Alphonse Lemerre (p. 10-11).
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IV


E n effet, il ne fut qu’un Dandy. Avant d’être le genre de fat que son nom représente, Richelieu, lui, était un grand seigneur dans une aristocratie expirante. Il était général dans un pays militaire. Il était beau à une époque où les sens révoltés partageaient fièrement l’empire avec la pensée et où les mœurs du temps ne défendaient pas ce qui plaisait. En dehors de ce que fut Richelieu, on peut concevoir Richelieu encore. Il avait pour lui toutes les forces de la vie. Mais ôtez le Dandy, que reste-t-il de Brummell ? Il n’était propre à rien de plus, mais aussi rien de moins que le plus grand Dandy de son temps et de tous les temps. Il le fut exactement, purement ; on dirait presque, naïvement, si l’on osait. Dans le pêle-mêle social qu’on appelle une société par politesse, presque toujours la destinée est plus grande que les facultés, ou les facultés supérieures à la destinée. Mais pour lui, pour Brummell, chose rare, il y eut accord entre la nature et le destin, entre le génie et la fortune. Plus spirituel ou plus passionné, c’était Sheridan ; plus grand poète (car il fut poète), c’était lord Byron ; plus grand seigneur, c’était lord Yarmouth ou Byron encore : Yarmouth, Byron, Sheridan, et tant d’autres de cette époque, fameux dans tous les genres de gloire, qui furent Dandys, mais quelque chose de plus. Brummell n’eut point ce quelque chose qui était, chez les uns, de la passion ou du génie, chez les autres une haute naissance, une immense fortune. Il gagna à cette indigence ; car, réduit à la seule force de ce qui le distingua, il s’éleva au rang d’une chose : il fut le Dandysme même.