Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Morin 1


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MORIN (Jean-Baptiste), médecin, et professeur royal en mathématiques à Paris, naquit le 23 de février 1583, à Villefranche en Beaujolais. Il fit son cours de philosophie à Aix en Provence, et puis il étudia en médecine à Avignon, et y fut reçu docteur en cette faculté, l’an 1613. L’année suivante il s’en alla à Paris, et entra chez messire Claude Dormi, évêque de Boulogne, qui l’envoya faire des recherches sur la nature des métaux dans les mines de Hongrie. Il descendit plusieurs fois dans les plus profondes ; et ayant cru reconnaître que la terre est divisée comme l’air en trois régions, il fit un livre là-dessus (A). Étant de retour chez son prélat, qui entretenait un astrologue écossais, il commença de goûter l’astrologie judiciaire (B), et il chercha par les règles de cette science, les événemens de l’année 1617. Il trouva que l’évêque de Boulogne était menacé, ou de la mort, ou de la prison ; et il ne manqua pas de l’en avertir. Le prélat ne fit qu’en rire [a] ; mais s’étant mêlé d’intrigues d’état, et n’ayant pas pris le bon parti, il fut traité de rebelle et mis en prison. Morin entra chez le duc Luxembourg, frère du connétable de Luines, l’an 1621 (C), et y demeura huit ans. Dès qu’il eut su la mort de Sainclair [b], professeur royal en mathématiques, il demanda de lui succéder, et cela lui fut accordé. Il prêta le serment de cette charge au mois de février 1630. On lui avait persuadé d’épouser la veuve de son prédécesseur ; mais dès la première fois qu’il voulut lui rendre visite, il trouva qu’on était prêt de la porter au sépulcre (D). Dès lors il prit une ferme résolution de ne se point marier, et il y persévéra toute sa vie. Il se fit beaucoup d’amis. Il eut accès chez les grands, et même chez le cardinal de Richelieu (E) ; et il obtint sous le cardinal Mazarin une pension de deux milles livres, qui lui a été toujours payée fort exactement. Il était consulté sur l’avenir par plusieurs personnes, et l’on prétend que ses horoscopes ont souvent prédit la vérité (F). Il ne fut pas heureux dans ses prédictions concernant un secrétaire d’état qui était fort dépendant de ses oracles astrologiques (G). Il publia quantité de livres (H) ; mais il n’eut pas la satisfaction de voir imprimé son ouvrage favori, qui lui avait coûté trente ans de travail, et qui n’a paru qu’après sa mort. Je parle de son Astrologia gallica [c]. Il eut entre autres adversaires l’illustre Gassendi (I). Il mourut à Paris, le 6 de novembre 1656, et fut enterré dans l’église de Saint-Étienne-du-Mont, sa paroisse [d]. Ce que Gui Patin a dit de lui vaut la peine d’être rapporté (K) : il en parle comme d’un fou ; et il est sûr que pour le moins il y avait des grains de folie dans cette tête. On embarrassa extrêmement ce personnage, sur ce qu’il disait que l’antechrist était né (L). Mais quelque absurde qu’il fût dans la plupart de ses principes ; il comprit fort bien une chose dont on ne saurait désabuser les péripatéticiens ; c’est que tout ce qu’ils enseignent sur les formes substantielles est de la dernière impertinence (M). Il ne faut pas oublier qu’il reçut de M. Descartes divers témoignages d’estime (N), et qu’il ne s’en faut guère qu’il n’ait égalé Cardan, par un récit ingénu de plusieurs choses qui lui étaient désavantageuses (O).

  1. Il était pourtant infatué de l’astrologie. Morin. Astrolog. gallica, lib. XXIII, pag. 648.
  2. Il mourut le 29 de juin 1629.
  3. Voyez la remarque (K).
  4. Tiré de sa Vie, imprimée en latin à la tête de son Astrologia Gallica. Je n’ai pu trouver celle qui fut imprimée en français à Paris, l’an 1660, in-12.

(A) Il fit un livre là-dessus.] Ce fut le premier ouvrage qu’il publia : il parut l’an 1619 sous ce titre : Mundi sublunaris Anatomia. Ceux qui ont composé sa Vie prétendent qu’il prouva par tant de bons argumens, que les entrailles de la terre sont divisées en trois régions, qu’il fit faire fortune à ce sentiment, sans l’appuyer de l’autorité d’aucun ancien philosophe [1]. Un sentiment fait fortune lorsqu’il trouve des sectateurs. Voilà ce que je veux dire. Au reste, cet ouvrage fut dédié à M. du Vair, garde des sceaux [2], qui avait été le patron de notre Morin à Aix en Provence, pendant qu’il y était premier président, et qui fut même son disciple dans l’étude des mathématiques, l’an 1608. Ayant connu combien Morin était propre aux sciences, il l’encouragea à reprendre ses études. C’est Morin qui le raconte. Anno quippè 1608, illustrissimus D. du Vair, senatus Aquensis protopræses fuit meus in mathematicis discipulus ; qui, observatâ mei ingenii ad scientias aptitudine, tam validè mihi persuasit studia mea per decennium intermissa repetere, ut anno 1609, aquis sextiis ingressus sim philosophiæ cursum, sub D. Marco Antonio, tunc temporis philosopho celeberrimo ; et anno 1611, cursum medicinæ sub professoribus regiis Fontano et Merindolo, viris etiam librorum editione famosis [3].

(B) Son prélat entretenait un astrologue écossais ; il commença de goûter l’astrologie judiciaire.] Cet astrologue se nommait Davisson : il renonça à l’astrologie, et s’attacha à la médecine, et se rendit fort célèbre par ses ouvrages, et par le cours de chimie qu’il enseigna publiquement dans le jardin royal à Paris [4]. Il fut appelé en Pologne [5], et il eut l’honneur d’y être premier médecin de la reine [6]. Je m’en vais dire une chose remarquable. Il se dégoûta de l’astrologie, à cause de l’incertitude qu’il y trouvait, et s’attacha à la médecine. Morin, au contraire, par une semblable raison, se dégoûta de la médecine et s’appliqua à l’astrologie, est vero quod in ipso (Davissono) ac Morino non levier admiremur, artium nempè quas profitebantur factam ab utroque veluti permutationem : astrologiam Scotus, scientiam alter medicam sectabatur ; uterque processu temporis, post experimenta complura in arte propriâ, nil subesse certi deprehendit, undè animus amborum fluctuans, in quo pedem figeret, non inveniebat. Tædet itaque hunc et illum aberrantis plerumque judicii, medicus ergò in astrologum vertitur, et in medicum astrologus, tam secundo exitu ut beati transfugæ inter hujus ætatis viros insignes annumerari mereantur [7].

(C) Morin entra chez le duc de Luxembourg… l’an 1621. ] Ceux qui ont donné sa vie laissent ici un vide avec peu de jugement. Ils disent que par la prison de l’évêque de Boulogne, Morin se serait trouvé sans appui s’il ne fût entré chez ce duc, l’an 1621, et ils venaient de dire que cet évêque fut emprisonné l’an 1617. Que devint donc Morin dans cet intervalle de quatre années ? C’est ce qu’il fallait du moins indiquer. Remplissons cette lacune par un passage de Morin même, qui nous apprendra que depuis la chute de son prélat, il demeura chez l’abbé de la Bretonnière en qualité de médecin ordinaire, jusqu’à ce qu’il entrât chez le frère du connétable, pendant le siége de Montauban. Mansi, dit-il [8], apud Episcopum 4 annis, tùm sollicitatus à reverendissimo D. de la Bretonnière sancti Ebrulphi in Normaniâ abbatis optimi, me cum ipso durante gravi peste Parisiensi in Normaniam contuli, ejus medicus ordinarius. Anno autem 1621 dùm Rex obsideret Montem Albanum, vocatus fui in aulam ab illustrissimo mihique valdè amico domino Ludovico Tronsono, regi à Sanctioribus consiliis et secretis, ut essem Medicus ordinarius ducis à Luxemburgo, quod ægrè tulit optimus abbas. Il se plaint souvent de l’ingratitude de ce duc, et il avoue qu’elle l’obligea de le quitter, et qu’en sortant de chez lui il le menaça d’une maladie qui l’emporta dans deux ans [9].

(D) On lui avait persuadé d’épouser la veuve de son prédécesseur : il trouva qu’on était près de la porter au sépulcre.] Morin se réglait sur les astres dans sa conduite, et comme il ne trouvait pas qu’ils lui conseillassent de se marier, il avait envie de vivre dans le célibat. Néanmoins les exhortations de ses amis l’ébranlèrent de telle sorte, qu’il songea tout de bon au mariage, quand il eut bien considéré que la veuve de Sainclair passait pour riche, et qu’il s’offrait une occasion favorable de succéder, non-seulement à la chaire de professeur, mais aussi à son lit et à son argent. Il était en chemin pour aller rendre ses devoirs à cette veuve et pour lui faire la première ouverture de son dessein. Mais voyant la porte du logis tendue de noir ; et apprenant des voisins que cette femme serait bientôt enterrée, il fut saisi d’un étrange étonnement, et forma sur-le-champ un dessein ferme de ne se point marier. Ne doutons point que cela ne fortifiât dans son âme la bonne opinion qu’il avait conçue de l’astrologie. Hoc honore magisterioque pollentem familiares amici conjugio proposito stabilire firmiùs voluerunt : vivebat antecessoris conjux memorati modo Sanclari, non abjicienda quidem illa planè, et quàm opibus non contemnendis instructam popularis fama jactabat, parest, inquiunt, ut quemadmodùm Sanclari cathedræ, sic et ejusdem opibus ductâ ipsius uxore succedas : consilio istiusmodi sæpiùs repetito Morinus tandem acquievit, Dominamque invisere eâ mente constituit, et procum gerere primâ vice : propior factus œdibus nigrâ veste videt limen obseptum, docentque vicini Sanclari conjugem esse mox ad tumulum efferendam. Id audiens quantùm obstupuerit, cogitate : tùm verò de cœlibatu perpetuo consilium sibi quondàm ducibus astris injectum, certissimum fore decrevit, omnibusque in posterum renunciare nuptiis, et quicquid vitæ reliquum esset in doctrinis ac librorum seu lectione, seu scriptione placido tenore transigere, atque in amicorum convictu suavissimè consenescere. Hoc fixum apud se ratumque nunquàm posteà violavit. Quid enim libero lectulo jucundius ? numquid uni conjugi molestiarum plerumque seminario tot amicos tamque illustres anteferret [10] ? Tout cela est digne d’un professeur en mathématiques. Il fallut souvent revenir à la charge pour lui persuader de se marier : il fallut joindre les motifs de l’utilité aux raisons de la justice ; et, lorsqu’enfin on eut obtenu son consentement, il se prépara à la première visite avec tant de quiétude, que la dame eut le loisir de mourir avant que de la recevoir. Il demandait si peu de nouvelles de sa maîtresse, qu’avant que d’avoir ouï rien dire de sa maladie il sut qu’elle allait être enterrée, et il ne le sut qu’en se portant sur les lieux pour faire la première déclaration d’amour. Cela est bien philosophe.

Son thème natal ne lui présageait que des malheurs du côté du sexe [11]. Il avoue qu’en l’année 1605 il reçut deux grandes blessures à cause d’une femme [12], et qu’après la grâce de Dieu, il doit à l’astrologie le bonheur d’avoir arrêté les funestes suites de son étoile ; car ayant connu ce que pouvait un certain astre dans l’exaltation de Vénus qui se rencontrait dans son horoscope, il prit garde de plus près à lui, et connut d’où étaient sorties les infortunes par où il avait passé à cause des femmes. Tot mala, infortunia, magnaque vitæ pericula mihi propter mulieres acciderunt in juventute, ut jam illa recogitando stupeam, multoque plura et forsan deteriora mihi accidissent, nisi Deus Opt. Max. meî misertus fuisset, ab eisque me liberâsset, et astrologia circà 35 meæ nativitatis annum quo huic scientiæ studere cœpi, infaustæ et mihi per experientiam periculosæ illius constitutionis monuisset [13].

(E) Il eut accès chez les grands, et même chez le cardinal de Richelieu. ] L’auteur de la Vie de Morin parle de cela en ces termes [14] : Richelius cardinalis, immensus ille genius, judicio nunquàm, ubi quempiam pertentâsset, errante, dignum eâ existimatione Morinum duxit, ut ipsum ad secretius Museum admitteret, deque negotiis momenti gravissimi consuleret. C’est un récit bien mutilé, et tel que le donnent les faiseurs d’éloges ; on n’y trouve point le changement du cardinal envers Morin, ni la colère furieuse de cet astrologue contre le cardinal. Suppléons à cette omission. Morin faussement imbu de la pensée qu’il avait trouvé la vraie science des longitudes, et que le cardinal lui faisait une très-grande injustice en lui refusant la récompense qu’une telle découverte méritait [15], conçut un dépit extrême et un vif ressentiment qui a duré autant que sa vie. Il n’alla plus voir cette éminence, et ce ne fut que pour l’amour de M. de Chavigny son patron, et pour la gloire de l’astrologie, qu’il travailla à un pronostic que ce cardinal lui fit demander. Priusquàm Parisiis discederet [16] optavit scire quid de suâ valetudine atque vità sentirem eo in itinere, non quidem per se (quem ab annis 4 non videram ob denegatam mihi remunerationem scientiæ longitudinum à me inventæ [17], utcunque suo scripto cam mihi pollicitus fuisset) sed interposito magnate sibi fidissimo, et mihi amico, scilicet illustrissimo D. comite de Chavigny, qui ad tertium usquè vicem meum eâ de re judicium petit, quod libenter recusâssem, si potuissem : at ipsius magnatis obstrictus beneficiis, et pro honore astrologiæ tandem respondi cardinalem eo in itinere cum vitæ periculo ægrotaturum [18]. Il a parlé désavantageusement de cette éminence dans ses livres, et lui impute tous les malheurs de l’Europe [19], et surtout la guerre que la France déclara à l’Espagne l’an 1635. Il remarque que le cardinal la déclara sans consulter ni les états du royaume, ni les parlemens. Galliâ bellis civilibus, et extraneis adhùc vigentibus, admodum attenuatâ, cardinalis Richelius, inconsultis regni comitiis, aut senatibus, sed spontè propriâ, horrendum bellum inter reges Galliæ et Hispaniæ declaravit, quod adhuc perdurat, quamvis omnia passim ad extremam desolationem redacta conspiciantur [20]. Voyez ce qui lui fut répondu par M. Bernier, qui l’accusa d’ingratitude et de mal parler de la personne de Louis XIII, et de donner même une atteinte à l’autorité royale : Anne, quantumve si crimen publicè efferre, non posse christianissimum regem indicere bellum, inconsultis comitiis, aut senatibus, disceptare meum non est... verum jus belli indicendi abstulisse regi, ut illud tranferres in cardinalem Richelium, non video qui possit id crimen à publicis ac regiis animadversoribus tolerari. Prætereo quàm injurius, et ingratus sis adversùs tantum cardinalem, à quo tot bona accepisti, et cui maledicere tamen tàm privatim quàm publicè non desinis, eo duntaxat nomine, quòd exsatiare immensam tuam aviditatem noluerit, dùm ob tuam illam chimæ, am longitudinum inventarum, contendisti tibi ab illo deberi montes aureos. Nempè hoc loco illi attribuis non modo usurpatam tyrannicè authoritatem, etc. [21].

(F) On prétend que ses horoscopes ont souvent prédit la vérité. ] Son coup d’essai fut de prédire l’emprisonnement de l’évêque de Boulogne ; mais il fit chef-d’œuvre, et il passa maître en prédisant que Louis XIII, atteint d’une dangereuse maladie à Lyon, n’en mourrait pas. Præsignificatus Bononiensî præsuli carcer..……. quasi primum in hâc facultate specimen Morino fuisse dici potest. Ab hoc tyrocinio magisterium assecutus est, Ludovico XIII Lugduni ægrotante [22]. La reine-mère, étonnée des funestes prédictions de quelques autres astrologues, écrivit au cardinal de Bérulle de faire travailler à l’horoscope du roi par Jean-Baptiste Morin. Celui-ci exécuta volontiers cet ordre, et trouva dans les étoiles que la maladie du roi serait grande, mais non pas mortelle. Sa prédiction fut juste, et il en fut récompensé royalement : les autres devins furent envoyés aux galères. Quod cùm ex prædicto contigisset splendidam vati suo mercedem ac rege dignam contulit, cæteris qui malè monuerant, ad remum amandatis [23], forsitan quòd minimè jussi in annos principis inquisissent [24]. Là-dessus on nous assure qu’il aurait dû être le seul qui eût permission de contempler l’étoile du roi, comme autrefois il n’y avait qu’un seul homme qui pût peindre le grand Alexandre [25]. L’un des médecins de Louis XIV [26] eut envie de faire créer une charge d’astrologue de cour en faveur de notre Morin, et sur ce pied-là de le donner pour adjoint aux médecins de sa majesté. Il forma cette entreprise parce qu’il s’était servi heureusement des prédictions de cet homme en plusieurs rencontres. Ce dessein ne fut pas exécuté. Is Morinum vera ex sideribus vaticinantem cùm sæpiùs comperisset, ac crebrò ejus operam feliciter atque utiliter expertus esset, multis eum meritis sibi planè addixit, hocque agitaverat animo, et ipsâ re jam satagebat eum astrologum inter aulica ministeria constituendum esse, qui primario medicorum regis come esset adjumento futurus, et quidem ex Galeni [* 1] placito. Morin ayant fait savoir que Louis XIII était menacé de quelque malheur, on représenta à ce prince de ne sortir pas ce jour-là. Il ne sortit point toute la matinée, mais s’ennuyant après dîner il voulut sortir pour prendre quelques oiseaux, et il tomba. Que Morin ne le sache pas, dit-il, car il en serait trop glorieux. Pomeridiano tempore contineri pertæsus aviculis poni retia jubet, dumque ipse attentiùs ea tenderet non advertens concidit, fune arctiùs tibiis alligato, qui scindi nec mora debuit. Rex assurgens : cavete, inquit, Morinus, nesciat, nimiùm ex casu meo tumoris admitteret [27]. Le cardinal de Richelieu voulant savoir si Gustave-Adolphe vivrait long-temps, envoya l’heure de la naissance de ce prince à Morin, qui ne se trompa que de peu de jours à marquer la mort de ce grand guerrier ; et cette méprise vint de ce que l’heure n’avait pas été marquée dans toute la précision ; il y manqua quelques minutes [28]. À propos de quoi l’on nous parle de l’épée de Gustave, qui tomba entre les mains de Morin ; on nous décrit les figures que cet astrologue y observa, car il se connaissait en talismans. On ajoute que le cardinal de Richelieu se trouva très-bien des avis de notre Morin, par qui il avait fait faire son horoscope [29], et qu’il ne partit pas pour le voyage de Perpignan sans consulter cet oracle astrologique qui ne se trompa que de dix heures sur la mort de son éminence [30]. Ayant vu la figure de la nativité de Cinq-Mars, sans savoir de qui elle était, il répondit que cet homme-là aurait la tête tranchée. Je laisse quantité d’autres exemples dont on donne là le catalogue ; et je me contente de dire que l’on insinue que les plus grandes objections qui lui étaient faites consistaient à dire qu’il s’était trompé de six jours sur la mort de Louis-le-Juste [31], et de seize sur la mort du connétable de Lesdiguières [32], et qu’il n’avait point donné à sa bienfaitrice Marie de Médicis les secours qui lui étaient nécessaires ; car au contraire cette bonne reine se plaignait que les astrologues étaient la cause de ses malheurs. On répond sur ce dernier chef, que jamais Morin n’avait consulté les astres sur le destin de cette reine, et qu’ayant eu ordre de le faire peu de jours avant qu’elle sortît du royaume, il n’eut pas le temps d’achever sa composition ; la reine partit sans en avertir Morin, et sans attendre que son horoscope fût fait. Cur amabo siderum ille adeò peritus, et per ea rerum futurarum acerrimus indagator, dominam suam Mariam Medicæam meritam de ipso quam obtimé nullâ opitulatione ab stellis obtentâ juvit ? Sic aiunt æmuli : nonne sæpius, exaggerant iidem, de suis faticanis astrologis conquesta est, se tanquam à præstigiatoribus deceptam in tot calamitatum incidisse voragines, undè emergere nequiverit ? Enim verò quidnam isti caperatâ fronte censores dicturi sunt, ubi audierunt reginæ hujus nativitatem nunquam à Morino exploratam, fuisse ? cùm tamen paucis antè diebus quàm ad exteros se fugâ reciperet, id ipsum fieri jusserit, astrologo autem Morino non admonito re infectâ discessisse [33] ? Nous parlerons ci-dessous de ses prédictions contre Gassendi. Je suis sûr que les personnes les plus incrédules seront bien aises de trouver ici les faits que je viens de rapporter, car ils prouvent que les plus grands hommes d’état se laissent infatuer de l’astrologie judiciaire, et que même dans le XVIIe. siècle on n’a pas été exempt de cette folie à la cour des plus grands princes de l’Europe [34]. La reine Christine voulut voir Morin, quand elle fut à Paris la première fois, et témoigna qu’elle le prenait pour l’astrologue le plus éclairé qui fût au monde [35]. C’est une marque qu’elle lui avait donné à faire des horoscopes, ou qu’elle avait pris la peine d’étudier ceux qu’il avait composés. J’observe que la méprise de six jours touchant la mort de Louis-le-Juste ne semble rien quand on ne la considère que d’une vue générale ; mais quand on sait les circonstances que Gassendi en a racontées, on ne peut s’empêcher de dire que c’est l’une des plus grandes mortifications qu’un astrologue puisse recevoir.

Gassendi raconte que Morin lui rendit une visite le 29 d’avril 1643, et lui dit : Je me souviens que vous m’avouâtes il y a cinq ou six mois que si je pouvais vous marquer le jour que mourrait un grand personnage sur l’horoscope duquel je m’étais fort occupé, et qui avait alors une grande maladie, vous prendriez cela pour une preuve très-notable et de ma capacité et de l’excellence de mon art. Je viens vous apprendre que le roi mourra le 8 de mai prochain. Gassendi n’a pas oublié de remarquer que Morin ne lui avait fait aucune réponse touchant ce grand personnage qui était si malade [36], et qui était mort depuis. Il remarque aussi qu’à la fin d’avril 1643, les médecins assuraient que le roi Louis XIII mourrait bientôt ; mais quant au jour de sa mort, il y avait entre eux quelque sorte de variété. Morin déclara à Gassendi que le 3 de mai serait extrêmement périlleux à ce monarque, qui pourtant traînerait encore cinq jours et non davantage. Gassendi, sans s’arrêter à la considération que ce pronostic se faisait lorsqu’on m’avait plus d’espérance de la guérison du roi, attendit l’issue comme quelque chose qui pouvait être de conséquence par rapport à l’astrologie, vu qu’il n’avait aucun lieu de soupçonner que les présages que la médecine fournit, servissent de fondement à la prédiction de Morin, et qu’il savait que cet astrologue avait étudié le thème natal de Louis XIII avec une intimité de soins, et s’était vanté d’avoir découvert par là le jour des aventures particulières de ce monarque pendant tout le cours de sa vie. Si son art devait réussir, c’était donc principalement par rapport au dernier jour de la vie de ce roi. Et notez que l’on écrivit à Gassendi que Morin avait dit à d’autres gens que, par les règles de l’astrologie, le roi courait risque de finir non seulement le 8e. jour de mai, et dans les jours précédens, mais aussi le 16 et le 17 du même mois. Il ne disait rien du 14, qui fut pourtant le dernier de ce monarque [37]. On voit donc manifestement que sa prétendue science était abusive, et que l’erreur de six jours est ici un coup décisif.

(G) Il ne fut pas heureux dans ses prédictions concernant un secrétaire d’état.... fort dépendant de ses oracles astrologiques. ] Je parle du comte de Chavigny. On va voir sa crédulité pour l’astrologie. Ayant résolu d’aller en Provence l’an 1646, il voulut avoir avec lui notre Morin ; mais comme cet astrologue ne faisait rien sans l’avis des astres, il ne voulut point s’engager à ce voyage, qu’en cas qu’ils lui promissent un bon succès. Il demanda donc du temps pour les consulter, et après cela il promit d’accompagner son Mécène [38]. Il le pria de lui permettre de choisir l’heure propice pour leur départ, et il l’assura que l’expérience lui apprendrait combien il importe de commencer ses entreprises sous un aspect favorable des étoiles [39]. M. de Chavigny ne contesta rien et l’assura de sa soumission. Morin trouva qu’il fallait partir le 9 du mois de mai, à quatre heures neuf minutes du matin, et pria que tout fût prêt pour ce moment. Les ordres du maître furent si précis et si bien exécutés, qu’à ce moment-là il ne manquait rien aux préparatifs du voyage. Il y avait dans son jardin quatre bons cadrans où l’on observa pendant demi-heure les approches de la minute choisie, et l’on monta en carrosse justement lorsque l’ombre des cadrans était sur le point de toucher à cette minute. Ils arrivèrent heureusement à Antibes ; lorsque M. de Chavigny, qui en était comte, voulut retourner à Paris, il fut averti par son astrologue qu’il fallait choisir au ciel l’heure du départ. Il ne fut pas moins docile que la première fois. Il fit préparer toutes choses avec tant d’exactitude que lui et sa suite montèrent à cheval précisément à quatre heures vingt-sept minutes du matin, le 2 juillet [40]. Le retour fut fort heureux, le maître et ses domestiques et ses chevaux se portèrent bien malgré la chaleur de la saison. Mais quand il fut à Paris, il découvrit quelques trames de cabinet contre sa fortune. On l’accusait entre autres choses d’avoir amené avec lui un astrologue afin de consulter l’avenir sur la destinée du roi et sur celle de la reine et sur celle du cardinal Mazarin, etc. [41]. Comme il vit que ses adversaires l’avaient rendu fort suspect, il demanda deux fois à Morin si les astres le menaçaient de quelque infortune. Morin l’assura que non, et lui conseilla d’aller voir le cardinal ; mais il l’avertit que toutes les heures n’étaient pas bonnes, et qu’il lui en choisirait une par les règles de l’astrologie. Il lui marqua l’heure où la dixième maison, qui est celle des dignités, allait très-bien [42]. Chavigny prit ses mesures là-dessus, et fut bien reçu du cardinal [43]. Je ne rapporte toutes ces choses, qu’afin qu’on voie les faiblesses de ceux qui sont au timon. La destinée des peuples et des royaumes est entre leurs mains, pendant que la leur dépend des caprices et des visions d’un astrologue. Leurs passions et leurs idées ont ordinairement plus de part au gouvernement que les volontés du monarque, parce qu’ils lui inspirent adroitement de vouloir ce qu’il leur plaît. Ainsi, lorsqu’ils se conduisent par les conseils d’un astrologue, ne peut-on pas dire que le bonheur et que le malheur des peuples dépend de cet astrologue ? Ce secrétaire d’état fut nommé, l’an 1645, à l’ambassade de Munster [44]. Peut-être y aurait-il amené Morin, pour savoir de lui quand il faudrait présenter tel ou tel mémoire, telle ou telle réponse. N’eût-ce pas été s’exposer à perdre mille bonnes occasions d’avancer la paix générale, si nécessaire à toute l’Europe ? Morin faisait tant de cas du dogme des élections [45], qu’il ne croyait pas qu’il y eût rien de plus utile aux monarques, ou à leurs premiers ministres, qu’un conseil de trois astrologues qui eussent les figures de nativité, non-seulement de tous les princes voisins, mais aussi de tous les grands de la cour [46]. Par ce moyen, disait-il, on saurait le temps favorable à commencer une guerre, et quel serait le prince allié qui agirait le premier, et quels généraux il faudrait choisir. On n’en donnerait pas la première pointe, comme l’on fait ordinairement, à un prince malheureux ; on ne prendrait pas l’année qui lui est la plus contraire, et qui est la plus propice au prince ennemi : on ne donnerait pas le commandement des armées à des généraux infortunés : et ce que je dis, ajoute-t-il, de la guerre, se doit appliquer au mariage des rois, aux ambassades, etc. Venons à la fausseté de ses prédictions touchant le comte de Chavigny.

Il lui avait prédit une maladie, et non pas l’emprisonnement : néanmoins M. de Chavigny ne fut point malade, et fut arrêté prisonnier. Voici comment on excuse cet astrologue : on prétend qu’il avait prévu et la prison, et la maladie, et qu’il penchait plus à décider pour la prison, mais qu’il fit néanmoins tout le contraire, parce que M. de Chavigny avait déclaré qu’il se moquerait d’une prédiction d’emprisonnement. Ultimum quod insimulant Chavinii carcer est, quæ solùm fuit erroris interceptio : cùm enim in annuâ ipsius revolutione ex astris et morbum et carcerem colligeret, et ad carcerem prodicendum proclivior fuisset astrologus, ægritudinie tamen rem decidit. Namque et ipse Chavignius hujus fortè qui carceris esset, metus dissimulator, aut tale nihil sibi metuens (se quippè apud aulam gratiosissimum esse confidebat) carcerem sibi frustrà intentari dixerat ; vates itaque noster arti suæ non satis credulus hâc vice hallucinatus est [47]. Que voilà une mauvaise excuse ! On lui reprocha aussi de s’être trompé sur le mariage de la fille de ce seigneur. Je rapporte un peu au long les paroles de M. Bernier, parce qu’elles nous apprennent les fourberies de ces gens-là. Illis (quos habere amicos vultis et à quibus magnam mercedem speratis) scilicet omnia fausta, ac vitam præcipuè longævam pollicemini ; nam aliqua quidem hisce, illisque temporibus occursura pericula ; sed benignos esse siderum aspectus, qui malignis potentiores, illa superanda præmonstrent. Quamquàm ne sic quidem defugere odium, ac infamiam potestis : quùm loquuti ad gratiam, et juxtà inania vestra placita, spe inani illos lactatis, quâ se delusos dùm sentiunt, mirum quibus vos, artemque vestram diris devoveant. Id verò ut tibi imprimis contingat, familiare est, cui publicitùs exprobrata sunt innumera propè, et nota publicè exempla, ut circà filiam illustris comitis Chavinii ; ut circà filium illustris præsidis Gobelini ; ut circà præfectum ærarii bullonium ; ut circà illum, cujus causâ cæsus fastibus, litem intentâsti coram judice sanctæ Genovefæ [48].

(H) Il publia quantité de livres. ] Puisque j’ai parlé [49] du premier, il faut commencer ici par le second. Il fut imprimé l’an 1623, sous le titre de Astronomicarum Domorum Cabala detecta. En 1624 [50], n’ayant pu réfuter de vive voix, comme il s’y était préparé, les thèses qu’Antoine Villon [51] lui voulait faire soutenir, il les réfuta par écrit. Ce Villon, que l’on appelait ordinairement le soldat philosophe, avait affiché des thèses contre la doctrine d’Aristote, qui devaient être soutenues dans l’hôtel de la feue reine Marguerite. L’assemblée était déjà fort nombreuse, lorsque le premier président envoya faire défense à Villon, et à ses deux camarades de soutenir leurs propositions. Il y eut ensuite un arrêt du parlement contre eux, et contre leurs thèses. Voyez le Mercure français [52], vous y trouverez un Abrégé de l’écrit de notre Morin contre la doctrine de ces novateurs. On assure dans sa Vie [53], que cet ouvrage le fit passer pour un habile chimiste, et pour un subtil philosophe ; et à propos de cela on nous raconte une chose qui est digne d’être rapportée. Morin s’était appliqué aux travaux chimiques chez l’évêque de Boulogne, et puis il avait conféré de cette science avec de grands maîtres ; il s’était même entretenu touchant le grand œuvre avec deux célèbres personnages, dont l’un avait vu la pierre philosophale, et l’autre avait assisté aux expériences qu’un certain Sylvius avait faites de sa poudre de projection devant le roi. Ce Sylvius fut condamné pour ses crimes ; mais son art ne fut nullement réprouvé : ses écrits furent gardés par le cardinal de Richelieu, qui s’en servit pour faire chercher la pierre philosophale dans sa maison de Ruel. Alter Sylvio quodam ipsimet regt sui pulveris experimentum præbente interfuerat, quod quidem enarrare prolixiùs non est hujus loci ; nôsse suffecerit ob scedera damnato Sylvio, artis tamen ejus mysterium minimè damnatum esse, cùm posteà Richeliæus cardinalis ex hujus disciplinâ damnati, scriptis ab eodem tradita, in fornaculis Ruellianis jusserit multa tentari [54]. L’an 1633, Morin publia Trigonometriæ canonicæ libros tres ; et l’an 1635, un livre intitulé : quod Deus sit [55]. Il le composa selon la méthode géométrique, pour guérir l’un de ses amis qui était tombé dans l’athéisme le dédia au clergé de France, et il crut mériter par cet ouvrage une pension congrue pour toute sa vie [56]. Il l’augmenta l’an 1655, et le fit réimprimer sous ce titre : De verâ Cognitione Dei ex solo naturæ lumine [57] ; c’est le premier livre de son Astrologia gallica. Il y eut un Pierre Baudouin, sieur de Montarcis, son ancien disciple, qui s’éleva contre lui à l’occasion de ce traité, qu’il prétendit être une copie d’un discours de Richard de Saint-Victor. Il lui intenta le même crime de plagiaire à l’égard de plusieurs autres écrits. Voilà ce que nous apprend l’auteur de la Vie de Morin [58] ; mais Morin lui-même, qui ne dit rien de cela, assure au contraire que ce M. de Montarcis était son voleur [59]. Cette accusation fut cause sans doute qu’en récriminant on soutînt que Jean-Baptiste Morin était plagiaire. Il serait à souhaiter qu’il y eût moins de confusion, et plus d’ordre chronologique, dans la liste qu’on nous a donnée de ses ouvrages. Cette confusion m’empêche de faire ici ce que je voudrais ; car pour la rectifier il faudrait que j’eusse plus de temps et plus de livres que je n’en ai. Continuons néanmoins. Morin publia un livre l’an 1631, qui l’engagea à des répliques. Il l’intitula : Famosi problematis de telluris Mota vel Quiete hactenùs optata Solutio. Il se déclara contre Copernic, et il soutint ce premier ouvrage contre un médecin nommé Lansberge, et contre M. Bouillaud ; car il publia, l’an 1634, Responsio pro telluris Motu ; et l’an 1642, Tycho Brahæus in Philolaum pro telluris Quiete. L’année suivante, il écrivit contre Gassendi sur la même matière, comme on le verra ci-dessous. Sa dispute sur les longitudes ne fut pas moins opiniâtre : il prétendit les avoir trouvées ; cela paraît par son livre Longitudinum terrestrium et cœlestium nova et hactenùs optata Scientia, publié l’an 1634. Les Hollandais avaient promis cent mille francs à celui qui pourrait faire cette découverte : Le roi d’Espagne en avait promis trois cent mille [60]. Morin prétendit avoir mérité cette récompense ; car il crut avoir découvert les longitudes, et en avoir donné la démonstration dans une assemblée qui se tint à l’arsenal de Paris, le 30 de mars 1634 [61] ; mais on lui contesta cette gloire : les experts nommés par le cardinal de Richelieu furent contre lui. George Frommius [62] soutint que c’était à Longomontanus que cette invention était due : le père du Liris, récollet se vanta d’avoir mieux trouvé ce mystère, Vallangrénus, cosmographe de sa majesté catholique à Bruxelles, s’en vanta aussi [63]. Morin eut tous ces gens-là sur les bras, et fut obligé de se munir d’attestations contre le rapport des commissaires du cardinal de Richelieu [64]. Il ne se décontenança point ; il prit toujours l’affirmative sans mollir. Voyez le livre qu’il publia l’an 1640 : Astronomia jam à fundamentis integrè et exactè restituta. Sa grande consolation fut qu’il obtint une pension de deux mille livres, l’an 1645. Hunc deniquè laborem velut in agro sterili non periisse commonstrat præmium ab ipso rege, consilioque ipsius secretiore tandem obtentum, cùm enim ipsis anno 1645, libellum supplicem obtulisset, bina librarum millia in pensionem annuam ex regii montis abbatiâ consecutus est [65]. N’oublions pas ses Notes astrologiques contre le marquis de Vilennes [66], ni sa Réfutation des Préadamites [67]. Ce marquis se mêlait d’astrologie, et voulait bien que le public en fût informé ; car il fit imprimer un livre qu’on attribue à Ptolémée [68]. Au bout de quatre ans, Morin l’attaqua avec un peu trop de colère, comme on l’avoue dans sa Vie [69], en l’excusant néanmoins sur son grand zèle pour la vérité [70]. Je suis redevable à M. Clément, qui est si digne par son savoir et par son inclination, obligeante de l’emploi qu’il a [71] ; je lui suis, dis-je, redevable d’un catalogue des ouvrages de Jean-Baptiste Morin, où j’ai trouvé des traités dont l’écrivain de sa Vie ne parle pas. En voici deux de cette nature : Ad australes et boreales Astrologos pro Astrologiâ restituendâ epistolæ [72]. Lettres écrites au sieur Morin approuvant son invention des longitudes : et sa réponse à Hérigone [73].

Allongeons cette remarque pour donner un plus grand éclaircissement sur les prétentions de Morin par rapport aux longitudes. Il soutient [74] avec la dernière hardiesse, que les commissaires nommés par le cardinal lui firent mille chicanes le jour de l’expérience ; mais qu’il s’en tira si heureusement, qu’il les contraignit de témoigner à l’assemblée que ses démonstrations étaient bonnes. Dix jours après, continue-t-il, les sieurs Paschal, Mydorge, Beaugrand, Boulenger et Hérigone [75] se rassemblèrent par ordre du cardinal, afin d’examiner de nouveau cette doctrine, sur les quatre chefs que son éminence leur présenta. Ils rendirent un jugement tout contraire à leur première déclaration, et le montrèrent au cardinal qui leur commanda de le publier. Morin en appela aux plus fameux astronomes de l’Europe, et en obtint des réponses condamnatoires de la seconde sentence des commissaires. Ab illis commissaris proditus, et à cardinali Richelio fraudatus promisso præmio, de illâ secundâ sententiâ provocavi ad celebriores Europæ astronomos quibus scripsi librumque meum transmisi, qui omnes suis ad me responsis primam sententiam approbârunt, secundam verò falsitatis et iniquitatis unanimiter condemnârunt [76]. Cela ne lui servit de rien pendant la vie du cardinal, et ne fut pas inutile après sa mort ; car Morin s’étant adressé au conseil du roi, et ayant mis en lumière une longue relation, obtint justice par une pension de deux mille livres. Il fit voir que les commissaires avaient trahi leur conscience pour complaire au cardinal. Je le rapporte comme je le trouve dans son livre ; mais j’y ajoute bien peu de foi. Postulationem meam narratoriam quantâ potui arte composui, ut evidentissimè pateret injustitia in me perpetrata à cardinali Richelio, quem constabat excitâsse commissarios meos ut suam in me secundam ferrent sententiam primæ ac veræ prorsùs contrariam [77]. Il en voulait surtout au sieur Hérigone, et il écrivit contre lui violemment. Il nie qu’il eût été son disciple. Voyez la note [78].

(I) Il eut entre autres adversaires l’illustre Gassendi. ] Voici l’origine de cette dispute. L’an 1642, Gassendi fit imprimer deux lettres qu’il avait écrites à Pierre du Puy, de Motu impresso à motore translato. Il y combattait fortement les objections de ceux qui disent que la terre ne se meut pas : Morin était de ceux-là, et l’un des tenans contre Copernic. Il crut donc que c’était à lui que l’on en voulait ; il se plaignit que Gassendi, violant les lois de leur ancienne amitié, se portait pour agresseur ; en un mot, il prit la plume, et publia un livre contre Gassendi, l’an 1643 [79]. Gassendi le réfuta la même année sans s’emporter, mais en raisonnant fortement [80]. Il ne publia point cet ouvrage, et il s’engagea même à le supprimer lorsqu’il se réconcilia avec Morin, par l’entremise du baron de Tourves [81] : néanmoins il fut imprimé l’an 1649, avec une violente préface composée par Neuré ami de l’auteur. Gassendi en fit ses excuses à Morin, et lui protesta qu’il n’avait rien su de l’impression de son ouvrage [82]. Sa lettre fut rendue publique par Morin, qui la joignit avec un livre qu’il fit imprimer. Gassendi lui écrivit une autre lettre, pour se plaindre qu’on eût publié la précédente. Morin publia encore un fragment de celle-ci avec un nouveau libelle. Alors Gassendi rompit tout commerce avec lui, et ne daigna plus avoir égard aux écrits d’un tel adversaire : mais ses amis prirent autrement la chose : ils publièrent toute entière sa seconde lettre, et résolurent de pousser à bout cet astrologue. C’est pourquoi dès qu’ils eurent vu la dissertation de Atomis et Vacuo qu’il publia à Paris, l’an 1650, contre la philosophie d’Épicure, que Gassendi avait mise au jour [83], ils le réfutèrent impitoyablement. Bernier fit paraître un livre [84] qu’il intitula : Anatomia ridiculi muris, qui fut suivi deux ans après du Favilla ridiculi muris, ouvrage où il mit en pièces l’Apologie que Morin avait publiée [85] pour sa Dissertation. Celui-ci fut si outré de colère, qu’il fit voir le jour [86] à un livre dont voici le titre : Vincentii Panurgi Epistola de tribus Impostoribus. Ces trois imposteurs étaient Gassendi, Bernier et Neuré.

On le berna principalement pour avoir osé prédire que Gassendi aurait une maladie mortelle l’an 1650, et que l’effet de la maladie éclaterait, ou sur la fin du mois de juillet, ou au commencement du mois d’août. Cette prédiction astrologique fut fausse, et attira sur son auteur une grêle de reproches et d’insultes. Quâ providentiâ factum dicam, ce sont les paroles de M. Bernier [87], ô rerum bonarum inanissime, futilissimeque Morine ! ut ultrò mihi præbueris ansam, quam captare ab aliquot elapsis mensibus gestiebam (neque ego solus, sed multi etiam alii, quibus veritas cordi est) ut propalarem, scilicet mendaciloquium illud insigne, quo in æternun opprobrium tuæ damnatæ astrologiæ ausus es securè atque impudenter prædicere ter, et publicis etiam scriptis evulgare, Gassendum mortali morbo laboraturum, et vim morbi extremam, ex quâ deberet ejus mors consequi futuram in ipsomet julii, augustique continio superionis anni millesimi sexcentesimi quinquagesimi. Morin [88] répondit comme font tous les faux prophètes, qu’il n’avait pas dit positivement que le sieur Gassendi mourrait cette année-là ; mais qu’il l’avait seulement averti d’un péril mortel, qui pouvait être évité par de bonnes précautions. L’un de ses antagonistes fut plus exact que M. Bernier : car il reconnut les restrictions de l’astrologue. Astrologus Morinus ad stabiliendam ampliùs suarum prædictionum certitudinen : judicat ex astris ac divinat, sed cum præcautionibus consuetis almanachistarum quòd D. Gassendus morietur anno 1650 [89]. Mais nonobstant ces petites précautions, cet astrologue n’était pas indigne d’être bafoué comme il le fut. Je ne rapporterai point tout ce que Gassendi a observé là-dessus [90] ; je me contente de ces paroles de son abréviateur [91]. « Je pourrais ici rapporter en détail l’horoscope de M. Maridat [92], conseiller au grand conseil, dans laquelle on verrait que l’astrologue Jean-Baptiste Morin, qui l’a dressée, a aussi bien réussi que Nostradamus dans celle de M. Sufférdy ; mais tout cela est tellement plein de sottises, de badineries, et de faux événemens, et sent tellement le charlatan, et la bohémienne qui ne bute qu’à tromper, et à attraper une pièce d’argent, que j’ai de la peine à m’y arrêter. Je dirai seulement à la honte éternelle de cet astrologue Morin, que voyant que M. Gassendi, qui se moquait de son astrologie judiciaire, était infirme, et atteint d’une fluxion sur la poitrine, il fut assez impudent pour prédire et faire savoir à tout le monde par un imprimé exprès, qu’il mourrait sur la fin de juillet ou au commencement d’août de l’année 1650, prétendant par-là ériger un trophée à son astrologie ; et cependant M. Gassendi ne se porta jamais mieux qu’en ce temps-là, et il reprit tellement ses forces, qu’il me souvient que le 5 de février de l’année suivante [93], nous montâmes ensemble la montagne de Toulon pour faire les expériences du vide. »

Il est bon de voir de combien d’échappatoires Morin se savait servir, quand ses prédictions ne lui réussissaient pas. Il supposait que les influences des astres n’agissent point nécessairement, et que l’homme sage en peut détourner l’effet. Potest qui sciens est (hoc est qui propriâ vel alterius scientiâ monitus est) multos stellarum effectus avertere, ex Ptolemæo, aphor. 5 Centiloquii. Qui est ipsemet aphorismus quem citat D. Thomas, dum superiùs dixit sapiens dominabitur astris [94]. Appliquant cela à sa prédiction contre Gassendi, il remarque que ce philosophe en évita le coup par de bonnes et de salutaires précautions, par une diète régulière, par des exercices modérés, et en se transportant à Toulon où l’air lui était plus favorable [95]. Il ajoute qu’apparemment la peur de la prédiction l’obligea à prier Dieu plus ardemment de lui conserver la santé, et que ses prières ayant été exaucées démentirent l’astrologie, qui sans cela n’aurait pas été trompeuse [96]. Deindè etiamsi data prædictio mea tabellioni, fuisset quò ad effectum ab astris naturaliter inevitabilis, nonne Gassendus prædictionis meæ conscius ex suprà positis, potuisset ut Ezechias lib. 4, reg. cap. 20, rogare DEUM secretò, qui ipsum à morbo vel morte liberâsset supernaturaliter, sicque delusus et adhuc pro falso prophetâ habitus fuissem ! Nonne ægroti et nautæ in procellâ de vitâ naturaliter desperantes votis liberantur.... His ergò omnibus supernaturaliter liberatis, nunquid astrologus mortem eo tempore prædicens ex causis naturalibus, pro falso prophetâ erit habendus ? Certé non magis quam Jonas, qui ex ipsius DEI verbo Ninivitis, et hominum universalem prædixit subversionem ; quæ tamen non est subsecuta, quôd insigni pœnitentiâ à rege ad minimum pecus, sibi præcaverint adversùs iram DEI, qui illorum misertus est [97]. Courage, messieurs les astrologues, vous ne demeurerez jamais court, puisque vous cherchez un asile dans les exemples de l’Écriture. Menacez de tout ce qu’il vous plaira, de la mort, de l’exil, de la prison : promettez tout ce qu’il vous plaira, la santé, les richesses, les honneurs ; quoi qu’il en arrive, vous aurez une réponse toute prête. Ceux à qui vous promettiez des biens, et qui n’en ont pas joui, ne se sont pas bien conduits : ils n’ont pas prié Dieu dévotement ; ceux que vous aviez menacés de l’infortune, ont été prudens et dévots. Cela me fait souvenir des commentateurs apocalyptiques, qui, ayant promis une délivrance qui n’est pas venue, s’en prennent aux mauvaises mœurs de leur prochain. C’est une ressource assurée. N’oublions pas deux bonnes remarques des disciples de Gassendi. 1°. Ils soutinrent que c’est une effronterie punissable par le magistrat, que de publier qu’un tel et un tel mourront une telle année ; car combien y a-t-il de gens qu’une semblable menace est capable de faire mourir ? Fieri nihil posse impudentiùs, quàm mortem homini viventi publico scripto prædicere, esse nihil virgâ censoriâ publicique cognitoris anmimadversione dignius, quàm captandæ mortis occasionem ingerere, quàm oculos omnium in unum, quasi in commune aliquod spectaculum, convertere ; quàm illi si credulus fuerit (uti nemo ferè non est), causam mortis objicere ; cùm constet multos ex solo mortis hoc modo prænunciatæ metu, morbum, mortemque contraxisse [98] ...... Ecqua est certè vindictæ species adversùs credulum inimicum major, quàm ut illi prædicatur ab astrologo futurum, ut tali tempore moriatur, aut in gravi mortis periculo sit ; cùm exindè nihil fieri possit illius animo ærumnosius, nihil, quod, ob causam jam dictam, possit illi magis et morbum et mortem inducere [99] ? 2°. Que de tels prophètes s’engagent presque nécessairement à une démarche antichrétienne, c’est-à-dire à s’informer curieusement si ceux qu’ils ont menacés sont bien malades, et à s’affliger de leur bon état : car où sont les gens qui n’aiment mieux voir dans le tombeau celui dont ils ont prédit la mort, que de se voir dans l’ignominie d’avoir été faux prophètes ? Permisit Deus durare adhuc te, si fortè acturus pœnitentiam fores ; cùm ob mala alia, tùm ob id, quòd ipsemet volens fecisses tibi necessitatem expetendi mortem tui proximi, ne cogereris delusæ artis, prædictionisque falsi confusionem sustinere, que ad desperationem te adigeret [100].

On publia, pendant le cours de cette querelle, bien des contes contre Morin. On lui reprocha entre autres choses, 1°. qu’il avait été maître d’école jusqu’à l’âge de quarante ans, et qu’on l’avait vu, la plume à l’oreille et l’écritoire à la ceinture, demander de porte en porte si quelqu’un voulut apprendre à lire, à écrire et à chiffrer à tant par mois [101] ; 2°. qu’il promit à un jeune gentilhomme dont il avait fait l’horoscope, un grand bonheur dans les armes, et principalement dans les duels, ce qui fut cause que ce garçon devint querelleur, et voulut se battre pour une légère offense avec un homme qui le tua. On ajouta que le frère aîné du défunt, ayant su la prédiction de Morin, lui déchargea sur de dos toute sa colère : que les coups furent si pesans, qu’il fallut que les chirurgiens en dressassent un procès verbal, et que l’on en portât plainte à la justice de Sainte-Geneviève ; mais que les pères de la doctrine chrétienne s’interposèrent pour terminer le procès, et firent donner au battu une bonne somme, qu’il reçut comme une très-douce consolation [102] ; 3°. Que son avarice était sordide, et qu’il ne faisait des horoscopes que pour attraper de l’argent. Il réfute le premier reproche, en prouvant que depuis qu’il fut reçu médecin, jusqu’à ce qu’on lui donna la profession en mathématiques, il fut ou chez l’évêque de Boulogne, ou chez l’abbé de la Bretonnière, ou chez le duc de Luxembourg [103]. Remarquez qu’il n’était âgé que de trente ans, lorsqu’il fut promu au doctorat en médecine. Voyez la dernière remarque [104]. Il réfute le second reproche, en soutenant que si l’on veut interroger, ou ses voisins, et nommément M. Colletet, ou les juges de Sainte-Geneviève, ou les pères de la doctrine chrétienne, on trouvera qu’ils n’ont nulle connaissance de cette aventure [105]. Enfin, il dit qu’il n’est point avare, et qu’il ne l’a jamais été, et que son étoile prouve qu’il est aussi libéral que Gassendi est épargnant, selon sa figure de nativité. Il soutient que les leçons particulières d’astrologie lui eussent valu cent mille francs, s’il eût voulu avoir pour disciples tous ceux qui le voulaient être ; mais qu’il avait toujours refusé ceux même qui étaient recommandables par leur haute condition ; qu’on n’a que faire de lui parler de ses nièces : Dieu y a pourvu, dit-il, par mes travaux et par mes dépenses. J’en ai mis deux dans les couvens de Ville-Franche ; et, quant à la troisième qui veut un mari, je lui tiens tout prêts mille écus pour payer sa dot en argent comptant, dès que l’occasion en sera venue. Nec curent ampliùs de pecuniis necessariis ad conjugia nepotularum mearum...… Placuit enim DEO suam erga illas providentiam exercere meis laboribus atque expensis : duas enim feci religiosas Francopoli, in monasteriis B. Mariæ Visitationis et Divæ Ursulinæ ; et quia nubere vult tertia, ad hujus præsentaneam dotem, seorsim reposita sunt à me librarum tria millia. Quod absit à me dici vanitatis gratiâ : sed duntaxat ad repellendum à me tetrum illud avaritiæ sordidæ crimen, quod mihi imponit anatomista murium. Etenim pro tenuitate meâ etiam à puero fui semper liberalis ; quippè tantùm natus ad liberalitatem, quantùm Gassendus ad avaritiam, ut ex utriusque figuris cœlestibus atque vitâ patebit, nullisque unquàm peperci sumptibus pro veritatis et honoris mei defensione. Sique lucri et pecuniarum fuissem cupidus, plus quam centum millia librarum mihi comparâssem Parisiis, ex privatis solùm astrologiæ lectionibus ; sed nullos habere volui discipulos etiam magnates, mihi qualem voluissem mercedem offerentes [106]. Dans un autre livre [107], il fait savoir au public qu’il l’a mariée comme elle le souhaitait, et que les malheurs de la guerre ne l’en avaient point empêché. Ce n’est pas un grand miracle ; car il avoue que son revenu annuel était d’environ quatre mille francs [108]. Il se reconnaît redevable de cette fortune à l’astrologie. Ce fut par-là qu’il acquit les bonnes grâces de Marie de Médicis, qui lui fit donner la charge de professeur [109].

(K) Ce que Gui Patin a dit de lui vaut la peine d’être rapporté. ] « J’apprends que l’Astrologia gallica du sieur Jean Morin, natif de Ville-Franche en Beaujolais, jadis docteur en médecine de Valence [110], professeur du roi ès mathématiques dans notre collége royal, est enfin achevée à la Haye en Hollande : l’on m’a dit qu’il y a bien là-dedans des injures contre les médecins de Paris, et les autres aussi, qui ne veulent admettre ni l’astrologie judiciaire, ni la chimie ; et je ne n’en étonne pas, car cet homme était fou. Ce sont deux volumes in-folio, pour l’édition desquels la reine de Pologne a donné deux mille écus, à la recommandation d’un sien secrétaire qui aime l’astrologie. Voilà comment les princes sont trompés : si c’était un bon livre qui pût être utile au public, on ne trouverait point d’imprimeur, ni personne qui s’en voulût charger [111]. » Il avait dit dans une autre lettre [112] : Voici encore une mort que j’ai à vous annoncer. C’est celle du sieur Morin, Beaujolais, professeur du roi en mathématiques. Si bien que le voilà mort au bout d’un an, aussi-bien que M. Gassendi : mais ils n’ont garde de se mordre l’un l’autre, car l’un est à Saint-Nicolas-des-Champs et l’autre à Saint-Étienne-du-Mont. L’un était bien sage, et l’autre était fou et demi-enragé ; mais quoi qu’il en soit, c’est chose certaine qu’en l’autre monde ils auront le nez fait l’un comme l’autre, malgré toutes les mathématiques, et toute la prétendue judiciaire des astrologues, dont Morin était coiffé. Il est vrai que l’Astrologia gallica de Jean-Baptiste Morin fut imprimée à la Haye, l’an 1661. Ce n’est qu’un volume in-folio, divisé en vingt-six livres. L’auteur avait employé trente ans à le faire. Il espérait de le voir sortir de dessous la presse [113] ; car il en avait déjà envoyé les quatorze premiers livres au libraire de Hollande qui le devait imprimer : la mort survint là-dessus, et faucha cette espérance. Il y a deux épîtres dédicatoires dans ce volume : l’une est de l’auteur à Jésus-Christ ; l’autre d’un anonyme [114] à la reine de Pologne, Louise-Marie de Gonzague. Cette princesse anima Morin à ce grand travail, et paya les frais de l’impression. Authori animum ne tanto operi deesset, subsidium ut illud in publicum proferret, regali curâ, regali munificentiâ addidisti [115]. Pendant qu’on parlait de la marier avec un prince, Morin assura que ce mariage ne se ferait pas, et qu’elle était destinée à épouser un monarque. Ce fut l’une de ses plus belles. prédictions. L’auteur de sa Vie la fait fort valoir. At quàm omnibus suis artibus absolutum fuit vaticinium illud Mariæ, tunc principi, nunc verò reginæ Poloniæ ab Morino editum ! De futuro ipsius conjugio cum illustrissimo principe didebatur rumor, quod quidem potissimùm illi fuisset, ac plurimæ dignitatis : nihilominùs tamen haud ineundum fore noster asseruit, cùm regem ei conjugem astra pollicerentur [116]. Je croirais sans peine qu’il eut la hardiesse d’avancer cette prédiction ; car outre que cette princesse était un parti royal, et qu’il y avait assez d’apparence qu’elle épouserait un roi, il faut savoir que Morin avait naturellement beaucoup de témérité, et qu’il savait bien se ménager plusieurs portes de derrière en cas que ses prédictions se trouvassent, fausses [117]. D’ailleurs cette dame ajoutait beaucoup de foi à l’astrologie, et c’est à de telles gens que les astrologues promettent plus hardiment les dignités. L’abbé de Marolles, qui la connaissait à fond, mérite d’être cité. Une autre fois, dit-il, [118], parlant contre l’astrologie judiciaire chez madame la princesse, qui avait beaucoup d’inclination à l’admettre, à cause de l’expérience et de la satisfaction qu’il y avait de connaître les choses futures par son moyen, j’eus contre moi non-seulement son secrétaire, qui était homme d’esprit, et verse dans cette science, et son premier médecin, Augustin Corade, qui exerce son art avec tant de bonheur, mais aussi M. l’abbé de Belozane et quelques autres. Il ne faut plus s’étonner de ses dépenses pour un livre dont l’auteur l’avait flattée de l’espérance d’une couronne qu’elle porta effectivement. C’est peut-être à cette promesse astrologique qu’elle faisait allusion, lorsqu’elle fit la réponse que l’on va lire. Elle fut au palais d’Orléans, où comme l’abbé de la Rivière lui eut dit qu’il avait souhaité passionnément de la voir femme de Monsieur, elle lui reparut en riant que Monsieur n’était pas roi, et qu’elle était destinée pour être reine [119]. L’abbé de Marolles raconte cela, lorsqu’il rapporte les visites qu’elle fit après la cérémonie de son mariage avec le roi de Pologne.

(L) Il disait que l’Antechrist était né. ] Et même qu’il allait paraître, et qu’en peu de temps il achèverait les conquêtes que la tradition lui promet. Quand on demandait à Morin comment il serait possible que l’Antechrist s’emparât sitôt de tant de villes fortifiées, il fera tomber des nues, répondait-il, une armée de magiciens qui égorgeront les soldats et les habitans : presque la moitié des hommes, ajoutait-il, sont magiciens, comme l’assurent ceux qui ont été au sabbat, et tous les magiciens sont hommes de guerre. Eccui enim jam fabula, non es ob famosam illam non modò adventantis, sed etiam jam pro foribus existentis Antichristi prædictionem ; de quâ dùm ex te quæreretur, qui posset tam citò, ac ipse efferres, expugnare Antichristus tot arces munitissimas ; solitus fuisti excipere ; cùm ex relatu eorum, qui ex sabbatis magorum adveniunt, dimidia penè hominun pars in magis si, ac magi omnes milites sint, qui Sathanæ nomen dedere, quique ab Antichristo, tanquàm summo duce deducendi in militiam sunt ; fore, ut cùm volet Antichristus expugnare urbes, quæ spontaneam sui deditionem non fecerint, eam magorum nubem emittat sursùm in aërem, quæ supernè irruens stragen tam civium, quàm militum immanem edat [120]. L’auteur de sa Vie lui a fourni trois excuses : 1°. qu’il avait lu, dans un livre du cardinal Cusan, que les oracles de l’Écriture établissent la fin du monde à l’année 1675 ; 2°. qu’Alabaster, homme très-versé dans la cabale et dans la Bible, avait publié la même chose ; 3°. que plusieurs énergumènes en divers pays avaient déclaré à leurs exorcistes que la bête de l’Apocalypse était née. Cardinalis Cusani scriptoris minimè contemnendi conjecturam de ultimis temporibus legerat, quo libro ad annum 1675 totius orbis terminus ac interitus ex litteris astruitur inspiratis. Idem scripsit Anglus Alabaster in tubarum Spiraculis libro edito author, inquam, Orientis idiomata, et scripturas et cabalam mirificè callens. Complurium exorcismorum qui habentur excusi volutârat Morinus historias, in quibus passim energumeni in variis regionibus natam esse bestiam proclamârunt, quod creditu facile nequitia temporis nostri præstat et suadet [121]. Ne voilà-t-il pas trois belles raisons ?

(M) Il comprit... que tout ce que les péripatéticiens enseignent sur les formes substantielles est de la dernière impertinence. ] Si l’on ne le savait par expérience, on aurait de la peine à croire qu’il fût possible que des gens d’esprit, et qui emploient toute leur vie à philosopher, soutinssent [122] qu’une substance distincte de la matière est néanmoins matérielle, et ne subsiste que dépendamment de la matière ; qu’elle est tirée de la puissance de la matière sans y avoir existé auparavant ; qu’elle n’est composée, ni de la matière, ni d’aucune autre chose préexistante, et que nonobstant cela elle n’est pas un être créé : enfin que sans l’aide d’une connaissance qui la dirige dans ses opérations, elle produit la machine des animaux et celle des plantes. Ils soutiennent tous ces dogmes monstrueux, après avoir été accablés des objections d’un père Maignan, d’un Gassendi, etc. ; c’est ce qui étonne davantage. Morin reconnut toutes ces absurdités, et abandonna sur tous ces dogmes la secte péripatéticienne. Quæstionem de ortu vel productione formarum substantialium esse totius physices difficillimam : quæque maximorum virorum ac præsertim neotericorum ingenia torsit. Dùm alii volunt eas educi de potentiâ materiæ, alii ipsas de novo creari, alii eas produci à corporibus cœlestibus, alii eas esse tantùm quandam elementalium qualitatum proportionen ; sicque eas esse accidentales, et alii alia. Ego verò in Astrologiâ gallicâ, lib. 20, qui inscribitur, de actione universali corporun cœlestium, sectione 4, capitibus 7 : omnes hasce opiniones rationis examini subjicio, ac evidenter probo nullas ipsarum esse posse veras : omnium autem absurdissimam, esse eductionem formæ de potentiâ materiæ [123]. Le mal est qu’il substitua à ces doctrines une hypothèse bien environnée de difficultés. Il adopta le sentiment qu’il crut trouver dans les livres d’un Danois [124] ; savoir que la forme substantielle de chaque corps est un esprit immatériel que Dieu, dès le commencement de la création, a orné de la connaissance nécessaire à construire les organes à quoi cette forme doit être unie. Arbitror formam physicam substantialem corporum mixtorum (animâ rationali exceptâ) aliud non esse quàm spiritum immaterialem seminis cujusque rei ; cui Severinus ipse proprias et specificas attribuit signaturas internas coloris, odoris, saporis, mirabilemque scientiam à Deo inditam initio creationis, quâ seminis cujusque spiritus quilibet ad generationem excitatus à causis efficientibus, congrua sibi primo adsciscit rei generandæ principia corporis ac elementa, quæ sunt ipsius rei materia, à quâ ipsa forma primò et per se differt ; deindèque corporis sui fabricæ et organisationi incumbit per innatam ac essentialem sibi scientiam ipsam adeò regulariter ; ut ejusdem plantæ omnes flores inter se, folia inter se, et fructus inter se, conveniant in omnibus signaturis, et similiter conveniant, cum foliis, floribus, et fructibus cujusvis alterius plantæ ejusden speciei : quod sanè cum scientiâ mechanicâ, talis seminis virtuti inditâ, ejusque signaturis essentialibus, concipi facilè potest ; quasi mentis alicujus regulare opus, quod in arancarum telis, apum alveolis, cœterisque animalium actionibus patet adhuc evidentiùs : aliter verò concipi nequit cum assensu rationis [125]. Il a raison de dire qu’il n’y a rien de plus absurde que de soutenir que le mouvement seul des atomes est capable de produire cette admirable régularité qui se trouve dans les plantes, cette conformité des fruits et des feuilles dans les arbres de même espèce, etc. Il est mille fois plus difficile de former une feuille d’arbre, que d’imprimer une page de Cicéron [126] : puis donc que jamais un arrangement de caractères, qui ne serait dirigé par aucun choix, ne produirait une page de Cicéron, il ne faut pas croire qu’un arrangement d’atomes non dirigé puisse produire une feuille d’arbre ou une pomme. Il semble donc qu’il faille donner aux plantes un principe intelligent qui choisisse et qui arrange les matériaux des feuilles, etc. (c’est le sentiment de Morin), ou que la plante soit organisée dans sa semence, c’est l’opinion de plusieurs cartésiens. Nihil excogitari potest absurdiùs quàm quòd illa similitudo florum, foliorum, et fructuum ejusdem arboris in colore, odore, sapore et conformatione, prodeat ex solo motu atomorum, à quo sunt situs et ordo ipsarum : nec inter omnes flores, folia et fructus pomi, ullus accidat flos, folium, vel fructus pyri aut alterius plantæ ab ipso atomorum motu. Hic enim nisi per aliquam regatur specificam scientiam, quæ in atomis concipi vel explicari nequit, causabit duntaxat fortuitos situs et ordines atomorum, qui vel nunquàm efficient aliquam determinatæ speciei plantam ; vel saltem hanc multis extraneis foliis, floribus et fructibus inficient, si tantùm planta generetur, et non potiùs chymæra diversarum genere rerum [127].

(N) Il reçut de M. Descartes divers témoignages d’estime. ] Il fit connaissance avec lui l’an 1626 [128]. Quelque temps après il lui fit présent de son livre des Longitudes, et en fut remercié par une lettre fort obligeante [129]. Il lui envoya des objections touchant sa lumière, l’an 1635 [130]. Ces paroles de sa lettre sont remarquables. J’ai toujours été l’un de vos partisans, et de mon naturel je hais et je déteste cette racaille d’esprits malins qui, voyant paraître quelque esprit relevé comme un astre nouveau, au lieu de lui savoir bon gré de ses labeurs et nouvelles inventions, s’enflent d’envie contre lui, et n’ont autre but que d’offusquer ou éteindre son nom, sa gloire et ses mérites ; bien qu’ils soient par lui tirés de l’ignorance des choses dont libéralement il leur donne la connaissance. J’ai passé par ces piques, et je sais ce qu’en vaut l’aune. La postérité plaindra mon malheur ; et, parlant de ce siècle de fer, elle dira avec vérité que la fortune n’était pas pour les hommes savans. Je souhaite néanmoins qu’elle vous soit plus favorable qu’à moi. Quel orgueil ! quelle vanité ! M. Descartes répondit à ces objections ; Morin répliqua [131] « et nous avons encore ce second écrit inséré au premier tome des lettres de M. Descartes [* 2], et suivi d’une nouvelle réponse que M. Descartes y fit, dès le mois de septembre, avec une diligence qui le surprit, mais qui lui fit connaître qu’il avait de la considération pour lui. M. Morin [* 3] feignit de n’être pas entièrement satisfait de cette seconde réponse ; et il en prit occasion de lui faire une nouvelle réplique [* 4] au mois d’octobre, afin de se procurer l’honneur d’écrire le dernier. M. Descartes, toujours fort éloigné d’ambitionner une gloire si fausse, acheva de reconnaître à cette marque le caractère de l’esprit de M. Morin. Il ne voulut pas lui refuser la satisfaction qu’il souhaitait de lui, puisqu’elle lui coûtait si peu. C’est [* 5] pourquoi il manda au père Mersenne, vers le milieu du mois de novembre, qu’il ne ferait plus de réponse à M. Morin, puisqu’il ne le désirait pas. » Il est sûr que M. Descartes ne méprisa point les objections de cet homme. Il les jugea dignes de considération dès qu’il les eut reçues, et préférables à celles de M. Petit, pour leur solidité et pour la nature de leur difficulté. Il en [* 6] écrivit plus d’une fois au père Mersenne, pour lui faire témoigner de sa part à M. Morin que non-seulement il avait reçu son écrit en très-bonne part, mais qu’il lui avait encore obligation de ses objections, comme étant très-propres à lui faire rechercher la vérité de plus près : et [* 7] qu’il ne manquerait pas d’y répondre le plus ponctuellement, le plus civilement et le plus tôt qu’il lui serait possible [132]. Mais ne finissons pas cette remarque sans rapporter une chose qui puisse édifier les lecteurs, autant que les plaintes orgueilleuses du professeur royal en mathématiques les ont dû scandaliser. Nous avons vu que Morin avait fini ses objections par.... des plaintes sur le malheur où il se voyait par les pratiques de ses envieux, en souhaitant que la fortune lui fût plus favorable qu’elle n’était ordinairement au commun des savans. M. Descartes, à qui ce langage ne convenait guère, eut plus de peine à répondre à cette conclusion qu’à tout le reste. « [* 8] Je ne prétends nullement, lui dit-il à ce sujet, mériter les honnêtetés dont vous usez à mon égard sur la fin de votre écrit, et je n’aurais néanmoins pas de grâce à les réfuter. C’est pourquoi je puis seulement dire que je plains avec vous l’erreur de la fortune en ce qu’elle ne reconnaît pas assez votre mérite. Mais, pour mon particulier, grâces à Dieu, elle ne m’a encore jamais fait ni bien ni mal, et je ne sais pas même pour l’avenir si je dois plutôt désirer ses faveurs que les craindre. Car comme il ne me paraît pas honnête de rien emprunter de personne qu’on ne puisse rendre avec usure, il me semble que ce serait une grande charge pour moi que de me sentir redevable au public [133]. » Voilà quel doit être le langage d’un vrai philosophe ; M. Descartes aurait mérité ce titre par la seule qualité dont il parle là. Mais, pour Morin, il déshonorait la philosophie par ses murmures contre l’injustice de son siècle. Il faisait paraître une âme vénale et avide de pensions et de récompenses : faux savant, faux philosophe.

(O) Il a fait un récit ingénu de plusieurs choses qui lui étaient désavantageuses. ] Il dit [134] que sa mère, malade à la mort, le déshérita et lui refusa sa bénédiction. On la fit un peu revenir de cette haine : les prêtres et les parens lui représentèrent que son testament serait cassé, et qu’elle courrait un grand risque d’être damnée : ainsi elle consentit à lui donner sa bénédiction, et à lui laisser un legs, le plus petit qu’elle put. Il prétend que la cause de cette haine fait qu’il avait dit à son frère aîné, leur père et leur mère étant malades, qu’il aimerait mieux la guérison de son père que la guérison de sa mère, s’il fallait que l’un des deux n’en réchappât point. La mère mourut deux jours après dans les dispositions que l’on vient de voir contre son fils. Voilà un fait très-peu honorable et à la mère et à l’enfant ; mais il n’y a rien qui coûte trop à un astrologue, quand il en peut donner des raisons selon ses principes. Morin est dans le cas ; il trouve [135] dans son horoscope, que sa propre mère a dû le haïr. Il y trouve aussi qu’il a dû être emprisonné plusieurs fois ; et il avoue que dans sa jeunesse il s’est vu fort proche de ce malheur à cause de sa paillardise et de son esprit vindicatif [136]. L’influence maligne de quelques planètes de son horoscope ayant été corrigée par les aspects favorables de quelques autres, la prison fut convertie en une autre espèce de mal qui sympathisait avec la captivité ; car dès l’âge de seize ans, jusques à celui de quarante-six, Morin fut toujours chez quelque maître. Il en servit seize successivement ; il fut chez des notaires, chez des maîtres à écrire [137], chez des présidens, chez des évêques, chez des abbés, et enfin chez le duc de Luxembourg. La raison pourquoi il changeait de servitude si souvent, est qu’il se brouillait avec la maîtresse du logis, ou qu’il survenait des accidens imprévus, ou que les maîtres se rendaient coupables d’une énorme ingratitude. Quod autem per carceres fieri non potuit, per servitutem effecit cumulus ille planetarum in duodecimâ domo..… est enim servitus..…. species quædam incarcerationis quòd homo in alienâ domo non liber, sed alteri mancipatus vivere teneatur. Siquidem ab anno 16 ad 46 vita mea fuit perpetua servitus, dominosque habui 16 quos omnes dereliqui vel ob jurgia cum dominabus, quarum imperium cùm ferre nollem odia passus sum... vel ob casus repentinos, vel ob dominoram intolerabilem ingratitudinem [138]. Il trouve la cause de tous ces événemens dans sa figure de nativité : ses querelles avec l’hôtesse, l’ingratitude de ses maîtres, la chétive condition des uns, la médiocrité des autres, le haut rang de quelques-uns. Il n’y a point d’étoiles qui aient mieux réussi à son dam que celles qui le menaçaient du côté des femmes [139]. J’ai déjà parlé [140] des deux blessures qu’il reçut pour une femme galante. Ce fut peut-être dans un lieu de prostitution. Je ne compte pour rien la violence que lui firent des gens de guerre qui, à l’instigation de quelques garces, entrèrent chez lui [141]. Un honnête homme n’est pas à couvert d’un tel affront ; n’alléguons rien d’équivoque. Il avoue [142] qu’ayant eu l’honneur d’être connu des rois et des reines, des princes et des cardinaux, et des premiers de l’état, il n’y a eu tout au plus que cinq personnes de haut rang qui l’aient aimé, et qui lui aient fait du bien, soit à cause de sa science, soit à cause de sa candeur, soit par sympathie ; et qu’au contraire l’envie ou l’antipathie l’ont exposé à la haine d’un si grand nombre de gens, qu’il a horreur d’y songer. Horret memoria referre quot inimicos habuerim vel ob invidiam, vel ob antipathiam [143]. Pour ne rien dire du reste, peut-on voir un plus grand défaut que celui d’un homme qui se plaint d’avoir été un objet d’envie, et qui se vante d’avoir été aimé de quelques grands à cause de son savoir ? Ses plus grands accusateurs, sur le chapitre de la vanité et de la vénalité, sont ses propres livres. Il se vante dans l’une de ses réponses d’avoir soutenu une guerre continuelle, pendant dix-sept ans, contre quinze mathématiciens ou philosophes, et de les avoir tous réduits à une honteuse retraite. Il dit qu’en l’année 1636 sa réputation fut répandue presque par toute l’Europe [144]. À tout propos il nous parle de sa prétendue démonstration des longitudes comme d’une chose dont les plus fameux mathématiciens reconnurent publiquement la vérité. Il devait donc être content ; la gloire de l’invention lui demeurait, le public lui rendait justice par ses louanges. Cependant Morin ne parle presque jamais de cela sans s’emporter brutalement contre le premier ministre qui ne lui avait pas fait toucher l’argent que cette invention méritait. N’est-ce point témoigner une âme vénale, basse, sordide, qui, au lieu de travailler pour la belle gloire, ou plutôt par un motif entièrement désintéressé, ne compte pour rien la gloire, lorsque les pensions et les récompenses pécuniaires ne sont pas de la partie ? Au reste, il n’était pas aussi connu par toute l’Europe, depuis l’an 1636, qu’il le prétendait. Son nom et ses livres n’ont pu trouver place dans un livre de Vossius [145], où l’on voit une longue liste des mathématiciens et des astrologues, etc. anciens et modernes.

  1. (*) Lib. 3, de Diebus decretoriis.
  2. (*) Pag. 221, du Ier. tome.
  3. (*) Pag. 234, du Ier, tome.
  4. (*) Cet écrit se trouve au 1er. vol. des Lettres de M. M. c., pag. 242.
  5. (*) Pag. 416, tom. 2.
  6. (*) Tom. III des Lettres, pag. 390.
  7. (*) Pag. 396, tom. 3 et pag. 360.
  8. (*) Pag. 219, 220, tom. 1.
  1. Ut enim tres in regiones aër distinctus est, sic etiam triplex regio in terræ visceribus animadverti potest summa, media, infima, et id quidem validissimis rationum momentis adeò stabilivit, edito hujus argumenti ad annum 1619 libello, ut hæc sententia etsi nullâ philosophorum veterum authoritate fulciatur, suos tamen habent sectatores. Vita Jo. Bapt. Morini, pag. 3, num. 16.
  2. Vincentius Panurgus, in epistolâ de tribus Impostoribus, pag. 14.
  3. Morinus, in Defensione suæ Dissertationis de atomis et vacuo, pag. 5.
  4. Il fut imprimé à Paris l’an 1635.
  5. Vita Morini, pag. 4, num. 21.
  6. Ibid.
  7. Ibid.
  8. Morin, in Defens. suæ Dissertationis de Atomis, pag. 106, 107.
  9. Quem demùm fui coactus deserere ob summan ejus ingratitudinem, prædicens illi antè discussum morbum lethalem intrà biennium ex quo etiam mortuus est. Morinus, Astrolog. gallica, lib. XVII, pag. 398.
  10. Vita Morini, pag. 6, num. 32.
  11. Voyez la remarque (O).
  12. Die nonâ julii 1605 duo periculosissima vulnera propter famosam mulierem. Morinus, Astrolog. gallica, lib. XXIII, pag. 617. Il y a quelque apparence qu’il prend ici famosus en mauvaise part.
  13. Idem, ibidem.
  14. Pag. 6, num. 33.
  15. Voyez la remarq. (H) à la fin.
  16. C’était pour le voyage du Roussillon, l’an 1642.
  17. Testantur quidem omnes astronomi me scientiam illam perfectè demonstrâsse, sed cardinalis Richelius perfectè et proditione commissariorum meorum me promisso præmio iniquè fraudavit. Morin., Astrolog. gall., lib. XXIV. pag. 687.
  18. Morin. ibid., lib. XXIII, pag. 613.
  19. Qui bellis per totam Europam excitatis pluribus hominum millionibus ferro, flammâ, fame, peste, aliisque modis causa mortis extitit. Idem, ibidem. Pluribus per totam Europam ferro, flammis, sanguine, fame, peste, et cadaveribus horridam, idem contrà cardinalem deprecantibus, quod olim Brutus post cladem Philippicam noctu astra intuens contrà Antonium, ex Apiano,

    Juppiter, ut ferias qui horum est causa malorum.
    Ibid., pag. 647.

  20. Idem, in Dissertat. de atomis et Vacuo, pag. 31.
  21. Berner. Anatom. ridiculi muris, pag. 192, 193.
  22. Vita Morini, pag. 13, num. 61.
  23. Conférez ce qui est dit dans l’article Lutorius, citation (4), tome IX, pag. 585.
  24. Vita Morini, pag. 13, num. 61.
  25. Morino soli regalem horoscopum intueri ac examinare liceat, ut olim uni Apelli concessum est Alexandrum in tabulâ pingere. Vita Morini, ibidem.
  26. Vautier, qui avait été premier médecin de Marie de Médicis.
  27. Vita Morini, pag. 13, num. 62.
  28. Vita Morini, pag. 14, num. 65. Voyez aussi Morin. Astrolog. gall., lib. XVII, pag. 399.
  29. Vita Morini, pag. 15, num. 74.
  30. Ibidem, num. 3.
  31. Ibidem, pag. 13, num. 36.
  32. Ibidem, num. 64.
  33. Ibidem, pag. 15, num. 6.
  34. Voyez la remarque suivante.
  35. Quâ primùm vice Lutetiam venit Morinum ad videndum accersiri jussit, quem in astrologicis omnium perspicacissimum palam et clarè testata est. Vita Morini, pag. 16, num. 60.
  36. C’était sans doute le cardinal de Richelieu.
  37. Je tire ceci de la page 128 et 129 du livre de M. Bernier, Anatomia ridiculi muris ; mais c’est un passage que M. Bernier rapporte de l’Apologie de Gassendi adversùs alas Jo. Morini.
  38. Morini Astrolog. gallica, libr. XXVI, cap. VII.
  39. Illustrissimum dominum.... ab astrologiâ non alienum rogavi, ut ipsi placeret me diem et horam ad proficiscendum fortunatam eligere, seque experturum quanti esset momenti suscepta sub congruo cœli statu inchoare. Ibidem, pag. 778.
  40. Fuerant rursùs omnia pro discessu parata ad ipsum momentum, exspectavitque mecum illustrissimus dominus in suo cubiculo, fenestris ad orientem apertis donec solem ortum conspexit, tuncque sine morâ conscendit equun cum toto comitatu. Morin., Astrolog. gallica, pag. 782.
  41. Ibidem, pag. 783.
  42. Ibidem, pag. 784.
  43. Ibidem.
  44. Ibidem, pag. 779. Cette nomination fut révoquée.
  45. C’est ainsi que les astrologues appellent le choix des temps selon les aspects des planètes, et selon le thème du ciel.
  46. Morin, Astrolog., gallica, cap. III, pag. 773.
  47. Vita Morini, pag. 16, num. 79.
  48. Berner. Anatomia ridic. muris, pag. 138. Morin., Defens. Dissertat., pag. 121, répondant à Bernier, nie ce que concerne la fille de M. de Chavigny.
  49. Dans la rem. (A).
  50. Voyez sa Vie, pag. 9, num. 38.
  51. Il était Provençal. Vinc. Panurgus, de tribus Impostoribus, pag. 57.
  52. Tome X, pag. 504 et suiv. à l’an. 1624.
  53. Pag. 9, num. 38.
  54. Vita Morini, pag. 9, num. 39.
  55. Vita Morini, pag. 9, num. 40. Le jugement que M. Descartes fit de ce livre se lit dans sa Vie, composée par M. Baillet, tom. II, pag. 118.
  56. Propter quod pensionem congruam in reliquam meæ vitæ tempus meruissem à comitiis gallicani cleri convocatis anno 1635. Morinus, Defens. suæ Dissert. de Atomis et Vacuo, pag. 90.
  57. Vitâ Morini, num. 40.
  58. Ibidem.
  59. Morin., Defens. suæ Dissert. de Atomis et Vacuo, pag. 90, 91. Il dit que ce plagiaire avait publié l’an 1651. Tractatus de Fundamentis scientiæ generalis et universalis.
  60. Vita Morini, pag. 17, num. 50.
  61. Ibidem, pag. 11, num. 51.
  62. Professeur à Copenhague.
  63. Vita Morini, pag. 8, num. 34.
  64. Ibidem, pag. 12, num. 52.
  65. Ibidem, num. 54.
  66. Voyez le Mercure galant, tom. I, où il est parlé de l’académie d’Aubignac, et au mois de février 1678, pag. 93. ;
  67. Refutatio compendiosa erronei ac detestandi libri de Præadamitis. Vita Morini, pag. 10, num. 45.
  68. Centiloquium Ptolemæo vulgò adscriptum. Ibid., num. 43.
  69. Si quid in eis est quod quispiam jure possit carpere, non diffitebor contrà authorem hunc nobilem calentis ingenii leves quosdam insultus haberi. Ibidem.
  70. Præfervidi erat, neque sat tolerantis animi, sed qui amore veritalis caleret ardentiùs. Ibidem.
  71. À Paris dans la bibliothéque du roi.
  72. Imprimé l’an 1628, in-8°.
  73. Imprimé l’an 1635, in-4°.
  74. Morin., Astrologia gallic., lib. XXVIII. pag. 623.
  75. Ils étaient commissaires dans cette cause.
  76. Morin., Astrologia gallica, pag. 623.
  77. Idem, ibidem.
  78. Fallitur dùm ait Herigonum fuisse meum in mathematicis preceptorem. Nam dùm in illum scripsi, quod fuisset ignarus, perfidus et proditor judex in meâ longitudinum causâ : pro suâ defensione mihi respondens inania, non oblitus fuisset mihi exprobrare, quod ejus fuissem discipulus ingratissimus. Morin., in Defens. Dissert., pag. 107.
  79. Intitulé, Alæ tolluris fractæ.
  80. Sa réfutation est comprise dans la IIIe. lettre du traité de Motu impresso à motore translato, oper. tom. III, edit. lugd. 1658.
  81. Morin., in Defens. Dissert., pag. 21.
  82. Là même. Voyez aussi l’Anatom. ridiculi muris, pag. 8.
  83. À Lyon, l’an 1649, en 3 volumes in-folio.
  84. À Paris l’an 1651.
  85. À Paris l’an 1651.
  86. À Paris l’an 1654.
  87. Bernerius, in Anatomiâ ridiculi muris, pag. 127.
  88. Morin., in Defens. Dissertat., pag. 114.
  89. Apud Morimum, ibid., pag. 112.
  90. Gassend. Physicæ sect. II, lib. VI, pag. 747, tom. I Operum.
  91. Bernier, Abrégé de la Philosophie de Gassendi, tom. IV, pag. 485, 486, édit. de 1684.
  92. Voyez-le dans Gassendi, Oper. tom. I, pag. 746, 747.
  93. C’est-à-dire l’année 1650, qui est la suivante par rapport au temps où Morin avait publié sa prédiction : il la publia l’an 1649. M. Bernier en abrégeant a oublié de lever cette équivoque.
  94. Morin., in Defens. Dissert., pag. 114.
  95. Ibidem, pag. 116, 117.
  96. Fortassis Gassendus mortem admodùm metuens, nec omninò suæ confidens rigidæ diætæ, DEUM precatus est, qui ipsum exaudivit. Ibidem, pag. 120.
  97. Morin., in Defens. Dissertat., pag. 119.
  98. Bernerius, Anatomia ridiculi maris, pag. 144, 134.
  99. Ibid., pag. 137.
  100. Ibid., pag. 136.
  101. Me calamo supra aurem et scriptorio in latere ostiatim mendicâsse scolasticum, ut stipendio mensurno ducerem legere, scribere. et computare. Morin., in Defens. Dissertat., pag. 106.
  102. Ibid., pag. 108.
  103. Ibid., pag. 106, 107.
  104. Citation (137).
  105. Morin., in Defens. Dissertat., pag. 108.
  106. Ibid., pag. 120.
  107. In Præfat. Astrolog. gallicæ, pag. 31. Voici ses paroles : Tertiam ad votum suum marito copulavi etiam difficillimis bellorum nostrorum temporibus.
  108. Ibid.
  109. Ibid.
  110. Il fallait dire d’Avignon.
  111. Gui Patin, lettre CCXXXIII, datée du 18 février 1661, pag. 319, du IIe. tome.
  112. La CVIII. Elle est datée du 7 de novemb. 1656. Voyez la page 419 du Ier. tome des Lettres de Patin.
  113. Jam editionis hujus operis trigenta annos integros accuratissime limati stabat in procinctu, librosque quatuordecim priores ad typographum Batavum transtulerat, cùm id meditantem mors oppressit. Vita Morini, pag. 12, num. 55.
  114. Qui désigne son nom par ces lettres G. T. D. G. V.
  115. Epist. dedicat.
  116. Vita Morini, pag. 14, num. 72.
  117. Voyez la remarque (I), au 2e. alinéa.
  118. Mémoires, pag. 148, à l’ann. 1643.
  119. Là même, pag. 166, à l’ann. 1645.
  120. Bernerius, Anatomia ridiculi muris, pag. 185.
  121. Vita Morini, pag. 16, num. 77.
  122. Voyez la remarque de l’article Gorlæus (David) tom. VII, pag. 160.
  123. Morinus, in Defens. Dissert., pag. 66.
  124. Petrus Severinus, in Ideâ medicinæ philosophicæ.
  125. Morinus, in Defensione Dissertationis, pag. 66.
  126. Conférez ce qui a été dit ci-dessus, remarque (D) de l’article Cainites, au 1er. alinéa, tom. IV, pag. 308.
  127. Morin., in Defens. Dissertat., pag. 67.
  128. Voyez M. Baillet, Vie de Descartes, tom. I, pag. 138.
  129. C’est la LVIII du Ier. volume de Descartes. Voyez la Vie de Descartes par M. Baillet, tom. I, pag. 265.
  130. Voyez la LVIIIe. lettre du même volume.
  131. Baillet, Vie de Descartes, tom. Ier., pag. 357.
  132. Baillet, Vie de Descartes, tom. I, p. 355,
  133. Baillet, Vie de Descartes, tom. I, p. 356.
  134. In Astrologiâ gallicâ, lib. XVII, pag. 398.
  135. Ubi suprà.
  136. Parùmque abfuit quin in meâ juventute verificatum fuerit ob vindictæ et libidinis passiones. Ibid.
  137. Voilà sans doute le fondement du reproche dont j’ai parlé ci-dessus, citation (101).
  138. Morin., Astrolog. gallic. lib. XVII, pag. 398.
  139. Propteretin duodecimâ quæ mihi ex parte mulierum multa mala, damna, vitæque pericula pepererunt. Idem, ibidem.
  140. Dans la remarque (D), citat. (12).
  141. Astrolog. gallic., lib. XXIII, pag. 649.
  142. Ibid., lib. XVII, pag. 398.
  143. Ibid., pag. 398, 399.
  144. Tunc verò nominis mei fama per totam fermè Europam diffusa est. Ibid., lib. XXIII, pag. 649.
  145. Celui de Scientiis mathematicis. Il s’étend jusqu’en 1646 et plus.

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