Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mascardi


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MASCARDI (Augustin) a été un savant homme, et l’un des meilleurs orateurs du XVIIe. siècle [a]. Il était né à Sarzane [b], l’an 1591, et il y mourut l’an 1640 [c]. Vous trouverez dans Moréri qu’il fut camérier d’Urbain VIII, et que ce pape fonda pour lui une chaire de rhétorique dans le collége de la Sapienza, l’an 1628. Il lui accorda pour toute sa vie une pension de 500 écus [d]. Si Mascardi fut toujours dans l’indigence, et toujours accablé de dettes, ce ne fut pas tant à cause qu’il négligeait ses affaires, qu’à cause qu’il se divertissait trop ; car il s’en faut bien que ses mœurs n’aient été aussi estimées que son esprit et que son savoir (A). Il fut pendant quelque temps prince de l’académie des humoristes [e] ; et il eut à soutenir quelques querelles de plume contre Pagain Gaudentius, et contre d’autres auteurs (B). Il fit imprimer à ses dépens son traité dell Arte Historica ; et il y aurait perdu une somme considérable, si le cardinal Mazarin n’en avait fait vendre à Paris beaucoup d’exemplaires (C). Les auteurs qui parlent de lui, et auxquels M. Moréri nous renvoie [f], ont été cités par Michel Justiniani [g].

Il y a dans les œuvres de Balzac un certain discours où l’on critique fortement notre Mascardi sans le nommer (D).

(A) Il s’en faut bien que ses mœurs aient été aussi estimées que son esprit et son savoir. ] Je n’en vais citer un passage où l’on apprendra que Mascardi logea toujours chez autrui, et cela par provision, et qu’il n’avait aucun jugement dans ses dépenses. Utinàm secundiore prudentiâ ac sanctitatis famâ fuisset, nec in hâc parte vitæ, ut fama est, claudicâsset : profectò ad egregias ejus virtutes hæc quoque præstantissima omnium laus accessisset. Sed homo in re familiari negligens, profusus, nullâ pecuniæ accessione suppeditare suis sumptibus poterat ; in suis nummis nunquàm, in ære alieno semper : et, quod mireris magis, nunquàm certis ac conductis œdibus habitavit, sed incertis atque precariis [1].

(B) Il eut... quelques querelles de plume contre... divers auteurs. ] Dans son Histoire de la conjuration du comte de Fiesque, il a attaqué bien souvent la Relation d’Ubert Foliette. Il en usa de même contre quelques écrivains dans ses autres livres. Cela fut cause qu’à son tour il se trouva attaqué. Venendo esso parimente tacciato da paganino Gaudentio, mi si dara motivo di far qualche reflessione nel libro de gli accademici humoristi, per veder quale di loro sostien meglio le sue accuse [2]. La seconde édition de son Histoire de la conjuration du comte de Fiesque est augmentée des objections qu’on lui fit, et de la réponse à ces objections. Je ne sais point si la réponse qu’il fit à Brunor Taverna touchant cette histoire a vu le jour : l’abbé Michel Justiniani en a lu le manuscrit [3].

(C) Le cardinal Mazarin fit vendre... beaucoup d’exemplaires de son Traité dell Arte Historica. ] Entre une infinité de forfanteries que l’on reprocha à ce cardinal durant les troubles de Paris, on n’oublia pas de dire qu’il trafiquait de toutes sortes de marchandises, et qu’il fit même un encan de livres dans l’hôtel d’Étrée [4]. Voici ce qui fut répondu en sa faveur par M. Naudé [5] : « Je crois avoir suffisamment justifié le contraire. Or, pour faire maintenant le même de cette vente de livres, qui est la meilleure et la plus honnête action que pouvait faire le Cardinal, pour témoigner le soin qu’il a toujours eu des gens de lettres ; il faut savoir que le sieur Agostino Mascardi, qui passait de son temps pour la meilleure plume d’Italie, s’avisa de faire imprimer en l’année 1636, un livre de sa façon. intitulé dell’ Arte historica trattati cinque [6], en cette forme que nous appelons Quarto, et si gros qu’il contenait près de cent feuilles ; et parce que la Tavola di Cebete, le Pompe del Campidoglio, la Congiura dei Fieschi, le Prose, i Discorsi academici, Silvarum sive variorum carminum libri iv, et en un mot toutes ses œuvres s’étaient parfaitement bien vendues, il en fit plus tirer d’exemplaires de celles-ci, qu’il n’avait fait de toutes les précédentes, ce qui toutefois lui réussit si mal, à cause du peu de personnes qui se plaisaient à de semblables matières, que la plus grande part de tous ces exemplaires lui demeura : De quoi comme il se plaignait un jour à monseigneur Mazarini, il lui offrit d’en envoyer des balles à Paris, où il avait un homme pour ses affaires, qui aurait soin de les vendre, et qui lui ferait tenir l’argent qu’il en aurait touché : ce que ledit sieur Mascardi ayant accepté très-volontiers, il fut par ce moyen soulagé d’une grande perte qui lui était presque inévitable. Je tiens la vérité de cette histoire de celui même qui faisait en ce temps-là les affaires dudit Cardinal en cette ville. »

(D) Il y a dans les œuvres de Balzac un... discours où l’on critique fortement notre Mascardi sans le nommer. ] C’est dans une dissertation qui fut imprimée avec le Socrate chrétien. Elle consiste en quelques remarques sur divers écrits : celles qui concernent les Discours du philosophe orateur, tombent sur celui qui fait la matière de cet article. Balzac nous l’apprend lui-même par ces paroles d’une lettre qu’il écrivit à M. Conrart, le 4 de janvier 1641.« C’est de Mascardi que j’entends parler, et de certaines très-mauvaises choses que j’ai vues de lui, avant qu’il eût purifié son style, et qu’il eût formé son jugement [7]. »

  1. Michel Giustiniani, gli Scrittori Liguri descritti, pag. 24. Nicius Erythræus, Pinacoth. I, pag. 113.
  2. Ville de l’état de Gênes.
  3. Giustiniani, gli Scrittori Liguri descritti, pag. 25.
  4. Giustiniani, ibidem, pag. 24.
  5. Idem, ibidem, pag. 25.
  6. Au lieu de Maracci, Biblioth. Mariam., il faut lire dans Moréri, Maracci, Bibliotheca Mariana.
  7. Gli Scrittoni Liguri descritti, p. 25.
  1. Nicias Erythræus, Pinacoth. I, p. 113.
  2. Michel Giustiniani, gli Scrittori Liguri descritti, pag. 25.
  3. Ibidem, pag. 27.
  4. Voyez Naudé, au Dialogue de Mascurat, pag. 70.
  5. Naudé, là même.
  6. Naudé avait conçu bonne opinion de cet ouvrage. Voyez sa Bibliogr. politica, p. m. 67.
  7. Balzac, lettre à Conrart, pag. m. 96.

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