Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Remarques 4


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REMARQUES CRITIQUES
SUR LA NOUVELLE ÉDITION
DU
DICTIONNAIRE HISTORIQUE
DE MORÉRI, DONNÉE EN 1704.

A.

ACTOR. M. Bayle avait déjà reproché à M. Moréri d’avoir changé ce mot en celui d’Actorius. Cette faute a été à la vérité corrigée dans la nouvelle édition, de même que celle où il est dit qu’Ovide a parlé d’un Actorius : ces paroles,

Qui fuit Actoridæ cum magno semper Achille,


ne devant point s’entendre d’un homme qui s’appelle Actorius, mais de Patrocle, que les poëtes distinguent ordinairement par le nom patronymique d’Actorides qui ne signifie autre chose qu’issu d’Actor. L’explication que M. Bayle a donnée de la pensée du poëte est très-étendue ; et il ne tenait qu’à ceux qui ont donné l’édition de 1699 et de 1704 d’en profiter s’ils eussent voulu consulter le Dictionnaire critique. J’avoue qu’il est pénible de consulter sur chaque article tous les critiques et tous les interprètes ; mais c’est aussi en quoi ces remarques seront d’une grande utilité à ceux qui entreprendront dans la suite une nouvelle édition, puisque je rassemble dans un très-petit volume, une partie des fautes qui ont [a] passées dans les anciennes éditions, et qu’en peu de temps on les pourra parcourir.

Mais si le nouvel éditeur, sur l’ouvrage duquel je fais des remarques, a corrigé cet article en quelques endroits, il l’a altéré en plusieurs autres : en voici la preuve.

Dans l’article d’Actor le Locrien, l’éditeur eût dû remarquer que Pélée, gendre de cet Actor, était petit-fils d’Égine son [b] épouse ; et qu’ainsi Polymèle, fille d’Actor et d’Égine, fut tout ensemble tante et épouse de Pélée ; elle était sa tante, parce qu’elle était sœur d’Éacus son père [1] : d’ailleurs Jupiter était [c] aïeul de Polymèle, et grand-père de Pélée. Dans l’article d’Actor, fils d’Axéas et père d’Astyoque, l’éditeur se trompe en disant que celle-ci eut deux fils de Neptune ; c’est de Mars qu’elle eut ces deux fils qui commandèrent les troupes d’Aspledon [d] et d’Orchomène au siége de Troie [2]. L’éditeur pourrait avoir pris cet Actor pour l’Actor dont parle Pausanias dans son cinquième livre, et qui était fils de Neptune et d’Agaméde, fille d’Augéus [3]. On peut consulter sur ce sujet le dixième livre de l’Iliade. On voit par-là que l’éditeur a renversé ces deux articles, et que de deux Actors il n’en a fait qu’un, qu’il fait beau-père de Neptune ; au lieu que c’est du second des deux dont je viens de parler, que ce dieu était père.

  1. Il fallait dire qui ont passé : ce n’est point ici une faute d’impression, mais une phrase de province, dont bien des auteurs, qui ont lu les meilleurs livres français, et fréquenté à Paris les plus habiles grammairiens, ne se sont point corrigés. M. l’abbé Faydit y tombe souvent : la raison qui m’a le plus frappée (dit-il dans les Essais de littérature de juin 1704, pag. 188), la révélation qui a montrée aux hommes Dieu, etc., pag. 196 des mêmes Essais. La nation française abonde, peut-être plus que les autres, en écrivains qui ignorent la conjugaison des verbes, et si certaines particules demandent le subjonctif, et non pas l’indicatif. Un religieux de Sainte-Geneviève, nommé de Vallone, qui est mort ministre à la Haye, écrit je peux au lieu de je puis ; on courre au lieu de on court. Ce pédagogue ne se serait point scandalisé que je fis dire, au lieu de que je fisse dire. Il ne fallait plus que cela pour faire que la mesure de leurs crimes se trouva, au lieu de se trouvât. Si Vaugelas et ceux qui l’ont commenté ou augmenté avaient jugé dignes de leur censure ces sortes de fautes, il y aurait moins de gens qui les commettraient. Il est donc nécessaire de condamner publiquement ces barbarismes. Rem. de M. Bayle.
  2. C’est-à-dire épouse d’Actor. Le mot son est ici très-équivoque. Rem. de M. Bayle.
  3. Cela demandait preuve, car on ne voit pas que Jupiter ait été père ni d’Actor ni d’Égine. Il eut d’Égine un fils ; mais Polimèle, fille de la même Égine, était fille d’Actor, ce qui n’établissait aucune consanguinité entre Polymèle et Jupiter. Remarque de M. Bayle.
  4. Aspledon et Orchomène sont des noms de ville : le lecteur pourrait les prendre pour des noms d’hommes. Remarque de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1725, on dit qu’Actor, né dans la Locride, ou selon d’autres dans la Thessalie, était fils de Myrmidon, et petit-fils de Jupiter ; qu’il épousa la nymphe Égine ; et qu’il donna son royaume avec sa fille Polymène (il fallait dire Polymèle), à Pélée, fils d’Éacus et père d’Achille. Nouv. Observ.
  2. Dans la même édition on trouve qu’Actor, fils d’Axéus ou d’Azéus, fut père d’Astyoque ; et que cette nymphe eut de Neptune deux fils, etc. Cependant M. Bayle avait remarqué que c’est du dieu Mars qu’elle eut ces deux fils. Nouv. Observ.
  3. On n’a pas donné dans cette édition l’article d’Actor, fils de Neptune et d’Agamède, fille d’Augéus, quoiqu’on eût pu les tirer de M. Bayle.

    Notre auteur n’a presque fait que copier ici M. Bayle ; mais il s’est trompé en citant le cinquième livre de Pausanias. Cette citation dans M. Bayle se rapporte à un autre Actor, fils de Phorbas. Nouv. Observ.

ADAM. Moréri dit que Josèphe rapporte qu’Adam grava sur deux diverses tables des observations qu’il avait faites sur le cours des astres. Ce n’est pas là le langage de cet ancien historien ; il dit seulement dans le second chapitre du premier livre de ses Antiquités, que les descendans de Seth, fils d’Adam, furent les inventeurs de l’astrologie, et qu’ils firent graver les principes qu’ils venaient de découvrir sur un pilier de brique et sur un autre de pierre, afin de les garantir de la destruction générale qui, selon qu’Adam l’avait prédit, devait arriver une fois par le feu, et l’autre par le déluge [1]. Moréri dit aussi que le premier homme imposa le nom aux plantes, et l’Écriture ne lui attribue cependant que l’invention du nom des bêtes. L’éditeur a adopté la première de ces erreurs [2], et a corrigé à la vérité la seconde.

  1. Cette remarque est prise de M. Bayle. Nouv. Observ.
  2. Cela est corrigé dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.

ADAMITES. Moréri fait dire à saint Épiphane que les temples des adamites étaient des lieux infâmes, à cause des crimes abominables qu’ils commettaient dans ces cavernes d’horreur et de prostitution. Ce saint père ne parle point ainsi dans le sommaire de son livre ; il dit simplement, « que les adamites s’assemblent tout aussi nus qu’ils étaient au sortir du ventre de leurs mères, et en cet état ils font leurs lectures, leurs oraisons et leurs autres exercices de religion. » D’ailleurs, Moréri a avancé trop légèrement qu’il y avait une secte de ces hérétiques en Angleterre. Cela est absolument faux, et l’éditeur a corrigé cet endroit ; mais il n’a pas eu la même précaution à l’égard du texte de saint Épiphane [1].

  1. Tout ceci est tiré de M. Bayle. Ce qui regarde saint Épiphane a été corrigé dans l’édition de 1725 et à la fin de l’article on cite M. Bayle. Nouv. Observ.

ADRICHOMITES [a]. Moréri s’est trompé dans cet article, en prenant Trajectum pour Utrecht, au lieu de le prendre pour Maestricht. Il dit ensuite que l’Adrichomites publia lui-même son Théâtre de la Terre-Sainte ; et il est sûr que cet ouvrage ne fut publié qu’après sa mort ; d’ailleurs ce même bibliographe partage en deux cet ouvrage, en remarquant que le Théâtre de la Terre-Sainte est différent de la Description de la Terre-Sainte, et ce n’est qu’un même ouvrage. L’éditeur a corrigé la première faute, et a a adopté la seconde [1].

  1. Il fallait dire Adrichomius, car c’est ainsi qu’un voit ce mot dans le Dictionnaire de Moréri. Rem. de M. Bayle.
  1. Cette remarque est encore tirée de M. Bayle, à l’article Adrichomius, tom. I, pag. 237. Toutes ces fautes sont corrigées dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.

ADRIEN VI. Dans un article où il est parlé de ce pape on le fait de la maison de Fiesque. Je vois bien qu’on a voulu parler d’Adrien V, qui véritablement en était. Mais enfin, c’est toujours une faute qu’il est nécessaire de corriger dans les éditions qu’on pourra donner dans la suite ; car il n’est rien de si différent qu’Ottobon de Fiesque qui fut pape sous le nom d’Adrien V, et qu’Adrien Florent qui le fut sous celui d’Adrien VI. Le premier vivait dans le treizième siècle, et l’autre dans le quatorzième [1].

  1. On a mis Adrien V dans l’édition de 1707 et suiv. Nouv. Observ.

AINS. Cet article était exact dans les éditions précédentes, et on l’a altéré dans celle-ci. La rivière d’Ains [* 1], qui vient du comté de Bourgogne, et qui sépare la Bresse du Bugey, est mal nommée dans la dernière édition, la rivière du Dain. Guichenon, qui a fait l’Histoire de ces deux petites provinces, est le juge naturel de cette question. On n’a qu’à le consulter, on verra comme il y critique Cousin [a] et Masson au sujet de cette rivière [1].

  1. (*) Ens, Indis, Indus, Danus et Idanus, en latin.
  1. C’est-à-dire Gilbert Cousin (Gilbertus Cognatus, qui avait été valet d’Érasme) et Papyre Masson. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1725, à l’article Ain (I), on dit que la rivière d’Ain coule entre la Bresse et le Bugey. Nouv. Observ.

ALCIAT. L’éditeur a oublié dans l’article d’André Alciat, jurisconsulte de Milan, de faire mention de l’ouvrage suivant, parmi ceux qu’il lui attribue : Rerum patriæ, seu Historiæ Mediolanensis lib. 4 ; ex M S. Bibliothecæ Ambrosianæ. Il était naturel de ne pas oublier dans l’article d’un auteur célèbre, l’ouvrage qu’il a consacré à la gloire de sa patrie [1].

  1. On ne parle point de cet ouvrage dans la dernière édition ; mais à la fin de cet article on a ajouté : Ceux qui voudront savoir le catalogue des ouvrages d’Alciat, n’ont qu’à consulter les Éloges des Hommes savans de M. de Thou, par Teissier, tom. I. Il fallait renvoyer à l’édition de ces Éloges, faite en 1715, où l’on a recueilli le jugement de quelques savans sur cette histoire du Milanais. Nouv. Observ.

ALÉANDRE. En parlant de la mort de ce cardinal, Moréri ne s’était pas expliqué sur l’ouvrage qu’il était prêt de publier lorsqu’il mourut ; mais l’éditeur déclare que c’est de son grand ouvrage contre les professeurs (Opera contra i professori : Lorenz, Crasso) qu’il faut entendre les paroles de Moréri ; cependant il n’est pas sûr que ce fût le même auquel le cardinal travaillait quand il mourut, et M. Bayle n’en est pas certain [a]. Ainsi quand un critique de cette pénétration flotte sur un sujet, un autre ne doit pas aisément prendre son parti [1]. L’éditeur, en faisant l’énumération des ouvrages de ce grand cardinal, a oublié de parler de ses Tables de la Grammaire grecque [2].

  1. Ceci ne doit pas être entendu comme si M. Bayle formait quelque doute là-dessus : il n’affirme rien et ne nie rien ; il cite seulement les paroles de Paul Jove, et celles de Lorenzo Crasso. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur devait marquer les raisons qu’il avait de douter que l’ouvrage contre les Professeurs soit celui auquel Aléandre travaillait quand il mourut ; et faire voir que Paul Jove et Lorenzo Crasso se sont trompés. Autrement on est en droit de regarder son doute comme une pure imagination. Aussi n’est-il fondé que sur la fausse supposition que M. Bayle avait formé des doutes là-dessus. Nouv. Observ.
  2. On n’a point fait mention des Tables de la Grammaire grecque d’Aléandre, dans la nouvelle édition du Moréri, quoique M. Bayle en ait parlé ; et c’est de lui que notre auteur a tiré cette particularité. Nouv. Observ.

ALEXANDRE. J’aurais cru que l’éditeur aurait corrigé dans cet article une mauvaise locution de son auteur ; du moins je l’appelle mauvaise, parce qu’elle donne lieu à une équivoque. La voici : Darius n’avait point voulu faire le dégât dans l’Asie, selon l’avis de Memnon. À juger de cette expression par le sens qu’elle présente à l’esprit, on est aussi porté à croire que Memnon avait conseillé de ne point faire le dégât, qu’on l’est à croire qu’il d’avait conseillé : tant il est vrai que l’intelligence dépend souvent de l’arrangement des mots et du tour d’une phrase. Si l’éditeur avait lu avec exactitude toutes les remarques qui ont été faites sur les différentes éditions de Moréri, cette faute ne lui aurait pas [a] échappée [1].

  1. Voyez ci-dessus, pag. 393, la remarque (a) au mot Actor. Rem. de M. Bayle.
  1. Cette équivoque a passé dans l’édition 1725, où l’on dit que Darius n’avait point voulu faire de dégât dans l’Asie selon l’avis de Memnon. M. Bayle l’avait déjà remarqué dans l’article Memnon, tom. X. pag. 398, rem. (E) ; mais d’une manière plus nette et plus précise que notre auteur, qui le copie encore ici. Nouv. Observ.

ALMAIN. En parlant de ce célèbre docteur de l’université de Paris, on ne devait pas oublier dans l’énumération de ses ouvrages celui qui regarde les laïques. Les circonstances mêmes du temps devaient engager l’éditeur à en parler avec un peu d’exactitude [1].

  1. Cette critique a plusieurs défauts, que M. Bayle a détaillés ci-dessus dans sa préface. Nouv. Observ.

ARLÉNIUS. J’aurais cru que cet auteur qui vivait sous l’empire de Charles-Quint, et qui se donna dans le monde [a] le nom de Péraxylus, serait placé dans la nouvelle édition du Dictionnaire. La belle édition de Josèphe qu’il donna en grec, sur l’excellent manuscrit de don Diégo de Mendoza, ambassadeur de l’empereur à Venise, à la suite duquel il était, lui devait mériter cette place : d’ailleurs Arlénius était un excellent poëte. Moréri et ceux qui ont travaillé après lui à son Dictionnaire, ne sont pas les seuls qui ont ignoré le mérite de ce grand homme [1].

  1. C’est-à-dire dans le monde littéraire. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur, comme je l’ai déjà dit, a tiré presque toutes ses remarques du Dictionnaire de M. Bayle ; mais il a caché ou déguisé tant qu’il a pu ces petits larcins. Ici, par exemple, il produit sous le mot Arlénius ce que M. Bayle avait dit à l’article Péraxylus. Ce qu’il y a de singulier, c’est qu’il se plaint que Moréri et ceux qui ont travaillé après lui à son Dictionnaire, n’aient point parlé d’Arlénius ; et en effet, on n’en dit rien sous ce mot-là ; mais on en a donné un très-bon article, tiré de M. Bayle, au mot Péraxylus. Nouv. Observ.
B.

BASIN. Armand Basin, de Besons, n’est pas archevêque d’Aix comme le dit l’éditeur, mais de Bordeaux, et il a succédé en cette dignité à feu M. de Bourlemont [1].

  1. Cette méprise est corrigée, dans l’édition de 1725, à l’article Basin (Claude). Nouv. Observ.

BAVIÈRE. Cet article n’est pas exact, et l’éditeur varie dans sa chronologie. L’empereur Frédéric III n’était pas beau-père d’Albert IV, duc de Bavière, que l’on suppose avoir épousé Cunégonde, fille de cet empereur ; au contraire, Frédéric III épousa en secondes noces Cunégonde, fille de Louis de Bavière, son plus grand ennemi ; et il eut de ce second mariage Élisabeth, épouse de Gauthier, comte de Schwartberg [1]. Or Louis de Bavière, L’éditeur a peut-être voulu dire qu’Albert IV du nom, duc de Bavière, épousa Cunégonde fille de l’empereur Frédéric IV. Mais s’il nomme ce Frédéric III du nom, il faut donc qu’il ne compte pas dans le nombre des empereurs Frédéric dit le Beau, troisième du nom, fils de l’empereur Albert Ier., et petit-fils de l’empereur Rodolphe Ier. [2].

Il est vrai que l’empereur Louis de Bavière lui disputa l’empire ; mais le pape Jean XXII et une grande partie des princes de l’Europe le reconnurent. De quelque manière que la chose soit, l’éditeur devrait être constant dans les principes de sa chronologie ; et il l’est si peu qu’il nomme ce prince Frédéric III lorsqu’il le fait beau-père d’Albert IV duc de Bavière, et Frédéric IV lorsqu’il remarque que Louis de Bavière, dit le Riche, déchira par mépris les lettres que cet empereur lui écrivit en l’année 1457 [3].

Au reste, c’est la mort de l’empereur Henri VII, de la maison de Luxembourg, qui causa la double élection de Frédéric d’Autriche et de Louis de Bavière ; c’est ce même Henri que l’on dit qui fut empoisonné dans une hostie consacrée.

  1. Notre auteur prétend que l’empereur Frédéric III (dit le Beau) épousa Cunégonde, fille de Louis de Bavière son plus grand ennemi. Il a apparemment pris cela de l’ouvrage qu’il critique : car dans le Moréri, au mot Autriche, pag. 877, on trouve que l’empereur Frédéric dit le Beau, épousa en secondes noces Cunégonde de Bavière, fille de l’empereur Louis, de laquelle il eut Élisabeth, femme de Gonthier ; comte de Schwartzembourg. Mais 1°. Rittershusius ne marque pas que Frédéric le Beau ait eu deux femmes : il ne lui donne qu’Isabelle d’Aragon ; 2°. Heiss, dans son Histoire de l’Empire, dit seulement que le duc Frédéric d’Autriche, et le duc Louis de Bavière qui se disputèrent l’empire, étaient cousins germains ; 3°. dans le Moréri, au mot Bavière, à l’article de l’empereur Louis, pag. 135, on ne trouve point de Cunégonde parmi les enfans qu’il eut de ses deux femmes, et qui sont au nombre de neuf. Notre auteur confond ici, après le Moréri, Frédéric le Beau, mort en 1330, et compétiteur de Louis de Bavière, avec Frédéric le Pacifique, mort en 1493. Ce dernier eut d’Éléonore de Portugal, une fille nommée Cunégonde, qui fut mariée en 1487, à Albert IV duc de Bavière, comme on le peut soir dans Rittershusius, fol. 57 et 66 de l’édition de Tubingue, 1664 ; et
  2. Rittershusius et Heiss donnent à Frédéric le Pacifique le titre de Frédéric III. D’autres écrivains l’appellent, avec notre auteur, Frédéric IV. On a assez bien éclairci cela dans le Moréri. À l’article de Frédéric dit le Beau, pag. 192, cet empereur est nommé Frédéric III, et on ajoute que quelques auteurs ne le mettent pas au nombre des empereurs : et à l’article de Frédéric dit le Pacifique, pag. ibid., on met Frédéric IV empereur, ou III selon d’autres, On l’appelle aussi Frédéric IV, au mot Autriche, pag. 878. Il en est de même de l’empereur Louis, dont on vient de parler. Notre auteur dit Louis de Bavière, III du nom : le Moréri, au mot Bavière, pag. 135, l’appelle IV du nom ; et à l’article Louis, pag. 219, IV ou V du nom, et Heiss dit V du nom. Nouv. Observ.
  3. Dans la dernière édition, au mot Bavière, pag. 136, il y a Frédéric III. Nouv. Observ.

BEAUPOIL. Louis de Beaupoil de Saint-Aulaire est mal nommé le marquis Danmarie ; on devait dire [a] Lanmarie. C’est une faute qui est particulière à cette édition, et c’est en parlant de feu M. Perrault, que l’éditeur y est [b] tombée [1].

  1. Le Mercure Galant, d’avril 1702, dit Lamarie, et parle du marquis de Lamarie, capitaine-lieutenant d’une compagnie de la gendarmerie, marié à la fille du président Perrault, dame de plus de deux cent mille écus de bien. Mais les noms propres étant d’ordinaire mal marqués dans le Mercure Galant, il ne serait pas juste de préférer Lamarie à Lanmarie. Rem. de M. Bayle.
  2. Il fallait dire tombé : conférez la remarque (a) sur l’art. Actor. Nouv. Observ.
  1. Dans l’édition de 1707 et suivantes, à l’article Beaupoil, il y a toujours Lanmary. On écrit aussi Sainte-Aulaire, et non pas Saint-Aulaire, comme fait notre auteur, qui s’est aussi trompé en disant Perrault, au lieu de Pérault. Je n’ai pas pu trouver l’endroit où il prétend qu’est cette faute. Nouv. Observ.

BELLAY. Dans toutes les éditions du Dictionnaire historique et dans cette dernière comme dans les premières, en parlant des dignités de l’église de Bellay on a oublié celle d’archidiacre : et on lui a [a] substituée celle de chantre. Cette dernière n’est point une dignité dans cette église, et celle d’archidiacre est la seconde [1] : d’ailleurs la pénultième lettre de Belley n’est point un a mais un e. Cette église a produit de grands sujets.

  1. Il fallait dire substitué : nous voyons par la fréquente répétition de cette faute de grammaire que c’est un idiotisme du pays de l’auteur. Voyez ci-dessous la dernière ligne de l’article Ronsard et la dernière ligne de l’article Rufin. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1725, au mot Beley, on dit que le chapitre de l’église cathédrale de Beley est composé de dix-neuf chanoines et de quatre dignités, qui sont le doyen, l’archiprêtre, l’archidiacre, et le primicier. Nouv. Observ.

BOILEAU. Gilles Boileau, intendant des menus plaisirs du roi, frère du célèbre M. Despréaux, et de M. l’abbé Boileau, docteur de Sorbonne, était mort avant l’année 1671, où toutes les éditions de Moréri placent sa mort, puisque M. de Montigny qui eut sa place à l’Académie française, y fut reçu des l’an 1669. Cette faute a passé dans toutes les éditions, dans celle-ci comme dans les autres [1].

  1. Cette faute a été corrigée dans l’édition de 1707. M. Bayle s’en était aperçu dans sa Réponse aux Questions d’un provincial, tom. I, chapitre XVIII, pag. 134. Nouv. Observ.

BRANCAS. M. l’abbé de Brancas qui vit aujourd’hui n’est pas fils Madelaine-Claire de Lenoncourt, première femme du feu duc de Villars, mais de Madelaine Girard sa seconde femme [1].

  1. Puisque ces remarques doivent servir à corriger le Moréri, il fallait marquer où cette faute se trouve. Nouv. Observ.

BRISACH. Voici une faute qui est échappée à M. Vaultier ; comme à M. Leclerc et aux autres éditeurs [a] du Dictionnaire de Moréri. Est-il permis d’ignorer qu’il n’y a aucun pont de père sur le Rhin, et que la rapidité de ce fleuve a toujours empêché qu’on y en puisse construire ? Cependant ils disent tous avec beaucoup de fermeté dans l’article Brisach, que cette ville est située sur le Rhin, qu’on y passe sur un pont de pierre : il n’y a sur cette rivière que des ponts de bois [1], et même ce ne sont que des ponts [b] de bateaux. Le premier pont que l’on trouve en remontant vers la source de ce fleuve, c’est le pont [c] de Constance ; et le dernier, c’est celui de Strasbourg. Il est vrai qu’autrefois César en fit construire un de bois, au-dessous de Mayence, pour faire passer son armée ; mais il ne subsiste plus [d].

  1. On peut ajouter que M. Baudrand est au même cas, puisqu’il a dit dans son Dictionnaire géographique en parlant de Brissac : cum ponte lapideo ad Rhenum fluvium. Rem. de M. Bayle.
  2. Il est difficile de comprendre que le pont de Brisach ait été un pont de bateaux, quand on se souvient que la raison alléguée par la France pourquoi elle ne faisait pas promptement évacuer cette forteresse, qu’elle devait rendre à l’empereur selon le traité de Ryswick, était qu’il fallait beaucoup de temps pour arracher les pilotis qui soutenaient le pont. Il avait été stipulé par ce traité de paix que le pont de Brisach serait démoli. Ceux qui lisent la relation du combat qui se donna en 1678, entre les Français et les Allemands au pont de Rhinfeld, comprendront encore moins que ce pont ne soit qu’un pont de bateaux. Rem. de M. Bayle.
  3. Le sieur Coulon, dans son livre des Rivières de France, tom. II, pag. 504, dit qu’il y a douze ponts sur le Rhin, dont le premier est à Stein, et le dernier à Strasbourg : or il dit, pag. 508, que Stein est proche du lieu où le Rhin sort du lac de Constance. Notre auteur eût parlé plus exactement s’il eût dit, le dernier pont que l’on trouve en remontant vers la source de ce fleuve, c’est le pont de Constance (ou de Stein selon le sieur Coulon ; mais il se trompe, car il y a un pont sur le Rhin, à Constance) ; et le premier, c’est celui de Strasbourg. Rem. de M. Bayle.
  4. Comme ces notes tendent au même but que les remarques du texte, savoir, à faire en sorte que les éditions à venir du Dictionnaire de Moréri soient meilleures, l’on dira ici par occasion qu’il faut effacer quelque chose dans l’article Brisgaw. Nous y lisons que Brisach a été autrefois sa capitale ; mais, depuis, Fribourg l’a emporté, et elle est devenue mémorable par ses richesses et par d’autres avantages. Elle l’est aussi par la célèbre bataille que le duc d’Enghien...... remporta en 1644, le général Merci fut tué. Il faudra dans une nouvelle édition s’arrêter à, Fribourg l’a emporté. Le reste est hors de sa place, et ne doit être mis que sous le mot Fribourg. (Cela est corrigé dans l’édition de 1725 de cette manière : Brisach..... a été autrefois la ville capitale ; mais depuis, Fribourg, plus célèbre par ses richesses, lui a ôté ce rang. On a retranché tout le reste. À l’article Fribourg, on parle de la victoire remportée par le duc d’Enghien. Nouv. Observ.) D’ailleurs, il n’est pas vrai que le général Merci ait été tué à la bataille de Fribourg, en 1644. Il fut tué à celle de Norlingen, l’an 1645. Il avait un frère, nommé Gaspar, qui fut tué à celle de Fribourg, l’an 1644. C’est ce qui trompa Moréri. Dans l’article du général Merci, le Moréri marque qu’il fut blessé à Norlingue, le 3 d’août 1645. Il fallait marquer qu’il mourut de ses blessures. Cette omission capitale doit être suppléée dans la première édition que l’on fera. (Toutes ces fautes sont corrigées dans la dernière édition. Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1707 et suivantes, au mot Brisac, ou Brissac, on a mis qu’on passait le Rhin sur un pont de bois qui fut démoli après la paix de Ryswick. Dans celle de 1725, on écrit toujours Brisach. Nouv. Observ.
C.

CAMUS. L’éditeur nomme le fameux évêque de Belley, Jean-Pierre le Camus, au lieu de Jean-Pierre Camus. C’est une faute qu’il n’a pas pris des anciennes éditions, puisqu’elle n’y est point, mais qu’il a faite en confondant sans doute les maisons de le Camus, et de Camus, qui sont pourtant fort différentes [1]. La première est une ancienne maison de la robe de Paris, dont est M. le cardinal le Camus. Et la seconde est d’une noblesse militaire, quoique quelques-unes de ses branches soient aujourd’hui dans la robe. En parlant de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, je dois remarquer que c’est mal à propos que l’auteur de la Gazette de Paris, en annonçant l’année passée ou la précédente, la mort de M. Camus, abbé et général de l’ordre de Saint-Ruf, dit, que cette abbé était neveu de cet évêque ; ils étaient de la même maison, mais certainement l’évêque n’était pas oncle de l’abbé.

  1. Cette faute ne se trouve pas dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.

CANADA. Cet article est assez curieux ; mais, en vérité, on ne devait pas oublier de rendre la justice qui est due aux jésuites, en parlant des premiers apôtres qui ont planté la foi dans ces terres nouvellement découvertes [1]. Il est peu de sociétés religieuses à qui on ait tant d’obligation qu’à celle-là, et qui se soient employées avec tant de courage et de zèle à annoncer les vérités du christianisme à ces peuples sauvages.

  1. On n’a rien ajouté là-dessus dans les dernières éditions. Nouv. Observ.

CHRISTINE DE BADEN. L’éditeur s’est brouillé au sujet de cette princesse, qui fut troisième femme d’Albert, marquis d’Anspach ; c’est dans l’article de Brandebourg Anspach. Il remarque d’abord qu’Albert n’eut que deux femmes [1] ; et ensuite, ne se souvenant pas sans doute de la première proposition qu’il avait avancée, il nomme les trois princesses qui furent épouses de ce marquis. Je ne sais pas le véritable sentiment de notre auteur sur ce point historique ; mais, quel qu’il soit, il est très-certain que Christine de Baden Dourlach, fut la troisième femme d’Albert de Brandebourg, marquis d’Anspach, et que ce prince est le grand-père de la nouvelle princesse d’Hanover [2].

  1. Cela est corrigé dans l’édition de 1725, au mot Brandebourg, pag. 455. Nouv. Observ.
  2. Willelmine-Charlotte, aujourd’hui reine d’Angleterre. Nouv. Observ.

CLAIRVAUX. Cette abbaye n’est pas chef d’ordre, elle est seulement une des quatre principales filles de Cîteaux. Or si cette abbaye était chef d’ordre, comme on le dit dans la nouvelle édition, l’abbé ne serait pas soumis à la juridiction de l’abbé de Cîteaux ; c’est pourtant un fait constant, et aisé à vérifier, qu’il l’est [1].

  1. Dans l’édition de 1725, on a mis l’abbaye de Clairvaux est la troisième fille de Cîteaux, élective et régulière, etc. Nouv. Observ.

CLÉMENT XI. Voici une simple faute d’inattention ; car, outre qu’elle n’est pas commune à tous les articles où il est parlé de ce pontife, c’est qu’il est impossible de se persuader que l’éditeur ignore que Clément XI, qui est aujourd’hui sur la chaire de saint Pierre, n’est pas le successeur immédiat D’Alexandre VIII, puisque Innocent XII, dont le gouvernement sera un jour si célèbre dans l’histoire, à cause des grands événemens qui sont arrivés de son temps, a régné entre ces deux pontifes. On dit cependant dans un endroit de la nouvelle édition, que Clément XI a succédé à Alexandre VIII [1].

  1. Notre auteur aurait dû marquer l’endroit où cette faute se trouve. Nouv. Observ.

CLUSA. On semble douter dans l’article de Jacques Clusa, religieux de Cîteaux, qui se fit depuis chartreux, que cet auteur soit une personne différente de celui qui est connu sous le nom de Jacques de Paradis ; il semble même que l’auteur de la nouvelle édition ne veuille pas distinguer ces deux auteurs. Cet article ne devait pas être traité si superficiellement, et l’autorité de ceux qui ont distingué Jacques de Clusa et Jacques de Paradis, n’était pas si petite, qu’il fallût traiter cette question avec tant de négligence [1].

  1. Dans la dernière édition on a mis : Cluse (Jacques de), qui selon la plupart n’est pas différent de Jacques de Parades : et au mot Jacques de Parades, on renvoie à de Cluse (Jacques). Nouv. Observ.

CÔME. Parmi les auteurs qui ont parlé de Côme, ou du lac de Côme, l’éditeur ne parle point d’une histoire ou d’une description de cette ville, qui ne contient à la vérité que deux pages, et qui a été composée par M. Duker, lequel l’a tirée de plusieurs auteurs. On y a ajouté le plan de cette ville. M. Duker fut empoisonné en Sicile en 1535. Camille Ghilini, écrivain du XVIe. siècle, et qui est un des meilleurs auteurs latins de ce temps-là, a aussi fait une description du lac de Côme. L’ouvrage n’est que de trois pages, et il a eu la même destinée que celui de Duker, c’est-à-dire, qu’il a été oublié, de même que l’a été la description du lac de Côme en huit pages, faite par Paul Jove. Il est étonnant que dans un seul article trois auteurs de ce mérite soient oubliés [1].

  1. Ces auteurs sont encore oubliés dans l’édition de 1725. Leurs descriptions de la ville et du lac de Côme ont été insérées dans le troisième tome du Trésor des Antiquités d’Italie de M. Gravius. Nouv. Observ.

CRÉMONE. L’éditeur a oublié dans l’énumération des auteurs qui ont parlé de cette ville, Louis Cavitelli qui en a composé les annales, depuis la fondation jusques à l’année 1583 [1]. Elles sont fort amples, parce que l’auteur ne se renferme pas tellement dans son sujet, qu’il n’y joigne souvent des faits qui ont rapport à l’histoire générale d’Italie, et même à divers endroits de l’Europe. Cet ouvrage, quoiqu’écrit dans un siècle où les belles-lettres commençaient à se rétablir, n’en est pas plus pur. L’éditeur, non plus que Moréri, ne donne pas même un article particulier pour Cavitelli.

  1. Cet auteur est cité dans la dernière édition ; mais, au lieu de Cavitelli, les imprimeurs ont mis Camtelli. Cet ouvrage de Cavitelli se trouve aussi dans le troisième tome du Trésor des antiquités d’Italie. Nouv. Observ.

CRÉQUI. Il y a une erreur dans la dernière édition au sujet du marquis de Créqui, tué à la bataille de Luzzara. On y remarque que ce seigneur à laissé des filles de dame N...... d’Aumont, son épouse ; cela est absolument faux : ce marquis n’a point laissé de postérité, et par sa mort le comte de Canaples, son oncle, aujourd’hui duc de Lesdiguières, qui était le second des fils de Charles II, sieur de Créqui, qui fut tué au siége de Chambéri en 1630, est entre en possession des biens substitués : on juge bien que la substitution n’aurait pas été ouverte en sa faveur, si le marquis de Créqui avait laissé des filles [1].

  1. Tout cela est corrigé dans le dernière édition. Nouv. Observ.
D.

DENIS. L’éloge de ce chartreux est excessif ; il est juste [a], je l’avoue, mais enfin il fallait faire voir sur quoi on le fondait, et dire quelque chose des ouvrages admirables de ce solitaire ; de ces ouvrages, dis-je, qui obligèrent le pape Eugène IV de s’écrier en les lisant : Lætetur Mater Ecclesia quæ talem habet filium. Le livre qui a donc plus fait d’honneur au chartreux Denis, c’est son Traité de l’autorité du pape et du concile ; et je ne doute pas que ce ne soit la lecture de cet ouvrage qui attira l’exclamation du souverain pontife. Denis Rikel a été constamment une des plus grandes lumières de son ordre, et même de l’église [b].

  1. Il est malaisé de comprendre que si un éloge est excessif, il soit juste ; ou que s’il est juste, il soit excessif. Rem. de M. Bayle.
  2. On pouvait donner plusieurs autres avis touchant cet article ; Moréri a oublié de marquer le lieu de la mort de ce chartreux ; ce fut la chartreuse de Ruremonde dans la Gueldre. (Dans l’édition de 1725, on marque qu’il entra chez les chartreux de Ruremonde, l’an 1433, et y vécut quarante-huit ans. Nouv. Observ.) Il a eu tort de dire qu’on le surnomme Extatique à cause de son attachement à la contemplation ; il fallait ajouter que ce fut principalement à cause qu’on crut qu’il eut des inspirations divines pendant des extases. (On trouve encore dans la dernière édition, que son attachement continuel à la contemplation lui a fait donner le nom de docteur extatique. Nouv. Observ.) Il y a dans sa vie plusieurs singularités qui orneraient bien son article aux nouvelles éditions de Moréri. L’opinion la plus constante est qu’il mourut à l’âge de soixante-neuf ans : néanmoins, Valère André, à la page 190 de sa Bibliothéque belgique, dit que Denis le Chartreux assure qu’il fit le livre de ses Méditations (ce fut son dernier ouvrage) à l’âge de soixante-dix-neuf ans. (Dans la dernière édition, on dit qu’il mourut le 12 mars de l’an 1471, âgé de soixante-neuf ans. On ne cite point Valère André à la fin de cet article. Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.

DIEPPE. Dieppe est à douze lieues de Rouen, dans la supputation même la plus exacte ; ainsi c’est pour le moins une faute d’exactitude, de dire qu’il n’y a que dix lieues de l’une de ces villes à l’autre. J’avouerai, si l’on veut, que la faute n’est pas d’une grande conséquence ; mais elle pourra paraître digne de l’attention d’un géographe ; et dans un dictionnaire universel il faut satisfaire tout le monde [1].

  1. Dans la dernière édition on a mis que Dieppe est à douze lieues de Rouen. Nouv. Observ.

DIEU-DONNÉ. Il est étonnant qu’on n’ait encore corrigé, dans aucune édition de ce Dictionnaire, cet article : l’erreur qu’on y fait est capitale, puisqu’elle confond deux papes en un seul. Il est certain qu’il y a eu deux papes du nom de Dieu-Donné, ou Deus-Dedit ; le premier succéda à Boniface IV au commencement du septième siècle, c’est-à-dire, l’an 614 : mais, outre celui-là dont parle Moréri, il y en a eu un second qui succéda à Vitalien environ l’an 669, année de la mort de ce dernier. Moréri a pris cette erreur de Platine et d’Onufre, qui confondent ces deux papes. Mais ce qui m’a surpris, c’est qu’on trouve les deux Dieu-Donné dans la table chronologique des papes à l’article de Rome. C’est ce qui fait voir le peu d’exactitude et d’attention des éditeurs : d’ailleurs le second A-Deo-Datus, ou Dieu-Donné régna sept ans, deux mois, et dix-sept jours ; ainsi le temps de son administration est assez long pour devoir être cité [1]. Il s’est même passé des choses considérables sous son pontificat, qui auraient pu servir d’époque aux historiens. C’est ce pape qui permit aux Vénitiens de se choisir un chef, et de créer un duc.

  1. Dans l’édition de 1725, on distingue fort bien ces deux papes : mais on donne l’article du second au mot Adéodat. On n’y suit pas la chronologie de notre auteur : on dit qu’Adéodat succéda à Vitalien l’an 671, et qu’il mourut le 18 mai de l’an 676, après avoir tenu le siége cinq ans, deux mois, et dix-sept jours. Nouv. Observ.
E.

EGHMONT[a]. Ce n’est pas Parler exactement que de dire que le seul qui reste de l’illustre[b] maison d’Eghmont[c], c’est M. le comte d’Eghmont qui a épousé mademoiselle de Cosnac ; c’est pourtant ce que dit notre éditeur, comme s’il avait visité toutes les provinces de Flandre, pour vérifier si cette grande maison est réduite à la seule personne de M. le comte d’Eghmont qui est en France.

  1. Il eût fallu avertir les éditeurs de corriger cette orthographe : il faut écrire Egmont ; et si l’usage n’autorisait pas Egmont, il faudrait pour le mieux écrire Egmond : les auteurs latins disent Egmonda, Egmondanus comes, etc., Strada ne devait point se servir de Egmontius. (Dans la dernière édition, an mot Eghmont, famille, on renvoie à Egmond, où l’on trouve en effet l’article de cette maison. Ce dernier article est précédé de celui d’Egmont, village, ainsi orthographié, quoique dans l’article suivant on écrive Egmond. Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.
  2. Il y a dans le Moréri que c’est la principale famille de Hollande. Il fallait dire l’une des principales, etc. (Dans l’édition de 1712, et suivantes, on a mis que le village d’Egmond a donné son nom à une principales maisons de Hollande, etc. Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.
  3. On aurait dû avertir les éditeurs qu’on se trompe dans le Moréri, lorsqu’on y dit que le comte d’Egmont, décapité à Bruxelles le 5 de juin 1568, laissa trois fils et onze filles, il fallait dire trois fils et huit filles. (Dans ces mêmes éditions on donne à ce comte trois fils et dix filles. Nouv. Observ.) Il ne fallait pas oublier la date de l’érection d’Egmont en comté, il fallait dire qu’elle fut faite en faveur de Jean d’Egmont par l’empereur Maximilien Ier., l’an 1488. (On n’a rien ajouté là-dessus dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.) Le comte qui fut décapité à Bruxelles méritait un plus long article : on pourra l’augmenter beaucoup, si l’on veut, dans une nouvelle édition ; et l’on fera bien de consulter la dernière Histoire du duc d’Albe. (On n’a point augmenté cet article dans la dernière édition. Nouv. Observ.) M. Moréri n’a suivi que les écrivains ennemis du roi Philippe II. Ce n’est pas remplir le devoir d’un historien ; il fallait consulter les auteurs de chaque parti, et peut-être verrait-on par-là que ce comte n’était pas bien net du crime de lèse-majesté. Il n’est pas hors d’apparence qu’il travaillait adroitement à faire en sorte que Philippe II ne régnât aux Pays-Bas qu’en tant qu’il y enverrait des ordres selon les conseils de la noblesse du pays. Ceux qui aspiraient à cette manière de souveraineté connivèrent aux mutineries de la populace et au pillage des églises. Le comte d’Egmont en fut accusé peut-être avec beaucoup de raison. Rem. de M. Bayle.

ENCYCLOPÉDIE. Ce nom me fait souvenir qu’on a oublié de parler du livre qu’André-Matthieu Aquaviva, duc d’Atri dans le royaume de Naples, fit sous ce titre[1]. La maison Aquaviva a produit de savans hommes.

  1. Dans la dernière édition, au mot Aquaviva, à l’article d’André-Mathieu d’Aquaviva, troisième du nom (c’est ainsi que notre auteur aurait dû le désigner), on marque que ce duc, après s’être trouvé à deux batailles perdues, etc., ayant une inclination particulière pour les savans et pour les lettres, consacra le reste de sa vie à l’étude, et devint même auteur. Mais on ne parle point de son Encyclopédie. Nouv. Observ.

ESPERNAY. L’auteur de la nouvelle édition ne rend pas justice à l’ancienne ville d’Espernay, lorsqu’il n’en fait qu’un bourg. On avait lieu d’espérer qu’il corrigerait sur cet article les premières éditions. Ceux qui voudront être instruits de l’antiquité de cette ville qui est dans la Champagne, n’auront qu’à consulter une lettre adressée au père de Villars, et insérée dans les Mémoires de Trévoux du mois de mai de cette année : mais l’auteur de la lettre impose à celui de la nouvelle édition du Dictionnaire, lorsqu’il lui reproche d’avoir dit qu’Espernay n’est qu’un village ; l’éditeur s’est moins éloigné de la vérité, puisqu’il a donné à ce lieu la qualité de bourg [1].

  1. Dans l’édition de 1725, on a mis Espernay, ville de France dans la Champagne, etc. ; et l’on cite les Mémoires de Trévoux, 1725. Nouv. Observ.

ESPINAY DU RETAL. Cet article généalogique n’est pas exact ; on dit que Richard d’Espinay fut grand-maître et grand-chambellan de Bretagne ; et c’est une erreur, puisque ce fut Robert, père de Richard, qui fut revêtu de ces dignités [1]. On a encore fait une autre faute dans ce même article, lorsqu’on y dit que Guy II d’Espinay épousa Jeanne d’Estouteville : ce n’est pas Guy II qui épousa cette dame, ce fut Henri d’Espinay [2]. Enfin on ne dit pas que Claude d’Espinay, fils de Marguerite d’Espréaux, et qui épousa Jeanne de la Rochefoucauld, laissa outre Françoise, Charles d’Espinay qui épousa Marguerite de Rohan, dont il n’eut point d’enfans, et ainsi ses biens retournèrent à sa sœur [3]. C’est à ceux qui auront soin de la première édition de ce Dictionnaire, à retoucher cet article, conformément à ces remarques.

  1. Dans la même édition on trouve que Robert d’Espinay, premier du nom, fut grand-maître de Bretagne et premier chambellan du duc Jean VI ; que Robert, deuxième du nom, petit-fils (et non pas fils ) de Robert Ier., fils de Robert II, fut chambellan du duc François II. Nouv. Observ.
  2. On y trouve aussi que Guy II épousa Françoise de Villefranche : et qu’Henri épousa Catherine d’Estouteville, Nouv. Observ.
  3. Cela est corrigé dans la dernière édition : mais, au lieu que notre auteur dit Marguerite d’Espréaux, on a mis Marguerite de Scépaux ; on a écrit Durestal au lieu de Du Restal ; et au lieu de Jeanne de la Rochefoucauld, il y a Françoise de la Rochefoucault, On y remarque que Charles étant mort sans enfans, ses biens passèrent à Charles de Schomberg, fils sa sœur. Nouv. Observ.

EST. L’éditeur a varié en parlant de Marie-Éléonor d’Est, aujourd’hui reine d’Angleterre ; on l’a oubliée en certains endroits, et en d’autres elle n’est point dans son rang. Cette princesse est fille d’Alfonse IV, duc de Modène et de Reggio, et de Laure Martinozzy, nièce du feu cardinal Mazarin ; le feu duc de Modène, François II, était son frère : et le duc de Modène d’aujourd’hui, autrefois cardinal d’Est, est son oncle. Ce prince, qui a succédé à son neveu mort sans enfans, est frère du feu duc Alfonse IV. C’est sur ce pied-là qu’il faut retoucher cet article dans les éditions qu’on donnera dans la suite [1].

  1. Cet article est corrigé dans la dernière édition. Nouv. Observ.
F.

FÉLIBIEN. Dans l’article de messieurs Félibien, on a oublié M. l’abbé Félibien, archidiacre de Chartres, qui est frère, si je ne me trompe, de celui qui nous a donné cette belle Histoire des peintres. M. l’abbé Félibien est assez connu dans la république des lettres, pour devoir être cité dans cette occasion. Le Pentateuchus historicus, etc., qu’il a donné depuis quelques mois, devait, ce me semble, lui assurer une place dans un dictionnaire où sa famille en tient une considérable [1].

  1. Dans l’édition de 1725 on trouve l’article de Jacques Félibien, dont il s’agit ici frère d’André Félibien des Avaux. Nouv. Observ.

FRANÇOIS II. Dans l’article de ce prince on met sa naissance sous l’année 1543 (le 20 janvier) ; on voulait dire [a] sans doute 1544 : l’erreur n’est que d’une année ; mais une année est considérable à l’égard d’un prince qui n’en a vécu que seize et quelques mois. Ce prince mourut le 5 décembre 1560. Or depuis le 20 janvier 1543 jusqu’au 5 décembre 1560 on trouverait certainement plus de dix-sept ans [1].

  1. Cette erreur est venue de ce qu’on ne commençait l’année qu’à Pâques, et ainsi le mois de janvier 1543 appartient, selon notre manière de compter, à l’an 1544. Les éditeurs du Moréri doivent être réguliers ou à avertir de la différence du commencement de l’année, ou à réduire les dates au calcul présent. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1707 on mit que François II naquit le 20 janvier 1543, selon l’ancienne manière de compter. Dans celle de 1712 on corrigea la date du jour, et on dit le 19 janvier. Mais ces paroles, selon l’ancienne manière de compter, ont été effacées dans la dernière édition, et on marque que ce prince était né le 19 de janvier 1544. Nouv. Observ.

FURAN est une petite rivière du Bugey qui serpente à une lieue de Belley, et qui se jette dans le Rhône auprès de Pierre-Châtel. L’éditeur la nomme mal le Foran [1].

  1. Comme on n’a point donné d’article particulier de cette rivière dans le Moréri, sous le nom de Foran ou Furan ; notre critique devait marquer l’endroit où cette faute se trouve. Dans l’article Bugey de la dernière édition elle est appelée, le Furan. Nouv. Observ.
G.

GÊNES. En parlant de cette ville et de Jacques Bracelli qui était de Sarzane, dans l’état de Gênes, Moréri et ses continuateurs usent d’une exagération qu’on ne saurait leur pardonner. Jacques Bracelli, disent-ils, laissa aussi un livre des hommes illustres de Gênes, qu’il adressa à Louis de Pise, jacobin, etc. Ces termes conviennent-ils à un petit ouvrage de trois ou quatre pages, et qui est à la suite d’un autre de la même grandeur, qu’il intitula Description de la côte de Gênes, c’est-à-dire du pays qui s’étend depuis le Var jusques à la Macra [1] ? Ce que Foglieta, Justiniani, Léandre Alberti, Fascio, et de Voragine, ont écrit sur le même sujet, est plus étendu. Philippe Béroalde compare le style de Bracelli à celui de César.

  1. Voici comment cela a été changé dans l’édition de 1725 : Jacques Bracelli laissa aussi une petite description de la côte de Gênes, à la suite de laquelle se trouve un petit ouvrage des hommes illustres de Gênes, qu’il adressa à Louis de Pise, dominicain. Ces deux écrits de Bracelli sont insérés dans le premier tome du Trésor des antiquités d’Italie. Nouv. Observ.

GASPARD BARTHIUS. Le célèbre Gaspard Barthius n’était âgé que de soixante-onze ans et trois mois moins cinq jours lorsqu’il mourut ; l’éditeur lui donne cependant un peu plus de soixante-douze ans de vie. Voici la preuve de l’erreur. Barthius naquit le 22 juin de l’année 1587, et il mourut le 17 septembre 1658 ; il n’y a qu’à compter [1]. Cet auteur, si célèbre parmi les savans, a été fort maltraité par Vossius, et il maltraita fort à son tour Scioppius, dont il fut un des plus rudes adversaires. Barthius était un fécond écrivain ; et si on est en droit de lui reprocher quelque chose sur les ouvrages qu’il donnait au public, c’est la facilité avec laquelle il les composait.

  1. Dans la dernière édition on a mis que Barthius mourut le 17 de septembre 1658 ; ce qu’on a tiré de M. Bayle, que l’on cite. Au reste, notre auteur aurait dû parler de Barthius sous la lettre B et non pas sous la lettre G : mais ce mauvais arrangement lui est assez ordinaire. Nouv. Observ.
I.

JACQUES II. Dans tous les articles où il est parlé du feu roi d’Angleterre Jacques II on place sa mort sous l’année 1702 ; il est étonnant qu’à trois ou quatre années de distance d’un événement, on s’y trompe déjà d’une année. Où en serait-on donc si ce prince était mort depuis trente ou quarante ans ? C’est une faute inexcusable, puisque, pour l’éviter, l’éditeur n’avait qu’à prendre le premier almanach qui lui serait tombé sous la main ; il y aurait appris que ce prince mourut en 1701, et il aurait fixé par-là sa chronologie [1].

  1. On a corrigé cette faute dans les dernières éditions. Nouv. Observ.

JUSTIN (Saint). Dans l’article de ce père l’éditeur ne devait pas oublier de dire qu’il fut un des plus grands adversaires d’Aristote. S’il avait consulté le septième livre d’Eusèbe, et la Bibliothéque des auteurs ecclésiastiques de saint Jérôme, il eût pu voir avec quelle ardeur [a] ce père de l’église se déchaîna contre le prince des philosophes. Il publia un Traité lequel il réfutait plusieurs dogmes de la philosophie d’Aristote, et où il faisait voir les conséquences pernicieuses qu’on en pouvait tirer [1]. En parcourant les siècles, on en trouverait peu qui n’aient fourni des adversaires de la philosophie péripatéticienne : il est vrai que tous ceux qui l’ont attaquée n’ont pas également réussi à la décrier ; il semble qu’il était réservé à [b] M. Descartes de lui porter les plus rudes coups.

  1. Tout ceci a besoin d’un correctif ; car, 1°. il eût fallu indiquer de quel ouvrage d’Eusèbe le septième livre devait être consulté, si c’était de l’Histoire Ecclésiastique, ou de la Préparation Évangélique, ou de la Démonstration Évangétique ; 2°. Dans le dénombrement qu’Eusèbe nous a laissé des livres de saint Justin, au chap. 18 du 4e. livre de l’Histoire Ecclésiastique, on ne voit nulle mention d’aucun traité contre Aristote ; 3°. La Bibliothéque des auteurs ecclésiastiques de saint Jérôme ne fait non plus aucune mention d’un pareil Traité de saint Justin ; 4°. Le traité contre Aristote, qui paraît parmi les Œuvres de saint Justin, passe pour supposé. Voyez la Bibliothéque de M. du Pin, dans l’article de ce père de l’église. Rem. de M. Bayle.
  2. M. Descartes s’est peu attaché à réfuter en détail le système des péripatéticiens : le mal qu’il lui a fait vient de ce qu’il a posé d’autres principes qui ont dégoûté de la philosophie de l’école. C’est Gassendi qui a fait voir que des attaques en forme la fausseté des doctrines des péripatéticiens. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1712 et suivantes on trouve seulement que Photius fait mention, de quelques Traités de Justin, contre Marcion et contre Aristote. Nouv. Observ.
L.

LE FÉRON. Dans cet article on dit que feu madame la duchesse de Chaulnes n’avait ni frères ni sœurs, en un mot, qu’elle était fille unique. M. le marquis de la Frète, qui vit encore aujourd’hui, ne conviendrait pas de cette proposition [1].

  1. Dans la dernière édition, au mot Féron, il y a qu’Élisabeth le Féron, mariée en secondes noces au duc de Chaulnes, était fille unique de Dreux le Feron. On ajoute que sa mère, Barbe Servien, s’était remariée à Pierre de Gruel, seigneur de la Frette… et en laissa des enfans. Nouv. Observ.

LE JAY. Cet article est défectueux, en ce que le nom de Catherine de la Boutière qui vient de mourir, et qui avait épousé feu Nicolas Le Jay » baron de Tilly, et de la Maison-Rouge, et conseiller au parlement de Paris, mort en 1700, est estropié : on l’écrit N..... de la Boutire [1]. D’ailleurs on met dans le même article la mort de feu M. Le Jay, évêque de Cahors, en 1679 ; on ne se trompe sur ce dernier article que d’environ douze ans, puisqu’il n’y a que ce temps-là que feu M. Le Jay qui succéda en l’évêché de Cahors à M. de Noailles, aujourd’hui cardinal et archevêque de Paris, est mort [2].

  1. Dans l’édition de 1725 on trouve tout au long Catherine de la Boutière. Nouv. Observ.
  2. Dans cette édition on marque que Henri-Guillaume Le Jay, nommé évêque de Cahors en 1679, mourut en 1693 : et dans l’article du cardinal de Noailles on dit qu’il fut nommé l’an 1679 à l’évêché de Cahors, et transféré à Châlons-sur-Marne l’an 1680. Nouv. Observ.

LODI. Dans l’article de Lodi, ville d’Italie, on ne parle point de l’Histoire qu’Othon Moréna a composée sur ce sujet, et qu’Acerbus Moréna son fils a continuée [1]. Cet ouvrage est, à proprement parler, l’histoire de ce que Frédéric Barberousse fit en Lombardie depuis 1154 jusqu’en 1168, principalement par rapport à la ville de Lodi. Les deux Moréna moururent avant ce prince ; ainsi ils ne purent pas pousser leur histoire plus loin. Ils étaient tous deux dans le parti de Frédéric ; d’où l’on peut légitimement conclure qu’ils n’ont pas écrit d’une manière tout-à-fait désintéressée. C’est sans doute ce qui a obligé Baronius à les maltraiter dans ses Annales ecclésiastiques : il en parle avec des termes très-désobligeans ; mais ce cardinal était encore plus partial pour le pape que les Moréna ne l’étaient pour l’empereur, quoiqu’ils écrivissent pour ainsi dire sous ses yeux. Ce qu’il y a d’avantageux pour ces deux auteurs, c’est qu’ils n’écrivirent que ce qu’ils avaient [a] vus. Leur latinité est de la nature de celle du douzième siècle, c’est-à-dire, très-mauvaise. Félix Osio, professeur de rhétorique à Padoue, a fait de longues notes sur cette histoire, qui méritent d’êtres lues.

L’éditeur donne un article de Moréna ; mais il dit d’une manière très-confuse qu’Othon Moréna composa l’Histoire de Frédéric Barberousse, et que son fils l’acheva. Cela est absolument faux, puisque cet empereur leur survécut : d’ailleurs cet ouvrage est plus l’Histoire des guerres de Lodi que celle de cet empereur. On appelle ordinairement histoire, le détail des actions d’un homme, depuis le commencement de sa vie jusqu’à sa mort. Or les Moréna n’ont pas pu écrire le détail des actions de Frédéric Barberousse depuis sa naissance jusqu’à sa mort, puisqu’ils moururent tous deux avant cet empereur [2].

  1. Il fallait dire qu’ils avaient vus. Ceci n’est point une faute d’impression, mais un barbarisme de province tel que plusieurs autres marques ci-dessus, pag. 393 et 396. Rem. de M. Bayle.
  1. On ne parle point de l’Histoire de Moréna, dans la dernière édition, mais seulement de celle de Defendente Lodi. Elles est intitulée, Discorsi Istorici intorno la Città di Lodi, et a été imprimée à Lodi en 1629, in-4o. Nouv. Observ.
  2. Dans cette édition [celle dont il est question dans la note 1] à l’article Moréna, on dit qu’Othon Moréna commença l’histoire de ce que l’empereur Frédéric Barberousse fit en Lombardie depuis 1154 jusqu’en 1168, principalement par rapport à la ville de Lodi ; et qu’Acérus Moréna, son fils, acheva ce que le père n’avait pu finir. Cette histoire est insérée dans le troisième tome du Trésor des Antiquités d’Italie, Nouv. Observ.

LE MERCIER. L’éditeur ne s’explique pas d’une manière assez exacte au sujet de Jean Le Mercier, professeur royal en langue hébraïque à Paris, lorsqu’il dit que ce savant homme traduisit du grec en latin Harménopule. À en juger par ces mots, il n’est personne qui ne croie que Le Mercier a traduit tous les ouvrages de cet auteur grec ; il est pourtant certain qu’il n’en a traduit que le Prochiron ou Promptuarium juris civilis. Ceux qui ne connaîtraient les ouvrages d’Harménopule que sur l’idée qu’en donnent Moréri ou ses continuateurs ne douteraient pas un moment, au langage qu’ils tiennent, que Le Mercier ne les eût tous traduits parce qu’ils ont tous été assemblés dans un seul corps [1].

  1. Notre auteur « tiré cette remarque de la Réponse aux questions d’un provincial, tom. I, chap. LIII, pag. 482 et suiv. Dans l’édition de 1725 on trouve que Jean le Mercier traduisit de grec en latin, lorsqu’il étudiait en droit à Avignon, le Prochirum ou Promptuarium juris civilis d’Harménopule. Nouv. Observ.

LEYME. Ce mot était bien dans les premières éditions, et on l’a altéré dans celle-ci en mettant Leyne au lieu de Leyme : c’est une abbaye de filles qui est dans le diocèse de Cahors, dont il est parlé dans l’article Noailles, au sujet de Françoise de Noailles, grand’tante de M. le maréchal et de M. le cardinal de Noailles, qui la possédait et qui est morte depuis peu [1].

  1. Dans la dernière édition, au mot Noailles, à l’article de Henri, seigneur de Noailles, comte d’Ayen, etc., on a mis Leime. Nouv. Observ.

LORRAINE. Dans l’article de Lorraine l’éditeur a fait une faute bien grossière : il y fait Catherine de Bourbon [a], sœur du roi Henri IV, et épouse de Henri, duc de Bar, mère des princesses Nicole et Claude de Lorraine[b], la première épouse de Charles, qui fut ensuite duc de Lorraine ; et la seconde, de François de Vaudemont, grand-père de M. le duc de Lorraine d’aujourd’hui. Ces deux princes, qui étaient frères, étaient cousins germains de ces deux princesses, qui étaient filles de Henri, duc de Bar et ensuite de Lorraine, et de sa seconde femme ; car Catherine de Bourbon, sa première femme, ne demeura que six mois avec lui : la diversité de religion les brouilla, et les porta à une séparation ; Catherine mourut en 1604[1].

Dans ce même article l’éditeur se trompe dans la liste des ducs de Lorraine. Le Gérard, qui mourut en 1048, ne fut jamais marchis de Lorraine, comme il est marqué dans la nouvelle édition ; ce fut son second fils Gérard qui le fut par son mariage avec Hedwige, héritière du comté de Namur, que sa mère Hermengarde lui avait laissé[2].

  1. Il y a ici un arrangement de paroles que les éditeurs du Moréri ne doivent pas éviter avec moins de soin que les fautes que notre auteur marque. La première pensée qui vient aux lecteurs est que la faute qu’on veut indiquer ici consiste en ce que l’éditeur du Moréri a prétendu que Catherine de Bourbon était sœur du roi Henri IV. Cependant ce n’est point une faute que l’on ait voulu indiquer, on a voulu dire que l’éditeur a prétendu faussement que Catherine de Bourbon était mère des princesses Nicole et Claude. On eût évité le désordre si l’on avait dit, il y suppose que Catherine de Bourbon, sœur, etc., était mère, etc. Rem. de M. Bayle.
  2. Ceci est contraire à la netteté du style : il eût fallu, dont la première fut épouse, etc. Rem. de M. Bayle.
  1. Cela est corrigé dans l’édition de 1725, pag. 209, col. 1. Nouv. Observ.
  2. Dans cette édition, pag. 207, col. 2, Gérard, mort en 1048, est nommé comte et marchis d’Alsace ; et Gérard son fils, duc et marchis de Lorraine. Nouv. Observ.

LE TASSE. Le nom de l’historien de ce poëte est estropié ; l’éditeur l’écrit Decharné, au lieu de de Charnes : c’est le doyen de Villeneuve-lez-Avignon, homme distingué par l’amour qu’il a pour les belles-lettres, et par les ouvrages qu’il a donnés depuis quelques années au public : il travaille actuellement à la Vie de Pétrarque ; mais ce que l’éditeur aurait pu ajouter à son article et qui l’aurait bien embelli, c’est que Jean-Baptiste Pigna, qui a fait l’Histoire des princes d’Est, dont il était domestique, était cet ennemi du Tasse dont celui-ci se plaint en diverses occasions sans le nommer, et duquel il a fait le portrait, et décrit les mœurs, d’une manière si spirituelle dans son Aminte, sous le nom de Mopse. Cette remarque n’a pas été faite dans le commentaire que M. Ménage donna sur l’Aminte, non plus que dans la Vie du Tasse, de l’abbé de Charnes ; je la dois à l’auteur des Essais de Littérature, qui donna un extrait de l’Histoire de ce poëte dans son[a] Essai de juin et juillet 1703[1]. M. Bayle qui n’a dit que deux mots du Tasse, dans la première édition de son Dictionnaire critique, avait promis d’en augmenter l’article dans la seconde édition, il n’a pas tenu sa parole ; je le somme de la part des savans de satisfaire à son engagement dans le supplément de ce même Dictionnaire, qu’on écrit de Hollande qu’il va publier.

  1. N’ayant point lu cet Essai, j’ignore si l’auteur cite quelque écrivain qui lui eût appris cette particularité concernant Jean-Baptiste Pigna : s’il n’a cité personne, les éditeurs du Moréri seraient très-blâmables d’insérer cette particularité-là dans l’article du Tasse : ils ont sujet de se défier comme d’une invention romanesque de tout ce qui est débité sans preuve dans les Essais de Littérature. Rem. de M. Bayle.
  1. On ne parle point du Pigna dans l’article du Tasse de la dernière édition. On a bien écrit le nom de l’abbé de Charnes. Dans les Mémoires de Littérature, de M. de Sallengre, tom. I, pag. 184, il est nommé M. de Charner. C’est, sans doute, une faute d’impression. Nouv. Observ.

LUCIEN. On remarque sans peine que l’éditeur a voulu corriger le langage de Moréri sur la Métamorphose, ou l’Âne d’or d’Apulée ; cependant il n’a pas rendu le sien assez exact dans cette occasion, car dire que l’Âne d’or est une paraphrase du même sujet que Lucien avait pris dans Lucius de Patras, auteur d’un livre de Métamorphoses, ou transformations, dont parle Photius, n’est point une locution exacte ; et ce n’est pas dire que Lucius de Patras avait été abrégé par Lucien et paraphrasé par Apulée : c’est ainsi cependant que cet article devait être réformé[1]. De même, en parlant d’Apulée de Madame[2], devait-on oublier dans l’énumération de ses ouvrages, les lettres à Corellia, qui sont à la vérité écrites dans un style fort libre, et ses autres traités de Republicâ, de Numeris, de Musicâ, et ses Ludicra, dont il parle lui-même dans son Apologie[3] ? C’est[a] un poëme assez ingénieux[4].

  1. Il y a beaucoup d’apparence que le Ludicra d’Apulée était au recueil de diverses pièces dont quelques-unes étaient en vers, et les autres en prose. Il dit qu’on lui avait objecté une lettre contenue dans ce recueil, laquelle était en vers, et traitait du soin de tenir ses dents bien nettes, de Dentifricio. Cela ne prouve point que le Ludicra fût un poëme. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur a tiré cette remarque de M. Bayle, à l’article d’Apulée, rem. M. On n’a rien changé dans la dernière édition du Moréri, excepté qu’au lieu de dire que Lucien avait pris dans Lucius de Patras, on a mis pris de Lucius de Patras ; mais Lucius de Patras était bien. Nouv. Observ.
  2. De la manière dont notre auteur s’exprime, on pourrait croire qu’Apulée de Madaure est différent de l’Apulée dont il a parlé : c’est pourtant le même. Nouv. Observ.
  3. On n’a rien ajouté là-dessus dans cette édition. Nouv. Observ.
  4. Notre critique ayant trouvé dans M. Bayle ces paroles d’Apulée, legerunt à Ludicris meis epistolium de Dentifricio, versibus scriptum, s’est imaginé que le Ludicra d’Apulée était un poëme ; et, quoique nous n’ayons plus cet ouvrage, il en parle néanmoins comme s’il l’avait lu, et nous assure que c’est un poëme assez ingénieux. Nouv. Observ.

LUCIUS BRUTUS. Moréri a suivi l’autorité de Denys d’Halicarnasse, préférablement à celle de Tite-Live, au sujet de ce généreux citoyen romain. Denys d’Halicarnasse le fait fils d’une fille de Tarquinius Priscus, roi de Rome, qui était sœur[a] de Tarquin, au lieu que Tite-Live le fait fils de Tarquinia, sœur du dernier Tarquin. M. Bayle démontre avec une évidence à laquelle on ne peut pas résister, que le sentiment de Denys d’Halicarnasse en cette occasion est insoutenable, et qu’il faut nécessairement suivre celui de Tite-Live ; j’y renvoie le lecteur[1].

  1. Ceci est fort obscur ; car de quel Tarquin faut-il entendre que la fille de Tarquinius Priscus était sœur ? est-ce du dernier Tarquin ? mais en ce cas-là l’opinion de Denys d’Halicarnasse, que notre auteur rejette, ne serait point différente de celle de Tite-Live qu’il veut qu’on suive ; et il faudrait prétendre que Tarquinius Priscus était père du dernier Tarquin, ce qui est insoutenable, comme Denys d’Halicarnasse l’a démontré. Le Tarquin dont on dit ici qu’il était frère de la mère de Brutus, laquelle on fait fille de Tarquinins Priscus, serait nécessairement fils de Tarquinius Priscus ; mais l’histoire ne nous marque rien d’un tel fils, sinon qu’il mourut avant son père, et qu’il laissa deux fils. Voyez Denys d’Halicarnasse au commencement du livre 4. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1712 et suiv. on a mis que Lucius Junius Brutus était fils d’une sœur de Tarquin, roi de Rome, et neveu de Tarquin le Superbe. Nouv. Observ.

LYCURGUE. On a fait quelque changement à cet article, j’en conviens, et il n’est pas si défectueux qu’il l’était dans le supplément du Dictionnaire ; mais enfin il n’est pas encore exact : car il me semble qu’on ne distingue pas deux Lycurgue ; l’un orateur athénien, fils de Lycophron, et petit-fils d’un autre Lycurgue que les trente tyrans firent mourir ; et l’autre, législateur de Lacédémone. Ces deux personnages furent tout-à-fait différens, et c’était une faute grossière de les confondre, comme avait fait [a] l’auteur du supplément ; mais enfin ne trouvant dens la nouvelle édition [b] qu’un Lycurgue, cela marque encore la disposition où est l’éditeur de les confondre [1].

L’auteur du supplément avait bien fait des bévues dans cet article : une des principales est qu’en détruisant les paroles de Plutarque il faisait dire à cet auteur que Lycurgue chassa tous les fainéans et tous les vagabonds, au lieu que le mot grec rendu par celui de maleficus veut simplement dire qu’il chassa tous les malfaiteurs. Il le fait ensuite vainqueur dans les jeux qui se célébraient en présence du peuple, et Plutarque n’en dit pas un seul mot. Il fit plusieurs autres fautes grossières qui me persuadent que cet auteur n’était pas un grand grec. M. Faydit, en parlant de de Lycurgue dans son nouveau livre [* 1], doute [c] qu’il y ait eu deux Lycurgue, et il semble qu’il confonde le roi de Thrace avec celui de Lacédémone. Enfin, après avoir marqué beaucoup d’incertitude sur ce sujet, il renvoie son lecteur à Moréri. Cette autorité ne devrait pas être d’un grand poids pour un auteur aussi fier que M. Faydit le paraît dans ses ouvrages.

  1. (*) Remarques sur Virgile, etc.
  1. Cette accusation n’est pas bien fondée. Moréri avait donné l’article de Lycurgue, législateur de Lacédémone. Puis donc que l’auteur du supplément donna l’article de quelques autres Lycurgue, et nommément celui de Lycurgue, orateur athénien (qualité sous laquelle il le fit connaître dès la première ligne), il n’a point confondu le législateur de Lacédémone avec l’orateur d’Athènes. Rem. de M. Bayle.
  2. N’ayant pas cette nouvelle édition, je me contente de dire qu’il y a plusieurs Lycurgue dans l’édition de Paris, 1699, et que le législateur de Lacédémone y est distinct visiblement de l’orateur athénien. Il y a été mis à sa place entre les autres Lycurgue. Mais, dans l’édition d’Amsterdam, 1698, il y a plus de 50 pages entre ceux-ci et Lycurgue le législateur ; et notez que l’un de ceux-ci y est mal nommé Lycurge, faute qui a été réparée dans l’édition de Paris, 1699. Rem. de M. Bayle.
  3. J’ai cherché dans ce livre de M. Faydit la page nécessaire, et, sans avoir été aucunement secouru par la table des matières, j’ai trouvé que c’est page 540. Je n’y ai point vu la faute que l’on marque ici, c’est-à-dire, le doute qu’il y ait eu deux Lycurgue. M. Faydit ne condamne point les auteurs qui distinguent le Lycurgue, roi de Thrace, d’avec celui de Lacédémone ; il dit seulement qu’ils avouent tous que ces deux Lycurgue ont vécu plus de trois cents années après la ruine de Troie : c’est sur cela qu’il nous renvoie à Moréri, et puis il conclut « qu’il y a de l’impertinence à Virgile d’avoir fait dire à Enée, parlant à Didon, qu’il avait passé le royaume des Thraces où le sévère Lycurgue avait régné autrefois dans des vieux temps.

    « Thraces arant, acri quondam regasta Lycurgo. »

    Mais 1°., on ne trouve point dans le Moréri que Lycurgue, roi de Thrace, ait vécu après la guerre de Troie. On n’y voit rien de précis touchant le temps de ce roi. On y trouve seulement de quoi conclure qu’il a vécu au temps fabuleux. 2°. Il est sûr que les anciens qui ont parlé de ce prince l’ont fait vivre avant la guerre de Troie. Homère, dans le VIe. livre de l’Iliade, introduit Diomède (l’un des capitaines grecs au siége de Troie), qui raconte comme une vieille histoire la punition de ce Lycurgue pour avoir chassé Bacchus. Apollodore, au livre 3 de Bibliothéque, pag. m. 175, marque de telle sorte les aventures de Bacchus par rapport à Lycurgue, roi de Thrace, qu’il s’ensuit manifestement que ce Lycurgue a précédé de plusieurs générations la guerre de Troie. Voilà qui justifie Virgile, et qui demande réparation de l’injure qu’il a reçue. Je serais fort curieux de savoir le nom des auteurs qui ont avoué que Lycurgue, roi de Thrace, a vécu plus de trois cents années après la ruine de Troie. Je n’en connais aucun qui ait dit cela. Au reste, l’article de ce roi de Thrace est encore bien défectueux dans le Moréri. Il y manque beaucoup de choses qui y doivent être, et l’on y a cité seulement Plutarque et Properce qui ne disent presque rien de ce que l’on a raconté. Rem. de M. Bayle.

  1. L’édition de 1707 distingue fort bien tous les Lycurgue ; et il y lieu de croire qu’il en est de même de celle de 1704. Nouv. Observ.
M.

MARTIN AKAKIA. Moréri et ses continuateurs ont fait une lourde faute sur la patrie de ce médecin ; l’on a traduit le mot Catalaunensis, par Catalan, au lieu de Châlonais (si du moins on peut dire ce dernier mot). S’ils avaient bien lu Quenstet, dans son livre de Patriis viror, où ils nous renvoient, ils n’auraient pas fait cette cruelle méprise [1]. J’espère que ces remarques empêcheront qu’on se méprenne dans les éditions suivantes, sur la patrie du chef d’une famille qui est très-considérable dans l’école de médecine de Paris.

  1. Cette remarque est prise de M. Bayle. Dans l’édition de 1725 on trouve qu’Akakia naquit à Châlons-sur-Marne. Nouv. Observ.

MATTHIEU BOSSULUS. Il est différent d’un autre Jean Bossulus aussi Français de nation, et qui l’a précédé de plus d’un siècle, mais qui comme lui a été fort oublié dans sa nation. M. Bayle s’était fort plaint que Matthieu fût si peu connu dans la république des lettres, quoiqu’il eût joué un si grand rôle dans le monde. Il avait été précepteur de don Carlos, fils de Philippe II, roi d’Espagne : il avait enseigné auparavant la rhétorique dans l’académie de Valence. Ces marques d’honneur ne l’ont cependant pas tiré de l’oubli ; et, malgré les tendres sollicitudes de M. Bayle, il y est resté. Qui eût cru que M. Vaultier, qui s’intéresse si fort pour la gloire de sa nation, eût négligé d’informer la postérité que la France avait donné à la cour d’Espagne un homme de cette conséquence ? On a cru que la cause de cet oubli venait de ce qu’il n’avait point fait de livres. Si on ne peut avoir l’immortalité qu’au prix de la qualité d’auteur, en vérité, il faut avouer qu’il serait souvent plus avantageux de rester enseveli dans la poussière avec le commun des hommes, et d’être du nombre de ceux dont le nom ne passe pas la première génération [1].

  1. Dans la dernière édition du Moréri on trouve un bon article de Bossulus ; on y a profité du Dictionnaire de M. Bayle, dont notre auteur n’est ici que le copiste. Nouv. Observ.

MAZZOLIN. L’éditeur a adopté la faute qui a [a] passée dans toutes les éditions au sujet de Sylvestre Mazzolin, dit Prierio ou Prierias : ce [b] général des dominicains ne mourut pas à Rennes en Bretagne le 20 d’octobre de l’année 1520, puisqu’il dédia son livre de Strigi-Magarum Dæmonumque mirandis, au cardinal Augustin Trivulce, le 1er. mars de l’année 1521. Je ne suis pas surpris si les éditeurs ont copié cette faute les uns des autres, puisqu’il n’y en a pas un seul qui parle de cet ouvrage, lequel aurait servi à redresser leur chronologie. Je crois qu’on a pris François Sylvestre, aussi général des dominicains, pour celui-ci. Le François mourut à la vérité dans le cours de ses visites à Rennes en Bretagne ; mais quand ces deux généraux, qui sont fort différens, ne seraient qu’une même personne, l’erreur n’en serait pas moins grossière, puisque François Sylvestre ne mourut pas en 1520, mais en 1528. Ainsi quand la chose serait comme l’a supposé l’éditeur, ce serait toujours un anachronisme de huit années [1].

  1. Il fallait dire qui a passé, ou qui est passée. Voyez ci-dessus la remarque (a) sur l’article Actor ; la remarque (b) sur l’article Beaupoil ; et la remarque (a) sur l’article Bellay. Rem. de M. Bayle.
  2. On a lieu de croire que Silvestre Priérius n’a jamais été général des dominicains. Rem. de M. Bayle.
  1. Tout ceci est encore pris de M. Bayle, Réponse aux questions d’un provincial, tom. I, chap. LXVI, pag. 618 et suiv. Dans le Moréri de 1725, on a donné l’article de Silvestre de Priéro au mot Mozolino, sur ce que les pères Quetif et Echard en ont dit dans leur Bibliothéque des auteurs dominicains. Mozolino mourut à Rome en 1523, étant alors maître du sacré palais. Il n’a point été général des dominicains. On trouve dans les pères Quétif et Echard l’article de François Silvestre, général des dominicains, mort à Rennes le 19 de septembre 1528, âgé de cinquante-quatre ans. Cet article n’est point dans la dernière édition du Moréri, où l’on fera bien de corriger ce renvoi : « silvestre dit de Priério, général des dominicains ; cherchez Mozolin : » il faut effacer ces mots général des dominicains. Il y a aussi une faute à corriger dans l’article Mozolino : les imprimeurs ont mis Edouard Brow, au lieu d’Édouard Brown. Nouv. Observ.

MÉDICIS. Dans l’énumération que l’éditeur fait des auteurs qui ont écrit la vie, ou qui ont parlé du célèbre marquis de Marignan, Jean-Jacques de Médicis, qui était frère du pape Pie IV, il est surprenant qu’il ne parle point de l’Histoire Cisalpine d’Erycius Puteanus, ou plutôt de l’histoire des actions de Jean-Jacques de Médicis autour du lac de Côme. Erycius Puteanus est si connu dans la république des lettres, qu’on a lieu d’être surpris que Moréri et ses continuateurs ne le nomment point parmi les historiens du marquis de Marignan. L’histoire de Jean-Jacques de Médicis qu’il a composée finit à la malheureuse journée de Pavie, où François Ier. fut pris prisonnier par les Espagnols, et conduit à Madrid. En un mot, Erycius Puteanus était le principal auteur qui devait être consulté pour avoir des mémoires sûrs et fidèles sur la vie du célèbre marquis de Marignan, puisqu’il est celui qui en a été le mieux instruit, et qui en a plus su de circonstances secrètes [1].

D’ailleurs dans l’article d’Eryctus Puteanus, en parlant de ses ouvrages l’éditeur ne dit rien de celui-ci [2]. Galéasse Capella a fait une petite histoire qui ne contient que cinq pages, et qui peut servir de supplément à celle du marquis de Marignan, écrite per Erycius Puteanus : aussi elles ont été imprimées ensemble : cette dernière est une relation de la guerre de Muzzo ; petite ville sur le bord occidental du lac de Côme. Le marquis de Marignan fut, à proprement parler, l’auteur de cette petite guerre : il y gagna la ville de Marignan, une grosse somme d’argent, et le titre de marquis. Ce supplément a été oublié de même que l’ouvrage auquel il sert d’addition [3].

  1. Dans la dernière édition, au mot Médicis, MédiciMédiquin (Jean-Jacques), marquis de Marignan, on cite Erycius Puteanus, Hist. Cisalpine. Cette histoire trouve dans le troisième tome du Trésor des antiquités d’Italie. Nouv. Observ.
  2. Dans cette édition, à l’article Puy (Henri du), ou Erycius Puteanus, on ne donne pas la liste des ouvrages de cet auteur : on marque seulement en général, qu’il a laissé un très-grand nombre de traités d’histoire, de rhétorique, de mathématique, de philosophie et de philologie, dont on peut voir le dénombrement dans la Bibliothéque des auteurs du Pays-Bas, de Valère André. Nouv. Observ.
  3. On n’a pas encore fait entrer cette particularité dans l’article du marquis de Marignan, ni parlé de l’ouvrage de Galéasse Capella de Bello Mussiano, que M. Grævius a inséré dans le troisième tome de son Trésor des antiquités de l’Italie. Nouv. Observ.

MILLET. Ce nom a été altéré dans cette édition, où l’on a mis Milet pour Millet ; et cette faute est particulière à cette édition, puisqu’elle n’est pas dans les autres. Il est important de la relever, afin qu’on l’évite dans les autres éditions. Quand je dis important, c’est par rapport à un des plus grands mathématiciens du siècle passé, qui a porté ce nom. Je parle de Claude-François Millet de Chales, de la compagnie de Jésus, qui d’ailleurs était d’une des plus considérables maisons de Savoie, laquelle a donné des archevêques à la Tarentaise, des premiers présidens à la chambre des comptes de Chambéri, et plusieurs autres personnes constituées en dignité [1].

  1. Dans l’édition de 1725 on trouve : « Milet de Chales (Claude-François), jésuite, voyez Chales : » et sous Chales, il y a Chales (Claude-François Millet de), jésuite, etc. Nouv. Observ.

MILTON. Cet article n’est pas assez exact. L’éditeur nous aurait donné une juste idée de cet auteur, s’il nous avait appris ses véritables sentimens sur la religion. Milton, qui écrivit tant pour justifier l’attentat que ses compatriotes formèrent contre la vie de l’infortuné Charles Ier. leur roi, était un homme sans religion. Il en professa plusieurs à la vérité, mais il ne faisait que voltiger sur la surface de chacune : car il fut d’abord de la religion anglicane ; trouvant ensuite la secte des puritains, qui sont de rigides calvinistes qui s’élevèrent en Angleterre en 1565, plus à son gré, il l’embrassa. La même légèreté qui lui avait fait abandonner la religion anglicane, lui fit aussi abandonner la secte des puritains pour suivre celle des anabaptistes. On crut alors Milton tout-à-fait fixé, mais on se trompa : la déclaration qu’il fit à la mort, qu’il n’était attaché à aucune religion, le découvrit enfin pour ce qu’il était, c’est-à-dire, pour un impie déterminé [a].

Milton était un très-mauvais poëte, et encore plus mauvais orateur : ses poésies sont pitoyables ; les lois de la quantité y sont violées presqu’à tous les vers ; on sent, en les lisant, que c’est l’ouvrage d’un écolier ; ainsi il n’avait pas besoin de nous en avertir, on le reconnaît assez en le parcourant. Quelques auteurs ont prétendu qu’il n’avait pas écrit l’Apologie du peuple d’Angleterre, et qu’il n’avait fait que prêter son nom à l’ouvrage d’un maître d’école français qui enseignait alors les enfans à Londres [1].

Les deux poëmes de Milton [b] les plus supportables sont en vers non rimés ; le premier est intitulé, le Paradis perdu ; le second, le Paradis recouvré. Le premier est beaucoup meilleur que le second : c’est ce qui a donné lieu à quelques personnes de dire que l’on trouve bien Milton dans le Paradis perdu ; mais non pas dans le Paradis recouvré. Saumaise fut le grand [c] adversaire de Milton, il le décrédita beaucoup.

  1. Notre auteur ne devait pas se contenter d’avertir l’éditeur du Moréri que ces choses manquent à l’article de Milton : il devait aussi lui indiquer les sources des preuves, car l’une des lois les plus essentielles qu’un auteur de Dictionnaire historique doive suivre est de ne rien avancer sans citer des autorités. Rem. de M. Bayle.
  2. Il faut savoir que ces deux poëmes sont en anglais, et qu’ils passent pour des chefs-d’œuvre. Rem. de M. Bayle.
  3. Ceci est trop vague : Saumaise, ayant fait une apologie pour Charles Ier., fut réfuté par Milton. Il travailla à une réplique qui n’a été imprimée que long-temps après sa mort. Il est donc certain qu’il n’a publié quoi que ce soit contre Milton. Cela suffit il a pouvoir dire qu’il fut son grand adversaire ? Rem. de M. Bayle.
  1. Quoique notre auteur eût sous les yeux le Dictionnaire de M. Bayle, où il y a un très-bon article de Milton, il n’a pas laissé de lui attribuer des sentimens dont il était infiniment éloigné. Au lieu de les rapporter tels qu’ils étaient en eux-mêmes, il en a jugé selon ses préjugés, et les à ensuite qualifiés selon le jugement qu’il en portait. Ce n’est pas faire la fonction d’historien, mais de controversiste ou de déclamateur. Il y ajoute même de son chef des circonstances absolument fausses. Venons au fait. M. Bayle, parlant de la religion de Milton, dit après son historien, que la secte qui lui plaisait davantage dans sa jeunesse était celle des puritains ; mais, ajoute-t-il, dans son âge viril celle des indépendans et celle des anabaptistes lui devinrent plus agréables, parce qu’elles accordent plus de liberté que les autres à chaque particulier, et qu’il lui semblait que leur pratique s’accordait mieux avec celle des premiers chrétiens. Enfin, quand il fut vieux, il se détacha de toute sorte de communions, et ne fréquenta aucune assemblée chrétienne, et n’observa dans sa maison le rituel d’aucune secte. Quant au reste, il faisait paraître et par ses actions et par ses paroles un profond respect pour Dieu. Ces particularités ont changé de forme et de nature en passant par les mains de notre auteur. Milton, dit-il, était un homme sans religion ; il en professa plusieurs à la vérité, mais il ne faisait que voltiger sur la surface de chacune ; il fut d’abord de la religion anglicane ; trouvant ensuite la secte des puritains..…. plus à son gré, il l’embrassa. La même légèreté qui lui avait fait abandonner la religion anglicane lui fit aussi abandonner la secte des puritains pour suivre celle des anabaptistes. On crut alors Milton tout-à-fait fixé, mais on se trompa : la déclaration qu’il fit à la mort, qu’il n’était attaché à aucune religion, le découvrit enfin pour ce qu’il était, c’est-à-dire, pour un impie déterminé. Rien n’est plus faux que l’idée qu’on donne ici de Milton, comme d’un homme sans religion, d’un impie déterminé. Les ouvrages qu’il a publiés réfutent évidemment cette calomnie. La déclaration qu’on lui fait faire à sa mort, qu’il n’était attaché à aucune religion, est encore une insigne fausseté. Comment notre auteur a-t-il eu le front d’avancer une chose sur laquelle toute l’Angleterre peut lui donner le démenti ?

    Il ajoute que Milton était un très-mauvais poëte, et encore plus mauvais orateur ; que ses poésies sont pitoyables, et que quelques auteurs ont prétendu qu’il n’avait pas écrit l’apologie du peuple d’Angleterre, et qu’il n’avait fait que prêter son nom à l’ouvrage d’un maître d’école français. Il a trouvé tout cela dans M. Bayle, qui l’a tiré de la Réponse de Saumaise à Milton ; mais M. Bayle a remarqué que c’étaient des contes dont quelques flatteurs berçaient Saumaise. C’étaient toutes fables, dit-il, que je suis bien aise de rapporter, afin de faire en sorte que les auteurs apprennent à n’ajouter point foi aux médisances dont on leur remplit la tête contre leurs antagonistes. On croit faire sa cour par-là à un homme, et l’on est cause qu’il publie cent sottises. Cette remarque n’a produit aucun effet sur l’esprit de notre critique : il n’a pas laissé de débiter gravement toutes ces sottises.

    Dans les dernières éditions du Moréri on a corrigé l’article de Milton sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais il n’est pas encore exempt de fautes. J’en remarquerai ici quelques-unes. 1°. Ou nomme la première femme de Milton Marie Pouvel, il faut Marie Powel. 2°. On donne au livre attribué à Charles Ier., le titre d’Icon regia, il fallait dire Icon Basilikê. 3°. M. Bayle remarque qu’il se tint caché lorsqu’on rappela Charles II. Il ne se montra qu’après la proclamation de l’amnistie. Il obtint, ajoute M. Bayle, des lettres d’abolition, et ne fut soumis qu’à la seule peine d’être exclus des charges publiques. Dans le Moréri on a mis qu’il obtint du roi Charles II des lettres d’abolition, sans être soumis à autre peine qu’à l’exclusion des charges publiques. Mais ce n’était pas là l’affaire du roi, mais du parlement. Il est vrai que l’auteur de la Vie de Milton dit que dans l’acte d’amnistie, le parlement se contenta de l’exclure des charges publiques. Mais Milton n’est point nommé dans cet acte ; et cela suffisait pour le mettre couvert, sans qu’il eût besoin de lettres d’abolition : car, dans l’acte même, on déclara que tous ceux qui n’y étaient pas nommément exclus de l’amnistie, seraient censés y être compris, et exempts de toutes peines comme s’ils y étaient nommés en termes exprès. Jean Goodwin, fameux théologien, qui avait publié un livre exprès pour justifier la mort de Charles I, fut exclus des charges publiques. 4°. Les nouveaux éditeurs disent qu’on voit dans le livre de Milton De la vrais Religion, etc., qu’il n’exclut du salut que les catholiques romains. Il fallait dire, comme M. Bayle, qu’il n’exclut de la tolérance que les catholiques romains ; et ajouter la raison qui le portait à les en exclure. Milton, dit M. Bayle, montre que le papisme doit être entièrement privé du bénéfice de la tolérance, non pas en tant que c’est une religion, mais en tant que c’est une faction tyrannique qui opprime toutes les autres. 5°. Les éditeurs ont allongé cet article par le récit de ce qui se passa à Oxford en 1683. L’Université d’Oxford, disent-ils, assemblée en corps le 2 juillet, (il fallait dire le 21 juillet) 1683, déclara hérétiques et scandaleuses XXVII propositions extraites des ouvrages de Milton, et contraires aux devoirs des sujets envers leur roi, etc. Mais ces XXVII propositions n’étaient pas toutes extraites de Milton : il y en avait plusieurs tirées de Knox, de Buchanan, de Baxter, et de quelques autres écrivains anglais et écossais. On ajoute, les Anglais changèrent bien de sentiment dans la suite ; et Bayle même qui les avait loués en ce temps-là, (dans ses Nouvelles de la République des lettres, avril 1684, art. III, p. m. 141). On ne devait pas dire que M. Bayle a changé de sentiment dans la suite, sans en donner des preuves. À l’égard des Anglais, il serait facile de faire voir qu’ils n’ont point changé de sentiment. Par les Anglais, il ne faut pas entendre la cour, ni l’université d’Oxford, mais la nation anglaise en général : et si on consulte l’histoire de ce temps-là, on verra que la nation anglaise était très-opposée au despotisme que la cour s’efforçait d’introduire ; et que l’esprit de liberté qui régnait dans les deux derniers parlemens de Charles II fut cause qu’on les cassa. 6°. Dans la nouvelle édition du Moréri on pourra ajouter que le 23 de mars 1710, la chambre des seigneurs fit brûler par la main du bourreau la Déclaration de l’université d’Oxford, dont on vient de parler. Nouv. Observ.

MONTROSE. Il est étonnant qu’en parlant de ce marquis on ait oublié son nom de famille : c’est la première chose qu’on doit remarquer en parlant d’une personne distinguée ; et quand on omet une circonstance si essentielle à l’histoire, il est à craindre que tout le corps de l’article ne se sente de la négligence de l’auteur. Mais ce ne serait pas assez de faire remarquer au lecteur l’omission, si je ne la réparais : il faut donc lui apprendre que le nom du marquis de Montrose était Jean Grème [1].

  1. Ce marquis ne s’appelait pas Jean Grème. Dans l’édition de 1712 on a mis Jacques Gremme ; et dans celle de 1725, Jacques Gremme ou Grahame. Jacques est bien ; mais on n’a jamais écrit Grème ni Gremme. Si on avait consulté quelque livre anglais, on aurait vu qu’il fallait mettre Graham. Il est vrai que la prononciation de Graham approche de notre Gréam ou Grème : mais il n’est pas permis de changer l’orthographe des noms étrangers, et d’en exprimer la prononciation selon l’orthographe française. C’est le moyen de les rendre méconnaissables. Si on écrivait, par exemple, Lak ou Lac, qui pourrait deviner qu’on parle de M. Locke, ce célèbre philosophe ? Au reste, dans l’édition de 1712, on avait mal écrit Mont-Rose, et rangé cet article parmi les noms séparés de cette manière : dans celle de 1725 on a bien mis Montrose ; mais par-là on a déplacé cet article, puisqu’il se trouve ayant celui de Montagnana, de Montagne, etc.

    J’ajouterai ici qu’en parlant du marquis de Montrose, on aurait dû remarquer, après le père d’Orléans, que ce seigneur avait d’abord suivi le torrent, et porté les armes pour la cause de la liberté. Il fallait aussi marquer les raisons que les Écossais alléguèrent pour justifier la manière dont ils le : firent mourir ; etc. Les lois de l’histoire demandent qu’on rapporte le pour et le contre. Enfin, on pouvait consulter des auteurs plus fidèles et mieux instruits que ne l’étaient Du Verdier et l’abbé Raguenet, qui sont cités à la fin de cet article. Nouv. Observ.

MORIGGIA. On confond dans cet article les jésuites et les jésuates, puisqu’on donne la qualité de général des jésuites à Paul Moriggia, qui ne le fut que des jésuites : ce sont deux ordres fort distincts. Cette faute a [a] échappée à tous les éditeurs de Moréri, et elle est d’autant moins excusable, qu’il n’est pas naturel d’ignorer de quel ordre était un auteur aussi célèbre que le père Paul Moriggia ; un auteur, dis-je, qui a enrichi la république des lettres de soixante-un Traités différens [1].

  1. Il fallait dire a échappé. Voyez-ci dessus la remarque (a) sur l’article Massolin. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans la dernière édition, à l’article Morigia (Paul), a on a fort bien mis qu’il était général de jésuite. Nouv. Observ.
N.

NITARD. L’éditeur se trompe au sujet du cardinal Jean Éverard Nitard, auquel il donne la qualité de confesseur du roi d’Espagne Charles II. Le père Nitard jésuite ne fut pas confesseur du roi d’Espagne, mais de la reine sa mère, Marie-Anne d’Autriche [1] ; et la chose est d’autant moins douteuse, que c’est la confiance aveugle que cette princesse avait pour lui, qui lui attira les disgrâces dont feu madame d’Aunoy nous a fait un détail si intéressant dans ses Mémoires de la cour d’Espagne. Il est vrai que ce bon père fut oblige de sortir un peu brusquement du royaume d’Espagne ; mais pour le consoler on lui donna un chapeau de cardinal, quand il fut arrivé à Rome. On n’avait pas d’autres récompenses à lui donner ; car on sait que les jésuites n’acceptent point [a] d’évêchés, et qu’ainsi on ne peut couronner leurs services que par la pourpre romaine.

  1. On fera bien de lire sur ce sujet ce qu’en dit M. Daillé dans le chapitre 20 de la troisième partie de sa Réplique au père Adam et à Cottibi. Rem. de M. Bayle.
  1. Cela est corrigé dans la dernière édition. Nouv. Observ.
P.

PATRICE. M. Bayle avait pris soin d’avertir les éditeurs de Moréri que François Patrice, Vénitien, qui vivait sur la fin du seizième siècle, n’avait point professé à Padoue. Si on avait consulté l’Histoire de M. de Thou, on n’aurait pas copié cette faute des anciennes éditions. Patrice, après avoir professé dix-sept ans à Ferrare, se retira à Rome, où il fut attiré par les bienfaits de Clément VIII, et il n’en sortit plus [1]. Cet antipéripatéticien proposa des dogmes si singuliers [a] sur les cinq voix de Porphire, que la plus grande partie des philosophes de son temps se déchaînèrent contre lui.

  1. Pour connaître l’erreur qui se trouve dans ces paroles il faut consulter le Dictionnaire de M. Bayle à la page 620, col. 1 de la quatrième édition. (C’est-à-dire, à l’article Patrice (François). Rem. B. [tom. XI. p. 467] Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1707 et suivantes on a mis qu’il enseigna la philosophie à Ferrare et à Rome, etc. Nouv. Observ.

PAUL III. Moréri et ses continuateurs disent simplement que le pape Paul III avait eu, avant son pontificat, un fils et une fille. Cette expression n’est pas assez précise ; il fallait dire que ce pape avait eu ces deux enfans d’un légitime [a] mariage, et cette déclaration était d’autant plus nécessaire que l’expression obscure de Moréri autorise l’opinion où sont la plupart des lecteurs que les enfans du pape Paul III n’étaient pas légitimes, et qu’ainsi la maison de Parme d’aujourd’hui vient des bâtards de la première maison Farnèse : cela est absolument faux. Alexandre Farnèse avait eu, avant d’être pape sous le nom de Paul III, Constance, qui épousa [b] Basio Sforce, II du nom, comte de Saint-Fiore, et Pierre-Louis Farnèse, qui fut d’abord duc de Castro, et ensuite de Parme et de Plaisance [1]. Le célèbre Alexandre Farnese, qui vint en France à la tête d’une nombreuse armée, était son petit-fils.

M. l’abbé Faydit, en parlant dans son nouveau livre de la mort tragique de Pierre-Louis Farnèse, qui était lié d’intérêt avec les Fiesques contre les Dorias, nomme ceux-ci Dauria, comme dans un autre endroit, parlant de l’abbé Cottin de l’Académie française, il le nomme Cautin. Ces sortes d’orthographes singulières ne servent qu’à défigurer les noms et à les rendre méconnaissables. M. de Thou, en les latinisant, les a corrompus, et d’autres les défigurent en les écrivant mal : les uns et les autres ne cherchent qu’à se [c] singulariser.

  1. Il eût été bon de donner ici les preuves du mariage contracté par Alexandre Farnèse avant qu’il eût embrassé l’état ecclésiastique ; de nommer la femme qu’il épousa ; de marquer le lieu et le temps, et de citer des auteurs dignes de foi : sans cela c’est en vain que l’on condamne ceux qui s’expriment comme Moréri. Rem. de M. Bayle.
  2. Il fallait dire Buoso, et, comme je l’ai déja marqué, nommer la femme dont Alexandre Farnèse avait eu cette fille et le fils duquel descendent les ducs de Parme. Cela était d’autant plus nécessaire qu’on avoue ici que la plupart des lecteurs croient que les enfans de Paul III n’étaient pas légitimes. Le Sansovino, fameux auteur italien au XVIe. siècle, dit expressément dans son livre des familles d’Italie, fol. 170, que Pierre-Louis Farnèse était fils naturel de Paul III. Il parle ainsi immédiatement après avoir donné de grands éloges à ce pape. Aurait-il ignoré le mariage qu’un homme d’une famille si distinguée, et qui, sous le caractère de cardinal, et ensuite sous celui de pape, se signale en tant de façons, aurait contracté ? M. l’abbé Faydit ubi suprà, pag. 376, assure que Pierre Aloise Farnèse était fils légitime d’Alexandre Farnèse qui, après la mort de sa femme, fut fait pape sous le nom d’Onuphre III, et ensuite sous le nom de Paul III. Notre auteur n’a eu peut-être que ce garant de mariage de ce pape. On les prie ici très-sérieusement l’un et l’autre de communiquer au public les preuves d’une chose aussi peu connue que celle-là. J’observe en passant que, selon le Sansovino ibid., Alexandre Farnèse prit d’abord le nom d’Honoré V : cela est plus vraisemblable que de dire qu’il prit celui d’Onuphre III, car il n’y a point eu de pape nommé Onuphre. Il eût donc fallu prendre le nom d’Onuphre Ier., et non pas le nom d’Onuphre II. Rem. de M. Bayle.
  3. Je crois que ceux qui orthographient mal les noms ne sont coupables que de paresse ou de mauvaise mémoire : je ne prétends pas pour cela les excuser. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1712 et suivantes on a mis que Paul III avait été marié avant que d’embrasser l’état ecclésiastique, et de son mariage il avait eu une fille nommée Constance, qui fut mariée à Bosio Sforce, IIe. du nom ; et un fils nommé Pierre-Louis Farnèse, qu’il fit duc de Parme. Mais on ne donne aucune preuve de son mariage. Nouv. Observ.

PAULICIENS. Moréri et ses continuateurs ne se trompent que d’environ un siècle sur le temps auquel ont vécu Paul et Jean, deux frères qui furent chefs de la secte des pauliciens. Si l’éditeur s’était donné la peine de lire l’Histoire des Variations du célèbre évêque de Meaux, il aurait vu dans le onzième livre que ces deux frères vivaient dans le septième siècle, et non pas dans le huitième, comme il l’a trop légèrement avancé sur la foi de ceux qui avaient compilé avant lui le grand Dictionnaire historique [1]. Le dogme fondamental de ces hérétiques était l’existence de deux principes co-éternels et indépendans l’un de l’autre.

  1. Dans la dernière édition on a mis, après M. Bayle, que les Pauliciens furent ainsi appelés du nom d’un certain Paul, qui s’en fit le chef en Arménie dans le VIIe. siècle. Nouv. Observ.

PELLISSON. Je ne sais pas si l’éditeur a voulu corriger dans cet article M. Bayle, au sujet de Raymond Pellisson, un des aïeux de M. Pellisson de l’Académie française : dans le Dictionnaire critique, Raymond Pellisson est premier président du parlement ou sénat de Chambéry : et dans la nouvelle édition de Moréri on change cette qualité en celle de premier président de Dauphiné. Il est pourtant très-sûr que ce Raymond a été premier président du sénat de Savoie, et non du parlement du Dauphiné : c’est un fait de notoriété [1].

  1. Dans l’édition de 1725 on trouve que Raimond Pélisson fut fait, en 1537, président au sénat de Chambéry, et commandant en Savoie. M. Bayle a cité Borel, Tresor des Antiquités Gauloises et Françaises, qui dit que Raimond Pélisson était premier président à Chambéry : cependant notre auteur s’exprime comme si M. Bayle avait dit cela de son chef. Nouv. Observ.

PÉNÉLOPE. J’ai été surpris de trouver dans l’article de cette reine d’Itaque la question, si Homère avait été véritablement un de ses amans, si peu éclaircie. L’éditeur se contente de nous dire en termes généraux que quelques auteurs ont écrit qu’Homère n’avait tant loué Pénélope que parce qu’il en avait été amoureux. Il aurait pu trancher sur la négative, s’il avait pris la peine de lire les notes de Mézyriac sur les Épîtres d’Ovide : cet habile homme apporte des raisons démonstratives [a] pour prouver que Pénélope fut une femme tres-chaste ; d’ailleurs ce qu’Ausone en dit dans sa cent trente-cinquième épigramme [b] est une preuve sans réplique de sa vertu. Les baisers de Pénélope ne furent presque pas connus durant un si grand nombre d’années à Télémaque son fils, parce qu’il était un autre que son mari à qui elle destinait toutes ses caresses. Je conviens que Floridus Sabinus dans son livre des Lectionum subcisivarum, Lycophron, Hérodote, et Dempstérus dans ses Paralipomènes, n’ont pas tenu le même langage : mais enfin les preuves d’Ausone [c], mises dans toute leur force par le savant M. de Mézyriac, doivent prévaloir dans cette occasion ; et c’était à l’éditeur à prendre un parti sur cette question, comme il l’a pris sur plusieurs autres peut-être beaucoup moins intéressantes [1].

  1. Les lecteurs auront quelque peine à comprendre le raisonnement de notre auteur ; car, pour prouver qu’il est faux qu’Homère n’ait tant loué Pénélope que parce qu’il en était amoureux, il faudrait d’autres raisons que celle-ci, c’est que Pénélope fut très-chaste ; et néanmoins il n’emploie que cette raison. D’ailleurs il ne pense pas que Méziriac ait prouvé par des raisons démonstratives que Pénélope fut une femme très-chaste, ni même qu’il ait entrepris de réfuter ceux qui ont médit d’elle. Rem. de M. Bayle.
  2. Cette épigramme n’est point une preuve. Ausone fait parler Pénélope, ce n’est donc qu’un témoignage qu’elle se rend, et l’on pourrait seulement en inférer que ce poëte avait fort bonne opinion de la vertu de cette dame. Chacun voit la différence qu’il y a entre louer une femme, et montrer par des preuves sans réplique qu’elle a été vertueuse. Rem. de M. Bayle.
  3. Pour bien juger de la solidité de ces paroles, il ne faut qu’examiner les deux notes précédentes. Rem. de M. Bayle.
  1. Toute l’érudition qu’étale ici notre auteur ne lui a pas coûté beaucoup : il l’a prise de M. Bayle : mais les raisonnemens qu’il fait lui appartiennent en propre. Dans la dernière édition du Moréri, après ces mots, D’anciens auteurs ont parlé très-désavantageusement de la conduite de Pénélope, et ont écrit qu’Homère ne l’avait tant louée, que parce qu’il en avait été amoureux, on ajoute, voyez là-dessus le Dictionnaire de Bayle. Nouv. Observ.

PHILIPPE D’AQUIN. Ce n’était pas une circonstance à oublier dans la nouvelle édition, que Philippe d’Aquin, qui professa la langue hébraïque à Paris, sous le [a] feu roi Louis XIII, et dont il est fort parlé dans le procès du feu [b] maréchal d’Ancre, avait été juif. La nature même de ce procès engageait naturellement l’éditeur à examiner ce fait d’une manière particulière ; d’ailleurs la religion des auteurs doit toujours être l’objet principal des historiens [1].

  1. Voyez la remarque suivante à la fin. Rem. de M. Bayle.
  2. Il était inutile de mettre ici le mot feu, car il y a trop long-temps que ce maréchal est mort. Outre que sa mémoire a été toujours en malédiction. Bien des gens croient qu’il ne faudrait se servir de feu et de feue que lorsque ceux à qui l’on adresse la parole ignorent si les personnes dont il s’agit vivent ou non. Ils soutiennent qu’une femme qui parle à des gens qui savent très-bien qu’elle est veuve, doit dire simplement mon mari et non pas feu mon mari. Ils n’approuveraient donc pas que notre auteur ait écrit en 1706, le feu roi Louis XIII. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1725, l’article Aquin (Philippe), est tiré du Dictionnaire de M. Bayle, que l’on cite ; mais on n’a pas pris tout ce qu’il y avait d’essentiel dans M. Bayle. Il fallait remarquer : 1°. que d’Aquin avait été juif ; 2°. qu’on trouve quelques particularités curieuses sur son sujet dans le procès du maréchal d’Ancre ; 3°. que Flavigny l’accusa d’avoir corrompu le texte hébreu de la Bible de M. le Jay. 4°. On dit qu’il enseignait l’hébreu à Paris, sous le règne du roi Louis XIII, dans le XVIIe. siècle. Après avoir nommé Louis XIII il n’était pas nécessaire d’ajouter, dans le XVIIe. siècle. Nouv. Observ.

PHRÆA. Dans l’article de l’Anglais Jean Phræa (non pas. Phreas), l’éditeur a oublié de parler du chef-d’œuvre de cet auteur, qui de ne fut que son coup d’essai. Je parle de la traduction qu’il fit du discours de Synésius, l’auteur le plus difficile à entendre qu’il y ait parmi les Grecs et que tous les traducteurs avaient jusque-là respecté. Ce discours était un éloge de la chauveté ; Moréri et ses éditeurs, ne sont pas les seuls qui ont oublié de parler de cette traduction [1].

  1. Dans la dernière édition, au mot Phræa, on parle de la traduction du discours de Synésius, d’après le Dictionnaire de M. Bayle, d’où notre auteur a tiré ce qu’il dit ici. Nouv. Observ.

PHILOSTRATE. Moréri n’a pas consulté cet auteur lorsqu’il a mis la mort d’Apollone de Tyane sous l’année 97 ou 99 : cette faute aurait du être corrigée dans la nouvelle édition, puisqu’il est certain que ce philosophe mourut sous l’empire de Nerva, c’est-à-dire en 96, ou tout au plus au commencement de l’année suivante [1]. Il a paru un nouvel ouvrage en 1704 sur ce sujet, qui doit être consulté [2].

  1. L’édition de 1725, à l’article d’Apollonius de Thyane, marque que les uns mettent sa mort en 97, et les autres en 99. Nouv. Observ.
  2. Cet ouvrage est intitulé, Histoire d’Apollonius de Tyane convaincue de fausseté et d’imposture. M. du Pin en est l’auteur. On en a fait usage dans cette édition, en rapportant les jugemens des anciens et des modernes touchant Apollonius de Tyane. Nouv. Observ.

PRÉTEXTAT. Il y a longtemps que Moréri a été critiqué pour avoir mal rapporté le conte que l’on fait du jeune Papyre Prétextat ; mais ses continuateurs n’ont pas laissé de copier les fautes qu’il avait faites sur cet article, et qu’on lui a tant de fois reprochées. Premièrement, il n’est point vrai que Prétextat, pour se défaire des importunités de sa mère, qui le pressait de lui dire ce qui s’était passé au sénat où son père l’avait mené un jour, lui déclara que l’on avait résolu que désormais chaque mari aurait deux femmes ; il lui dit au contraire qu’on avait examiné si cela serait plus avantageux à la république que d’ordonner qu’une femme épousât deux maris. L’espèce, comme l’on voit, est assez différente. Secondement, on avait averti Moréri de confirmer la vérité de cette tradition par une autorité d’un plus grand poids que celle de Macrobe ; en effet le seul témoignage de cet auteur n’imposerait pas silence aux critiques. On sait assez que c’était un diseur de bons mots, et qui cherchait plus à réjouir son lecteur qu’à l’instruire de la vérité des faits : cependant on n’a ajouté dans la nouvelle édition nul témoignage à celui de Macrobe ; il fallait donc rapporter celui de Caton, et celui d’Aulu-Gelle, qui en parle dans son premier livre [1].

  1. Dans l’édition de 1725 on a corrige cet article au mot Papyrius, sur le Dictionnaire de M. Bayle, que notre auteur n’a fait ici que copier. Nouv. Observ.

PRIOLO. J’avoue qu’on a rendu justice, dans la nouvelle édition, à la mémoire de feu M. Priolo, qui avait été cruellement déchirée dans la première édition du Dictionnaire critique de M. Bayle [a], et dans le Sorbériana ; mais enfin l’éditeur aurait pu parler dans un plus grand détail, des ouvrages auxquels M. Priolo avait travaillé, et qui, à ce que je crois, n’ont pas encore vu le jour : en voici les titres, que l’on insérera, si on le trouve bon, dans la première édition que l’on fera du Dictionnaire de Moréri : Libri IV de Stultitiâ humanæ gentis. (Il en eût pu faire au moins encore une douzaine). Libri III Quæstionum naturalium, etc. Opus emunctum, triginta annorum meditatio, quod jam celebratur sub apertiori titulo, etc. De vitâ et gestis Henrici Rohanni Ducis. De vitâ et moribus Cæsaris Cremonini. On dit même qu’il avait fait des notes sur le Traité de l’âme de cet auteur. Vita Benjamini Prioli. Judicium de Scriptoribus græcis et latinis. Epistolarum senilium ad maximos Europæ proceres centuria singularis [1]. L’auteur des Essais de littérature avait aussi fort maltraité cet auteur [* 1], sur la foi sans doute [b], de M. Bayle, comme celui-ci l’avait fait sur celle de MM. Sorbière [c] et Graverol ; mais [d] il se rétracta dans la suite [* 2].

  1. (*) Essai de février 1703.
  2. (*) Essai d’avril 1703.
  1. C’est ici qu’il fallait marquer ce qui a été marqué à la fin de l’article, c’est qu’on n’avait parlé que sur la foi du Sorbériana, que l’on avait cité en caractères italiques sans se rendre garant de rien. Tous les lecteurs devraient faire attention à cela, et aller toujours droit à la source pour s’y arrêter, sans rendre responsables les citateurs. Rem. de M. Bayle.
  2. Pour savoir si ç’a été sur la foi de M. Bayle, il faut consulter les Mémoires de Trévoux, page 476 du cinquième tome, à l’édition d’Amsterdam. Notre auteur aurait parlé autrement, s’il avait vu ce qui a été critiqué dans les Essais de littérature en cet endroit-là. Rem. de M. Bayle.
  3. M. Bayle n’a cité, ni n’a dû citer en cet endroit-là M. Graverol, qui n’a pas joint son témoignage avec celui de Sorbière. Rem. de M. Bayle.
  4. C’est-à-dire l’auteur des Essais de littérature. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans le dernière édition on a mis, à la fin de l’article Priolo, que cet auteur promettait sept ouvrages différens dont les titres sont dans la dernière page de son Histoire, parmi lesquels se trouvait sa vie, et celle du duc de Rohan, qui n’ont pas encore vu le jour. » Cela est tiré du Dictionnaire de M. Bayle, dont notre auteur n’est encore ici que le copiste. Nouv. Observ.

PRISCILLIEN. M. Bayle critique souvent Moréri ; le continuateur de ce dernier pouvait à son tour attaquer ce célèbre critique. Sa matière était ample dans l’article de Priscillien, surtout lorsqu’il dit qu’on a condamné dans les IVe. et Ve. siècles les [a] Priscilliens sur des chefs que l’on a canonisés dans saint Augustin, et qui ont été confirmés par les décisions de l’église : il faut consulter sur ce sujet la 93e. épître de saint Léon [1].

  1. Il fallait dire les Priscillianistes. Il est très-vrai que la matière est ample et considérable, mais non pas du ressort d’un Dictionnaire historique tout pur. Dans un Dictionnaire historique commenté cela trouverait bien sa place ; c’est un dogme très-curieux : il s’agit de savoir si saint Augustin faisant consister la liberté en ce que l’âme veut sans contrainte quoique nécessairement, on peut approuver sa doctrine et condamner celle qui pose que les actes de la volonté humaine arrivent nécessairement et fatalement, comme les priscillianistes l’enseignaient. Il est aisé de prouver qu’il n’y a aucune distinction alléguée par les augustiniens que les priscillianistes n’eussent adoptée, et par conséquent que leur doctrine est en fond la même que celle de saint Augustin. Rem. de M. Bayle.
  1. Voyez le Dictionnaire de M. Bayle, à l’article Priscillien. Rem. H. Nouv. Observ.

PRODICUS est un hérétique du IIe. siècle, qui, en qualité de fondateur d’une secte qui fit alors beaucoup de bruit, ne devait pas être oublié dans la nouvelle édition ; je parle de la secte des adamites [1].

  1. Dans l’édition de 1725 on trouve l’article de ce Prodicus. On y a profité du Dictionnaire de M. Bayle, quoiqu’on ne le cite point. Nouv. Observ.

PUTÉANUS. On avait averti les continuateurs de Moréri, de corriger leur chronologie, sur la mort d’Érycius Putéanus ; mais peu attentifs aux avis qu’on leur donne, qu’ils ne prennent pas souvent la peine de lire, ils ont continué de placer cette mort sous [a] l’année 1646. M. Bullard, dans son second tome de l’Académie des sciences, place précisément [b] cette mort sous l’année 1644. En parlant du livre Statera pacis et belli, on aurait pu ajouter [c] que c’était un livre tout-à-fait à l’avantage de sa majesté catholique [1].

  1. Ils ont bien fait de continuer à dire que Putéanus mourut l’an 1646. Rem. de M. Bayle.
  2. Ce m’est pas que Bullard ait dit en propres termes que Putéanus mourut l’an 1644. On peut seulement l’inférer de ce qu’il lui donne soixante-dix ans de vie, et le fait naître en 1574. Rem. de M. Bayle.
  3. Mais pour ajouter cela d’une manière intelligible il eût fallu remarquer : 1°. que Putéanus conseillait au roi d’Espagne de faire la paix avec les Provinces Unie, (on a insinué cela dans le Moréri) ; 2°. que cette paix eût fait du bien au roi d’Espagne, si l’on en juge par les mauvais succès de la guerre qu’il continua, et dont il ne se tire enfin l’an 1648, après une infinité de dépenses et de disgrâces, que par une paix honteuse où il accorda aux Hollandais tout ce qu’il leur plut de demander. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre critique, qui a pris tout ce qu’il dit ici dans M. Bayle, voudrait qu’on plaçât, comme fait Bullart, la mort de Putéanus sous l’année 1644. Cependant M. Bayle avait marqué qu’ayant consulté la Vie de Putéanus, il y avait trouvé qu’il mourut dans le château de Louvain le 17 de septembre 1646. Les éditeurs du Moréri ont corrigé l’article de Putéanus sur le Dictionnaire de M. Bayle. Ils avaient d’abord mis : il est marqué dans sa Vie qu’il mourut au château de Louvain le 17 septembre 1646 ; d’autres auteurs ont placé sa mort en 1644. On a ajouté ensuite : l’Oraison funèbre d’Érycius Puteanus fut prononcée à Louvain le 19 septembre 1646, jour de son enterrement........ ce qui vérifie la juste date de sa mort. Nouv. Observ.
Q.

QUINT-CURCE [a]. L’éditeur a corrigé dans cet article, une partie des fautes qu’on avait reprochées à Moréri : mais enfin il ne nous apprend rien sur le temps ni sur le siècle où Quint-Curce a vécu. On voit même qu’il appréhende de se déclarer. Mais pourquoi ne pas préférer à tout autre le sentiment du père le Tellier, qui fait vivre ce célèbre auteur sous le règne de l’empereur Claude ? Ce sentiment paraît plus probable que celui qu’il semble que l’éditeur favorise : il n’ose pas dire qu’il a vécu sous l’empire de Vespasien, mais il l’insinue ; ces ménagemens préjugent son incertitude [1].

  1. Vaugelas (qui a traduit cet auteur) et tous nos meilleurs écrivains disent Quinte-Curce. On ne saurait comprendre par quelle affectation notre auteur dit Quint-Curce. Il devait se souvenir de la remarque contre l’abbé Faydit, ci-dessus, [p. 419] à la fin de l’article de Paul III. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre critique prétend que le sentiment du père le Tellier, sur le temps où Quinte-Curce a vécu, est le plus probable ; mais, comme il ne le prouve pas, sa remarque ne saurait être d’aucun usage. Nouv. Observ.
R.

RAMUS. Cet article demandait plus d’étendue ; l’exacte tempérance de ce philosophe, comparée à la délicatesse et à la profusion des tables de ceux de ce temps, méritait surtout quelques réflexions [1].

  1. L’article de Ramus est fort étendu dans la dernière édition. On l’a corrigé et augmenté sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais il s’y est glissé une faute. On dit que Ramus était fils d’un gentilhomme, qui... fut obligé de faire le métier de charbonnier pour gagner sa vie : Ce n’était pas son père, mais son aïeul, comme on peut le voir dans M. Bayle. On n’y parle point de la tempérance de Ramus, qui a fourni le sujet d’une remarque à M. Bayle. Nouv. Observ.

RAPIN. On a oublié bien des choses en faisant l’éloge de ce savant jésuite, surtout dans l’énumération de ses livres ; on n’a pas dit un mot de celui qui lui a fait plus d’honneur. Je parle de Dissertatio de novâ doctrinâ, seu Evangelium Jansenistarum. Cet ouvrage fut imprimé à Paris en 1658. La lettre anonyme [a] qu’il publia en 1680 fit aussi beaucoup de bruit, et fit tort au parti qu’il attaquait : le feu cardinal Cibo, auquel elle était adressée, en fit de grands remercîmens à cet habile homme [1].

  1. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, janvier 1686, au quatrième article du catalogue des livres nouveaux. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur copie ici M. Bayle, à son ordinaire. Dans la dernière édition on a profité du Dictionnaire critique pour perfectionner l’article du père Rapin. Nouv. Observ.

RIPAMONT. Tous les éditeurs de Moréri ont oublié dans l’article de Joseph Ripamont, de parler de son Histoire du Milanais ; ils ont cité à la vérité l’Histoire ecclésiastique de la ville de Milan qu’il a donnée ; mais outre cet ouvrage, il a composé l’Histoire de sa province ; et ce sont deux livres tout-à-fait différens : d’ailleurs ces éditeurs sont constans à écrire Ripamont, et je leur soutiens qu’il faut écrire Ripamonte [1].

  1. Dans l’édition de 1725, à l’article de Ripamonte, on n’a rien ajouté touchant l’Histoire du Milanais écrite par cet auteur. M. Grævius l’a insérée avec la continuation, dans le second tome de son Trésor des antiquités d’Italie. Nouv. Observ.

RONSARD. Cet article est peu exact : l’éditeur place la naissance de ce célèbre poëte sous l’année 1524, et plusieurs auteurs assurent qu’il vint au monde la même année que François Ier. fut pris devant Pavie : c’est une époque qui paraîtra singulière au lecteur ; mais enfin quelques auteurs s’en sont servis. Or François Ier. fut pris devant Pavie (et qui est-ce qui l’ignore ?) le 25 février [a] de l’année 1525. Ronsard vint donc au monde en 1525 [1]. L’éditeur nomme la mère de ce poëte Jeanne Chaudrier, et c’est Jeanne Chandrier [2]. La maison de Chandrier était assez illustre pour qu’on ne dût pas ignorer la manière dont le nom qu’elle portait, s’écrivait ; on aurait pu nous dire quelque chose du procès que Ronsard eut contre Joachim du Bellay, pour le recouvrement de quelques odes que celui-ci lui avait volées. Cette affaire servit long-temps d’amusement à la cour ; mais Ronsard ne la regardait pas comme une bagatelle, et il s’y échauffa d’une manière extraordinaire. M. Guéret, dans sa fiction ingénieuse [* 1], maltraite fort Ronsard sur la dureté et l’obscurité de son style ; ce sont des défauts que plusieurs autres auteurs lui ont aussi reprochés : d’ailleurs ce poëte s’éloigne souvent des règles de la modestie ; et on trouve dans ses ouvrages quelques expressions qui ne donnent pas une grande idée de la pureté de ses mœurs. Les critiques surtout ont beaucoup crié contre quelques vers de la 2e. ode du IIe. livre, et ce n’est pas tout-à-fait sans sujet.

L’éditeur nous aurait bien dû éclaircir si véritablement Ronsard a été prêtre, comme quelques ministres protestans le lui reprochèrent : pour moi je ne doute pas qu’il ne fût dans les ordres sacrés ; mais je ne crois pas qu’il eût pris celui de la prêtrise. Je fonde la première partie de cette proposition sur les termes mêmes de sa réponse aux ministres qui l’avaient attaqué [3].

  1. (*) Le Parnasse réformé.
  1. Appliquez ici ce qui a été remarqué ci-dessus [p. 406] à l’article de François II, note (a), touchant le commencement de l’année à Pâques. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans la dernière édition on dit que Ronsard naquit le 25 février 1525. Nouv. Observ.
  2. Cette faute se trouve encore dans l’édition de 1725. Nouv. Observ.
  3. Tout ce que notre auteur dit ici est pris du Dictionnaire de M. Bayle. Nouv. Observ.

RUFIN. M. Bayle nous renvoie à Moréri, pour apprendre dans son Dictionnaire les circonstances et l’année de la mort de ce favori de l’empereur Théodose. J’adopte volontiers les circonstances, mais je rejette absolument l’époque [a] de la mort : en effet il est plus juste de déférer, en cette occasion, à M. Fléchier, qui met cette mort [b] sous l’année 397, dans son Histoire de Théodose-le-Grand, qu’à l’autorité de Moréri [1]. D’ailleurs quelques réflexions de l’éditeur sur les doutes que la fortune insolente de Rufin donna lieu de faire à Claudien, qu’il y ait une providence, auraient sans doute bien ornées cet article.

  1. Afin de ne laisser pas aux lecteurs la peine de consulter d’autres livres, il eût fallu marquer l’année où, selon Moréri, Rufin fut tué. Ce fut l’an 395. Notre auteur a tort de rejeter cette époque ; elle est véritable, et il serait facile de le prouver. Je me contente de dire que Socrate au chapitre Ier. du VIe. livre de l’Histoire Ecclésiastique met la mort de Rufin au 27 de novembre de l’année de la mort de l’empereur Théodose. Or M. Fléchier marque, et il a raison de le faire, que cet empereur mourut le 17 de janvier 395. Pour une plus ample instruction du lecteur je dois dire que Fléchier ne dit en propres termes que Rufin soit mort l’an 397. On peut seulement l’inférer de ce qu’en parlant sous l’année 392 de quelques injustices de Rufin, il ajoute que cinq ans après Rufin fut une des causes, etc. Rem. de M. Bayle.
  2. Si notre auteur avait consulté le livre de M. Fléchier, il eût employé d’autres expressions. Voyez la remarque précédente. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1712 et suivantes on a mis que Rufin fut tué l’an 395, ou 397 selon M. Fléchier. Nouv. Observ.
S.

SCHOMBERG. L’éditeur a oublié dans l’article de ce cardinal, de parler de la belle lettre qu’il écrivit sur la mort de Thomas Morus, chancelier d’Angleterre. Ce cardinal était proche [a] parent de la religieuse que Luther épousa [1]. Ce fut sur ce sujet qu’il prononça dans le sacré collége un discours si touchant qu’il fit répandre des larmes à plusieurs cardinaux : il a été parlé de ce discours dans quelqu’un de ces ouvrages périodiques [* 1] qui ont paru en si grand nombre depuis quelque temps.

  1. (*) Essais de Littérature.
  1. M. de Seckendorf a réfuté cela : il faudrait savoir si, dans les Essais de littérature, on cite quelque auteur qui ait parlé de ce discours si touchant sur ce qu’une parente de ce cardinal s’était mariée avec Luther, car, comme je l’ai déjà dit, l’auteur des Essais de littérature n’est digne de créance qu’autant qu’il cite de bons témoins. Il est bon même de consulter les auteurs qu’il cite, car quelquefois il leur fait dire plus qu’ils n’ont dit. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans la dernière édition, on a corrigé l’article de ce cardinal sur le Dictionnaire de M. Bayle ; mais où n’a pas jugé à propos de parler de la lettre qu’il écrivit sur la mort de Thomas Morus, ni de sa prétendue alliance avec la religieuse que Luther épousa : le premier de ces faits n’étant pas assez important pour entrer dans le Moréri, et M. Bayle ayant remarqué que M. de Seckendorf s’était inscrit en faux contre le second. Nouv. Observ.

SCIOPPIUS. Il paraît que l’éditeur n’a pu éclaircir la véritable date de la mort de Scioppius, car il n’en dit rien. Il est vrai qu’on a parlé fort diversement du temps où elle arriva ; mais c’était précisément la raison qui devait engager notre auteur à se déterminer. M. Baillet rapporte les différentes opinions des auteurs de ce temps sur ce point particulier ; mais constamment Scioppius mourut l’an 1649. Les preuves qu’en rapporte M. Bayle sont décisives. Patin place aussi cette mort sous cette année-là, et on ne peut pas en douter, quand on lit la 15e. lettre (de la première édition) du recueil de celles qu’on a publié de cet auteur [1]. On a oublié de parler dans la nouvelle édition [a], du plus sanglant des livres qu’il publia contre les jésuites, pour lesquels il avait une haine implacable ; c’est Anatomia Societatis [b], et de Stratagematis jesuitarum. Ce livre fit beaucoup de bruit, et ne fit pas tout l’honneur à Scioppius qu’il en espérait. Les meilleurs ouvrages de cet auteur, sont ceux [c] qui n’ont pas été publiés, et qui restèrent entre les mains du savant Pieruccius, son héritier universel. La conformité qu’il y eut dans les principes de ce célèbre critique, et dans ceux du jésuite Melchior Inchoffer, a fait croire que les mémoires de l’un avaient passé entre les mains de l’autre, qui s’en était servi contre les jésuites.

  1. Comme il faut écrire non-seulement pour ceux qui lisent, mais aussi pour ceux qui entendent lire, l’on ne doit pas se permettre un arrangement de mots équivoque, sous prétexte que l’on y remédie par le moyen d’une virgule. C’est pourquoi notre auteur devait dire, on a oublié dans la nouvelle édition de parler du plus, etc. Rem. de M. Bayle.
  2. L’Anatomia Societatis n’est pas le même livre, comme on le suppose ici, que celui De Stratagematis Jesuitarum, ce sont deux ouvrages différens. Le jésuite Forerus, qui a répondu à cette Anatomia, dénombre plusieurs autres livres de Scioppius contre la société, et le convainc de s’être souvent copié lui-même. Il lui attribue faussement le Mysteria Patrum Jesuitarum qui est un ouvrage d’André Rivet, professeur en théologie à Leyde. Au reste, il serait bon que les éditeurs du Moréri recherchassent l’origine de la haine de Scioppius pour les jésuites, car il en usa honnêtement avec eux pendant quelque temps. Il répondit pour eux dans son Ecclesiasticus aux accusations que le roi de la Grande-Bretagne leur avait intentées. Il est vrai que son apologie est indirecte, car elle ne consiste que dans un ramas d’une infinité de passages de Luther qui animent les protestans, etc., à exterminer les rois et les princes qui adhèrent au pape et qui s’opposent à le réformation de l’Église. Jamais homme n’excita plus chaudement les princes catholiques à l’extirpation des hérésies que Scioppius ; et néanmoins il fait un crime à Forerus (dans ses Stratagemata ) de cet esprit de violence. Tant il est vrai qu’il n’écrivait que par passion. Il aimait mieux se contredire et se critiquer soi-même, que de ne pas censurer ses ennemis. Rem. de M. Bayle.
  3. Cela pourrait être vrai de quelques-uns ; mais il y en a d’autres, ceux par exemple qu’il fit pour expliquer les Prophéties, qui valent moins que ce qu’il a publié. Peu de gens possédaient mieux la sainte Écriture que lui : il trouvait partout où en appliquer des passages dans ses disputes contre les protestans : on peut remarquer cette méthode nommément dans son Ecclesiasticus imprimé l’an 1611, et qui est une réfutation de l’apologie du roi Jacques pour le serment de fidélité. Mais il donne des sens nouveaux et forcés à la plupart des passages de l’Écriture qu’il cite. S’il faisait cela avant que d’être visionnaire, juges ce que peuvent être les écrits qu’il fit sur les prophéties étant devenu une espèce de fanatique. On doit remarquer que ses ouvrages de controverse ont toujours quelque tour nouveau ; et comme il avait lu d’un bout à l’autre toutes les œuvres de Luther afin d’en extraire tous les passages qu’un esprit satirique peut mettre en œuvre pour rendre odieux et méprisable ce réformateur, il s’est fait valoir de ce côté-là plus que la plupart des autres controversistes. Il est plus fort en citant des faits qu’en alléguant des raisons, quoiqu’à ce dernier égard il ne soit pas faible. Sa belle latinité n’est pas un petit relief. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans les éditions de 1707 et 1712 on avait dit que Scioppius mourut en 1649 âgé de plus de quatre-vingts ans : mais dans celle de 1725 on marque qu’il mourut en 1649 âgé de soixante-treize ans. En effet, M. Bayle rapporte un passage de Scioppius, où il assure qu’il courait sa dix-septième année en 1593. Nouv. Observ.

SENNERT. L’éditeur se trompe sur l’année de la naissance de ce célèbre médecin, et il la recule de cinq ans, sans en avoir aucune raison apparente. Il la place sous l’année 1577, et constamment elle appartient à l’année 1572. D’ailleurs notre auteur dit d’une manière trop concise, et un peu trop sèchement, que le sentiment de ce philosophe, savoir, que l’âme des bêtes n’est pas matérielle, le fit accuser d’impiété. En débitant ce dogme, il devait en même temps dire tout ce qui l’accompagnait, et les raisons dont Sennert l’appuyait. Ce médecin ne disait pas simplement que l’âme des bêtes n’est pas matérielle, mais il rejetait (lib. 1, de Plast. seminis facultate) l’opinion de ceux qui soutiennent qu’elle n’est pas d’une nature plus noble que les élémens [1] ; et il disait que, de sa nature, elle est aussi immortelle que l’âme de l’homme : de sorte que si celle-ci ne périt avec le corps comme l’autre, c’est par une grâce particulière du Créateur. Il avouait à la vérité que l’âme des bêtes n’est pas produite de la matière ; ainsi il se moquait de l’éduction des scolastiques. Mais enfin tant qu’il ne disait pas que cette âme était réellement immortelle, il n’y a pas lieu de le taxer d’impiété [2].

  1. Notre auteur, qui s’est presque toujours dispensé de citer, a changé ici de méthode ; et pour prouver que Sennert rejetait l’opinion de ceux qui soutiennent que l’âme n’est pas d’une nature plus noble que les élémens, il cite, par parenthèse (lib. I de Plast. seminis facultate) pour nous apprendre que c’est là le livre où Sennert rejette cette opinion. Il a sans doute cru que ce trait d’érudition donnerait du relief à sa remarque. C’est dommage qu’il n’y ait pas réussi, car il s’y était pris d’une manière fort adroite. Voici comment. M. Bayle, qu’il copie ici mot à mot, avait cité Sennert, ubi supr., c. 9, p. 137. Notre critique voulant remplir cet ubi supr., et substituer le titre du livre auquel cette citation se rapporte, a parcouru, en remontant, une douzaine de citations ; mais il s’est malheureusement arrêté à celle-ci : vide Jacobum Schegkium, lib. I de Plast. seminis facultate, apud Sennert, ibid. cap. 5, p. 129 : où, comme l’on voit, M. Bayle cite un ouvrage de Schegkius, et non pas de Sennert. Nouv. Observ.
  2. Dans la dernière édition cet article est corrigé sur le Dictionnaire de M. Bayle, d’où notre auteur a pris ce qu’il dit ici. Nouv. Observ.

SEXTUS [a] AB HEMMINYA. Cet article a été oublié, ou peut-être cet auteur n’est pas connu [1] ; il doit l’être beaucoup des astrologues, puisqu’il fut dans son siècle [b] à leur égard, ce que fut le célèbre Pic de la Mirande dans le sien ; jamais homme ne fut plus attaché à cette science que le fut Sextus dans les premières années de sa vie : mais ayant eu le temps d’en connaître l’illusion et l’inutilité, il en devint dans la suite un des plus rudes adversaires, et il lui porta de terribles coups [c]. Heureux s’il avait pu réussir à détromper entièrement les hommes d’un art qui en a déjà tant séduit. Le Sextus, dont je parle, fut un grand géomètre, et c’est par les progrès qu’il avait faits dans cette mère des sciences [d], qu’il découvrit la vanité de l’astrologie, et qu’il résolut d’écrire contre ses principes. L’astrologie a eu d’illustres sectaires ; M. Faydit dans ses remarques sur Virgile et sur Homère, dit que le pape Paul III y était fort attaché, et qu’il donna l’évêché de Civita-Vecchia à Luc Gauric de Fano, parce qu’il y était très-habile : ce fait aurait besoin de quelques preuves [e].

  1. Il fallait dire Sextus ab Hemminaga. Rem. de M. Bayle.
  2. Les remarques de notre auteur devraient suivre le caractère qu’il faut donner au Moréri, qui est un ouvrage destiné principalement à l’instruction des lecteurs qui n’ont point d’étude. Un tel ouvrage doit éclaircir chaque chose, sans qu’il soit besoin de consulter un autre livre. Ce n’est pas apprendre en quel temps Sixtus ab Hemminga et Pic de la Mirande ont vécu, que de parler comme on parle ici : au lieu de son siècle il eût fallu dire le XVIe. siècle, et plus bas, au lieu de dans le sien, dire dans le XVe. Rem. de M. Bayle.
  3. Il aurait été nécessaire de marquer le tour qu’il prit pour combattre l’astrologie. Ce fut de tirer l’horoscope de trente personnes, la plupart princes, rois, papes, etc. ; d’observer dans ces horoscopes les règles de l’art avec beaucoup de précision, et de montrer qu’il n’était rien arrivé à ces trente personnes de ce qui aurait dû leur arriver selon les règles de l’astrologie judiciaire. Ceux qui voudront donner l’article de cet auteur pourront consulter Suffridus Petri au chapitre 9 de la 13e. décade des écrivains natifs de Frise. Rem. de M. Bayle.
  4. Je voudrais que l’auteur eût cité quelque témoignage là-dessus : il ne paraît point que pour connaître la vanité de l’astrologie il faille faire des progrès dans la géométrie. Rem. de M. Bayle.
  5. Il est certain que M. de Thou raconte, au livre 4 de son histoire, pag. m. 87, que Paul III, fort attaché à l’astrologie judiciaire, eut à cause de cela beaucoup d’amitié pour Luc Gauric, et l’admit à sa conversation et à sa table, et enfin lui donna l’évêché de Civitate. Ac tandem Civitatensi Episcopatu donavit. Il y a des livres de Luc Gauric au titre desquels il se qualifie Episcopus Civitatensis. M. l’abbé Faydit ne s’est trompé qu’en ce qu’il a cru que l’évêché que Paul III donna à Gauric était celui de Civita-Vecchia, et que Gauric était natif de Fano. Civita-Vecchia n’est point une ville épiscopale, et appartient au pape : mais l’évêché donné à Gauric est dans la Pouille au royaume de Naples sous l’archevêque de Bénévent, et n’est point le même que celui de Civita-Ducale, comme on l’assure dans le Moréri au mot Gauric (Luc). Gauric n’était point de Fano, mais d’un lieu qu’on nomme en latin Geophanum, et en italien Gifoni, et qui est au royaume de Naples dans la Principauté Citérieure à 5 milles de Salerne. Consultez M. Baudrand sous le mot Geophanum.

    Il ne sera pas hors de propos de réfuter ici une chose que M. Teissier, dans ses additions à M. de Thou, a rapportée sur le témoignage de Tollius, in Appendice de infelicitate Litteratorum. Il raconte que Luc Gauric ayant prédit que Jean Bentivoglio serait banni son pays, et privé de sa souveraineté, encourut l’indignation de ce prince qui le fit mourir dans les tourmens. Cela ne peut être vrai, car Jean Bentivoglio fut chassé de Bologne par le pape Jules II l’an 1506, et mourut à Milan en 1508 ; et il est certain que Luc Gauric fut fait évêque par Paul III, qui ne commença d’être pape que l’an 1534. Il fallait se contenter de dire que Jean Bentivoglio, indigné des prédictions menaçantes de Gauric, lui fit donner la question ; et il fallait ajouter qu’il n’en mourut pas. Cardan le traite de charlatan, et l’accuse d’avoir plutôt conjecturé sur l’état des choses la ruine des Bentivoglio que de l’avoir préconnue par les astres. Gauricus, dit-il, in libro Geniturarum, pag. m. 206, à Bentivolis tortus in equuleo. Id certè ex astris non viderat, quamvis excidium familiæ ominaretur plus ex conjecturâ rerum quàm astrorum, fuit enim sycophanta egregius. M. de Thou ayant dit en un endroit que Gauric était évêque, et en un autre qu’il mourut l’an 1559, il était facile de connaître qu’il n’était point mort dans les tourmens de la question. Un évêque d’Italie est-il exposé à cela de la part surtout d’une famille qui, comme les Bentivoglio, ne dominait alors en nul lieu ? Rem. de M. Bayle.

  1. Cet article se trouve dans l’édition de 1707 et suivantes, au mot Sixte de Homminga. Nouv. Observ.

SIMONIS. Théodore Simonis, ou Simon, est un auteur qui a fait assez de bruit, pour ne devoir pas être oublié dans le grand nombre d’articles des Simons et des Théodores qu’on trouve dans la nouvelle édition. J’avoue que j’attendais avec impatience de voir comment l’éditeur traiterait cet article : je ne sais s’il a eu des raisons pour l’omettre, ou si c’est un pur oubli [1]. Simonis fut un des plus grands amis [a] du fameux évêque d’Ypres, et si quelque chose a fait tort à la mémoire de Jansénius, ce sont principalement les liaisons qu’il a eues avec cet Allemand, auquel [b] on attribue le livre de Atheismo in Poloniâ, ex atheo libello, etc. Quelques auteurs ont entrepris de le justifier de cette terrible accusation, mais ce n’a pas été avec tout le succès qu’ils ont cru. Il y a eu un François Simonis [c], auquel on a attribué le livre de Fraudibus Hæreticorum, du père Hestrier [2].

  1. Ceci me paraît très-faux, et pour le moins est une chose fort contraire aux faits qui ont été rapportés dans le Dictionnaire critique, à la remarque (I) de l’article Jansénius, [t. VIII, p. 322] et à la remarque (A) de l’article Simon [tom. XIII, p. 308.]. Rem. de M. Bayle.
  2. Il est très-faux que l’on attribue au Théodore Simon ou Simonis qui eut quelques conférences avec Jansénius, le livre impie dont notre auteur parle. Il en rapporte mal le titre, qu’il pouvait trouver aisément dans le Dictionnaire critique, à la page 2719 de la deuxième édition [t. XIII, p. 308]. Le titre de cet ouvrage, imprimé à Cracovie l’an 1588, est Simonis Religio. Pas la date de l’impression, il est évident que le Théodore Simonis dont il s’agit ici n’est point l’auteur de ce livre, car il était encore jeune lorsqu’il eut des démêlés avec Jansénius, environ l’an 1630. Rem. de M. Bayle.
  3. Il fallait dire que le père Estrix, jésuite flamand, est l’auteur du livre de Fraudibus Hæreticorum, qui a paru sous le faux nom de François Simonis. Rem. de M. Bayle.
  1. L’article de Simon ou Simonis n’était pas encore dans l’édition de 1712 : il est dans celle de 1725, tiré du Dictionnaire de M. Bayle. Nouv. Observ.
  2. Notre auteur s’est étrangement brouillé en rapportant ce qu’il avait lu dans M. Bayle : cela lui est assez ordinaire ; mais on peut dire qu’il s’est ici surpassé lui-même. Nouv. Observ.

SOPHRONIE. L’éditeur n’a point corrigé les fautes où Moréri était tombé en parlant de cette dame romaine. Il est vrai qu’Eusèbe de Césarée parle de sa beauté et de sa chasteté dans le 14e. chap. de son 8e. livre, mais il ne la nomme point, et on ne sait d’où les historiens lui ont donné dans la suite le nom de Sophronie. M. Bayle, à qui peu de choses échappent, avoue qu’il n’a trouvé en aucun endroit le nom de Sophronie ; ainsi l’éditeur devait s’abstenir de citer Eusèbe comme son garant à l’égard de ce nom. Ce n’est pas la seule faute qu’il a copiée dans les premières éditions. Par exemple, sa locution n’est pas exacte lorsqu’il dit que cette dame peut être appelée la Lucrèce chrétienne ; ce n’est pas là le sens des paroles de Charles Étienne, que Moréri et ses continuateurs ont mal traduites [1].

  1. Dans la dernière édition, l’article de cette dame est corrigé sur le Dictionnaire de M. Bayle, dont notre auteur est encore ici le copiste. Nouv. Observ.

SPANHEIM. Dans cet article il est parlé du feu roi d’Angleterre, Guillaume III, comme s’il vivait encore : ce prince mourut en 1702, et le dictionnaire a été achevé sur la fin de l’année 1704 ; ainsi l’article Spanheim étant dans le dernier volume qui a été imprimé plus de deux années après la mort de ce prince, on aurait pu éviter cette locution, Guillaume prince d’Orange, [a] à présent roi d’Angleterre, puisqu’il y avait deux années entières que ce roi était mort lorsqu’on se servait du mot à présent[1].

  1. Cette censure est juste, et je me servirai de cette occasion pour avertir ceux qui donneront de nouvelles éditions du Moréri, en Hollande, qu’ils doivent rectifier certaines choses dans l’article de Guillaume III, roi d’Angleterre. En premier lieu, on a dit dans cet article qu’étant prince d’Orange il a livré trois batailles à la France, celles de Senef, de Saint-Denis, et de Mons. C’est avoir ignoré que la bataille de Saint-Denis et celle de Mons sont la même ; et ainsi au lieu de trois batailles on en marque seulement deux : on a oublié celle de Cassel. Outre cela il aurait fallu marquer la date de chacune de ces trois batailles, et ne se pas servir du terme livrer qui signifie que le prince d’Orange attaqua, ce qui n’est pas vrai. Il fut attaqué à Senef : on vint au-devant de lui à Cassel : il n’attaque qu’à Saint-Denis, et cela lorsque les Français, qui savaient que la paix était signée à Nimègue, ne se tenaient point sur leurs gardes. Enfin, il eût fallu marquer si le prince fut vainqueur ou vaincu dans chacune de ces trois batailles. En second lieu, l’on a assuré qu’il partit pour l’expédition d’Angleterre le 1er. de novembre 1688 : il fallait dire le 29 d’octobre 1688. En troisième lieu, que les vents contraires l’ayant obligé de revenir, il repartit le 8, il fallait dire le 11. En quatrième lieu, l’on assure qu’il a livré depuis deux batailles à la France, l’une à Steenkerken, et l’autre près de Londen (il fallait dire Landen). Les mêmes négligences que j’ai remarquées sur le premier article se trouvent ici ; la date manque aussi-bien que la circonstance si le prince fut attaquant ou attaqué, vainqueur ou vaincu. Je me sers de l’édition de Hollande 1698. Celle de Paris 1699 a retranché la plus grande partie de cet article de Guillaume III. Je ne pense pas que ce que je viens de dire soit inutile à ceux qui prendront la peine de donner de nouvelles révisions du Moréri. Ils comprendront comment un article historique doit être rempli, et que, sans être trop long, il peut contenir les circonstances les plus essentielles. Ils feront bien de corriger l’article du maréchal de Luxembourg. On y dit faussement que le prince d’Orange fut obligé en 1674 de lever le siége de Charleroi, et qu’il fut battu à la journée de Saint-Denis, proche de Mons, l’an 1678. (Voyez [t. XVI] l’avertissement de la seconde édition du Dictionnaire critique, vers la fin. Nouv. Observ.) Rem. de M. Bayle.
  1. Cela a été corrigé dans l’édition de 1712. Nouv. Observ.

STOFLER. Dans l’article de ce célèbre mathématicien, on devait naturellement y trouver quelques traits de l’amitié qu’il eut pour Munster, son disciple, auquel il laissa des copies de tous ses ouvrages dont celui-ci sut bien faire son profit dans la suite, et s’en servir à publier sous son nom d’excellens traités[1].

  1. M. Bayle, dans l’article de Stofler, dit qu’il eut beaucoup d’amitié pour Munster, son disciple, et que cela servit beaucoup à la république des lettres ; car sans les copies qu’il lui avait laissé tirer de tous ses écrits, ils eussent été perdus pour jamais lorsque le feu en fit périr les originaux. Voici l’usage que notre auteur a fait de ces paroles, selon sa manière de concevoir les choses, et de les rapporter : 1o . il prétend qu’on devait naturellement trouver dans la nouvelle édition du Moréri quelques traits de l’amitié que Stofler eut pour Munster son disciple ; mais cela est dit au hasard, car M. Bayle, son seul et unique auteur, ne marque point d’autre trait de son amitié que celui qu’on vient de voir. 2o . Il assure que Stofler laissa à Munster des copies de tous ses ouvrages : cela signifie que Stofler fit lui-même, ou fit faire par d’autres des copies de ses ouvrages, et qu’en mourant il les laissa à Munster : mais ni l’un ni l’autre n’est vrai : il lui laissa seulement tirer des copies de ses écrits. 3o . Il ajoute que Munster en sut bien faire son profit dans la suite, et s’en servir pour publier en son nom d’excellens traités : c’est-à-dire que Munster s’appropria les ouvrages de Stofler, les publia comme siens, et en ravit la gloire à son ami : mais quelle preuve en donne-t-il ? aucune : ce n’est pas sa coutume de donner des preuves de ce qu’il avance. Nouv. Observ.

STROZZY. L’article de Philippe Strozzy est bien sec : ce généreux citoyen, qui se sacrifia pour la liberté de sa patrie, méritait quelque chose de plus : on ne devait pas surtout oublier ce vers de Virgile, que ce brave Florentin écrivit sur sa cheminée avec la pointe de son poignard, un moment avant que de[a] mourir.

Exoriare aliquis nostris ex ossibus ultor[1].

  1. Il fallait dire avant que de se faire mourir. Cela eût appris sur-le-champ à tous les lecteurs le genre de mort de ce Florentin, singularité insigne. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans la dernière édition on trouve un bon article de ce Strozzi, tiré du Dictionnaire de M. Bayle, d’où notre auteur a pris ce qu’il dit ici. Nouv. Observ.

SULPICE SÉVÈRE. On avait déjà averti les continuateurs de Moréri, qu’il n’est pas sûr que cet historien fût de l’Agénois, et que parce qu’il dit dans ses ouvrages que Phœbadius d’Agen était son évêque, ce n’est pas une raison d’en conclure qu’il était lui-même de ce diocèse ; cependant ils ont tranchés sur la difficulté, qui ne laisse pas de subsister malgré leur décision, et qui a même beaucoup de partisans [1].

  1. M. Bayle, à l’article de Sévère (Sulpice) remarque qu’on ne peut pas douter qu’il ne fût de la province d’Aquitaine ; mais qu’il n’est pas indubitable qu’il fût du diocèse d’Agen : et il met cette note à la marge : il dit que Phæbadius, évêque d’Agen, était son évêque. Cela ne prouve pas qu’il fût né dans ce diocèse. Voilà ce qui a fait dire à notre auteur qu’on avait déjà averti les continuateurs de Moréri, etc. Ils n’ont pas encore profité de la remarque de M. Bayle. Dans l’édition de 1725 on trouve que Sulpice Sévère était né à Agen dans l’Aquitaine, ou dans ce diocèse ; puisque, par son propre témoignage, Phæbadius d’Agen était son évêque. Nouv. Observ.
T.

TAVERNIER. L’éditeur a oublié, dans l’article de ce célèbre voyageur, de dire quelque chose des démêlés qu’il eut autrefois avec les auteurs hollandais. Il fut l’agresseur dans son Histoire de la conduite des Hollandais en Asie, et il y maltraita beaucoup les directeurs de la compagnie des Indes Orientales. L’auteur de l’Esprit de M. Arnauld vengea peu de temps après ces messieurs. M. Jurieu prit pour eux le fait et cause en main, et se déchaîna d’une manière tout-à-fait indigne contre le pauvre M. Tavernier, qui se trouva encore dans la suite mêlé dans la querelle du père le Tellier et de M. Arnauld. Ce voyageur ne parla pas des jésuites avec toute la modération qu’il devait dans les relations qu’il donna ; cette conduite lui attira quelques coups de plume dans la seconde partie de la Défense des nouveaux chrétiens, dont M. Arnauld à la vérité le vengea dans la suite dans son IIIe. tome de la Morale pratique [1]. Qui aurait jamais cru qu’un négociant eût été pour quelque chose dans la contestation de ces deux savans hommes ? Il me semble que ce fait, et le premier dont j’ai parlé, auraient assez embelli l’article Tavernier [2].

  1. Notre auteur a tiré tout ceci de M. Bayle. Nouv. Observ.
  2. Dans l’édition de 1725, où l’article de Tavernier est corrigé sur le Dictionnaire de M. Bayle, on parle du livre de ce voyageur touchant la conduite des hollandais en Asie : mais on n’y dit rien des plaintes du père le Tellier, ni de la réponse de M. Arnauld. On a cru que ces particularités n’étaient pas du ressort de Moréri. Nouv. Observ.

TETTI. Cet article méritait une place dans la nouvelle édition : Scipion Tetti a fait assez de bruit dans le XVIe. siècle pour qu’on ne dût pas l’oublier dans cet ouvrage : c’était, dira-t-on, un homme rempli de mauvais principes de religion, dont il est important d’éteindre le souvenir. Selon ce raisonnement, il faudra dire que saint Épiphane s’est donné une peine bien inutile, et même que son travail peut avoir eu des suites dangereuses, lui qui nous a donné un recueil de toutes les hérésies qui s’étaient formées dans le sein de l’église jusques à son temps. Bien loin qu’un travail comme celui-là soit dangereux pour la religion, je le crois au contraire, avec un saint père, très-utile pour l’établissement de la foi. Cette diversité de sentimens, cette contrariété continuelle entre ceux qui ont abandonné le point fixe de l’unité, ne marquent-elles pas invinciblement la divinité de notre religion ? ne marquent-elles pas que, hors cette unité de l’église, il n’y a plus qu’illusions, que précipices, et que dangers ?

Revenons à Scipion Tetti : ce qui lui attira de fâcheuses disgrâces, telles sur tout que M. de Thou nous les décrit (in vitâ suâ lib. 1), fut son petit Traité des Apollodores. M. Baillet, qui en a parlé dans ses ouvrages, en fait beaucoup de cas ; ce bibliographe aurait dû cependant le louer sobrement ; les erreurs dont on accusait Tetti, et que l’on disait qu’il avait répandues dans ce petit ouvrage [a], n’étaient pas un titre légitime pour mériter l’estime de M. Baillet : à cet ouvrage près, les mœurs de Tetti étaient assez réglées, et Benoît Ægius, qui publia le livre de cet auteur, en dit beaucoup de bien dans ses notes ; et je suis persuadé que si le Tetti ne s’était pas trouvé dans un pays où l’apparence et l’ombre du crime sur certaines matières passent pour le crime même, il n’aurait pas essuyé le triste sort où il se vit exposé à la fin de ses jours [1].

  1. Le traité de Scipion Tetti de Apollodoris a été imprimé à Rome pendant la vie de l’auteur, et dès-là l’on doit préjuger qu’il ne contient point d’hérésies. Mais on se peut convaincre en le lisant qu’il n’y a quoi que ce soit qui puisse déplaire à l’inquisition dans ce petit livre. Ce ne fut point aussi ce qui l’exposa aux persécutions et à la peine de galères. M. Baillet n’a pas eu donc tort de louer ce traité-là, et n’a pu en être détourné par les erreurs que l’on disait y avoir été répandus : personne n’avait dit cela. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition de 1712 on ne trouve pas l’article de Scipion Tetti : mais on le donne dans celle de 1725, tiré mot à mot du Dictionnaire de M. Bayle. Nouv. Observ.

TIMOMAQUE. L’éditeur se trompe quelquefois dans ses supputations arithmétiques ; en voici un exemple : dans l’article de Timomaque, il dit que César acheta de ce peintre le tableau de Médée et d’Ajax, 80 talens qui reviennent à la somme de 48,000 écus : il se trompe, 80 talens font une plus grosse somme de notre monnaie : si on s’en rapporte au savant jésuite qui nous a donné cette belle édition de Pline où il est parlé de Timomaque, et du marché qu’il fit avec César, on trouvera que 80 talens font 19200 [a][1] livres de notre monnaie.

  1. Les imprimeurs de notre auteur ont ici oublié un zéro, et par-là ils l’ont jeté en contradiction, car dix-neuf mille deux cents livres de notre monnaie sont une plus petite somme que quarante-huit mille écus. Le père Hardouin (in Plin. tom. 5, pag. 230) qui est le jésuite qu’on cite ici, prétend que les quatre-vingts talens de Pline font cent quatre-vingt douze mille livres de notre monnaie. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur, en copiant ici M. Bayle, s’est mal exprimé. Il dit le Tableau de Médée et d’Ajax, comme si ce n’était qu’un seul tableau. M. Bayle remarque que ce peintre fit un Ajax et une Médée qui furent achetés, etc. Et dans la dernière édition du Moréri, où l’on a corrigé cet article sur le Dictionnaire de M. Bayle, on a mis qu’il fit, entre autres tableaux, une Médée et un Ajax que César acheta, etc. Nouv. Observ.

TIRANNION. Cet article a été assez bien corrigé ; mais on ne devait pas oublier de parler du nombre des livres que cet auteur a faits ; celui qu’il composa pour prouver que la langue latine descend de la langue grecque méritait surtout une remarque dans un livre de la nature d’un Dictionnaire [1].

  1. Dans l’édition de 1725 l’article de Tyrannion est corrigé sur le Dictionnaire de M. Bayle, d’où notre auteur a pris ce qu’il dit ici. Mais il s’y est glissé une faute. On dit que Tyrannion s’appelait auparavant Diocle ; il faut écrire comme M. Bayle, Dioclès. Nouv. Observ.

TIRÉSIAS. Il manque bien des choses à l’article de cet ancien devin : en le voulant trop corriger, on l’a entièrement défiguré. On n’a rien dit sur la nécromancie que Tirésias professait ouvertement, ni sur le sentiment que Lucien lui attribue dans son Traité de l’astrologie [1].

  1. On a aussi réformé cet article sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais on n’y a pas mis les deux particularités que notre auteur rapporte ici, et qu’il a tirées de M. Bayle. Nouv. Observ.

TANAQUIL. Cet article est mutilé ; on ne connaît point le mérite de cette illustre reine par ce qu’en disent Moréri et ses continuateurs. Le seul mérite de savoir faire des étoffes (c’est tout ce qu’en dit l’éditeur) n’eût pas été un titre pour faire passer son nom à la postérité, et pour engager saint Jérôme à en parler si avantageusement dans son livre contre Jovinian. Ce père remarque que Tarquin l’Ancien est bien moins connu que son épouse, et que la vertu de cette reine ne s’effacera jamais de la mémoire des hommes. Le seul défaut qu’on lui a reproché, est d’avoir été trop impérieuse ; c’est Juvénal qui semble le lui vouloir attribuer dans sa sixième satire : mais ce reproche ne saurait subsister avec les louanges excessives que lui a données saint Jérôme. C’était à l’habileté de l’éditeur à lever ces contradictions [1].

  1. Dans la dernière édition on trouve un fort bon article de cette reine, dressé sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais on ne dit rien du reproche qu’il semble qu’on lui ait fait d’avoir été trop impérieuse. C’est au lecteur à décider si ce reproche, supposé qu’il soit bien fondé, est incompatible avec les louanges de saint Jérôme ; si l’humeur trop impérieuse d’une femme, anéantit les grandes vertus qu’elle peut avoir d’ailleurs. Nouv. Observ.

TANNÉRUS. Cet article a été oublié, et je crois qu’il ne doit pas l’être dans une nouvelle édition. Tannérus fut un très-savant jésuite d’Allemagne, qui s’est rendu célèbre par ses ouvrages et surtout par l’Anatomie de la confession d’Augsbourg qu’il publia, et qui lui attira de terribles adversaires [1].

  1. On trouve l’article de Tannérus dans la dernière édition. Nouv. Observ.

TRUSCHES. Il y a longtemps que les éditeurs de Moréri devraient avoir ouvert les yeux sur une erreur grossière, où ils sont tombés en parlant de Gebhard Trusches, archevêque de Cologne, qu’ils font successeur immédiat de Jean Gebhard de Mansfeld, aussi électeur de Cologne. Devraient-ils ignorer qu’il y a eu trois électeurs entre Mansfeld et Trusches ? En cela le dernier éditeur est moins excusable que les premiers, puis que s’il s’était donné le loisir de consulter les ouvrages des critiques, il aurait reconnu l’erreur de ceux qui ont donné les premières éditions ; et en dernier lieu, il n’avait qu’à consulter la Réponse aux questions d’un provincial, du célèbre M. Bayle ; il aurait trouvé un article particulier, dans lequel ce sujet est fort détaillé. Trusches se trouvant à la fin du Dictionnaire, qui n’a été achevé que les derniers mois de l’année dernière, et le livre de M. Bayle ayant paru en France dans le milieu de cette même année, l’éditeur aurait encore été à temps de corriger cette faute, mais il en coûte trop quand on veut faire les choses dans la dernière exactitude. Il y a beaucoup de conformité dans la conduite de ces deux électeurs. Trusches, à l’exemple de Mansfeld, trouvant la loi du célibat trop dure, en secoua le joug, et se maria ; mais il n’imita pas la docilité de son prédécesseur, qui, convaincu de l’incompatibilité qu’il y a entre une femme et un archevêché, se soumit aux lois de l’église, et abandonna de bonne grâce sa dignité ; au lieu que Trusches disputa jusqu’au dernier moment de sa vie pour conserver l’un et l’autre : le rapport qu’il y a dans les aventures de ces deux prélats a sans doute obligé Moréri et ses continuateurs, de les rapprocher si fort [1].

  1. M. Bayle avait relevé cette faute de Moréri, dans sa Réponse aux Questions d’un Provincial, tom. I, chap. LX, pag. 536. On a profité des particularités qu’il rapporte touchant Gebhard Truchses, dans l’édition de 1725, quoi qu’on ne le cite pas à la fin de cet article. Nouv. Observ..
U.

URCÉUS. La patrie de ce savant homme ne devrait point faire la matière d’un [a] paradoxe : l’éditeur a trouvé M. Bayle incertain sur ce sujet [b], et flottant entre les divers sentimens de Piérius Valérianus et de Gesner ; il a hésité à son exemple. Mais le doute n’était pas difficile à lever, et dans cette occasion, l’autorité de Piérius Valérianus ne doit pas balancer celle de Gesner, parce que celui-ci parle sur la foi et sur le témoignage de Barthélemi de Boulogne qui a fait la vie d’Urcéus. Or un historien, un auteur qui a travaillé ex professo (pour ainsi parler) à la vie d’un homme, est bien plus croyable qu’un autre qui n’a fait que compiler, et qui a plutôt travaillé à donner l’éloge de quelques savans qu’à donner une histoire exacte de leur vie. Un auteur de ce dernier genre ne s’attache guère à approfondir chaque sujet ; cela le mènerait trop loin : il s’attache plus à rassembler une infinité de matériaux qu’à en choisir de bons ; mais un historien particulier, tel qu’a été Barthélemi de Bologne ; un auteur, dis-je, dont l’exactitude est si connue, doit bien plutôt en être cru que Piérius Valérianus, qui avait plus à cœur de donner au public son ouvrage (de Infelicitate Litteratorum) tel qu’il fût, que de donner une histoire suivie et détaillée de chacun de ceux dont il parlait dans son livre. Ainsi il est bien plus probable qu’Antoine Urcéus était d’Herberia, petit bourg du territoire de Reggio, à sept milles de [c] Mantoue, que de Ravenne, comme l’assure Piérius Valérianus.

L’éditeur nous aurait pu donner la prière que Spizélius [d] met à la bouche d’Urcéus, dans le moment qu’il se vit prêt de mourir. Elle est singulière, et très-propre à persuader les athées, s’il est vrai qu’il y en ait dans le monde, qu’il n’est point d’intrépidité qui tienne contre les frayeurs de la mort, et que dans ces derniers momens l’esprit prêt de sortir des liens du péché, commence à percer les ténèbres dont il était environné, et à voir enfin les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes : voici la prière :

Qui cælum incolis, fer, quæso, opem peccatori : noli me, qui tuum in sinum confugio, supplicem rejicere. Si unquam peccantem hominem voti reum fecisti, sic mihi extrema oranti dextram ab alto porrigas, oro.

Au reste, jamais homme de lettres ne mérita à plus juste titre une place dans le livre de Piérius Vaérianus, qu’Antoine Urcèus. Le désespoir qu’il fit paraître de l’incendie de sa bibliothéque et de ses papiers, est d’une nature à effrayer tous ceux qui en liront les circonstances. Aussi la résolution qu’il prit de se dérober pour jamais à la vue des hommes, et de s’enfoncer dans le plus épais des forêts, ne peut avoir été dictée que par le plus grand désespoir [1].

  1. Il fallait dire d’un Problème. Rem. de M. Bayle.
  2. Pour avoir raison de dire qu’un auteur est incertain et flottant, il faut qu’il ait dit qu’il ne sait laquelle choisir entre deux choses qu’il rapporte ; car de rapporter deux sentimens sans dire en propres termes que l’on embrasse ou celui-ci ou celui-là n’est une bonne preuve que l’on soit flottant, que l’on hésite ; c’est seulement faire voir que l’on se contente d’être historien, et qu’on laisse aux lecteurs la liberté de choisir. M. Bayle a fait assez entendre le parti préférable, puisqu’il a marqué que Gesner citant Barthélemi de Bologne, donne Herberia pour patrie à Urcéus, et puisqu’il a dit que Barthélemi de Bologne a écrit la vie d’Urcéus. Rem. de M. Bayle.
  3. Il fallait dire Modène, et il faut corriger ainsi dans le Dictionnaire de M. Bayle. Rem. de M. Bayle.
  4. Notez que Spizélius ne fait que rapporter ce qu’il avait lu dans la Vie d’Urcéus composée par Antoine de Bologne. C’est de ce dernier que l’on peut dire qu’il a mis dans la bouche d’Urcéus la prière en question. Rem. de M. Bayle.
  1. Dans l’édition du Moréri de 1712 on corrige l’article d’Urcéus Codrus sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais ce que M. Bayle a dit de cet auteur n’est pas exact. Il n’avait pas la Vie de Codrus ; et il fut obligé de s’en tenir à Spizélius et à Piérius Valérianus, qui ont fait plusieurs fautes en parlant de Codrus. Sa vie, écrite d’abord en italien par le frère de Codrus, fut traduite en latin et publiée avec des additions Bartholomeo Bianchino, Bartholomeus Blanchinus, qui avait été l’élève de Codrus et son intime ami. Les auteurs cités par M. Bayle, le nomment Barthélemi de Bologne, prenant le nom de sa patrie pour son véritable nom. Cette Vie se trouve à la tête des Œuvres de Codrus. Voici ce que M. de la Monnoye dit de Codrus, dans ces additions au Ménagiana, tom. III, pag. 280 et suiv. de l’édition de Paris.

    « Urcéus naquit à Rubiéra, petit bourg dans le territoire de Reggio, le 17 d’août 1446. Il commença dès l’âge de vingt-trois ans à professer les humanités à Forli, et y fut en particulier précepteur de Sinibaldo Ordelafo, fils de Pino Ordelafo, souverain de cette ville. C’est là qu’un jour Pino, à la manière ordinaire, lui ayant dit dans la rencontre, Antonio, mi raccomando. Dunque, répondit-il, Giove a Codro si raccomanda, paroles que ses écoliers ne laissèrent pas tomber à terre, en sorte que le nom de Codrus lui en demeura. De Forli, il passa en 1482 à Bologne, où, ayant enseigné dix-huit ans, il mourut l’an 1500, âgé de cinquante-quatre, et non pas de soixante-dix ans, comme a dit Léandre Albert. Il n’est pas vrai non plus qu’il ait été assassiné, comme l’a écrit Piérius, De litteratorum infelicitate. mourut asthmatique à Bologne au couvent de Saint-Sauveur, où il s’était fait porter, et où il fut enterré, n’ayant voulu sur son tombeau pour toute inscription que Codrus eram. Il reçut ses sacremens en bon chrétien ; et ce fantôme, que peu de temps avant sa mort il crut voir prêt à se jeter sur lui, ne fut autre chose que l’effet d’un transport au cerveau. Il est vrai que de son vivant on le tenait un peu épicurien..…

    « Codrus avait la réputation de savoir bien le grec. Politien l’élut par cette raison juge de ses épigrammes grecques. Alde lui dédia le recueil d’épîtres grecques qu’il fit imprimer in-4o. l’an 1499. Codrus n’était pas non plus mauvais grammairien latin. Codro, dit Erasme dans son Cicéron, nec latinæ linguæ facultas decrat, nec urbanitas. Le supplément de l’Aulularia, dans plusieurs éditions de Plaute, est de lui. Il y est qualifié humaniste italien vivant sous Sigismond et sous Frédéric III, empereurs ; ce qui n’est pas vrai, car comment peut-il avoir vécu sous Sigismond, étant né près de neuf ans après la mort de cet empereur ? Jamais homme, au reste, ne vécut dans une plus grande simplicité. Mantuan, à la fin de ses Silves, a dit de lui qu’il tenait l’Iliade d’Homère sur ses genoux, pendant qu’il écumait le pot d’une main, et de l’autre tournait la broche.

    Ilias in manibus, spumat manus una lebetem
    Una veru versat. Tres agil ille viros. »

    Dans ces mêmes additions, tom. 1, pag. 336, M. de la Monnoye met Codrus au rang des auteurs licencieux : « Qu’on parcoure, dit-il, la plupart des harangues intitulées Sermones, que Codrus a prononcées à l’occasion des auteurs qu’il entreprenait d’expliquer, on y trouvera une liberté plus que cynique. »

    Les œuvres de Codrus sont très-rares, quoiqu’il s’en soit fait quatre éditions. La première fut imprimée à Bologne en 1502, in-folio : la seconde, à Venise en 1506, aussi in-folio : la troisième, à Paris en 1515, in-quarto : et la quatrième, à Bâle en 1540, aussi in-quarto.

    M. de Saint-Hyacinthe a donné un Extrait fort étendu des Œuvres de Codrus, dans ses Mémoires littéraires, tom. 1, art. 5, pag. 259 et suiv.

    J’en tirerai presque mot à mot un narré suivi de la Vie de Codrus, qui, joint aux particularités rapportées par M. la Monnoye, pourra servir de correctif et de supplément au Dictionnaire de M. Bayle ; et il ne tiendra qu’aux nouveaux éditeurs du Moréri d’en profiter. Mais cet abrégé est trop long pour entrer dans cette note ; on le trouvera [ci après page 440] à la suite de ces Remarques critiques. Nouv. Observ.

W.

WESTPHALE. Il est vrai que l’éditeur a corrigé l’article de Jean Westphale, qui est un théologien imaginaire, auquel Moréri attribue des erreurs abominables. Mais il a plus fait qu’on ne lui demandait, car on n’exigeait pas qu’il supprima [a] tout l’article, mais bien qu’en ôtant à Jean Westphale la qualité de théologien, qui, certainement, ne lui était pas due, il lui rendit celle d’imprimeur qui lui appartient. Ce Jean Westphale ou de Westphalia n’est pas un personnage si obscur qu’il ne mérita une place dans le Dictionnaire. C’est le premier imprimeur qui parut dans les Pays-Bas ; il s’établit à Louvain en 1475, et les Morales d’Aristote furent son premier [b] ouvrage [1].

  1. Il fallait dire supprimât, et dans la période suivante qu’il ne méritât. Voici des fautes de langage, toutes telles que celles du sieur de Valone, marquées ci-dessus à l’article Actor, note (a) ; joignez-y le j’en eu pu faire que vous trouverez ci-dessous dans la conclusion de l’auteur, au lieu de j’en eusse pu faire. Rem. de M. Bayle.
  2. C’est le sentiment de Gabriel Naudé ; mais le sieur de la Caille, dans son Histoire de l’imprimerie, pag. 30, veut que dès l’an 1473 Jean de Westphalia ait imprimé à Louvain plusieurs ouvrages, comme Pet. Crescentius de omnibus Agriculturæ partibus, etc., in-folio. Rem. de M. Bayle.
  1. Notre auteur n’est encore ici que le copiste de M. Bayle, qui a fait voir que le Jean Westphale de Moréri, Hérétique Luthérien, etc., est un homme imaginaire. Ce n’est pas, ajoute M. Bayle, qu’il n’y ait eu un Jean de Westphalia, mais c’était un imprimeur qui s’établit à Louvain l’an 1475 ; et il cite là-dessus Gabriel Naudé. Cet imprimeur se nommait tantôt Johannes de Westphaliâ, tantôt Johannes Westphalia Paderbornensis, tantôt Johannes de Paderborn in Westphaliâ, et tantôt Johannes Padelboern de Westphaliâ. Il imprima non-seulement à Louvain, mais à Alost et à Nimègue. En 1474 il s’associa avec Théodoric Martini d’Alost. Il donna en 1475 Justiniani Institutiones cum Glossâ, in-fol., et y joignit cette espèce d’avertissement énigmatique, à la manière des premiers imprimeurs : Institutionum præsens opus insigne...... Johannes de Paderborne in Westphaliâ almâ in universitate Lovaniensi residens non fluviali calamo sed arte quâdam characterisandi modernissimâ suo proprio signo consignando feliciter consummavit anno incarnationis Dominicæ M. CCCC. LXXV., mensis novembris die XXI, etc. Vingt ans après il imprima Aur. Augustinus in libr. de Trinitate, Lovanii per Johannem Padelboern de Westphaliâ, fol. À la fin du livre on trouve ceci :

    Numine sancte tuo Pater ô tueare Johannem
    Padelborn, præsens qui tibi pressit opus.

    Lovanii per Johannem Padelboern de Westphaliâ in profesto nativitatis Christi finiente anno nonagesimo quinto. Voyez les Annales Typographiques de M. Maittaire, tom. 1. Nouv. Observ.

X.

XÉNOPHANES. L’article de ce philosophe est bien mutilé : à juger de sa doctrine par ce que l’on en a dit dans la nouvelle édition du Dictionnaire historique, et par ce qu’en ont dit Diogène Laërce dans la vie des philosophes, et Cicéron dans son livre, De naturâ Deorum, on serait volontiers tenté de croire que ce sont deux personnages différens : l’éditeur nous dit simplement qu’il admettait quatre élémens, et une infinité de mondes. Si toute sa doctrine avait été réduite à ces deux chefs principaux, aurait-elle paru si pernicieuse à quelques savans ? et leur aurait-elle donné lieu d’inférer que Spinosa avait puisé les fonds de son système impie des principes de cet ancien philosophe ? Qu’aurait-elle enfin cette doctrine, de plus que ce que le célèbre M. Huygens, et M. de Fontenelle nous ont appris dans leurs ingénieux ouvrages ? Mais Xénophanes avait bien d’autres principes ; il disait précisément que l’entendement est Dieu, et que tout ce qui est infini est Dieu. Eusèbe de Césarée lui reproche d’avoir enseigné que la nature est éternelle à priori et à posteriori, et qu’elle est toujours semblable à soi-même. Si nous en croyons la conjecture d’un savant critique, et philosophe prétendait que l’entendement divin a tâché de donner à toutes les créatures un état de perfection ; mais qu’ayant trouvé dans la matière d’invincibles obstacles, il n’a pu toujours exécuter ses desseins ; et qu’ainsi il a été contraint, en certaines occasions, de produire de mauvaises choses : et voilà sans doute la source détestable d’où Manès a tiré la doctrine de ses deux principes, l’un auteur de tout bien, et l’autre auteur de tout mal. Ce n’est pas qu’à prendre le principe sous une certaine face, ne soit susceptible d’une interprétation favorable ; car si ce philosophe a voulu dire que les douceurs de la vie n’égalent pas les amertumes qui l’accompagnent, on jugera aisément qu’il n’avait pas beaucoup de tort, et que sa moralité n’est pas souvent hors d’œuvre ; et je crois que c’est de Xénophanes que le célèbre historien de la nature [a], qui a paru plusieurs siècles après lui, a emprunté cette pensée, lorsqu’il a dit au commencement de son septième livre, que les biens que la nature nous fait sont mêlés de tant de maux, qu’il ne sait si, parens melior homini an tristior noverca fuerit [1].

  1. Ce qui se rapporte à le célèbre historien (c’est-à-dire Pline) ; mais, selon la rigueur de la grammaire française, il devrait se rapporter à la nature, qui est son substantif plus voisin, et c’est là qu’un lecteur le rapporterait, si la réflexion ne l’en détournait. Or, autant qu’il est possible, il faut épargner aux lecteurs La peine de cette sorte de réflexions. Je sais bien qu’on ne le peut faire toujours, et je me dispense tout le premier de ces règles trop gênantes ; mais la chose était facile ici, en disant Pline tout court. Rem. de M. Bayle.
  1. Tout ceci est tiré, tant bien que mal, du Dictionnaire de M. Bayle. Dans le Moréri de 1725, après ces paroles, il admettait quatre élémens, et une infinité de mondes, on a ajouté, croyait que la lune était un pays habité, et avait plusieurs autres principes impies, que l’on peut voir dans Bayle. Mais pourquoi mettre au nombre des principes impies de Xénophanes, d’avoir cru que la lune est un pays habité : sentiment qui lui fait, au contraire, beaucoup d’honneur, comme l’a remarqué M. Bayle ? Nouv. Observ.

Voilà les remarques que j’ai faites sur la dernière édition de Moréri ; j’en eu [* 1] pu faire un plus grand nombre ; mais j’ai été bien aise de pressentir le goût du public : s’il les agrée, et qu’il les juge utiles à une nouvelle édition, j’en pourrai donner la suite.

Je ne dois pas cependant finir sans dire un mot des additions considérables qu’on trouve dans la nouvelle édition de 1704. Elle contient plusieurs articles qui n’étaient point dans les premières : comme des dissertations, des généalogies, et d’autres remarques importantes. Par exemple, on trouve dans le premier volume une dissertation très-curieuse sur l’altesse royale, qu’on a donnée à tant de princes depuis quelques années. L’article qui regarde M. de Sallo (le père et l’auteur de tous les journaux) a été corrigé [a] avec beaucoup d’exactitude. L’article de Duranti a été grossi d’une curieuse dissertation au sujet du livre De ritibus, etc. C’est au père [b] Mersenne, ou à ses partisans, d’en examiner la valeur.

L’article de la Trappe a été ajouté : les généalogies ont été réduites à un ordre très-commode et très-intelligible. À la vérité celle de Saulx-Tavanes doit être retouchée, car les deux branches de cette maison ne sont pas assez distinguées, et on ne sait de qui est fils le dernier comte de Tavanes, qui avait épousé mademoiselle d’Aguesseau. Je sais bien qu’il était fils de Jacques de Saux, et de Louise Henriette Potiers-Trêmes, au lieu qu’on donne pour fils à celui-ci le marquis de Tavanes, qui a épousé N.... de Bourbon-Busset, laquelle descend d’un fils naturel du cardinal Charles de Bourbon [1].

La généalogie de Savoie a été très-bien éclaircie, et on en a ajouté plusieurs autres, comme celles de Rousselet-Château-Renauld, de Roisin, de Marca ou la Marque, de Servient, de Tonnelier-Breteuil, de Tournebu, d’Hostung-la-Baume, de Tournemine, la même maison dont est le savant jésuite Tournemine ; de Constantin Tourville, de Valbelle, de Vincent de Mauléon, de Saignez-d’Astraud de Causans, de Frézeau la Frezélière, et Fouquet.

Celle de Phelipeaux a été corrigée. Celle de Bignon a été mise dans l’ordre où elle doit être.

On doit corriger dans la généalogie de Voyer le mot Revau, qui est mal écrit, il faut Rivau [2].

  1. * Voyez la remarque (a) pag. 437.
  1. On m’a dit pourtant qu’une faute d’arithmétique qui a passé d’édition en édition n’a point été corrigée dans celle de 1704 non plus que dans celle de 1699. Cette faute est de dire que M. de Sallo, né en 1626, mourut l’an 1669 âgé de quarante-neuf ans. Il est visible, sur ces années de naissance et de mort, qu’il n’a vécu que quarante-trois ans. (Cette faute avait passé dans les éditions de 1707, 1712 et 1718 ; elle n’a été corrigée que dans celle de 1725. Nouv. Observ.) Il eût été à souhaiter que l’éditeur eût réfuté un mensonge qui diffame cruellement M. de Sallo, et qui ayant été d’abord débité par le chartreux qui s’est masqué sous le nom de Vigneul Marville, a déjà paru dans un livre latin publié en Allemagne, et passera sans doute de livre en livre et de pays en pays en peu de temps, si l’on ne prévient cette malheureuse propagation. C’est pourquoi j’assure ici comme une chose qui vient de M. l’abhé Gallois, qu’il n’y a rien de plus faux que ce passage de Vigneul Marville (tom. 1 des Mélanges, pag 304) que M. Sallo mourut en 1665, d’une maladie à laquelle les enfans des Muses ne sont guère sujets, et pour laquelle il n’y a point de remède dans Hippocrate ni dans Galien ; car il mourut de déplaisir d’avoir perdu cent mille écus, c’est-à-dire tout son bien au jeu. Il est certain qu’il mourut en 1669, sans que le jeu y eût rien contribué. Le livre d’un docte Allemand (M. Struve) où ce passage de Vigneul Marville a été cité pag. 79, fut imprimé à Iène l’an 1704, sous le titre de Introductio ad notitiam rei litterariæ et usum Bibliothecarum. Il y a lieu d’être bien surpris que M. de Sallo, ayant laissé des enfans et des amis, personne ne se soit opposé à un mensonge public qui le diffame si cruellement, et que les Journalistes des Savans [Bayle veut dire les rédacteurs du Journal des Savans] intéressés à sa gloire plus que d’autres, et qui n’ont pas épargné Vigneul Marville sur d’autres choses, l’aient épargné sur celle-là. [J. Christ. Fischer qui a donné à Francfort, à Leipsig, en 1754, une sixième édition, augmentée, de l’ouvrage de Struvius, dit, dans une note page 482, que le conte de Bonaventure d’Argonne, qui a écrit sous le nom de Vigneul Marville, a été réfuté par Desmaizeaux dans ses Remarques sur les Lettres de Bayle, et par Camusat dans son Histoire critique des Journaux, page 237 ; c’est de la page 50 à la page 54 qu’il en est question. Jean Frédéric Jugler, à qui l’on doit aussi une nouvelle édition du Struvius, mais sous le titre de Bibliotheca Historiæ, litterariæ selecta, Iena, 1754-1763, 3 vol. in-8°., dont H. Fr. Kæcher publia un Supplément en 1785, dit, page 782, qu’il faut mettre au rang des fables le récit de Vigneul Marville, et renvoie soit aux Lettres de M. Bayle, soit à l’Histoire déjà citée de Camusat ; mais le mensonge avait aussi été répété par les pères jésuites dans les Mémoires de Trévoux, février 1712, pag. 218, par les éditeurs de Furetière, au mot Journal, et par les éditeurs de Richelet, dans la table des auteurs, à l’article Sallo.] Il y a dans les Lettres nouvelles de M. Boursault, à la page 357 de l’édition de Hollande 1698, une chose si singulière et qui fait tant d’honneur à M. de Sallo, [Dans un temps de famine, Sallo fut un soir attaqué par un homme qui lui demanda la bourse, et lui remit trois pistoles, puis le fit suivre par son domestique ; celui-ci étant venu lui rendre compte qu’il avait vu le voleur entrer d’abord chez un boulanger, y acheter un pain de sept à huit livres, puis le porter à sa famille nombreuse et misérable, Sallo alla le lendemain de grand matin porter trente pistoles à son voleur pour qu’il pût acheter de quoi travailler.] qu’on fera bien d’en enrichir son article à la première édition qui se fera du Moréri. Rem. de M. Bayle.

  2. Il fallait dire Martenne. C’est un bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. Rem. de M. Bayle.
  1. Cela est corrigé dans la dernière édition. Nouv. Observ.
  2. Cela est aussi corrigé dans la dernière édition. Nouv. Observ.

URCÉUS (Antoine), surnommé Codrus [* 1], naquit à Herbéra, petite ville du territoire de Reggio, le 15 d’août 1446. Son bisaïeul, fils d’un potier du pays de Bresce, fut le premier de la famille qui vint s’établir à Herbéria. il était si pauvre que tout son travail lui fournissait à peine de quoi vivre. Il eut un fils nomme Barthélemi, qui gagna quelque temps sa vie à pêcher, ensuite, comme il piochait dans un champ, il trouva un pot plein d’une assez bonne quantité d’argent, dont il employa une partie à acheter le champ même et l’autre à faire une boutique de parfumeur. Corthèse, fils de Barthélemi, eut de sa femme nommé Ghérardine, deux enfans mâles : Antoine, qui fait le sujet de cet article, et un autre nommé Pierre-Antoine ; la naissance de ce dernier coûta la vie à sa mère. Le père mourut après la quatre-vingt-unième année de son âge. Il ne négligea point la jeunesse de ses fils ; il leur donna les maîtres nécessaires : mais on dit que notre Codrus, tout jeune encore, le quitta pour aller à Mutine étudier sous Tribac, homme assez habile pour ce temps-là. Quelques mois après il revint à Herbéria, d’où son père l’envoya à Ferrare étudier sous Baptiste Guarini, professeur célèbre dans les langues grecque et latine. Il profita aussi des leçons de Lucas Ripa, professeur en éloquence, et homme dont la modestie égalait l’habileté. Codrus fit de tels progrès sous ces deux maîtres, qu’il passa de bien loin tous ses autres compagnons, confirmant ainsi les belles espérances que ses parens avaient conçues de lui.

Il y en a qui disent qu’il commença à Ferrare à enseigner des enfans, quoiqu’il eût à peine alors vingt-deux ans ; mais Blanchini doute de cette particularité. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il resta à Ferrare cinq ans, et qu’ensuite il fut appelé à Forli pour enseigner les langues, où on lui donna des appointemens plus considérables que ses prédécesseurs n’avaient eus. Il écrit dans sa lettre à Mengo, qu’il y fut pendant dix ans professeur public des belles-lettres : et son historien dit (ce qui n’est point contradictoire) que pendant près de treize ans Codrus y enseigna la jeunesse, et en particulier Sinibaldo, fils du prince de Forli, chez lequel il avait la table et le logement.

Il lui arriva dans ce temps-là un accident qui pensa lui faire perdre l’esprit. Il avait dans l’intérieur du palais une chambre si obscure, que sans le secours d’une lampe il ne pouvait à la pointe du jour en distinguer même les murailles ; c’est ce qui faisait que lorsqu’il voulait étudier de bonne heure il se servait d’une lampe fort bien travaillée, et au haut de laquelle il avait gravé ces paroles, studia lucernam olentia optimè olent. Un jour qu’il sortit sans l’éteindre, le feu prit à des papiers, et de là à tout ce qu’il y avait dans la chambre (car on ne s’en aperçut que lorsque les flammes sortaient déjà par les fenêtres) : un livre qu’il avait composé, intitulé Pastor, fut brûlé, avec tous ses papiers. On dit que, lorsqu’on qui apprit la première nouvelle de cet incendie, il fut si transporté de fureur, qu’il courut jusqu’au palais, et que s’arrêtant devant la porte de sa chambre, où les flammes l’’empêchaient d’entrer, « Ô Christ, dit-il, quel grand crime ai-je donc commis ? quel des tiens ai-je donc offensé, pour te laisser emporter contre moi à une haine si impitoyable ? Se tournant ensuite vers une image de la Vierge : Vierge, dit-il, écoute ce que je te dis sans emportement et du fond du cœur, si par hasard à l’heure de la mort je venais humblement à toi pour implorer ton secours, ne m’écoute point, je te prie, et ne me mets point au nombre des tiens, j’ai résolu d’aller demeurer dans les enfers. » Voici les propres termes de son historien : Ad primum incendii nuntium, tantam animo imbibisse iram, ut exclamans veluti furore quodam concitus ad regiam usque præcipiti gradu ire pergeret : pro foribusque cubiculi adstans (neque enim ob incendium latè cuncta depopulans ingredi licebat) : Quodnam ego, inquit, tantum scelus concepi, Christe ? quem ego tuorum unquàm læsi, ut ita inexpiabili in me odio debaccheris ? Conversus postmodùm ad simulacrum Virginis : audi, Virgo, aït, ea quæ tibi mentis compos et ex animo dicam, si fortè cùm ad ultimum vitæ finem pervenero, supplex accedam ad te opem oratum, neve audias, neve inter tuos accipias, oro : cùm in Infernis diis in æternum vitam agere decrevi. Ceux qui étaient présens tâchaient d’adoucir sa colère, mais il n’écoutait rien : il pria fortement ses amis de ne le point suivre, et s’en alla comme un fou d’un pas précipité s’enfoncer en une vaste forêt, où il passa le reste du jour dans une affliction extrême. Comme il revenait le soir à la ville, il trouva ses portes fermées ; il se coucha sur un tas de fumier, où il attendit le retour du lendemain. À la pointe du jour étant rentré dans la ville, il fut se cacher dans la maison d’un menuisier, où il demeura six mois seul et sans livres.

Après la mort du prince de Forli, et de Sinibaldo, son fils, qui mourut six mois après lui, Codrus resta encore dix mois en cette ville, incertain du parti qu’il prendrait. Ensuite il alla à Bologne, où il fut choisi pour professer en l’université les langues grecque et latine, et la rhétorique. Il y resta toujours depuis, et y mourut l’an 1500 dans le monastère de Saint-Sauveur, où il avait voulu être transporté. Codrus était alors âgé de cinquante-quatre ans.

Le jour qui précéda celui de sa mort, ses disciples à genoux devant lui, les yeux baignés de larmes, le prièrent si instamment de leur dire quelque chose qui fût digne de lui, qu’il se trouva forcé de se rendre à leur prière. L’historien de sa vie rapporte un discours qu’il dit que Codrus fit alors : ce discours est une exhortation à la vertu ; mais il est si long et si compassé, qu’on a lieu de soupçonner Blanchini de l’avoir embelli. Codrus y donne des marques d’une extrême vanité. Il dit à ses disciples : Priez Dieu que vous puissiez être semblables à moi. Le jour qu’il mourut, il fit encore un petit discours, où il prouve que la mort est le souverain bien. Il se plaignait de ce qu’avant que de mourir il n’avait pu écrire ce qu’il avait résolu : « Si je meurs, disait-il, car je sens bien que je touche à l’heure de ma mort, hélas ! que de biens seront enterrés avec moi ! » Si ego, inquit, moriar, nam propè ineluctabilem legem fati me adesse sentio, heu ! quot bana mecum interibunt !

La nuit qu’il mourut il donna des marques d’un esprit égaré ; il lui semblait voir quelqu’un d’une grandeur surprenante, ayant le tête rase, la barbe jusqu’à terre, les yeux ardens, portant des flambeaux dans l’une et dans l’autre de ses mains, et ayant tout le corps dans une violente agitation : la crainte faisant trembler Codrus, il dit à ce spectre, Qui es-tu, qui seul avec l’air d’une furie te promènes dans le temps que tout le monde dort ? ne viens pas à moi comme un ennemi moi qui suis ami de Dieu. Dis, que cherches-tu ? où veux-tu aller ? Ayant dit cela, il sauta du lit pour éviter ce spectre.

On avait toujours douté de sa religion pendant sa vie : son historien avoue qu’il y donnait lieu par ses discours, circa Christianum dogma, si non re, saltem verbis, plerumque claudicabat. Cependant à l’heure de la mort il demanda lui-même les sacremens, et lorsqu’on lui apporta l’hostie, il se frappa la poitrine, comme un homme véritablement touché de repentir, disant qu’il était un misérable, qui n’avait jamais été que dans l’aveuglement. Il leva aussi les yeux et les mains vers le ciel, et implora ardemment le secours de le Sainte Vierge : Fer, quæso, opem misero peccatori ; noli me, qui tuum in sinum confugio, supplicem rejicere. Il prit le viatique avec beaucoup de respect en répandant des larmes, et se recommandant lui et son âme à Dieu : Deo et se animamque suam commendans.

Après sa mort, il fut porté en terre par ses écoliers, suivis de tous les étudians de l’université. Blanchini fit graver sur son tombeau ces paroles, Codrus eram. Codrus l’avait ainsi voulu.

Le nom de Codrus lui fut donné de cette manière. Étant à Forli, le prince le rencontre dans un chemin, et se recommanda à lui ; le professeur lui répondit en riant, « les affaires vont bien ; Jupiter se recommande à Codrus : » Jupiter Codro se commendat. Depuis ce temps-là tout le monde l’appela Codrus.

Codrus était d’une grandeur médiocre ; il avait le corps grêle et délicat, le visage défait par la pâleur et la maigreur, les yeux blanchâtres et un peu enfoncés, le nez aquilin, peu de cheveux, et l’air quelquefois imbécile ; d’ailleurs il l’avait toujours doux. Il fut presque toujours valétudinaire depuis sa naissance jusqu’à l’âge de quarante-quatre ans. Il avait l’estomac débile, et se sentait quelquefois dans une si grande inanition, qu’il restait tout le jour dans le lit comme un homme mourant, sans parler, sans même se plaindre ; mais, dès que le soir revenait, ses forces revenaient aussi. Il avait peu de mémoire, ce qui faisait qu’il lisait souvent ses oraisons en public au lieu de les prononcer par cœur, et quoique sa prononciation fût désagréable, on l’écoutait cependant avec un plaisir extrême. Il était si rigoureux juge des ouvrages des autres, que le vieux Béroalde avait coutume de dire qu’en pareille matière il ne connaissait point de juge plus sévère et plus pénétrant. Il avait beaucoup d’adresse à enseigner des enfans ; il savait les corriger et s’en faire aimer, toujours prêt à leur rendre tous les services dont il était capable : il lui est cependant arrivé de les châtier avec excès ; car, quoiqu’il eût l’air doux et complaisant, il était toutefois extrêmement sévère et colère. Blanchini en rapporte des exemples. Un des défauts dont il l’accuse encore, c’est de ne louer presque jamais aucun moderne. Lorsqu’on lui demandait son jugement sur les plus grands hommes de ce temps-là, il répondait ordinairement sur le sujet de tous, Sibi scire videntur, ils croient savoir.

Personne de son temps n’a plus, ajouté de foi aux présages que lui ; il croyait qu’il y avait quelque providence qui s’en mêlait. Si, par exemple, la lampe de son garçon s’éteignait, « Prends garde, prends garde, malheureux, lui criait il, un grand malheur te menace ; » et pour l’en préserver, s’il y avait quelque chose à faire, Codrus le faisait alors lui-même. Mais ce qu’il y a de singulier, c’est que lorsqu’on annonçait quelque prodige, au lieu d’aller songer que ce fût ou un prince ou un état menacé de quelque malheur, il croyait seulement que c’était un présage qui le menaçait lui ou quelque autre professeur. Son historien nous apprend qu’il y a eu plusieurs choses plaisantes prononcées dans ses oraisons, et qui n’ont pas été écrites. On peut juger par celles que Codrus y a laissées, quelles doivent être ces choses plaisantes qu’il en a retranchées. Quelqu’un lui demandant sur ce sujet pourquoi il mêlait tant de plaisanteries dans ses discours, il répondit, « que la nature avait ainsi formé les hommes ; que les railleurs étaient agréables et les conteurs réjouissans. »

Codruas fit son testament quelques jours avant sa mort. Ce testament commence ainsi : Moi Antoine Urcéus, fils de Corthèse Urcéus, j’espère et souhaite vie et salut de Dieu immortel... Ensuite il recommande à Dieu son esprit, et ajoute qu’il l’a toujours cru immortel, contre le sentiment d’Épicure, et de ceux qui, sous le nom de chrétiens, ne font rien de chrétien. Après des legs pieux, et quelques autres qu’il fait à ses frères et sœurs d’un second lit, il nomme avec beaucoup d’amitié son frère utérin Pierre-Antoine, son héritier et légataire universel.

Touchant ses ouvrages, Blanchini dit que Codrus n’y a pas mis la dernière main : qu’il s’appliqua d’abord à faire des vers en grec et en latin : qu’il ajouta beaucoup de choses au Vocabulaire grec : qu’il corrigea beaucoup d’autres ouvrages : qu’il rétablit quelques autres choses qui s’étaient perdues dans les ruines de la langue latine. « Parmi les œuvres les plus considérables de cet habile homme, on trouve, dit-il, plusieurs belles Oraisons, qu’on peut comparer à une table chargée de mets aussi agréables qu’abondans : elles sont châtiées, ornées, brillantes, remplies de science et d’une profonde érudition. Je n’ai rien entendu, continue-t-il, de plus agréable : la diction en est si pure, qu’on dirait que Codrus seul sait parler latin : et quoique ses Oraisons soient pleines de tant de grâces, de plaisanteries, de joie et d’agrément, toutefois la gravité du discours n’en est point affaiblie. » Voilà le jugement de Blanchini, où l’amitié peut avoir eu beaucoup de part. Après tout, Codrus a passé pour un savant, et il mérite ce titre plus que bien d’autres à qui on l’a donné, si ce n’est pas la vanité qui lui a fait dire au sujet des savans : Hic vivimus ambitiosâ paupertate omnes ; sumus litterarum pauperes, et volumus videri omnia scire. « Nous vivons tous dans une pauvreté orgueilleuse, nous sommes pauvres de science, et nous voulons paraître tout savoir. » Entre les amis de Codrus on compte les princes de Forli et de Ferrare, ceux de Bologne ; Politien, Buti, Alde, Tiberti, Magnani, Garzoni ; Guarini et Ripa qui avaient été ses maîtres ; Lambertini, Mimo Roscio, Laurent Roscio, et Pompée Foscarini, Galéace Bentivoglio, protonotaire apostolique, le fit peindre par Francia, homme qui soutenait merveilleusement le nom que les Francia se sont acquis par la peinture.

Parmi le grand nombre de ses disciples, on distingue Jean-Baptiste Palmari, Corneille Volta, Camille Paléoti, Antoine Albergatti, Pérégrin Blanchini, et Philippe Béroalde le jeune, qui fut aussi professeur à Bologne.

Les Œuvres de Codrus furent imprimées pour la première fois à Bologne, en 1502, par Jean-Antoine Platonide, in-folio. Elles consistent en quinze Oraisons ; dix Lettres ; deux livres de Silves, avec quelques Odes au nombre de vingt-deux ; deux Satires ; une Églogue ; quatre-vingt-seize Épigrammes ; et une Chanson pour le jour de la Saint-Martin. Mais entre les ouvrages de Codrus, on trouve encore dans ce volume une préface de Philippe. Béroalde le jeune, adressée à Antoine Galéace Bentivoglio, où l’on nous apprend que c’est à ce dernier qu’on doit le recueil des œuvres de Codrus, dont plusieurs cherchaient à se parer. On y trouve aussi une lettre de Béroalde ; sept poésies de Virgilius Portus ; une Lettre et une épigramme d’un savant de Toulouse, nomme Jean Pin, et une épitaphe de sa façon pour Codrus ; une épître de Blanchini ; et la Vie de Codrus, écrite par ce même Blanchini. Les œuvres de Codrus, avec les pièces dont on vient de parler, furent réimprimées à Venise en 1506, in-folio : à Paris, en 1515, in-4°. : et à Bâle, en 1540, aussi in-4°.

Nous avons vu que Blanchini, parlant des ouvrages de Codrus, dit « qu’il rétablit quelques choses qui s’étaient perdues dans les ruines de la langue latine : » il entend principalement l’Aulularia de Plaute, que Codrus rétablit en suppléant la fin, qui s’est perdue. Ce supplément contient cent vingt-deux vers. Il y a une édition de cette comédie, imprimée à Leipsig, en 1513, in-folio, sous ce titre : Plauti lepidissimi poëtæ Aulularia, ab Antonio Codro Urceo, utriusque linguæ doctissimo, pristinæ formæ diligenter restituta ; illius enim finis anteà desiderabatur.

Codrus avait fait un livre d’antiquités, qui s’est perdu ; et un autre de fables, que la mort l’a empêché de mettre en état de paraître. Il voulait aussi écrire tant en grec qu’en latin un livre de secrets et de choses cachées.

Blanchini dit que plusieurs lui firent de belles épitaphes, mais surtout Hermico Caiado, poëte portugais, Philippe Béroalde le jeune. On ne les a point mises dans les œuvres de Codrus, quoiqu’on y ait inséré celles que Virgilius Portus lui a faites. En voici une :

Codrus eram, natãle solum Herberia, sed quæ
Me sepelit Graïum dixit et Ausonium.

« J’étais Codrus, Herbéria est ma terre natale ; mais celle où je suis inhumé dit que j’étais Grec et Latin [* 2]. »

FIN DU QUINZIÈME VOLUME.
  1. * Ce morceau a été ajouté par Desmaizeaux, qui toutefois déclare l’avoir tiré presque mot à mot des sources qu’il a indiquées ci-dessus, pag. 437.
  2. * Urcéus Codrus a été l’occasion d’une assez longue Lettre de M. de Voltaire à M. le duc de la Vallière. Voltaire dans son Appel à toutes les nations de l’Europe des jugemens d’un écrivain anglais, avait dit à l’occasion de la rivalité des comédiens et des prédicateurs au XVIe. siècle :

    « Les prédicateurs se plaignirent que personne ne venait plus à leurs sermons ; car le monologue fut en tout temps jaloux du dialogue : il s’en fallait beaucoup que les sermons fussent aussi décens que ces pièces de théâtre. Si l’on veut s’en convaincre, on n’a qu’à lire les Sermons du Rev. P. Codret, et surtout aux pages 60 et 61, édition in-4o, de Paris, 1515.

    « Certaine uxor rustici voulant amandare son mari pour introduire un prêtre quem amabat, après vêpres détourna un veau de stabulo et in pascua relegavit, et incita maritum ut quæreret ; et quand le bonhomme allait cherchant le veau, bonus adulter bis aut ter rustici uxorem subegit, et re patratâ discessit : le bouvier revenu avec son bœuf, adhæsit uxori, et toucha iter femineum, et reperit irroratum ; admiratur. Rogat uxorem cur cunnus rorat, el illa respondit Amisso de bove plorat. Rusticus credidit, et subinde cùm coiret, viam sensit latiorem et dixit Largior est solito, et illa respondit Ridet de bove reperto. »

    C’était le duc de la Vallière qui avait envoyé ce morceau à Voltaire. Ce n’est pas rigoureusement le texte de l’auteur ; mais les fragmens de phrases qui sont mis en français ne l’ont probablement été que dans l’intention de faire comprendre le passage aux persomnes mêmes qui n’entendent pas le latin. Au reste, on n’a pas augmenté l’obscénité.

    Mais le changement de mots n’est pas la seule chose à remarquer.

    Il n’a jamais existé de P. Codret, mais un Codrus, qui a composé des discours latins (Sermones festivi) et non des Sermons.

    C’était la Vallière qui, dans sa note envoyée à Voltaire, avait traduit sermones par sermons. Codret pour Codrus, n’est problement qu’une erreur de copiste ou faute d’impression.

    Voltaire ayant à ce sujet essuyé quelque reproches, la Vallière lui adressa une lettre qui fut imprimée dans le temps, et dans laquelle il déclare être la cause de l’erreur.

    Ce fut en réponse à cette lettre de la Vallière que Voltaire composa la sienne, où il est peu question de Codrus.

    Je pourrai donner d’autres détails dans l’édition que je prépare des Œuvres de Voltaire.

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