Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Stuc

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STUC, s. m. Enduit composé de chaux, de sable très-fin, de poussière de calcaire dur ou de marbre, dont on revêtait les maçonneries et même parfois les appareils de pierre de taille, pour obtenir extérieurement ou intérieurement des parements polis, sans apparence de joints, et que l’on décorait de sculptures délicates et de peintures. Les stucs furent employés dès la plus haute antiquité. Les pyramides de Memphis étaient recouvertes d’un enduit stuqué dont on voit les restes. Les Égyptiens recouvraient leurs édifices d’une très-légère couche de stuc pour masquer les sutures de la pierre et pour recevoir la peinture. Les Grecs, quand ils employaient la pierre de taille vulgaire, passaient sur les parements un stuc léger, poli, qu’ils décoraient de peintures. On retrouve la trace de ces stucages dans les monuments doriens de Sicile, à Pestum, etc. Les Romains employèrent le stuc très-fréquemment, soit pour les monuments publics, soit pour les habitations. Il n’est pas nécessaire ici de citer les nombreux exemples de l’emploi du stuc en Italie pendant l’antiquité. Cette habitude passa dans les Gaules, et il n’est pas de construction gallo-romaine dans laquelle on ne trouve des restes d’enduits stuqués, c’est-à-dire polis et peints. Les procédés de construction eurent la même fortune que les arts ; ils périrent avec eux en Occident à la fin de l’empire romain, et les rares débris des monuments des premiers siècles ne nous laissent plus voir que des enduits grossiers faits de mauvais matériaux, mal dressés et recouverts de peintures sauvages. On n’avait pas cependant abandonné dans les Gaules l’habitude de recouvrir les parements de moellon, et même les grossiers appareils, d’un enduit de chaux et sable aussi mince que possible, pour dissimuler les défauts et les joints de la pierre et pour recevoir des colorations. Mais ces enduits n’ont plus le beau poli des stucs de l’antiquité grecque et de la bonne époque romaine, ni leur solidité ; aussi se sont-ils rarement conservés, et leur absence nous fait croire trop facilement que les monuments carlovingiens, par exemple, laissaient voir à l’intérieur comme à l’extérieur leurs petits appareils grossièrement dressés. Loin de là, ces édifices, bien qu’ils fussent bruts, barbares, étaient recouverts d’enduits et de peintures à l’intérieur comme à l’extérieur, et ces enduits, parfois décorés de gravures, d’ornements d’un faible relief, sont de véritables stucs. Un des exemples de stucages authentiques appartenant à la période carlovingienne se voit encore dans la petite église de Germigny des Prés (Loiret), dont la construction remonte au commencement du IXe siècle[1]. Une mosaïque dans le caractère grec-byzantin décore la voûte de l’abside[2]. Autrefois des stucs gravés et peints garnissaient les parois de l’église. Ces enduits, enlevés dans les parties inférieures, ne se voient plus qu’à l’intérieur de la tour du clocher central, et notamment aux baies de ce clocher, lesquelles se composent d’une archivolte reposant sur deux colonnettes engagées. Or, ces archivoltes et les colonnettes sont entièrement obtenues à l’aide d’un stuc blanc, fin, très-dur, recoupé au ciseau pendant qu’il était encore frais. Voici (fig. 1) la moitié d’une de ces baies ; en A et en B, sa coupe.

Les arts, à l’état barbare, n’excluent point la profusion des ornements ; c’est plus souvent le contraire qui a lieu. On ne saurait douter que l’architecture carlovingienne, d’une si grossière structure, élevée habituellement à l’aide de matériaux sans valeur, mal choisis et plus mal employés, ne fût revêtue d’une ornementation très-riche, mais obtenue par des moyens rapides et peu coûteux. Le stuc se prêtait à ce genre de décoration courante, et de toutes les traditions d’art des Romains, celle-là avait dû persister à cause des facilités que fournit l’emploi de semblables procédés. Élever des murs en moellon, et, quand la bâtisse est achevée tant bien que mal, en dissimuler les irrégularités, les tâtonnements, par un enduit sur lequel des graveurs, sculpteurs, viennent intailler des ornements pris sur des étoffes, des meubles et des ustensiles tirés de l’Orient, c’était là évidemment le procédé qu’employaient volontiers les naïfs architectes de la première période du moyen âge. Ce procédé ne demandait ni beaucoup de calculs, ni les prévisions savantes de nos maîtres des XIIe et XIIIe siècles. Quelques édifices carlovingiens laissent apercevoir des traces de stucages sur des voûtes et même sur des chapiteaux[3].

Plus tard les stucs ne furent plus que de très-délicates applications d’ornements, de treillis, de quadrillés fleuronnés, sur des surfaces unies, afin d’en réchauffer la nudité. (Voy. Application.)

  1. Voyez sur cette église la notice de M. Mérimée, dans le tome VIII de la Revue générale d’architecture de M. C. Daly, p. 113.
  2. C’est la seule mosaïque de ce genre que nous possédions en France.
  3. Les gros chapiteaux de l’ancien narthex de Saint-Remi de Reims, ceux de la crypte de Saint-Laurent de Grenoble, et même des chapiteaux de l’abside de l’église d’Issoire, sont de simples corbeilles de pierre couvertes de figures et d’ornements de stuc.