine économique, technique et scientifique pour asseoir et développer plus fortement leur domination sur la classe opprimée ;

Que le capitalisme, par sa facilité d’adaptation, a réussi à travers les grands troubles politiques qui suivirent la guerre mondiale ou les crises économiques qui furent les suites de l’inflation dans beaucoup de pays, ou encore par la rationalisation dans presque tous les pays, non seulement à s’affirmer, mais aussi à se consolider ;

Que le patronat défend ses positions, non seulement dans les limites de soi-disant patries, mais tente aussi par des trusts et cartels internationaux, d’instituer l’exploitation du prolétariat et de lui donner un caractère fort et permanent ;

Que, par contre, le mouvement ouvrier, sous la conduite des partis politiques et des organisations réformistes fidèles à l’État et pactisant avec lui, n’a aucunement su utiliser la situation favorable qui s’est offerte dans les différents pays durant ces dernières années pour la conquête du pouvoir économique, ou même seulement pour l’amélioration de la situation économique et politique de la classe ouvrière ;

Le Congrès tient pour absolument nécessaire que le mouvement ouvrier ne soit pas non plus si dogmatique, mais s’avance parallèlement au développement du progrès et mette ses méthodes de lutte en accord avec les exigences du moment, c’est-à-dire qu’il doit être souple et avoir des facultés, des capacités de transformation et d’adaptation où il ne faut pas oublier les aspirations de liberté et de dignité humaines pour le prolétariat, ni de prendre égard au fédéralisme et à l’autonomie de ses organisations, contribuant à la réaliser.

Le Congrès attire l’attention de tous les pays sur la politique des réformistes et de l’aile étatiste du mouvement ouvrier, par lesquelles le prolétariat est détourné vers la soi-disant État socialiste par la voie des lois sociales, politique aboutissant à cacher complètement les buts de l’émancipation totale de la classe ouvrière, à enchaîner d’une façon durable le prolétariat aux formes d’économie de profits de l’État capitaliste et les éloignant de plus en plus de la révolution sociale.

Cette législation de lois sociales ne se borne pas à un pays, mais s’étend de plus en plus à tous les pays et trouve sa confirmation et son renforcement dans l’activité du Bureau International du Travail de Genève. Les quelques améliorations préconisées par les décisions du B.I.T. et leur confirmation par des mesures gouvernementales pour certaines catégories d’ouvriers ne sont pas comparables aux dommages à réparer qui furent causés moralement au sein du prolétariat et l’étouffement de l’esprit révolutionnaire, qui était l’héritage le plus précieux des révolutions passées et appartient aux richesses les plus sacrées de la classe opprimée.

Si louables que soient les aspirations d’obtenir un relèvement égal de la situation de la classe ouvrière dans tous les pays, comme par exemple l’instauration de l’unification de la durée de la journée de travail ou l’unification des salaires pour le prolétariat mondial, aspirations approuvées et soutenues par l’A.I.T., on ne doit pas, d’autre part, manquer de faire remarquer que l’atteinte de ces buts par la voie de lois sociales nationales et internationales est la dernière à employer pour y parvenir, car cette législation ne peut être que le refuge d’un mouvement ouvrier affaibli ou spirituellement dévoyé, les puissances dominantes ne se soumettant qu’à l’expression de puissance obtenue par les actions de la classe ouvrière elle-même et non par des pétitions de chefs, comme cela fut clairement démontré par l’attitude du gouvernement anglais contre la ratification du traité de Washington sur la journée de huit heures au B.I.T. C’est pourquoi on doit appuyer sur le fait que les plus petites améliorations sanctionnées par le traité de Washington ou la formation du B.I.T., ne sont dues qu’à une époque révolutionnaire, au cours de laquelle les puissances dominantes, par crainte d’actions révolutionnaires, accordèrent aux masses quelques concessions insignifiantes afin de les calmer et de diminuer leur force d’attaque.

Le troisième Congrès de l’A. I. T. recommande donc à la classe ouvrière de se détourner de la voie d’entente avec les puissances capitalistes et étatistes, et, en accord : avec cette méthode, d’œuvrer au rappel de leurs représentants de toutes les institutions étatistes ou législatives, comme les Comités de fixation des tarifs, les Commissions étatistes d’arbitrage, les Bureaux nationaux et internationaux du Travail.

Dans sa condamnation de la collaboration du mouvement ouvrier avec les classes dominantes, le Congrès ne veut pas manquer d’attirer l’attention sur les aspirations du mouvement syndical réformiste aboutissant à pénétrer aussi dans les trusts et cartels internationaux créés ces derniers temps par l’envoi de délégués. En dehors de ce que le capitalisme international rejette à l’heure actuelle une telle prétention, celle-ci est à rejeter en tout cas du point de vue du mouvement ouvrier révolutionnaire, car elle il n’est propre qu’à activer le fusionnement du mouvement ouvrier avec le capitalisme. Loin d’exercer de cette façon un contrôle efficace sur le fonctionnement de l’économie capitaliste, comme on l’a pu constater avec les Conseils d’usines, une telle représentation serait le dernier coup pour l’idéal du mouvement ouvrier socialiste libertaire, en ce que cela lui enlèverait tous ses propres buts. La lutte contre les trusts et cartels internationaux ne peut être menée que par des voies révolutionnaires, par exemple des grèves et boycotts internationaux sur la plus grande échelle possible, des actions qui, comme le prouve par exemple la défaite des mineurs anglais, doivent être à l’avenir internationales, que ce soit par des déclarations de grèves internationales d’une industrie par tous les travailleurs de cette industrie dans tous les pays ou par des actions de boycotts internationaux.

Le mouvement ouvrier révolutionnaire ne doit en aucun cas manquer, dans le domaine d’organisation, en rassemblant des chiffres et des dates s’étendant sur tous les domaines de la vie économique et la situation des travailleurs dans le processus de la production et de la consommation — tâche qui devrait être organisée dans chaque industrie par les Fédérations respectives d’industries — de se préparer pour sa grande œuvre : la prise en mains de la production et de la consommation qui, après la prise de la terre et des fabriques et moyens de production, doivent être réalisés effectivement et considérés comme les buts du mouvement ouvrier révolutionnaire.

Résolution de clôture

Ayant terminé ses travaux, le troisième Congrès de l’Association Internationale des Travailleurs adresse son salut aux Travailleurs du Monde.

Malgré les difficultés rencontrées, l’A.I.T. a maintenu haut et ferme le drapeau du syndicalisme révolutionnaire. Au cours des débats, le Congrès a pu constater que la répression frappait de plus en plus les militants des organisations de l’A.I.T. Il adresse son salut fraternel à toutes les victimes et déclare que, si cette répression l’émeut à la pensée de ceux qui tombent dans la lutte, elle le remplit cependant de fierté, car elle prouve que nous sommes restés dans la voie révolutionnaire.

Avec le souci constant d’apporter toujours plus de bien-être et de liberté aux travailleurs, le Congrès a examiné les grands problèmes économiques et sociaux et s’est efforcé de trouver une solution favorable au prolétariat.

Le Congrès attire, à nouveau et avec force l’attention des travailleurs sur la revendication de la journée de six heures, seul remède au chômage mondial et moyen de défense contre la rationalisation capitaliste.

Préoccupé avant tout de donner une impulsion et un but révolutionnaire au mouvement des masses exploitées, le Congrès a examiné largement la question antimilitariste et l’a placée sur un terrain concret et pratique.

Désireux que toutes les victimes du fascisme blanc ou rouge et de la réaction soient secourues, rapidement, le Congrès a créé l’organisme international de Solidarité, qui assurera une aide sérieuse aux camarades frappés dans l’action.

Il appartient donc maintenant aux travailleurs d’entrer résolument dans le chemin tracé par le Congrès et de mettre tout en œuvre pour que les résolutions prises entrent dans le domaine des faits.

Mais le Congrès tient à rappeler aux travailleurs que ces tâches, dont l’accomplissement est nécessaire, ne sont qu’une faible partie de celles que le prolétariat doit mener à bien.

Le prolétariat doit, en effet, se souvenir constamment que sa libération ne sera possible qu’avec la disparition de l’ordre social existant et que lorsqu’il aura conquis les moyens de production, de répartition et d’échange, il pourra alors instaurer le véritable socialisme, permettant à l’individu de s’épanouir librement.

Inspiré par les principes fondamentaux de l’A.I.T. et instruit par les événements sociaux de ces dernières années, le Congrès déclare que ce stade de liberté ne pourra être atteint que si les travailleurs poursuivent librement leur action, s’ils rejettent toute tutelle politique et repoussent la collaboration des classes, chère aux réformistes ; il leur faudra, en outre, entrer de plus en plus dans les voies pratiques tracées par l’A.I.T.

Leur action sera d’autant plus puissante qu’ils seront unis idéalement et effectivement sur la base des principes ci-dessus, c’est-à-dire dans l’Association Internationale des Travailleurs.

Le Congrès lance donc un appel vibrant aux exploités du monde et leur demande de venir se grouper dans le sein de l’’A.I.T., afin de hâter l’heure des réalisations pratiques et d’achever l’œuvre révolutionnaire libératrice.

Certain que cet appel sera entendu et que les Centrales adhérentes mettront tout en œuvre pour réaliser le programme établi, le Congrès se sépare aux cris de :

« Vive l’Association Internationale des Travailleurs ! Vive la Révolution mondiale ! »



Ce dernier document situe d’une façon suffisamment claire la deuxième A.I.T. pour qu’aucun doute ne subsiste sur sa doctrine et les buts qu’elle se propose d’atteindre. Elle est, comme la première, révolutionnaire et fédéraliste ; elle entend ainsi que le syndicalisme, dans le cadre national et international, soit complètement indépendant et maître de son action.

Il apparaît donc très clairement que nous nous trouvons en présence de trois Internationales syndicales présentant les caractéristiques suivantes :

1°) La F.S.I. d’Amsterdam, qui groupe les éléments social réformistes et de collaboration de classes ;

2°) L’I.R.S. de Moscou, qui groupe les forces social-démocrates, de tendance communiste, qui sont partisans de la dictature prolétarienne et de la subordination du syndicalisme par les forces politiques communistes ;

3°) L’A.IT. de Berlin, qui groupe les forces syndicalistes révolutionnaires et fédéralistes qui assignent au syndicalisme son rôle de force révolutionnaire essentielle et défendent son indépendance et son autonomie.

Comme je l’ai déjà dit, au cours de cette étude, les deux premières internationales, parties d’une base identique, issues d’un même arbre généalogique, fusionneront vraisemblablement, lorsque le pouvoir dit prolétarien — et non la révolution — sera stabilisé en Russie sur le plan démocratique.

La nouvelle Internationale ainsi constituée renfermera alors toutes les forces social-démocrates et de collaboration de classes du monde. Elle sera l’Internationale du nombre et de l’impuissance, à moins qu’elle ne soit en définitive — et c’est ce qui est le plus probable — l’artisan principal de la restauration du capitalisme dans tous les pays.

La seconde, l’Association Internationale des Travailleurs, sera formée par toutes les forces syndicalistes révolutionnaires, et si l’Italie, l’Espagne, la Portugal parviennent à se libérer du fascisme, elle ne tardera à devenir redoutable et à jouer un très grand rôle.

En tout cas, quoi qu’il en soit, elle est le seul espoir mondial des travailleurs. C’est entre elle et le capitalisme universel, soutenu par la F.S.I. d’Amsterdam, renforcée de l’I.S.R., que se livrera la lutte suprême du Travail et du Capital.

Tel est, résumé aussi brièvement et aussi exactement que possible, l’exposé de la vie, de l’activité, des tendances et de l’action des trois Internationales syndicales actuellement existantes.

En le rapprochant des autres études citées au cours de cet exposé, il sera facile au lecteur de se renseigner sur toute l’organisation et les luttes internationales des travailleurs. — Pierre Besnard