Dictionnaire national et anecdotique par M. De l’Épithète/Section complète - S

S.

SAGESSE : ce mot est employé depuis la révolution dans nos assemblées citoyennes, où l’on dit à un honorable membre : vous peserez dans votre haute sagesse. Il répond à l’honorable assistance : je ne doute point que dans votre haute sagesse vous n’examiniez, &c. C’est enfin un combat de sagesse qui prouve que si l’on n’a point encore atteint à sa hauteur, on se le souhaite avec un urbanisme qui n’appartient qu’à la nation françoise.

Cependant je n’ai point été content d’entendre faire usage de cette expression avec ironie par un président du comité de police qui n’auroit point dû s’en permettre, parce qu’elle ne convient point à un homme public. Voici le fait : dans les premiers jours d’octobre de l’année passée ; un pauvre libraire étoit venu se plaindre de ce qu’on arrêtoit aux colporteurs une petite feuille, au bas de laquelle il avoit mis son nom, il représentoit qu’il étoit en regle… Monsieur, lui avoit répondu le président en le persistant, monsieur, vous auriez dû employer votre haute sagesse à nous donner des conseils ; mais dans ce moment c’étoit la haute sagesse de M. le président qui étoit en défaut. Il est vrai qu’il l’a réparé, car quelques jours après il ne s’amusa point à parler de haute sagesse à des dames qui lui rendirent une visite un peu bruyante. Sa haute prudence désempara & fit bien.

SANCTION : approbation légale que le prince a doit de donner ou de ne pas donner aux décrets constitutionnels de l’assemblée nationale. Cette sanction leur donne force de loi. Voyez veto.

SANCTIONNER : c’est l’acte de donner la sanction. On dit aussi tel article ou tel décret est sanctionné ; c’est-à-dire, qu’il a reçu l’approbation du prince & qu’il a force de loi.

SCRUTIN : billet plié & secret (jusqu’à un certain point), dont on se sert dans nos assemblées nationales ou citoyennes, pour procéder à l’élection des officiers qui doivent y présider ou former les différens comités attachés à ces corps politiques.

Lorsque le scrutin contient plusieurs noms il est dit scrutin de liste. C’est par ce scrutin qu’on procede, à l’assemblée nationale, à l’élection du président & des secrétaires. Le scrutin de liste a pareillement lieu dans des districts quand il s’agit d’élire des commissaires. Celui qui n’y connoît presque personne & se trouve par hasard à ces élections, seroit dans le dernier embarras pour remplir son scrutin ; si quelques honorables membres qui y connoissent beaucoup de monde ne lui indiquoient le nombre de noms nécessaires. Ces noms d’ailleurs sont faciles à retenir, parce que ce sont presque toujours les mêmes. On m’a assuré qu’il est des districts où il y a une nomenclature banale pour la commodité des électeurs.

Quand le scrutin est clos, il est déposé entre les mains des scrutateurs, qui sont deux ou plusieurs membres nommés par acclamation, pour procéder au dépouillement des scrutins. Cette opération est dans les districts l’affaire qui employe le plus de temps. Souvent elle se prolonge bien avant dans la nuit ; il n’y a alors qu’un civisme à l’épreuve qui retienne sur le lieu un petit nombre d’honorables membres, qui toutefois en sont récompensés par le choix de leurs concitoyens, que la parfait dépouillement des scrutins met en évidence.

SCRUTATEUR. Voyez scrutin.

SÉANCE : dans l’ancien régime, on ne disoit gueres que séance académique, pour exprimer le temps que trente ou quarante individus restoient à sommeiller dans un fauteuil, d’où ils ne se levoient la main ouverte que pour recevoir un ou plusieurs jettons qu’ils ne reçoivent plus au détriment de la belle littérature.

On entend aujourd’hui par séance le temps que les représentans de la nation restent assemblés sans désemparer la salle.

On dit que la séance s’ouvre, lorsqu’on la commence, & qu’elle se leve, lorsqu’on la termine. Beaucoup de séances ont été très-longues.

Une séance est tumultueuse, lorsqu’il y a plus que des bravo ou plus que des improbations.

Elle est orageuse, lorsqu’elle ressemble à celle du 13 février ; il y en a eu de périlleuses dans le mois de juin & premiers jours de juillet 1789 ; parce qu’on vouloit y introduire un quatrieme ordre qui opine du bras.

Jamais séance n’a été moins aristocrate que celle du soir du 5 octobre.

Une séance est intéressante lorsqu’il s’agit d’y réhabiliter une portion de la nation, qui n’a d’autre tort que celui de ne pas prier Dieu en latin.

Un séance est patriotique quand on la leve pour aller changer de boucles.

Elle est nationale, quand des prévaricateurs impatriotes y reçoivent le juste châtiment dû à leur rebellion.

Elle est mémorable enfin, quand Louis XVI l’honore de sa présence, & qu’il y paroît en pere qui visite ses enfans ; alors on se garde bien de la confondre avec celle du 23 juin, que la horde ministérielle, à l’agonie, appelloit impudemment séance royale.

SERMENT NATIONAL, SERMENT CIVIQUE : le premier est celui qu’on a fait prêter à tous les régimens, pour prévenir les civicides qu’on vouloit leur faire commettre. Quel spectacle d’entendre ces braves grenadiers sermenter de bonne foi, en maudissant ceux en qui ils s’étoient confiés, & qui les avoient si cruellement trompés ! Parisiens, vous ne connoissez pas la loyauté grenadiere de nos troupes françoises ; avant comme après le serment, soyez persuadés qu’ils eussent mis en pieces les aristocrates qui auroient osé leur commander de faire feu sur des François. On vous a donné une preuve de leurs sentimens par ces cohortes tudesques dont on a couvert votre Champ-de-mars.

Le second serment, le civique, est celui que prononce de cœur & de bouche tout bon citoyen, sans aucune interprétation préalable.

En voici la formule, qui doit nous être présente dans tous les temps & dans tous les lieux : Je jure d’être fidele à la nation, à la loi, au roi et à la constitution décrétée par l’assemblée nationale, et acceptée par le roi.

La prestation de ce serment, dont l’assemblée nationale a donné l’exemple, a été faite dans plusieurs districts, à la face du ciel, par les citoyens de tous les âges de l’un & de l’autre sexe. L’enthousiasme qui le prononçoit étoit le garant des sentimens qui le dictoient. Que de larmes ont coulé ! que cette scene étoit intéressante ! que les parjures étoient coupables !… Mais non… il n’en étoit point dans ces groupes civiques ; ils n’auroient osé s’y mêler, le front radieux du patriote eût contrasté trop visiblement avec le front morne & l’œil hagard de l’aristocrate.

La province s’empresse d’imiter la capitale ;& déjà, par une suite du serment, les libelles-Pelletier, les déjeûners, les dîners du vicomte, & autres feuilletons anti-patriotiques, restent aux bureaux des postes, où ils sont dédaignés même des garçons de bureaux.

Ô toi, douce concorde ! toi qui semblois fuir de nos contrées, obéis à la voix du monarque qui t’appelle ; viens entrelacer les bras de nos citoyens, & que, dans cette posture amicale, ils ne cessent de répéter les paroles de paix que ce prince a portées dans l’assemblée de nos représentans.

SOUS-AMENDEMENT : c’est un amendement à l’amendement. Voyez Amendement.

SUPPLÉANT : celui qui est envoyé par sa province pour suppléer ou remplacer un député en cas de morts ou de démission, ou même de défection ce qui n’est pas présumable.

Les suppléans assistent aux séances de l’assemblée dans une tribune qui leur est destinés. Ils y sont témoins oculaires & auriculaires, & rien de plus.