Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Barbute

Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 185-189).
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BARBUTE, s. f. (barbuta en italien). Nous sommes d’accord avec du Cange pour considérer la barbute comme un habillement de tête qui ne semble guère avoir été usité qu’en Italie, et qui correspond à la salade française. Il est question de la barbute dès le xive siècle.

Dans les Statuts de l’ordre militaire du Saint-Esprit au droit désir[1], on lit ce passage : « Item se aucuns desdits compaignons del lordre se trovoient en aucun faits d’armes là où le nombre de leurs ennemis i feussent .CCC. barbues ou plus. » Mais on peut admettre que l’ordre ayant été institué à Naples, on se soit servi dans la rédaction des statuts de termes désignant des pièces d’armures de la contrée. Ce qui est certain, c’est qu’au xve siècle on disait en Italie : « tant de barbutes », comme en France on disait : « tant d’armures de fer ou tant de lances », pour désigner le nombre de gens d’armes qui composaient une troupe, et que les miniatures du manuscrit des Statuts de l’ordre du Saint-Esprit au droit désir montrent les chevaliers n’ayant pour habillement de tête que le casque légèrement conique bombé, sans visière et sans bavière. Donc on ne peut guère admettre, ainsi que le pense M. René de Belleval dans ses notes sur le manuscrit de l’écrivain anonyme traitant du costume militaire en 1446[2], que la barbute puisse être confondue avec la bavière. La barbute, si l’on s’en tient aux textes, est une salade d’une forme usitée, surtout en Italie, et qui laissait voir toute la barbe (fig. 1[3]), portée souvent alors dans la Péninsule, tandis qu’on ne la portait point en France. Cependant on voit parfois la barbute employée comme habillement de tête de ce côté-ci des monts ; mais
elle est alors (vers la fin du xive siècle) accompagnée de la bavière (voyez Bavière), ou tout au moins d’un camail de mailles, conformément aux représentations contenues dans le manuscrit de l’Ordre du Saint-Esprit au droit désir, et même d’un nasal. Le personnage que représente la figure 1 n’a pour tout habillement de tête que la barbute simple, sans camail. Il est à observer que les Italiens ont généralement incliné à rendre le vêtement militaire aussi léger que possible, tandis que les Allemands, au contraire,
tendaient à le rendre lourd et embarrassant. — Entre la barbute et le surcot rembourré, le couest laissé nu. Cette cotte s’ouvre même à la racine du cou par deux pattes qui peuvent se croiser. Les bras ne sont armés que de mailles, avec garde de peau piquée sur l’arrière-bras, cubitière d’acier et avant-bras de peau piquée. Si on le compare aux adoubements de guerre français de cette époque (1370), celui-ci est léger et médiocrement défensif.

Nous voyons ce casque, la barbute, adopté dans le Nord, mais avec camail de mailles. Il ne faut pas oublier qu’alors, et bien avant cette époque, Milan et Pavie étaient renommées pour la fabrication des heaumes et armures de tête. Ces tymbres pouvaient provenir d’une de ces deux villes et être adaptés à l’armement usité de ce côté-ci des monts et même en Allemagne.

La figure 2 montre une barbute disposée pour recevoir un camail de mailles. En A, est montré ce casque sans sa garniture[4], mais pourvu des pitons qui reçoivent les lanières de peau auxquelles le camail est fixé. Tous les petits trous indiqués servaient à fixer la coiffe. Deux crochets a sont rivés sur le frontal. Ces crochets servaient à attacher le nasal, qui tenait à la mentonnière du camail et qu’on relevait pour combattre. Il y a deux crochets, afin de brider plus ou moins ce nasal. En B, est figuré l’habillement de tête, avec son nasal relevé et son camail de mailles. Au-dessus des deux crochets est un trou qui servait à passer un rivet attachant un ornement doré ou un joyau. Nous avons l’explication claire de ce genre de coiffure sur une statue tombale de la cathédrale de Fribourg (fig. 3[5]). En France, cet habillement de tête devint la salade (voyez cet article), et la forme des salades françaises est très-variée pendant les xiv- siècle et xve siècle.

  1. Institué par Louis d’Anjou, roi de Jérusalem, de Naples et de Sicile (1352).
  2. Publ. par M. René de Belleval. Rien n’indique, dans le texte de l’auteur anonyme, que la barbute fût la même chose que la bavière, et nous nous en rapportons, à cet égard, à l’opinion de du Cange, qui veut que la barbute soit la salade italienne ou de forme italienne.
  3. Manuscr. Biblioth. nation., latin, n°757. miniatures de facture italienne (1370 environ).
  4. Ancienne collection de M. le comte de Nieuwerkerke.
  5. Tombeau de Berchtoldus (fin du xiiie siècle).