Dictionnaire pratique et historique de la musique/Direction
Direction, n. f. 1. Action de conduire, de diriger. La D. de l’orchestre est l’art de conduire une exécution musicale à laquelle participe un nombre plus ou moins grand d’instrumentistes et de chanteurs. La langue allemande, qui manque de terme propre pour qualifier cet art, le désigne par l’infinitif, pris substantivement, du verbe transitif français germanisé Dirigieren. On le nomme en anglais Conducting. (Voy. Chef d’orchestre.) || 2. Côté vers lequel se tourne ou progresse une chose. La D. ascendante ou descendante des motifs, dans la composition, est un des éléments de l’expression, auquel ont recouru de bonne heure les musiciens.
On en signale des exemples dès
le moyen âge, dans les mélodies grégoriennes.
Les deux exemples
ci-dessus sont tout à fait
typique : le sens du mot
« descendit » est musicalement
traduit par la descente
progressive de la voix à travers
toute une octave ; dans
le « Factus est repente », dont
le thème a plus tard été repris
par des maîtres de la
musique polyphonique, les
intervalles ascendants peignent
l’image fournie par le
texte. Les contrepointistes
du xve et du xvie s. s’en sont
largement servi. Il n’était
guère de messe, à cette époque,
où le texte du symbole
« descendit de cælis » et les
allusions des motets à l’Ascension,
à l’Assomption ne
fussent traduits par une
descente ou une montée mélodiques :
Voy. aussi Expression.
En passant au domaine réaliste de la musique profane, cette utilisation descriptive de la direction des motifs devait tôt ou tard engendrer une quantité de formules toutes faites et de lieux communs mélodiques. Il en fut ainsi chez les compositeurs secondaires de l’opéra français au xviiie s. Mais en tout temps les maîtres ont su en tirer de beaux effets dramatiques. Il est curieux de comparer ces passages de Roland, de Lulli (1685) :
d’Hector, dans La Prise de Troie, de Berlioz (1863) ; ici, la voix de basse, chantant à demi-voix, descend de degré en degré la gamme chromatique, dans l’étendue d’une octave, entourée d’accords modulants auxquels une orchestration mystérieuse achève de donner un coloris incertain et comme surnaturel. Berlioz adapte des motifs descendants non seulement à la description de la mort de Didon, mais à l’expression des sentiments de honte et de désespoir qui remplissent la fin du duo d’Énée et Didon, dans Les Troyens (1863). L’étude de l’emploi réitéré de ce procédé chez Bach a été épuisée par Pirro. Il est aisé d’en découvrir la constante application au choix des leit-motive, dans les ouvrages de Wagner.