Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Marillac 1


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MARILLAC (Charles de), archevêque de Vienne, naquit en Auvergne environ l’an 1510. Il était avocat au parlement de Paris lorsque, se voyant suspect de luthéranisme il suivit à Constantinople Jean de la Forest, ambassadeur de François Ier. C’est ainsi qu’il évita la persécution terrible qu’il avait à craindre de la part des inquisiteurs. Il remplit la charge d’ambassadeur auprès du sultan après la mort de la Forest, et ensuite il fut chargé de plusieurs autres ambassades [a] dont il s’acquitta très-habilement. Il était abbé de Saint-Père [b], archevêque de Vienne, et conseiller au conseil privé, lorsque l’assemblée des notables fut convoquée à Fontainebleau, au mois d’août 1560. Il y prononça une harangue où l’érudition et l’éloquence n’éclatèrent pas moins que son zèle pour la reformation des désordres de l’église et de l’état (A). Il y conseilla entre autres choses la convocation d’un concile national, et celle des états généraux (B). Les Guises s’offensèrent de sa harangue, et détournèrent tous les bons effets de ses conseils. Il tâcha de prendre de bonnes mesures pour prévenir les malheurs dont le royaume était menacé [c] ; mais ne voyant point d’apparence d’y réussir, il tomba dans une tristesse qui lui causa une maladie dont il mourut bientôt après [d]. Ce fut le 2 de décembre [* 1] 1560, dans son abbaye de Saint-Père. Gabriel de Marillac son frère était mort avocat général au parlement de Paris, en 1551, et avait été un habile homme, et d’une probité exemplaire. Consultez M. de Thou [e]. Vous trouverez dans le Dictionnaire de Moréri un fort long article de notre Charles de Marillac, et beaucoup de détails sur plusieurs personnes de cette famille ; mais vous n’y trouverez rien de François de Marillac, avocat au parlement de Paris sous Henri II. J’en dirai quelque chose dans mon commentaire (C). Je ne pense pas que l’avocat dont j’ai parlé ci-dessus [f] soit différent de ce Charles de Marillac, dont la Croix du Maine a dit que c’était un gentilhomme parisien, parent de l’archevêque de Vienne, avocat en parlement, etc., jeune homme fort docte en grec, et bien versé en beaucoup de sciences, et qu’il mourut à Paris, l’an 1581 ou environ, au grand regret de tous ses amis [g]. Je vois dans le père Anselme [h] un Charles de Marillac qui mourut conseiller au parlement de Paris, le 10 d’avril 1580, et qui était fils de Guillaume de Marillac, frère de l’archevêque de Vienne. Il n’y a point de différence entre cet avocat et ce conseiller (D). Notez que la Croix du Maine remarque que ce prélat a écrit plusieurs œuvres, desquelles il s’en trouve peu d’imprimées ; et que celles qui le sont ne se vendent avec privilége, et pour cause [i]. Gilbert de Marillac, baron de Puisac et de Saint-Genest, frère aîné de notre archevêque de Vienne, [j] écrivit l’Histoire de la Maison de Bourbon, entre autres la vie et les grandes actions du connétable Charles de Bourbon, jusques au mois de mars 1521 commença sa révolte. Antoine de la Val, géographe du roi et capitaine de son château de Moulins......... a inséré cette histoire dans ses œuvres imprimées en 1605. Le véritable nom de cette famille était Marlhac (E).

  1. * La Monnoie dit le 3 décembre.
  1. En Angleterre et en Allemagne, etc.
  2. Proche de Melun.
  3. Voyez, tom. IX, pag. 348, l’article Longvic, remarques (A) et (B).
  4. Undè Viennensis in profundum mœrorem et ex mœrore in letalem morbum incidit ex quo paulò post decessit. Thuan., ubi infrà.
  5. Thuanus, lib. XXIV, init., pag. m. 520, ad ann. 1560. Voyez la remarq. (E).
  6. Citation (83) de l’article Henri III, tom. VIII, pag. 44.
  7. La Croix du Maine, pag. 46.
  8. Ans., Hist. des grands Offic., p. 252.
  9. La Croix du Maine, pag. 46.
  10. Vigneul Marville, Mélanges d’Histoire et de Littérature, tom. II, pag. 17, édit. de Hollande, 1700.

(A) Il... prononça une harangue où l’érudition et l’éloquence n’éclatèrent pas moins que son zèle pour la réformation des désordres de l’église et de l’état. ] Vous la trouverez toute entière dans le président de Laplace, au livre III de l’État de la Religion et République ; et dans l’Histoire de François II, composée par Louis Régnier. Ces deux écrivains s’accordent à dire que l’archevêque de Vienne, qui opina après les autres conseillers du conseil privé, emporta le prix et l’honneur. Car comme il était personnage doué de dons et grâces singulières, employé de long-temps ès ambassades d’importance près et loin avec grande louange, aussi fut-il non-seulement estimé d’avoir très-doctement opiné, mais aussi contenta la plupart de la compagnie [1]. Ces paroles de Louis Régnier précèdent la harangue de Marillac ; et voici celles qui la suivent : « Telle fut la docte, sage et chrétienne harangue de ce grand personnage, qui ne vécut guère depuis, étant, comme l’on dit, intimidé par ceux auxquels il avait déplu : les autres disent que voyant comme tout allait de mal en pis, il en mourut de regret [2]. » M. Varillas donne le précis de cette harangue, mais non pas sans quelques falsifications. En voici un exemple : il suppose que Marillac représenta « que l’ancienne affection des Français pour leur roi était notablement diminuée, et qu’il n’y avait point d’autre vote pour la rétablir que l’assemblée des états : que c’était là le seul tribunal institué pour écouter les plaintes de toute la nation, et pour y satisfaire, comme les autres tribunaux l’étaient pour vider les procès survenus entre les particuliers : que les anciens fondateurs de la monarchie française ne s’étaient réservé que ce lieu où ils partageassent avec le roi l’autorité absolue qu’ils lui avaient donnée ; où ils entrassent dans une espèce d’égalité nécessaire pour réparer ce que le prince avait usurpé sur ses sujets, ou ce que les sujets avaient usurpé sur le prince ; où enfin, le pouvoir suprême et sans bornes dont ils l’avaient revêtu, ne les empêchât pas de négocier et de conclure avec lui des traités obligatoires de part et d’autre : que cette liberté modérée avait maintenu depuis onze cents ans la couronne. par le merveilleux contrepoids dont elle avait balancé le pouvoir et la soumission [3]. Il est certain que l’archevêque de Vienne ne dit rien qui enfermât ces maximes-là, ni formellement, ni même virtuellement, s’il n’est permis d’employer ce mot. Comment se peut-on fier aux extraits que cet historien donne d’une pièce manuscrite, puisqu’il corrompt les harangues imprimées ? Vous verrez dans la remarque suivante jusqu’où il portait la liberté de les altérer et de les falsifier.

(B) Il conseilla… la convocation. des états généraux. ] Il se servit des plus solides raisons qui pussent être alléguées, et il répondit très-bien aux objections, et nommément à celle qui était prise de ce que l’autorité du roi serait diminuée. Ceux qui disent cela, répondit-il [4], me semblent ne connaître point le cœur des Français, qui a toujours fait pour son roi ce qu’il a pu ; et d’en requérir plus, ce serait injuste, et de l’exiger, impossibilité. C’est donc établir l’autorité du roi, et non pas la diminuer, de leur proposer choses justes, puisque sans violer le nom du roi, l’on ne peut faire autrement ; et par-là d’attendre l’octroi de tout ce que le roi veut, puisqu’il a si bon peuple qui ne lui refuse rien. Et si l’on réplique que le roi se bride de n’avoir rien sans le consentement du peuple, je réponds que puisque sans assembler les états, et sans entendre les raisons qui meuvent le prince à croître les charges anciennes, le peuple a ci-devant obéi, et sans contradiction ; que devra-t-il faire quand il sera persuadé que la cause de la demande faite aux états sera trouvée juste ? Si l’on persiste à dire que par-là le peuple serait juge s’il y aurait justice à ce que le roi demanderait, l’on peut ajouter qu’entre tant de gens assemblés, la plupart tend au bien commun, et que le peuple est capable d’entendre ce qui est à son profit, et partant y consentir ; puisque la voix du peuple est communément celle qui est approuvée de Dieu. Peut-on voir des choses plus dissemblables que ce discours de l’archevêque de Vienne, et les paroles de Varillas rapportées ci-dessus ? Mais, pour mieux faire connaître que cet historien ne savait point prendre l’esprit de ce qu’il se mêlait d’abréger, il faut mettre ici un autre passage de la harangue de Marillac. Nous y verrons quelles étaient ses pensées, tant à l’égard de la politique, qu’à l’égard de la religion ; et nous connaîtrons que, sur le dernier article, il ressemblait à Érasme : il eût voulu qu’on réformât les abus, mais non pas qu’on se servît de la prise d’armes, soit pour appuyer la réformation de l’église, soit pour accabler les réformateurs. Le quatrième préparatif, dit-il [5], « est qu’en attendant le concile, les séditieux soient cohibés et retenus, en sorte qu’ils ne puissent altérer la tranquillité et repos des bons, et prendre cette maxime indubitable, qu’il n’est permis de prendre les armes pour quelque chose que ce soit, sans le vouloir, commandement et permission du prince, qui en est seul dispensateur. Je le dis pour les piteux exemples naguère advenus, et dont de jour à autre en avons nouveaux avertissemens. D’une part s’est vu le tumulte d’Amboise sous couleur de présenter une confession, au lieu que l’on devait venir en toute humilité ; d’autre part, il y a eu des prêcheurs, lesquels, pour extirper les protestans, voulaient faire élever le peuple, sous couleur d’une sainte sédition ; comme s’il y avait religion qui permît que, pour la planter ou retenir, il fût permis d’user de sédition. Ainsi, des deux côtés, y a eu de la faute, comme ci-devant ont été tués des hommes sous couleur qu’ils étaient protestans : au contraire, on a forcé les juges, et violé la justice ordinaire, pour faire délivrer des prisonniers protestans ; et ainsi, sous ce masque de religion, plusieurs ont usurpé l’autorité du magistrat, de prendre les armes : ce qui ne leur est aucunement licite, ains défendu à tous. Car la fin de la loi est vivre selon Dieu et n’offenser personne ; et la fin des armes est de faire que la loi soit obéie. Le roi donc, étant conservateur de la loi, ainsi ordonnée de Dieu, par conséquent est seul dispensateur des armes qui lui sont baillées pour punir les contrevenans à la loi. Par quoi pour conclusion, celui se fait roi, qui les prend de son autorité, et n’étant ordonné de Dieu pour un tel. Il s’ensuit que tout le monde lui doit courir sus, comme celui qui contrevient à l’ordonnance de Dieu, qui est l’établissement du roi. »

Quelque sages que fussent les avis de cet archevêque, touchant la convocation des états, ils furent fort critiqués par un célèbre jurisconsulte. Car voici ce qu’Étienne Pasquier écrivit sur ce fait-là [6] : « Cestuy qui premier mit en advant cest advis de tenir les estats, fut messire Charles de Marilhac. Cestuy en l’assemblée de Fontainebleau (fust ou pour ce que les affaires de France ne se gouvernoyent à son desir, ou pour quelque autre occasion) par une belle boutée de nature fit une forte remonstrance, par laquelle, après avoir promené toutes sortes d’avis en son esprit, il dict qu’il ne trouvoit remède plus prompt au mal qui se presentoit que de convoquer les estats. C’est une vieille follie qui court en l’esprit des plus sages François, qu’il n’y a rien qui puisse tant soulager le peuple que telles assemblées. Au contraire, il n’y a rien qui luy procure plus de tort, pour une infinité de raisons, que si je vous deduisois, je passerois les termes et bornes d’une missive. Ceste opinion du commencement arresta M. le cardinal de Lorraine, qui craignoit que par ce moyen on ne voulust bailler une bride au roy, et oster l’authorité que M. de Guise et luy avoient lors sur le gouvernement pendant la minorité du jeune roy leur nepveu. Et de fait depuis ce temps-là il ne vit jamais de bon œil cest archevesque, lequel se bannit volontairement de la cour. Toutesfois après avoir examiné avec ses serviteurs de quelle consequence pouvoit estre ceste convocation des estats, et qu’elle ne pouvoit apporter aucun prejudice au roy, que luy et son frere avoyent rendus le plus fort, non seulement il ne rejetta, ains tres estroitement embrassa ceste opinon, voire estima que ce luy estoit une planche pour exterminer avec plus d’asseurance et solennité tous les protestans de la France. » Pasquier remarque que la mort de François II dissipa en un instant les desseins de ce cardinal ; et après avoir rapporté une partie des choses qui furent réglées dans les états d’Orléans, il ajoute[7] : » Mais pour general refrain on a accordé pour cinq ans au roy un subside de cinq sols pour chaque muis de vin entrant dedans les villes closes. C’est presque le but et conclusion de telles assemblées, de tirer argent du peuple par une honneste stipulation du roy avec ses trois estats. »
Notez, je vous prie, que Pasquier se vante d’avoir une infinité de raisons qui montrent que rien n’est plus pernicieux à la France que la tenue des états généraux. Je ne doute point qu’il n’eût pu produire là-dessus beaucoup de raisonnemens, et je crois aussi que notre Charles de Marillac eût pu répliquer à tout, et que c’est une matière sur quoi l’on peut soutenir à perte de vue le pour et le contre. Mais si l’on en appelait à l’expérience, il est apparent que l’opinion de Pasquier l’emporterait ; car il serait bien difficile de marquer les avantages que la France a tirés de ces assemblées, et bien facile de prouver qu’elles ont servi à fomenter les désordres[8]. Les Anglais ont raison de lire que la tenue fréquente des parlemens est nécessaire au bien du pays ; mais la France ne peut pas dire la même chose de ses états généraux. On les convoqua souvent sous le règne des fils de Henri II, et jamais la France ne fut plus brouillée, ni plus désolée qu’en ce temps-là ; et au lieu de trouver du remède dans ces convocations, elle y empirait. Personne ne doit reconnaître cette vérité plus franchement que ceux de la religion ; car c’était dans ces assemblées que leurs ennemis prenaient de nouvelles forces. Il y a des gens qui comparent les états généraux avec les conciles : ce sont, disent-ils, toutes assemblées de mauvais augure ; elles sont un témoignage que les maux publics sont grands, et que l’on commence à désespérer de la guérison. On fait alors comme dans les maladies à peu près désespérées ; on assemble quantité de médecins ; on les fait venir de loin ; ils consultent ; ils disputent ; ils s’accordent rarement ; il en faut venir à la pluralité des suffrages ; ils font si bien que le malade peut dire : la multitude de medecins m’a fait mourir[9]. Les belles harangues ne manquent pas dans ces assemblées, mais les cabales et les intrigues y manquent encore moins, et la conclusion suit presque toujours, non pas la justice et la vérité, mais la brigue la plus forte.

(C) Je dirai quelque chose de François de Marillac… dans mon commentaire. ] Lui et Pierre Robert furent donnés pour conseil au prince de Condé, l’an 1560, dans le procès de crime d’état qui fit tant de bruit, et qui pensa lui faire perdre la tête sur un échafaud. Cum præcipiti Gui- sianorum violentiâ amputatas omneis moras videret Condæi uxor, libello supplice à rege petit et impetrat, ut marito homines spectatæ eruditionis ac prudentiæ darentur, quorum consilio uteretur, nominati à rege Petrus Robertus et Franciscus Marillacus celeberrimi in foro patroni[10]. Je rapporte ces paroles de M. de Thou, parce qu’elles font connaître la réputation de Marillac. Il n’y avait pas long-temps qu’il avait servi d’avocat à Anne du Bourg. On a mis dans la table des matières de l’Histoire de François II, que Marillac, avocat, trahit du Bourg en plaidant pour lui. Cela doit être développé ; car autrement on en pourrait inférer que cet avocat fut un traître et un prévaricateur ; et ce serait lui faire un grand tort, puisqu’il n’y eut dans sa conduite qu’un mensonge officieux destiné à sauver la vie à son client. Voici le fait selon le narré du sieur de la Planche[11] : « Ses causes de recusation [12] furent, par arrest prononcé par Olivier, declarées admissibles, et ordonné qu’il auroit conseil, ce qui luy avoit esté auparavant desnié, de sorte que le cardinal se trouva tout confus. L’advocat Marillac luy fut baillé, lequel mit toute peine de le faire desdire luy alleguant que sans cela il ne pourroit éviter la mort : ce que n’ayant peu faire, il l’amena à ceste necessité qu’il le laisseroit plaider sans l’interrompre, puis il diroit après ce que bon luy sembleroit. Estans donc venus devant les juges, l’advocat remonstra le merite de la cause, la maniere de l’emprisonnement non jamais pratiquée, et encores moins la façon de proceder de Bertrand, qui n’avoit eu aucune honte ne vergongne de jouer deux personnages ou trois, en presidant et assistant aux trois jugemens precedents. Enquoy non seulement apparoissoyent les causes d’abus tres evidentes, mais aussi la nullité des sentences et arrest, en sorte qu’il faloit necessairement recommencer tout le proces, casser et annuller toutes ces procedures, veu que nulle formalité de justice n’y avoit esté gardée. Mais au lieu de conclurre en son appel, il acquiesca, recourant à la misericorde du roy et de la cour : confessant sa partie avoir grievement offencé Dieu et sancte mere eglise, irrité le roy, et s’estre montré inobedient à son evesque, auquel et à la saincte eglise romaine il desiroit estre reconcilié. Surquoy du Bourg, qui estoit present, se voulant opposer, Marillac fit signe aux presidens, desirans lui sauver la vie par ce moyen ; lesquels au lieu de luy donner audience, et savoir s’il avouoit son advocat, le renvoyerent incontinent en sa prison. Mais pendant qu’ils avisoyent de deputer deux d’entre eux pour faire entendre sa conversion au roy, et luy demander sa grace, voici arriver un bulletin escrit et signé de du Bourg, par lequel il desavouoit les conclusions de son advocat, persistant en ses causes d’appel, et en sa confession de foy faite devant le roy. »

On voit dans un dialogue d’Antoine Loisel, que les principaux avocats du parlement de Paris [13] étaient maîtres Jacques Canaye, Parisien ; Claude Mangot, Loudunois ; et François de Marillac, Auvergnat, duquel on faisait plus d’estime que des deux autres, en ce qu’il était fort en la réplique ; mais il fut ravi au milieu de son âge : de sorte que sa maison a été réduite à néant, au moins au prix de celle de Canaye et de Mangot. Notez qu’il était de même famille que les autres Marillacs [14].

(D) Il n’y a point de différence entre cet avocat et ce conseiller. ] Rapportons ce que l’on a dit de lui dans ce dialogue d’Antoine Loisel : « [15] Vous ne devriez pas pourtant avoir passé sous silence M. Charles de Marillac ; car il avait acquis autant d’honneur en peu de temps qu’il fut au barreau que d’autres qui y ont été toute leur vie. Il est vrai, répondit M. Pasquier ; c’était un des plus forts et abondans en bon sens et en savoir qui y fût lors ; mais vous savez le temps où nous sommes, et le peu de compte que l’on fait des avocats au prix des conseillers, comme l’on s’en est plaint au commencement, et non sans cause. En effet, ses parens ne lui donnèrent pas le loisir de faire montre de sa suffisance, ni de la force de son esprit en l’état d’avocat ; ni la mort, de ce qu’il promettait en son office de conseiller [* 1] ; car il fut ravi en la fleur de son âge [* 2] ; j’en dirais davantage s’il n’eût point été ma nourriture. »

(E) Le véritable nom de cette famille était Marlhac. ] « C’était ainsi que Gabriel de Marillac, avocat général au parlement de Paris, signait dans tous les actes publics et dans ses lettres particulières [16] [* 3]. » L’auteur que je cite assure [17] qu’il a appris cela d’un ancien conseiller d’état, savant dans la connaissance des maisons et des familles illustres de France. Il allègue ensuite deux passages pour prouver que cet avocat général était autant illustre par sa profonde science que par sa rare probité. L’un est de M. de Thou, et l’autre du Supplément des Chroniques de Jean Carion. Il suppose que dans celui-ci il y a Gabriel Marillacus ; mais dans mon édition [18] il y a Gabriel Marliacus. Cela lui eût pu servir à confirmer ce qu’il avait avancé. On peut joindre à ces deux passages ce que Maludan écrivit à Denis Lambin [19] : Mariliacus regius patronus a. d. IX Kal. Majas horâ quartâ pomeridianâ excessit è vitâ admodùm christianè. Postridiè funus duxerunt amici et propinqui sinè ullâ pompâ, ut moriens jusserat : sed non sinè omnium bonorum lacrymis. Desiderant etiam inimici nunc ejus λόγους ἐπιχειρηματικοὺς καὶ βιάιους, καὶ χρειώδεις. Eo patrono fiscum nemo unquàm dicere potuit, lienem : ut loquebatur olim Trajanus. In demortui locum suffectus est Ridens [20]. Mais rien n’est plus propre à confirmer ce qui fut dit par un conseiller d’état à M. de Vigneul Marville, que la note marginale que l’on trouve à la page 504 des Opuscules d’Antoine Loisel ; la voici toute entière : « Il [21] est appelé Marlhac par Miranmont et par Coquille, qui rapporte de lui, en ses Commentaires sur la Coutume de Nivernois, ch. 1, art. 5, une maxime de droit français, avec éloge en ces termes : Et comme disait ce très-savant et très-homme de bien, M. Gabriel Marlhac, avocat du roi en parlement, bon régent des jeunes avocats qui assistaient aux plaidoiries dudit parlement, TOUT dol mérite punition extraordinaire et corporelle en France, ores qu’il en soit traité en matière civile. »

  1. (*) Blanchard nomme deux Charles de Marillac, conseillers, l’un en 1541 qui fut... finalement archevêque de Vienne. L’autre fut reçu le 20 mars 1576, qui est l’avocat dont il est ici parlé.
  2. (*) En 1580. Blanchard.
  3. * Joly dit que Vigneul Marville a trompé Bayle. La différence d’orthographe entre Marillac et Marlhac, dit Joly, n’en fait aucune dans la prononciation. Les peuples de delà la Loire, entre lesquels sont ceux d’Auvergne, d’où sortent les Marillacs, ne pouvant prononcer l’l mouillée de ce nom, prononcent Marlhac. Henri Étienne, à la page 569 de ses Deux dialogues du nouveau langage français italianisé, observe qu’en Languedoc et en Dauphiné quelques personnes prononcent de même, muralhe, filhe, balher, pour muraille, fille, bailler.
  1. Louis Régnier, Histoire de François II, pag. 523, 524
  2. Là même, pag. 553.
  3. Varillas, Hist. de François II, liv. II, p. m. 230.
  4. Louis Régnier, Histoire de François II, pag. 548.
  5. Louis Regnier, Hist. de François II, p. 537.
  6. Pasquier, Lettres, liv. IV, pag. 192, 193 du Ier. tome.
  7. Pasquier, Lettres, liv. IV, pag. 195 du Ier. tome.
  8. Voici l’une des raisons que Charles de Marillac eut à combattre : il ne nia point le fait. Aucuns ont voulu, dit-il, Hist. de François II, pag. 550, mettre en avant ce qui advint du temps du roi Jean, où les états réduisirent le dauphin à prendre plusieurs partis indécens.
  9. Hinc illæ circà agros miseræ sententiarum concertationes, nullo idem censente ne videatur accessio alterius. Hinc illa infelicis monumenti inscriptio Turba se medicorum perisse. Plin., lib. XXIX, cap. I, pag. m. 667. Conférez ce que dessus, citation (28) de l’article Hadrien, tom. VII, pag. 430.
  10. Thuan., lib. XXVI, pag. 522, col. 1.
  11. Louis Régnier, sieur de la Planche, Histoire de François II, pag. 33. Bèze a copié mot à mot tout ce passage dans l’Histoire ecclésiastique des Églises, liv. III, pag. 222.
  12. C’est-à-dire, celles que du Bourg avait alléguées.
  13. Loisel, Dialogue des Avocats du parlement de Paris, pag. 520.
  14. Opuscules de Loisel, pag. 707.
  15. Loisel, là même, pag. 551.
  16. Vigneul Marville, Mélanges, tom. II, pag. 16, édition de Hollande.
  17. Vigneul Marville, Mélanges, tom. II, pag. 16, édition de Hollande.
  18. C’est celle de Paris, ex officinâ Puteanâ, 1563, in-16.
  19. Maludan., Epist. ad Lambinum, pag. 367 Epistolarum clarorum Virorum, edit. Lugd., 1561. J’ai trouvé ce passage dans les notes de M. Joly, sur les Opuscules d’Antoine Loisel, p. 707. Voyez-y, dans la page 630, un passage du Ciceronianus de Pierre Ramus.
  20. C’est-à-dire, Denys Riant, reçu avocat du roi, en 1551.
  21. C’est-à-dire Gabriel Marillac, qui fut fait avocat du roi, l’an 1543.

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