Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Bannière

Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 169-185).

BANNIÈRE, s. f. (étendard). Morceau d’étoffe de forme rectangulaire attaché par un de ses côtés à l'extrémité d’une hampe. De toute antiquité on a porté, dans les armées, des signes de ralliement attachés à l’extrémité de bâtons assez longs pour qu’étant levés pendant
une action, ils pussent être vus des combattants. Les Gaulois avaient leurs enseignes, et cet usage fut maintenu par les peuplades qui se répandirent dans les Gaules au Ve siècle, et sous les premiers Mérovingiens. On a beaucoup écrit sur l’étendard des Francs porté sous Clovis, et l’on a prétendu que sur cet étendard étaient déjà peintes les fleurs de lis. Je ne reviendrai pas sur ce point difficile à éclaircir et qui est du domaine de la légende. Sauvai admet que les rois mérovingiens portaient à la guerre, en guise d’étendard, la chape de saint Martin. Il s’appuie sur des textes pour donner un poids à son opinion ; mais si ces textes disent clairement que la chape de saint Martin était portée au milieu des troupes des Mérovingiens pour assurer le succès de leurs armes, ils n’établissent pas d’une manière incontestable que ce vêtement fût posé en guise d’étendard. Il est bien plus conforme aux usages de ces temps d’admettre que cette chape était portée comme une relique, dans un coffre ou une châsse. Seul, parmi les auteurs cités par Sauval, Honorius[1] indique que cette chape était attachée comme un étendard. On sait aussi que, depuis les rois carlovingiens, il était porté aux armées, dans les circonstances les plus graves, l’étendard appelé oriflamme, oriflambe, lequel était composé d’une étoffe de cendal rouge brodée de flammes d’or. Cet étendard est encore mentionné
dans l’inventaire du trésor de Saint-Denis par les commissaires de la chambre des comptes en 1534[2]. C’était alors « un étendard d’un cendal fort épais, fendu par le milieu (c’est-à-dire à deux queues), en façon d’un gonfanon, fort caduque, enveloppé autour d’un bâton couvert d’un cuivre doré, et un fer longuet aigu au bout. » Dans le manuscrit de Froissart de la Bibliothèque nationale, qui date du milieu du xve siècle, l’oriflamme est représentée conformément à la figure 1. Outre les flammes brodées sur l’étoffe rouge, il porte la devise : Montjoie Saint-Denis. Mais tous les auteurs antérieurs à cette époque sont d’accord pour déclarer que l’oriflamme ne portait aucune broderie autre que les flammes d’or ; encore n’est-il pas certain qu’il ne fût simplement rouge dans l’origine. « Quant au roi, dit Guillaume le Breton[3] il lui suffit de faire voltiger légèrement dans les airs sa bannière, faite d’un simple tissu de soie d’un rouge éclatant, et semblable en tout point aux bannières dont on a coutume de se servir pour les processions de l’Église en de certains jours fixés par l’usage. Cette bannière est vulgairement appelée l’oriflamme ; son droit est d’être, dans les batailles, en avant de toutes les autres bannières, et l’abbé de Saint-Denis a coutume de la remettre au roi toutes les fois qu’il prend les armes et part pour la guerre. »

Guillaume de Poitiers, qui écrivait vers la fin du xie siècle, raconte que Guillaume le Conquérant, après son couronnement, envoya au pape la bannière d’Harold, « toute d’un tissu d’or très-pur et portant l’image d’un homme armé. » Ainsi, dès le xe siècle, il était d’usage de figurer des emblèmes ou signes quelconques sur les bannières, et il faut à ce sujet se rappeler qu’avant sa descente en Angleterre, le pape avait fait don au duc de Normandie d’une bannière fort belle, enrichie d’une croix, et que la tapisserie de Bayeux représente conformément à la figure 2.

Les rois des Français ne portaient pas seulement l'oriflamme et la bannière bleue fleurdelisée, ils avaient aussi la bannière à croix blanche[4], qui paraît avoir été adoptée plus tard. Mais les historiens mentionnent encore d’autres étendards royaux. Ainsi, dans son Histoire du roy Charles vii, Alain Chartier, en décrivant l’entrée de ce prince à Rouen[5], s’exprime ainsi : « Derrière les pages du Roy estoit Havart, l’escuyer trenchant, monté sur un grant dextrier, qui portoit un pannon de velours azuré à quatre fleurs de liz d’or de brodeure bordées de grosses perles. Et après ledit Havart, le sire de Cullant, grant maistre d’hostel armé de toutes pièces, en son col une grant escharpe de fin or, pendant jusques sur la croupe de son cheval, lequel estoit richement couvert. Il avoit ses pages devant luy, et estoit gouverneur des hommes d’armes. Au plus près de luy estoit un escuyer qui portoit l’étendart du Roy, lequel estoit de satin noir. »

Il ne paraît pas que l’oriflamme ait été portée dans les armées des rois de France après le règne de Charles VI. Le dernier historien qui en fasse mention est Juvénal des Ursins, en 1412 : « Le quatriesme jour de may, le Roy s’en alla à Saint-Denys, ainsi qu’il est accoustumé de faire. Et prit l’oriflambe, et le bailla à un vaillant chevalier nommé messire Hutin, seigneur d’Aumont, lequel récent le corps de Nostre Seigneur Jésus-Christ et fit les sermens que l’on doit faire. » Il en est fait encore mention par le même auteur en 1414. Les rois de France, outre l’oriflamme, la bannière d’azur fleurdelisée et la bannière à croix blanche, faisaient porter la cornette blanche, simple, sans ornements ni pièces héraldiques. Cette cornette blanche n’est mentionnée qu’à la fin du xve siècle.

Seuls, les princes, les seigneurs suzerains et chevaliers bannerets faisaient porter devant eux la bannière, signe de leur droit féodal. Cette enseigne était quadrangulaire, avec ou sans queues. Elle était

habituellement, à dater du xiie siècle, brodée aux armes du noble ; mais cependant il ne paraît pas qu’il y eût à cet égard des règles absolues, et l’on adoptait une bannière décorée de certains emblèmes en telle circonstance, qui n’étaient point la reproduction des pièces de l’écu. Les simples chevaliers ne faisaient porter que le pennon (voyez Pennon), ce qui n’empêchait pas les seigneurs bannerets d’avoir aussi leur pennon.

Dès le xie siècle, les bannières à queue étaient certainement adoptées. Outre la bannière figurée sur la tapisserie de Bayeux, et que reproduit la figure 2 sur l’un des chapiteaux de la nef de l’église de Vézelay (1090 environ), est représenté un ange qui porte une bannière composée d’un morceau d’étoffe quadrangulaire, maintenu par deux attaches à la hampe et terminé par quatre queues arrondies (fig. 3).

Pendant les xii- siècle et xiiie siècle, cet usage persista, ainsi que le prouvent les exemples donnes ci-dessus (fig. 4[6]). L’une de ces bannières, à cinq queues aiguës, est maintenue
à la hampe par quatre attaches ; l’autre, à quatre queues arrondies, est clouée à la hampe. On voit aussi parfois, vers le milieu du xiiie siècle, des bannières rectangulaires sans queues, composées d’un morceau d’étoffe oblong dont le grand côté est cloué à la hampe (fig. 5[7]). Ces sortes de bannières

présentaient cet avantage, que, pendant une action, leur peu de longueur les empêchait de voleter, et, étant fabriquées d’une étoffe roide, pouvait-on mieux distinguer les figures qui couvraient le champ.

Cette forme donnée aux bannières armoyées persiste jusques au commencement du xive siècle, ainsi que le montre la figure 6[8]. On ne la voit guère employée à dater du milieu de ce siècle, et alors on revient aux bannières carrées (fig. 7[9]), correctement armoyées. C’était le commencement de la période de l’emploi du blason sur les cottes d’armes, les écus, les bannières et pennons, et même sur les vêtements civils de la noblesse.

Pendant une action, on cherchait à abattre l’étendard du chef de l’armée ennemie, car la chute de ce signe de ralliement répandait le découragement parmi les combattants d’une part, et les encourageait d’autre part. A la bataille d’Hastings, après les premiers efforts infructueux des Normands pour percer le centre de la bataille d'Harold, Guillaume, voyant ses gens indécis, prend lui-même son gonfanon et charge à la tête de ses hommes d’armes. Il fait une trouée.

« Tant unt Normant avant empeint[10],
K’il unt a l’estendart (d’Harold) ateint.
Héraut[11] a l’estendart esteit,
A son poer se desfendeit.
Maiz mult esteit de l’oil grevez,
Por ço k'il li esteit crevez.
[...]
L’estendart[12] unt a terre mis,
Et li Reis Heraut unt occis

Et li meillor de ses amis ;
Li goufanon a or unt pris[13].
[…]
Mult unt Engleiz grant dol eu
Del Rei Héraut k’il unt iier<lu,
E dcl Duc ki l’aveit vcucu
E l’estendart ont abatu.
[…]
E dunc unt bien aparcéu,
E li alcanz recognéu
Ke l’estendard estait chéu,
E la novele vint è crut
Ke mort esteit Héraut por veir,
Ne kuident maiz secors aveir ;
De la bataille se partirent,
Cil ki porent fuir, fuirent. »
[…]
Li Dus Willame par fierté,
Là ù l’estendart eut esté
Rova[14] son gonfanon porter,
E là le fist en haut lever ;
Ço fu li signe k’il out veineu
E l’estendart out abatu[15]. »

La charge de gonfalonier ou porte-étendard était une haute dignité pendant le moyen âge. Nous voyons Doon, charmé de la bonne grâce de son fils Gaufrey à cheval, maniant la lance, le nommer son gonfalonier.

« Son ainsné fix hucha[16], Gaufrei, que moult ot chier,
Et il i est venu quant il s’oï huchier.
— Gaufrei, chen dist Doon, or oès mon cuidier ;
Tu es ainsné de tous, pour chen t’ai je plus chier.
Or te fes chi de nous mestre gonfanonnier —.
Adonques li ala le gonfanon baillier,
Et Gaufrei le rechut, ne s’en fist pas proier.
Puis se vint à sa mère et deschent du destrier ;
Sa mere le courut acoler et beisier :
— Biau fix, chen dist Flandrine, or es gonfanonnier ;
Encor te pourra Dieu moult plus haut avanchier ;
[...] »[17]

Il est question de bannières, à cette époque (xiiie siècle), sur lesquelles sont peintes des images qui ne sont point figures héraldiques :

 « Et voit une baniere blanche come flor d’esté,
Où l’ymage saint Jorge estoit enfiguré[18]. »

Tandis qu’au xive siècle, les bannières sont habituellement armoyées :

« Diex ! tant il i a de banieres
Qui ne sont pas de couleurs seules !
Or, argent, et azur et gueules,
De quoi eles sont mi-parties
I flamboient en mil-parties,
Là où les raiz de soleil poignent[19]. »

« Près de l’une est jà la baniere
D’azur fin sur cendal parfaite,
Et à fleur de lys d’or pourtraite[20]. »

Pendant les xii- siècle et xiiie siècle, sur les bannières paraît avoir souvent été peint le lion héraldique.

Dans les romans, il est question de bannières à lyons. Nous lisons dans la chanson de geste de Guy de Nanteuil :

« Ele a prise une hanste, si ferme .I. gonfanon
De moult riche chendal où ot paint .I. lion[21]. »

de bannières avec figures de dragons :

« Et portoit l’oriflambe, l’ensaigne et le dragon[22]. »

« L’ensaigne Godefroi ont moult bien avisée,
Au dragon, qui avoit la queue gironée.
Li .I. la mostre k l’autre : — Vès l’ensaigne dorée
Au bon duc Godefroi ! Hé Dex ! quel destinée[23]. »

Il est fort possible que les enseignes au dragon fussent non point une représentation peinte de cet animal fantastique sur un morceau d'étoffe, mais bien une figure de dragon faite de peau ou de toile. Ce qui porterait à admettre l’usage de cette sorte d’étendard, c’est que les vignettes des manuscrits des xii- siècle et xiiie siècle représentent assez fréquemment des dragons portés au haut de piques (fig. 7 bis[24])
dans les batailles. On pourrait voir là, d’ailleurs, une tradition fort ancienne, puisque les trophées des armées barbares sculptés sur la base de la colonne Trajane représentent des guivres parmi les étendards pris sur les Daces. La miniature que nous reproduisons ici en fac-similé est intéressante à plus d’un titre : elle montre le porte-étendard armé d’un écu quadrangulaire et sans heaume, bien que tous les cavaliers soient coiffés de ce couvre-chef de fer ; les chevaux sont houssés, et les combattants sont vêtus de broignes avec cotte d’armes par-dessus. Nous avons dit que tous les chevaliers ne portaient pas bannière ; nous en avons la preuve dans ce passage de Joinville : « … Et sachiez que, un jour que je parti de nostre païz pour aler en la Terre sainte, je ne tenoie pas mil livrées de terre, car madame ma mère
vivoit encore ; et ji y alai, moy disiesme de chevaliers et moy tiers de banieres[25]. » Et plus loin : « Et je li dis que par male avanture en peust-il parler, et que entre nous de Champaigne aviens bien perdu trente-cinq chevaliers, touz banieres portans, de la cort de Champaingne[26]. » Aussi bien y avait-il des chevaliers doubles bannerets : « Et fist tant par sa proaiche k’il fu douhles banerés[27]. » Les bannières étaient dréssées, dans les campements, sur les pavillons des seigneurs bannerets, ainsi que le montre la figure 5, et, lorsqu’on prenait la mer, sur les nefs dans lesquelles étaient montés ces personnages. Cet usage est consigné par Villehardouin : « Et quand les nés furent chargiés d’armes, et de viandes, et de chevaliers, et
de serjanz, et li escu furent portendu environ de borz et de chaldeals des nés, et les banieres dont il avoit de tant bêles[28]. » Des miniatures des manuscrits des xiii- siècle, xiv- siècle et xve siècle nous montrent, en effet, les bannières suspendues aux bordages des navires.

Dans le beau manuscrit des Statuts de l’ordre du Saint-Esprit au droit désir, de 1352[29] est une miniature représentant les chevaliers de cet ordre s’embarquant pour la Terre-Sainte. Sur les châteaux d’arrière des nefs sont dressées des bannières oblongues, armoyées (fig. 8). La même miniature montre de grands canots ou baleinières montées par des hommes armés tenant les avirons. Des deux côtés de la poupe de ces canots sont dressés de grands pavois armoyés dont l’extrémité inférieure tombe dans la mer. Ces pavois servaient de gardes aux patrons des barques et aux personnages de distinction qui les montaient (fig. 9). Des écus sont attachés aux bordages et garantissent les rameurs comme autant de merlons. Une bannière est élevée devant le timonier. Quand, au moment d’engager la bataille devant Navarette, le prince de Galles donna le commandement de son troisième corps d’armée à Chandos :

« Les escus acolez chevauchent fierement
La baniere Chando dréceront en présent[30]. »

Comme signe de son commandement général, le prince de Galles

« Sa baniere faisoit porter moult noblement
De France et d’Angleterre painte joliement :
La baniere d’Espaigne y estoit eu présent[31]. »

A la fin de la bataille de Poitiers, le prince de Galles, emporté par son ardeur à poursuivre les Français en déroute, laisse ses gens se débander. Jean Chandos comprend le danger auquel s’expose le prince et le péril que ferait courir aux Anglais, peu nombreux, un retour offensif de l’ennemi : « Sire, dit-il au prince, c’est bon que vous vous arrêtez si et mettez votre baniere haut sur ce buisson ; si se retrairont nos gens qui sont durement épars ; car, Dieu merci, la journée est vôtre, et je ne vois mais nulles bannières, ni nulz pennons françois, ni convoy entre eux qui se puisse rejoindre ; et si vous rafaîchirez un petit, car je vous vois moult échauffé. A l’ordonnance de Monseigneur Jean Chandos s’accorda le prince, et fit sa bannière mettre sur un haut buisson, pour toutes gens recueillir, et corner ses ménestrels, et ota son bassinets[32]. » Ainsi, la bannière servait de point de ralliement après une action, comme elle montrait la voie avant et pendant l’action.

Cette bannière du prince de Galles, aux 1er et 3e de France, aux 2e et 4e d’Angleterre, est représentée, ainsi que le fait voir la figure 10, dans le manuscrit des Chroniques de Froissart de la Bibliothèque nationale[33]. Ce chevalier porte-bannière est armé d’une brigantine piquée sous une pansière d’acier, d’avant et arrière-bras , avec rondelles aux aisselles et épaulettes de floches de soie ou de laine rouge. Une salade avec bavière couvre sa tête. Ses jambes sont armées de fer entièrement, avec tassettes de devant et braconnière de dossière recouvrant le troussequin de la selle. Une autre vignette du même manuscrit nous montre une banière à deux longues queues, barlongue, d’étoffe rouge, sur laquelle est brodé en or un saint George terrassant le monstre. C’était une des bannières anglaises (fig. 11).

La bannière, en marche et lorsqu’il n’y avait point de combat à livrer, était roulée autour de la hampe. Alors on disait qu’elle était fermée ou fremée. Lorsqu’on laissait flotter la bannière, on lui attribuait les adjectifs pendant ou voletant :

« Les lances sor les feutres, lor gonfanons pendant[34]. »
« Cornumarans venoit, le gonfanon fremé[35]. »
« La lance porte droite, le gonfanon pendant[36]. »

Mais ici le gonfanon s’entend comme la flamme qui décorait la lance au-dessous du fer (voy. Lance).

Jeanne Darc, qui n’était point chevalier banneret, avait néanmoins son étendard, ce que l’on ne manqua pas de lui reprocher. « La Pucelle print son estandart ouquel estoit empainturé Dieu en sa majesté, et de l’austre costé l’image de Nostre-Dame[37]. » — « Et y estoit la ditte Jehanne la Pucelle, laquelle tenoist son estandart en sa main (au sacre du roi)[38]. » Il est dit, dans le Petit Traictié par manière de croniques, sur le siège d’Orléans, que c’était le roi Charles VII qui avait fait faire l’étendard remis à la Pucelle. « Et voulut et ordonna qu’elle eust un estandart, auquel par le vouloir d’elle on feist peindre et mectre pour devise : Juesus Maria, et une magesté[39] »

Il paraîtrait que Jeanne Darc changeait parfois d’étendard, suivant les circonstances, car plus loin, dans la même chronique, il est dit qu’elle entra à Orléans armée de toutes pièces, montée sur un cheval blanc : « Et faisoit porter devant elle son estandart, qui estoit pareillement blanc, ouquel avoit deux anges tenans chacun une fleur de liz en leur main ; et au panon estoit paincte comme une Annonciation (c’est l’image de Nostre-Dame ayant devant elle ung ange luy présentant un liz[40]). » Cet étendard de Jeanne la Pucelle était à queue, car, à l’assaut du boulevard des Tournelles, elle dit à un gentilhomme étant près d’elle : « Donnez-vous garde, quant la queue de mon estandart sera ou touchera contre le boulevert. Lequel luy dist ung peu aprez : — Jeanne, la queue y touche ! Et lors elle luy respondit : — Tout est vostre, et y entrez[41]! »

Dans le Journal de Paris, attribué faussement à un bourgeois, mais rédigé par un membre de l’Université fort hostile à Jeanne Darc, on lit que la Pucelle portait un étendard où était écrit seulement le nom de Jésus. Enfin le chroniqueur allemand Eberhard de Windecken, trésorier de l’empereur Sigismond, et qui recueillit des documents sur la Pucelle, s’exprime ainsi au sujet de son étendard : « La jeune fille marchait avec une bannière qui était faite de soie blanche, et sur laquelle était peint Notre-Seigneur Dieu, assis sur l’arc-en-ciel, montrant ses plaies, et ayant de chaque côté un ange qui tenait un lis à la main[42]. »

La bannière servait aussi, en France du moins, de protection dès le xixe siècle, ainsi que l'indiquent les vers suivants de Guillaume de Machau[43] :

« Et s’il y a femme qui gise[44],
Soit tantost ton enseingne mise
Sur le sommet de la maison ;
Et en ce garde si raison
Qu’il n’i ait homme qui la touche
De piet, ne de main, ne de bouche. »

On voit que les principes de la Convention de Genève ne sont pas d’hier. Étaient-ils mieux respectés ?

  1. Honorius Augustodunensis, in Speculo Ecclesix, sermone de Martino episcopo.
  2. Dom Doublet, Sauval.
  3. Philippide, chant XI (commencement du xiiie siècle).
  4. Juvénal des Ursins, 1411.
  5. 1449.
  6. Manuscr. Biblioth. nation., Roman de Troie, français (1230 à 1240).
  7. Manuscr. Biblioth. nation., Guillaume de Tyr, français (1240 environ).
  8. Manuscr. Biblioth. nation., Godefroy de Bouillon, français (1310 environ).
  9. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, français (1350 environ).
  10. « Poussé. »
  11. « Harold. »
  12. D'Harold.
  13. Brodé d’or.
  14. « Ordonna ».
  15. Le Roman de Rou, vers 13930 et suiv.
  16. « Appela ».
  17. Gaufrey, roman du milieu du xiiie siècle, vers 233 et suivants, publ. par MM. Guessard et P. Chabaille.
  18. Gaufrey, vers 10058 et suiv.
  19. Branche des royavx lignages. Règne de saint Louis, vers 10320 et suiv. Guillaume Guiart (xive siècle).
  20. Ibid., Règne de Philippe-Auguste, vers 1193 et suiv.
  21. Vers 1154 et suiv. (premières années du xiiie siècle).
  22. La Conquête de Jérusalem, chant Ier, vers 558.
  23. Ibid., chant VII, vers 7087 et suiv.
  24. Manuscr. Biblioth. nation., Histoire du saint Graal, jusqu'à l’empire de Néron, français, n°6769 (1270 environ).
  25. C’est-à-dire, « j'allai en terre sainte avec neuf autres chevaliers, parmi lesquels nous étions trois bannerets. » (Histoire de saint Louis, p. 41, édit. de M. N. de Wailly.)
  26. Page 167.
  27. Li contes dou roi Flore et de la bielle Jehane (xiiie siècle).
  28. De la conqueste fie Constantinople, édit. Michaud-Poujoulat, p. 23.
  29. Musée des souverains au Louvre ?.
  30. La Vie du vaillant Bertrand du Guesclin, vers 11532 et suiv.
  31. Ibid., vers 11857 et suiv.
  32. Froissart, Chroniques.
  33. du xve siècle.
  34. La Conquête de Jérusalem, Chant ler, vers 225 (xiiie siècle).
  35. Ibid., Chant VI, vers 5044.
  36. Ibid., Chant VI, vers 5211.
  37. Témoign. des chroniqueurs et hist. du xve siècle : Procès de Jeanne Darc, publ. par J. Quicherat, t. IV, p. 12.
  38. Ibid., p. 77.
  39. Ibid., p. 129.
  40. Ibid., p. 152.
  41. Ibid., p. 161.
  42. Ibid., p. 490.
  43. Confort d’ami, épître adressée par le poête à son ami Charles le Mauvais, alors prisonnier.
  44. « Qui soit en couche. »