Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Musac


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MUSAC[* 1], gentilhomme bourguiguon, composa une conférence académique qui fut imprimée à Paris, l’an 1620. Elle est divisée en trois parties, et contient 334 pages in-8o. J’en donnerai quelques extraits, qui pourront servir de supplément à l’histoire de la dispute de Balzac avec le père Goulu (A). Je m’étonne que le sieur Sorel n’ait rien dit de cet ouvrage, lorsqu’il a fait le détail de cette fameuse querelle[a].

  1. * Ce Musac, gentilhomme bourguignon, n’est autre que Camus, évêque de Belley, qui pour se déguiser mit sur le titre de son livre l’anagramme de son nom. Leclerc en tire la preuve du Catalogne des livres imprimés de Mgr. l’évêque de Belley, donné par lui-même, où il cite pour son 31e. ouvrage la Conférencce académique. Baillet ayant élevé à 600 le nombre des écrits de Camus, la Monnoie dit que ces 600 pourraient être réduits à 100. Mais, depuis, ce même la Monnoie avoue qu’il était allé trop loin dans sa réduction, et qu’il aurait dû mettre 200. Niceron en effet, dans le 30e. volume de ses Mémoires, cite 186 ouvrages dont quelques-uns ont plusieurs tomes. Joly cite en l’honneur de Camus un passage d’une lettre de Grotius, de la fin de 1644, et le fragment d’une lettre de Boursault, où il est dit que jamais homme n’a été plus anti-moine que M. de Belley. Boursault ajoute que Camus ne cessait de fulminer contre les moines, et d’avertir d’être en garde contre leurs révérences intéressées, disant : que les moines ressemblent à des cruches qui ne se baissent que pour s’emplir.
  1. Dans sa Bibliothéq. française, pag. 120 et suiv.

(A) Je donnerai quelques extraits qui pourront servir de supplément à l’Histoire de la dispute de Balzac avec le père Goulu. ] Les personnages de cette conférence académique sont huit en nombre. Quelques-uns d’eux parlent pour Balzac ou contre Balzac ; quelques autres pour ou contre le père Goulu ; et enfin l’un exerce l’office de juge. On trouve à la page 47 que le judicieux Valentin qui a dressé le tombeau de l’orateur français et suivi le Trason pas à pas, examinant l’Apologie[1] page après page, y a remarqué beaucoup de défauts. Nous allons voir de quelle manière on parlait de quelques livres que Balzac devait donner au public ; elle était la plus propre du monde à les faire trouver mauvais, quelque bons qu’ils eussent pu être, car enfin ils auraient été infiniment au-dessous de la haute idée qu’on en donnait. Les amis et les ennemis d’un auteur ne sauraient lui rendre un plus mauvais office que d’annoncer ses ouvrages sous une notion si pompeuse. C’est étouffer un enfant à force ou sous prétexte de le caresser. « Il fera voir, si on lui donne du loisir et si on a de la patience, qu’il peut aussi bien réussir aux pièces amples qu’aux brèves, et qu’il a tellement en main les armes de l’éloquence qu’il se sert aussi dextrement de l’épée que du poignard. Ce sera lorsque paraîtront sur le théâtre dit monde, ce Prince, qui doit effacer la gloire de tous les autres en la même sorte que le soleil engloutit les étoiles à son lever ; cette solitude admirable, qui ôtera le lustre à la République de Platon ; ce Jugement redoutable, qui examinera tout l’univers et qui, à limitation du dernier, rendra à un chacun selon ses œuvres, et cette Histoire incomparable, où, comme dans un miroir enchanté, paraîtront les actions les plus cachées de la vie humaine, et qui servira de règle à la morale et à la politique, à quoi s’arrêtera comme à un principe invariable, toute la postérité [2]. » Cette même raillerie avait été débitée en d’autres termes : « Tout le monde s’attend avec beaucoup d’impatience de voir bientôt grossir les œuvres de l’auteur des Lettres de ce grand ouvrage dont il parle tant et depuis si long-temps ; et que là il déploiera les maîtresses voiles de son éloquence incomparable, et bandant tous les nerfs de son esprit qu’il découvrira tous les ressorts de sa doctrine, cette Solitude ou cet Ermitage, où il entrera plus de pièces qu’en la République de Platon ; ce Prince, travail inimitable dont le fragment, qui s’est fait voir comme un échantillon, a été déchiré en lambeaux par Phyllarque, fera voir si la principauté des beaux esprits lui demeurera, ou si la couronne lui durera aussi peu sur la tête qu’au roi de Bohême. Ce grand Jugement des Vivans et des Morts (si ce mot se peut dire sans blasphème et sans usurper l’office du fils de Dieu à qui le père a donné tout jugement), ce Jugement qui doit passer celui de Michel Ange et de l’Archange encore, s’il lui plaît ainsi, et balancer toutes les actions des hommes d’un si juste poids qu’il sera égal à celui du sanctuaire ; ce Jugement dernier du premier de tous les éloquens, qui doit censurer tout l’univers, et sans miséricorde faire le procès à des criminels que les parlemens adorent, c’est-à-dire aux rois et à la faveur, avec une bien plus ample liberté et un ton bien plus redoutable que celui des Lettres, où les papes, les rois, les cardinaux, les princes d’Italie et des autres nations, sont pincés jusques au vif ; sans doute cet effroyable Jugement où l’éloquence sera assise sur un trône de feu avec des foudres à la main, et son ministre couvert de lauriers comme un Alexandre, fera trembler les morts et les vivans, et passera les censures de l’Arétin, dont la langue et la plume ne pardonnèrent qu’à la divinité qu’il ne connaissait pas [3]. » Ce qui suit concerne le sieur de Javersac [4]. À ce dernier l’Acates de Phyllarque, écrivant à Palémon, semble avoir de telle sorte humé le vent, qu’il en ait perdu la parole, et lui avoir fermé la bouche sans lui donner un chapeau de pourpre [5]... Ce n’est pas qu’il n’ait fort bonne opinion de son esprit et beaucoup meilleure de sa valeur, qu’il dépeint dans son discours d’Aristarque (Ainsi se nomme-t-il) à Calidoxe, avec des couleurs qui ont de l’air de roman, encore qu’il assure que cette histoire n’est pas une fable. Mais en son premier discours, adressé à Nicandre, il faut avouer que, s’étant proposé de combattre tout à la fois deux grands ennemis, il se démêle du principal avec si peu d’avantage qu’il semble que l’autre qu’il n’avait touché qu’en passant pouvait bien se passer d’exercer une si violente vengeance que celle qui est décrite en l’aventure de l’île enchantée [6]. Mais c’est à lui de démêler cette querelle avec Narcisse qui l’attend il y a longtemps au pré aux Clercs, à couvert néanmoins de tous les mauvais vents, et auprès du soleil, de la nuit et des mauvais jours, à trente journées de la guerre. Résolu de se battre avec des épées dont les lames soient, non de damas, mais de satin, et des pistolets chargés de prunes de Gênes et de poudre de Cypre.… Un adversaire plus magnifique et plus digne de considération, c’est, à mon avis, l’auteur de la Réponse à Phyllarque [7], qui est le même de la préface des Belles-Lettres, et selon l’opinion de quelques-uns  de ce généreux ouvrage qui porte pour titre : la Défaite du Paladin. Cette Réponse est une pièce concertée ; où, quoique l’écrivain assure le contraire, on tient que Narcisse a bonne part, bien que non pas telle qu’en l’apologie que chacun lui attribue [8].

Les parties ayant dit ou pour ou contre Balzac et son adversaire toutes leurs raisons, celui à qui elles déférèrent le jugement de la cause donna cet arrêt :

Je vous juge tous deux dignes de la génisse [9],
Tant vous êtes égaux en ce bel exercice
De parler et répondre. Assez braves guerriers,
Tous deux également couronnés de lauriers,
Élevez notre langue au plus haut de sa gloire,
Et consacrez vos noms au temple de mémoire [10].

  1. C’est-à-dire l’Apologie de Balzac, composée par le prieur Ogier.
  2. Conférence académique, pag. 194.
  3. Conférence académique, pag. 133 et suiv.
  4. Là même, pag. 266 et suiv. Voyez aussi pag. 207.
  5. Allusion à une cérémonie de la cour de Rome ; c’est que le pape ferme la bouche aux nouveaux cardinaux, et puis la leur ouvre dans un autre consistoire.
  6. C’est celle qui est décrite dans la Défaite du paladin Javersac. Voyez la remarque (A) de l’article Javersac, tom. VIII, pag. 341.
  7. C’est-à-dire la Motte-Aigron. Voyez son article, dans ce volume, pag. 570. On le nomme le sieur d’Aigremont, dans la page 193 de la Conférence académique.
  8. Conférence académique, pag. 269.
  9. Imitation d’un semblable jugement qui est à la fin de la IIIe. églogue de Virgile, et vitulâ in dignus et hic, etc.
  10. Conférence académique, pag. 328.

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