Dictionnaire pratique et historique de la musique/Accord

Accordable  ►

Accord, n. m. 1. Réunion coordonnée de plusieurs sons entendus simultanément. La constitution des A., leur enchaînement, la place qu’ils occupent et le rôle qu’ils remplissent dans le discours musical constituent l’Harmonie (voy. ce mot). Examinés isolément, ils se classent d’après le nombre des sons différents dont ils se composent. L’Antiquité ne pratiquait pas d’accords, mais seulement des intervalles de deux sons, redoublés ou non. Le moyen âge et la Renaissance firent usage des A. de trois, puis de quatre sons. L’art classique, du xviie au xixe s., se rendit maître des accords de cinq sons. L’époque contemporaine, depuis 1850 environ, poussa ses conquêtes jusqu’à l’accord de sept sons, dans lequel s’associent les 7 degrés de la gamme diatonique. Cette progression se résume en un tableau :


\language "italiano"
lower = \relative do {
  \clef bass
  <re sol,>1_\markup { \halign #0 \italic "II sons"} | <re si sol>_\markup \italic "III" | <fa re si sol>_\markup \italic "IV" | <la fa re si sol>_\markup \italic "V" | <do la fa re si sol>_\markup \italic "VI" | <mi do la fa re si sol>_\markup \italic "VII" \bar "||"
}

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Les A. existent à l’état fondamental et à l’état de renversement. Tout A. à l’état fondamental se compose d’une série ininterrompue de tierces superposées, dont le son le plus grave est appelé fondamental ; l’A. à l’état de renversement est celui dans lequel l’ordre des intervalles a été interverti, et le son fondamental transporté à une situation autre que la plus grave. La division des A. en A. consonants et dissonants a varié d’époque en époque le concept même de la dissonance (voy. ce mot). Le traité de déchant en langue vulgaire, du xiiie s., qu’a publié Coussemaker, faisait du mot A. le synonyme de consonance. Au xvie s., on nommait triade harmonique, trias harmonica, l’A. parfait majeur, A. par excellence, regardé comme le seul absolument consonant, puisqu’il n’est formé que d’intervalles consonants (tonique ou fondamentale, tierce majeure et quinte juste) et parce que la nature elle-même le fournit dans les premiers harmoniques (voy. Sons harmoniques). Il apparaît à l’état pur sur le 1er, le 4e et le 5e degrés de la gamme diatonique, laquelle se trouve contenue tout entière dans les notes qui forment ses trois répétitions et, de nos jours, l’A. de 7 sons :


\language "italiano"
lower = \relative do {
  \clef bass
  \time 12/4
  <re si sol>1 <mi do la> <fa re si> \bar "||" 
  \time 28/4
  mi,^\markup \italic "I" fa sol la^\markup \italic "IV" si^\markup \italic "V" do re \bar "||"
  \time 4/4
  <do' la fa re si sol mi> \bar "||"
}

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Tout le système de Rameau est édifié sur ce fait. Avec l’A. parfait majeur, les théoriciens classiques admettent comme consonants l’A. parfait mineur (tonique, tierce mineure et quinte) et celui de quinte diminuée (tonique, tierce mineure et quinte diminuée). Mais dès ce temps les opinions divergent quant aux dénominations des A., et aux degrés sur lesquels il est licite d’employer tel ou tel d’entre eux. La terminologie de Rameau : A. de petite et grande sixte, de fausse quinte, etc., ne tarde pas à être abandonnée ; Fétis essaye d’appeler A. de quinte mineure l’A. de quinte diminuée. La généralité des auteurs adopte cependant les noms d’A. de sixte, pour le premier renversement de l’A. de trois sons, dans lequel la tierce du son fondamental est transportée à la basse, d’A. de quarte et sixte, pour le 2e renversement où la quinte se trouve portée à la basse, et d’A. de quarte augmentée et sixte, pour le même état de l’A. de quinte diminuée. Les mêmes théoriciens qualifient dissonants tous les A. de 4 sons et au delà, et distinguent l’harmonie dissonante naturelle, où les A. peuvent être employés sans préparation, de l’harmonie dissonante artificielle, qui exige une préparation. Ils rangent dans la première catégorie les A. de 7e de dominante (A. de 4 sons formé de l’A. parfait auquel on ajoute la 7e mineure), de 7e de sensible (A. de 9e de dominante privé de sa fondamentale), appelé dans le mode mineur A. de 7e diminuée, et l’A. de 9e de dominante (A. de 7e de dominante, auquel on ajoute une 9e majeure ou mineure). À une époque plus rapprochée de nous, dont le traité de Gevaert (1907) résume les nouvelles vues, on admet quatre espèces d’A. de 9e, avec deux variantes pour les 1re et 2e espèces, selon que la 9e est majeure ou mineure :


\language "italiano"
lower = \relative do' {
  \clef bass
  \time 5/4
  s8^\markup { \hspace #3 \concat {1 \super "re" \italic " espèce"}} <la fa re si sol>1^\markup \center-align { \concat {9 \super "e" \italic " maj."}} s8 | s8 <lab fa re si sol>1^\markup \italic "min." s8 \bar "||" 
  s8^\markup { \hspace #3 \concat {2 \super "e" \italic " espèce"}} <la fa re sib sol>1^\markup \center-align { \concat {9 \super "e" \italic " maj."}} s8 | s8 <lab fa re sib sol>1^\markup \italic "min." s8 \bar "||"
  s8^\markup { \raise #3  \concat {3 \super "e" \italic " espèce"}} <lab fa reb sib sol>1 s8 \bar "||" 
  s8^\markup { \raise #3  \concat {4 \super "e" \italic " espèce"}} <la fad re si sol>1 s8 \bar "||"
}

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Les règles anciennes quant au choix des A. selon les degrés de la gamme et à l’obligation de les préparer et de les résoudre ne contraignent plus la hardiesse des compositeurs contemporains, chez lesquels s’élargit à l’infini l’horizon des sonorités. En dressant un tableau de 303 combinaisons de trois à sept sons réalisables dans le seul mode diatonique majeur et sans emploi d’intervalles altérés, A. Vinée (1909) a voulu démontrer l’impossibilité de dénommer individuellement tous les accords susceptibles de se produire, et il a proposé un classement basé sur le nombre des dissonances avec les titres d’A. bidissonants, etc. || Indépendamment de leur constitution, on nomme ou on a nommé A. arpégés ou brisés ceux dont les intervalles sont entendus successivement (voy. Arpège) ; A. homophones ceux qui, étant composés des mêmes sons, prennent dans le tissu harmonique des acceptions différentes : A. mixtes ceux qui, dans la modulation, appartiennent à la fois au ton que l’on quitte et à celui où l’on va ; A. par emprunt (Rameau) ou par substitution (Fétis) ceux qui changent de nature par le changement d’un de leurs intervalles ; A. par prolongation ceux qui se forment par une augmentation de durée d’une ou plusieurs notes appelées à faire partie de l’A. qui les suit ; A. plaqués ceux dont tous les sons sont attaqués simultanément ; A. transitif ou de passage ceux qui servent de liaison entre deux tonalités. || 2. Point où doivent être réglés les tuyaux ou les cordes d’un instrument pour rendre le son voulu dans toute sa pureté. À l’orgue, l’A. des jeux bouchés se fait par le déplacement du tampon ou de la calotte qui couvre leurs tuyaux ; l’A. des jeux à anches, par le déplacement de la rasette ; l’A. des jeux à bouches, par la perce d’une fenêtre à hauteur convenable dans la longueur du tuyau, que l’on ferme plus ou moins par le moyen d’une lame d’étain ou de bois, selon que les tuyaux sont de métal ou de bois, etc. Au piano et dans tous les instruments à cordes, l’A. se fait en augmentant ou en relâchant la tension des cordes, par le moyen des chevilles. Le point de départ de l’A. pour tous les instruments est le la de 870 vibrations simples, dit la du diapason normal. Les accordeurs de pianos et d’orgues partent de ce son pour établir la partition, ou succession alternée de quintes et d’octaves servant par leur enchaînement à fixer tous les sons intermédiaires. À l’orgue, on établit habituellement la partition sur le prestant, auquel on se reporte pour l’A. des autres jeux.