Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Henri 3


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HENRI III, roi de France, fils de Henri II et de Catherine de Médicis, s’était rendu si célèbre avant qu’il fût roi, et avant l’âge de vingt ans, que les Polonais le jugèrent digne de leur couronne ; mais ils eurent bientôt sujet de se repentir de cette élection. La manière dont il s’enfuit de Cracovie est la chose du monde la plus honteuse. La raison de cette fuite est qu’il voulait recueillir en France la succession de Charles IX. Il régna effectivement après lui, et de telle sorte que les Polonais n’eurent pas lieu de le regretter. On peut dire de lui comme de Galba, qu’il eût paru digne de la couronne s’il ne l’eût jamais portée (A). Sa vie fut tellement partagée entre les débauches et les dévotions, qu’on ne vit jamais un mélange plus bizarre. Il se laissait posséder par ses mignons avec si peu de ménagement, que toute la France en était choquée ; vu surtout que les dépenses excessives qu’il faisait pour eux (B) tournaient à la charge du pauvre peuple. Il encourut la haine des dames, et cela lui fut fort préjudiciable (C). La duchesse de Montpensier se vengea terriblement de quelque chose qu’il avait dit d’elle (D). Le duc de Guise devenant par cet amas de circonstances et par les troubles de religion, beaucoup plus hardi qu’il ne l’eût été à se préparer le chemin du trône, éprouva que les princes les plus faibles sont enfin capables d’une vigoureuse résolution. Il fut massacré par les ordres de Henri III. J’ai parlé ailleurs [a] des suites de cette affaire ; mais je n’ai pas dit que sans le secours des protestans ce monarque aurait été opprimé à Tours, où les ligueux l’attaquèrent [b], quelques mois après qu’il eut fait tuer le duc et le cardinal de Guise. S’étant tiré de cet embarras, il alla mettre le siége devant Paris et sans doute il eût mis bientôt à la raison cette ville séditieuse, s’il n’eût été assassiné par le jacobin Jacques Clément. Il mourut le 2 d’août 1589, qui était le lendemain de sa blessure [c]. J’ai dit ailleurs [d] qu’on l’a blâmé avec raison d’avoir cédé quelques villes au duc de Savoie, qui l’avait accompagné jusqu’au pont de Beauvoisin au mois de septembre 1574 (E). Il eut sujet de se repentir de cette cession ; car elle encouragea le fils de ce duc à former des entreprises contre la France (F).

Il n’y a eu guère de princes dont l’étoile ait été aussi capricieuse que celle de Henri III. La bizarrerie de sa fortune lui fit éprouver un sort tout-à-fait semblable à celui de ces enfans qui sont d’abord élevés par une mère fort tendre et puis par une cruelle marâtre. La gloire de sa jeunesse fut très-brillante, et lui procura d’une manière remplie d’éclat et d’honneur le royaume de Pologne ; mais cette vive lumière s’éclipsa bientôt : il abandonna peu après avec plus d’ignominie cette couronne, qu’il n’y avait eu de gloire dans son élection ; car que peut-on voir de plus étrange et de plus honteux qu’un monarque qui prend la fuite pendant les ténèbres de la nuit, et qui se retire avec la dernière vitesse hors de ses états, comme un criminel qui sent à ses trousses le prevôt des maréchaux ? Voilà de quelle manière Henri III abandonna la Pologne [e]. Si l’on pouvait excuser cette évasion sur l’intérêt qu’il avait de se presser d’aller recueillir un héritage beaucoup meilleur que le sceptre qu’il portait, nous ne laisserions pas de pouvoir dire qu’il fallait bien qu’il fût né sous une malheureuse constellation, et Diis iratis, puisqu’il se trouvait réduit à de telles extrémités, qu’il ne pouvait succéder qu’à ce prix-là au roi son frère. Ce serait toujours une marque que sa fortune l’aurait mené malignement par des chemins entortillés et embarrassés. On le chercha dans lui-même après son retour en France, et on ne le trouva point ce duc d’Anjou, qui avait acquis une si grande réputation [f], ne paraissait plus dans la personne de Henri III. On n’y vit d’abord que l’humeur d’un misanthrope (G). Voici bien d’autres caprices de la fortune de ce monarque. Il avait un frère qui était un pesant fardeau sur ses épaules ; la mort l’en délivra ; il sentit beaucoup de joie de cette délivrance, et cela même doit passer pour une infortune ; car qu’y a-t-il de plus bizarre que d’être réduit à se réjouir de la mort de son frère unique ? mais enfin ce serait toujours une espèce d’avantage, si l’on en tirait une longue utilité. C’est ce que Henri III n’éprouva point ; car il s’aperçut bientôt que la mort du duc d’Alençon, quelque avantageuse qu’elle lui fût, lui était encore plus préjudiciable qu’utile (H), puisqu’elle fournit un prétexte de cabaler, et qu’elle fomenta cette faction dangereuse qui fit sentir tant de mortifications au roi, et qui l’accabla enfin. La joie qu’il eut de s’être défait du duc de Guise fut de la même nature ; elle ne dura guère : il éprouva dès les premiers jours que ce grand coup de partie qu’il avait cru absolument nécessaire à son repos et à sa sûreté, le plongeait dans de nouveaux embarras et dans de mortelles inquiétudes (I). On doit avouer qu’il se surpassa lui-même dans l’exécution du projet de faire mourir le duc de Guise (K). Il y fit paraître beaucoup de prudence et beaucoup de résolution, et pour le moins beaucoup plus que dans les rencontres précédentes, où il s’était comporté d’une manière qui l’avait rendu le mépris du pape (L). L’une des plus grandes bizarreries de sa destinée fut qu’il s’attira également l’inimitié des papistes et celle des huguenots. Ces deux partis opposés en toutes choses, et quant au spirituel et quant au temporel, s’accordèrent dans l’aversion pour ce prince. Ce fut un centre d’unité pour des gens qui trouvaient partout ailleurs un sujet de division. Humainement parlant, les huguenots avaient de justes raisons de le haïr ; car il les persécutait à toute outrance, et il passait pour l’un des plus grands promoteurs de la Saint-Barthélemi, et il se glorifiait même de l’avoir été [g]. Cela joint avec son attachement aux dévotions les plus monacales devait lui concilier l’amitié des ecclésiastiques et des zélateurs les plus ardens de la foi romaine ; et néanmoins il fut l’objet de leur haine plus qu’on ne saurait se l’imaginer. Voilà un furieux caprice de l’étoile : en voici encore un autre. Tout ce qu’il avait aimé le plus ardemment tourna enfin à son préjudice [h]. Ce que nous avons dit [i], touchant les désordres que la prodigalité de Henri II fit naître, convient encore davantage au règne de Henri III, prince infiniment plus prodigue que son père. Aussi vit-on sous ce règne-là plus de maltotes, plus d’édits bursaux et plus de dissipations de finances qu’il n’en avait jamais paru dans le royaume. Le mal eût été encore plus-grand, si ce prince eût pu obtenir la permission d’aliéner le domaine. Mais les états généraux ne voulurent pas y consentir (M). Remarquons qu’Henri III, qui par rapport à ses favoris n’était point jaloux de l’autorité, et n’aspirait point à l’indépendance, souhaitait passionnément d’amplifier le pouvoir royal (N). Je dirai quelque chose de ses dévotions (O), et je n’oublierai point qu’il fut éloquent, qu’il aima les sciences, et qu’il se plaisait beaucoup à entendre discourir les personnes doctes. Mais on trouva du contre-temps à cela et à la peine qu’il prit d’étudier la langue latine (P). On nous a envoyé deux mémoires bien curieux : l’un regarde la proposition qu’on lui avait fait goûter de reconnaître pour son successeur le fils aîné du duc de Lorraine (Q) ; l’autre regarde ce que le député de la ligue eut ordre de représenter au pape après que le jacobin Jacques Clément eut assassiné ce roi (R). Cet assassinat exécrable fut commis au bourg de Saint-Cloud. Quelques auteurs protestans ont relevé cette circonstance, et y ont trouvé des mystères. Le fait qu’ils allèguent paraîtra fort incertain pendant qu’ils laisseront (S) sans réplique les observations de Pierre-Victor Cayet.

  1. Dans l’article Guise (Henri), tome VII, pag. 380.
  2. Au mois de mai 1589.
  3. Mézerai, Abrégé chronolog., tom. V, pag. 355.
  4. Dans l’article Henri II, pag. 16 de ce volume, à la remarque (G).
  5. Voyez M. de Thou, au commencement du livre LVIII.
  6. Voyez l’article Mariana, tom. X, remarque (O).
  7. Thuan., lib. XCVI, pag. 301.
  8. Ei fatale erat ut quicquid ardentius dilexerat, id illi postremò perniciem adferret. Idem, lib. XC, sub fin., pag. m. 193.
  9. Voyez pages 28-29 de ce volume, à la remarque (BB) de l’article HENRI II,

(A) On peut dire de lui, comme de Galba, qu’il eût paru digne de la couronne s’il ne l’eût jamais portée. ] Tout le monde a remarqué ce mot de Tacite : major privato visus (Galba) dum privatus fuit, et omnium consensu capax imperii, nisi imperâsset [1]. Suétone dit la même chose en d’autres termes : Majore adeò et favore et auctoritate adeptus est quàm gessit imperium [2]. On a fait un semblable jugement de l’empereur Jovien [3] : mais on disait tout le contraire de Marius [4]. Notre Henri III vérifia à son dam cette judicieuse maxime, magistratus virum prodit [5] : il fit voir en portant une couronne, qu’on s’était trompé en le jugeant digne de la porter. Ce n’est point à lui qu’on appliquera raisonnablement ces paroles de Cassiodore : Hic est probatæ conscientiæ gratissimus fructus, ut quamvis summa potuerit adipisci, judicetur tamen ab omnibus plus mereri [6]. Encore moins pouvait-on dire de lui le magna eum præcesserat fama, quâ major inventus est [7].

(B) Les dépenses excessives qu’il faisait pour ses mignons. ] [8] « La principale occupation et le plus grand plaisir de ce roi consistant à plaire à deux favoris [9], il témoignait ne pouvoir être content, qu’il ne les eût faits aussi grands que lui-même, et rendus si puissans, disait-il, qu’il ne fût pas au pouvoir ni de l’envie, ni de la fortune de les détruire. Il voulut donc, n’ayant point de filles à leur donner pour les allier aussi hautement qu’il désirait, les marier avec les sœurs de sa femme, qui étaient Marguerite et Christierne, quoiqu’ils fussent déjà fiancés avec deux autres héritières.... Or, afin de les honorer de quelque titre qui les élevât à l’honneur d’une si haute alliance que la sienne, il voulut leur donner à tous deux la qualité de duc et pair... Cependant le duc de Lorraine amena ses nièces avec autant de suite et de magnificence que s’il les eût voulu marier à des rois. Pour Christierne, étant encore trop jeune, elle fut seulement fiancée au duc d’Epernon, et pourtant elle ne l’épousa pas, mais aima mieux prendre le voile sacré. Pour Marguerite, ses fiançailles s’étant faites au Louvre dans la chambre de la reine, les noces en furent célébrées huit jours après dans l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois. Il serait superflu de vous décrire les mascarades, les ballets, les tournois les festins, les musiques et toutes les autres magnificences que le luxe inventa pour cette réjouissance : en un mot elle dura près de six semaines, et Paris, le théâtre des merveilles, n’avait jamais rien vu de semblable. Le roi, habillé de même que son favori, mena la mariée à l’église...... Ensuite des noces il ordonna dix-sept festins, qui se firent de rang par les princes et seigneurs parens de la mariée : le moindre revenait à plus de cent mille livres, à tous lesquels les conviés changèrent d’habits si riches et si précieux, que les draps d’or et d’argent n’y avaient point de lustre. Il y en avait qui coûtaient dix mille écus de façon. Enfin la dépense y fut si prodigieuse, que le roi, pour sa part seulement, n’en fut pas quitte à moins de quatre millions de livres, outre qu’il promit payer au marié, pour la dot de sa femme, quatre cent mille écus dans deux ans : et quand on lui remontrait que l’excès de ses profusions le ruinerait, il répondait qu’il serait sage après qu’il aurait marié ses deux enfans. Il entendait Joyeuse et d’Épernon. » Les ambassadeurs suisses étant venus à Paris demander de l’argent qu’on leur devait, et les trésoriers leur ayant répondu que le roi n’en avait point, et qu’ils prissent patience, ils repartirent, selon la liberté de la nation, qu’il n’était pas croyable qu’un prince si sage et si avisé eût dépensé douze cent mille écus pour son plaisir aux noces d’un gentilhomme, sans en avoir bien d’autres dans ses coffres pour subvenir aux affaires de son royaume [10].

Voyez dans le même historien [11] la tendresse extravagante que ce prince témoigna pour Maugiron et Quélus, quand ils se furent battus en duel [12].

(C) Il encourut la haine des dames, et cela lui fut fort préjudiciable. ] « Les dames, à qui les mignons disaient tout, découvraient au duc de Guise tous les secrets du cabinet, pour se venger du roi, qu’elles haïssaient pour certaines raisons qu’on ne dit pas [13]. » C’est de M. Maimbourg que j’emprunte ces paroles : on y voit manifestement combien les dames nuisaient au roi ; mais au reste les raisons de leur haine sont assez intelligiblement expliquées par plusieurs historiens. Voyez en note les paroles de Mézerai [14]. La réflexion rapportée par l’auteur des Nouvelles de la République des Lettres est une vraie chicane. Quelques censeurs, dit-il [15], ont trouvé mauvais que M. Maimbourg ait dit, que les dames à qui les mignons disaient tout, etc. Ils disent que ces paroles sont tout-à-fait désobligeantes pour le beau sexe, parce qu’on insinue par-là, que les femmes conçoivent de l’aversion pour les hommes qui se veulent passer d’elles. Or, disent-ils, si elles sont sages, que leur importe que l’on s’en veuille passer ? Cela leur doit être fort indifférent. S’il ne l’est pas, c’est un signe manifeste qu’elles ne veulent point être sages. Mais je me sens obligé de prendre le parti de M. Maimbourg contre des censeurs si iniques. Je dis donc qu’il ne parle que des dames qui étaient dans les intrigues du duc de Guise [16], et qu’il ne faut point douter que les femmes qui ont ce caractère ne haïssent fortement quand elles en ont les raisons que l’on sous-entend ici. On en conclura tant que l’on voudra que si elles étaient sages, cela leur serait indifférent. On dira, si l’on veut, que cette conclusion est désobligeante. M. Maimbourg s’est précautionné contre ces sortes de subtilités dans sa préface ; il y déclare qu’il cherche la vérité, et non pas ce qui peut obliger les gens, et que si on n’y trouve pas son compte, il s’en faut prendre aux législateurs des historiens, qui leur ordonnent de dire les choses comme elles sont, et non pas comme elles devraient être.

C’est trop subtiliser : il est naturel d’être bien aise que les talens qui nous rendent recommandables ne tombent pas dans le mépris ; cela, dis-je, est naturel, encore qu’on ne veuille pas faire un mauvais usage de ses qualités. On a porté un peu trop loin la raillerie dans le Voyage de MM. Chapelle et Bachaumont, au sujet de la colère que l’on attribue aux femmes de Montpellier contre le malheureux d’Assoucy.

(D) La duchesse de Montpensier [17] se vengea terriblement de quelque chose qu’il avait dit d’elle. ] « On rapportait au roi que la ligue ne lui voulait pas un moindre mal que de le faire moine, et que la duchesse de Montpensier montrait ses ciseaux qu’elle avait destinés pour le raser. C’était qu’il avait offensé cette veuve, tenant des discours qui découvraient quelques défauts secrets qu’elle avait, outrage bien plus impardonnable à l’égard des femmes, que celui qu’on fait à leur honneur [18]. » L’offense tenait bien au cœur à cette duchesse, si l’on en juge par les mouvemens qu’elle se donna pour perdre Henri III. Elle porta sa bonne part de matière, d’inventions de son gentil esprit, et du travail de son corps, à bastir ladite ligue : si qu’après avoir esté bien bastie, jouant aux cartes un jour à la prime (car elle aimoit fort le jeu), ainsy qu’on luy disoit qu’elle meslât bien les cartes, elle respondit devant beaucoup de gens : je les ay si bien meslées qu’elles ne se sçauroient mieux mesler ny demesler. Cela eût esté bon si les siens n’eussent esté morts, desquels sans perdre cœur d’une telle perte, elle en entreprit la vengeance ; et en ayant sçeu les nouvelles dans Paris, sans se tenir recluse en sa chambre, à en faire les regrets à la mode d’autres femmes, elle sort de son hostel avec les enfans de monsieur son frere, les tenant par les mains, les pourmene par la ville, fait sa deploration devant le peuple, l’animant de pleurs, de cris, de pitié, et paroles, qu’elle fit à tous, de prendre les armes, de s’élever en furie, et faire les insolences sur la maison et le tableau du roy, comme l’on a veu, et que j’espere dire en sa vie, et à luy denier la fidelité, et au contraire, de luy jurer toute rebellion ; dont puis après aussi son meurtre s’en ensuivit : duquel est à sçavoir qui sont ceux et celles qui en ont donné les conseils, et en sont coupables [19]. Ce fut elle qui poussa le plus Jacques Clément à tuer le roi. Elle n’y épargna rien, dit-on, non pas même ce qu’on appelle la dernière faveur [20].

(E) Au mois de septembre 1554. ] Le roi arriva le 5 de septembre 1574 au pont de Beauvoisin, et non pas le 21 de septembre 1555, comme l’ont dit deux ou trois historiens [21], que Jean Aymes de Chavigny censure dans la page 224 de la première face du Janus français. C’est ainsi qu’il intitule son explication de Nostradamus.

(F) À former des entreprises contre la France. ] L’auteur de la première Savoisienne [22] rapporte [23] que lorsqu’Heuri III revint de Pologne et passa par la Savoie, on lui demanda, pour récompense d’une collation, la ville de Pignerol et celle de Savillan ; et que ce prince, duquel le seul défaut a été une trop grande bonté, les accorda ; que le duc de Savoie, fils de celui qui avait reçu un si beau présent [24], se prévalut des confusions de la France, l’an 1588, car voyant le roi Henri III hors de sa capitale, il envahit le marquisat de Saluces ; qu’après avoir envoyé un ambassadeur au roi avec assurance de remettre tout entre ses mains, il dégrada tout d’un coup les officiers de sa majesté, y en établit de son autorité ducale..., et au même instant, pour faire voir en tous lieux les trophées de sa victoire, il feit forger une superbe monnaie, qui avait empreint un centaure foulant du pied une couronne renversée, avec cette devise, Oportuné. C’était pour montrer qu’il avait su prendre son temps [25]. On voit dans la seconde Savoisienne, qu’après la mort d’Henri III il se rendit maître de plusieurs places en Provence, et qu’il fallut qu’Henri IV s’emparât de la Savoie pour le mettre à la raison. Notez que, pour lui rendre le change sur sa monnaie [26], le roi en fit battre une autre, dans laquelle il y avait un Hercule armé à l’antique, foulant aux pieds un centaure, sur lequel il hausse une massue de la droite, et de la gauche une couronne qu’il sem- ble avoir relevée ; et pour l’âme de ce corps, était ce mot, Oportuniùs : pour montrer qu’on avait su mieux prendre le temps que lui, et plus honorablement, puisque l’on avait employé la force des armes au lieu des surprises qu’avec une grande ingratitude il avait exercées [27]. Cela réparait le mal à quoi la cession de Pignerol avait donné lieu, mais la faute de Henri III n’en était pas moins réelle.

L’auteur d’un écrit fort injurieux à monsieur le duc de Savoie d’aujourd’hui [28], a parlé de cette affaire, mais non pas sans quelques erreurs. Henri III, dit-il [29], ayant la guerre à soutenir contre une puissante ligne, Charles-Emmanuel, aïeul [30] de son altesse royale, fit à peu près comme elle a fait aujourd’hui. Il conçut de grandes espérances pour sa fortune, s’il prenait ce temps-là de se déclarer contre la France, et effectivement en 1588 il joignit ses armes à celles des ennemis de Henri III ; et, après avoir formé un puissant parti dont il se déclara le chef, il entra dans la Provence, s’empara par artifice des villes de Marseille et d’Arles, et devint si fier par ces conquêtes, qu’il fit frapper une monnaie qui devait servir de monument pour immortaliser sa mémoire. Il s’était fait représenter sous l’emblème d’un centaure, etc. L’auteur ajoute qu’Henri IV ayant porté la guerre en Italie, l’an 1600, se rendit maître presque de toute la Savoie et du Piémont, et qu’il fit frapper à son tour une médaille, etc. Ce narré n’est point exact : la jonction des armes du duc de Savoie avec les ennemis du roi Henri III ne se fit point l’an 1588. Ce ne fut point non plus cette année-là, mais en 1590, qu’il entra dans la Provence. Il ne fit point la médaille du Centaure après s’être rendu maître de Marseille, mais après l’invasion du marquisat de Saluces. Henri IV ne porta point la guerre en Italie, l’an 1600, et ne conquit rien dans le Piémont. L’auteur est peut-être plus judicieux dans les réflexions de politique, qu’exact à narrer les choses. Henri IV, dit-il [31], après la conquête de la Savoie et du Piémont, se laissa enfin fléchir aux prières du pape Clément VIII, qui cherchait à réconcilier le pauvre duc avec ce monarque ; quoique le sentiment de tous les politiques de son temps était que Henri IV devait garder la Savoie et le Piémont, pour châtier la témérité de ce prince imprudent, et se conserver par-là un passage libre pour entrer en Italie quand bon lui semblerait. C’était là le conseil du cardinal d’Ossat, un des plus grands politiques de son siècle : mais en cette occasion Henri IV fit paraître plus de générosité que de politique, et rendit tout à Charles-Emmanuel. Qu’aurait dit le cardinal d’Ossat de l’imprudence de Henri III se défaisant de Pignerol, puisqu’il blâme Henri IV de s’être défait de la Savoie, dans un temps où il était cent fois plus capable de résister à ses voisins, que ne l’avait jamais été son prédécesseur ? La France aurait été bien malheureuse, si elle n’avait pas eu Pignerol quand le duc de Savoie se ligua avec la maison d’Autriche, l’Angleterre et la Hollande, en 1690. Il a fallu qu’elle s’en soit dépouillée six ans après : ce n’est pas un petit mal.

(G) On ne vit en lui que l’humeur d’un misanthrope. ] « À son retour de Pologne il estoit presque inaccessible, sinon à trois ou à quatre, et vouloit manger en particulier, contre la coustume de nos rois : mais on ne le treuva bon, parquoy luy estant remonstré, comme forcé par la coustume de manger en public, il fit faire des grandes barrières autour de sa table qui sont encor à la sale du Louvre à Paris, et furent faicts ces vers qui furent affigez en certains endroicts du Louvre :

» Puisqu’Henry, roy des François,
» N’en ayme que quatre ou trois,
» Il faut que ces trois ou quatre
» Aillent ses ennemis combattre.


» Il ordonna que nul n’entreroit en sa chambre sans bonnet [32]. » Je m’imagine que le motif de cette ordonnance fut qu’il portait lui-même un certain petit bonnet comme d’un enfant qui avoit un borlet descoupé à taillades de travers, et sur iceluy une plume par devant avec quelque belle enseigne, et une grande perruque, et ne se defublait [33] jamais, non mesme à l’eglise, pource qu’il avoit la teste raze [34]. Il y avait bien de l’humeur dans tout cela. Au reste, ceci vous fera entendre les paroles que je m’en vais copier. Mesme son turban vous representoit assez son infidelité, estant tousjours coiffé à la turque, lequel jamais on ne luy a veu oster pour faire honneur à Jesus-Christ [35]. C’est ce que reproche à Henri III l’auteur du livre intitulé Le Martyre des deux frères.

(H) La mort du duc d’Alençon, quelque avantageuse qu’elle lui fût, lui était encore plus préjudiciable qu’utile. ] J’affecte non-seulement de ne rien dire sans preuve ; mais aussi d’alléguer partout où je le puis faire le témoignage des auteurs contemporains. On ne se trompera donc pas si l’on s’imagine que je me sers ici agréablement des paroles d’Étienne Pasquier [36]. « Encores avoit-il [37] une espine au pied, qui au milieu de cette paix [38] semblait arrester le cours de ses contentemens. Car combien qu’il ne fust en mauvais mesnage, par apparence, avec monsieur le duc, son frere, si estoit il un second roy, qui avoit sa cour et ses favoris à part, tantost en une ville de Tours, tantost és autres de son apanage ; lequel avoit ses opinions tant eslongnées de celles du roy, que jamais il ne voulut, que luy ny les siens fussent gratifiez de l’ordre du Saint-Esprit. D’ailleurs son apanage estoit si grand, qu’il absorboit une bonne partie de la France. Avoit sa chambre des comptes dedans Tours, son eschiquier à Alençon, qui jugeoit souverainement des causes du duché, tant civiles que crimineles. Et encores ce prince pourvoyoit aux eveschez et abbayes de son apanage ceux qu’il vouloit, pour estre nommez au pape par le roy, suivant le concordat. Toutes grandeurs aucunement conformes à celles du roy, qui luy pouvoient causer des jalouzies en l’ame, ores qu’il les dissimulast sagement. Advient en l’an 1585 que monsieur le duc décede, et par sa mort est reüny son apanage à la couronne. Ceux qui gouvernoient le roy en firent feus de joyes en leurs ames ; et luy mesmes manifesta assez, de combien il pensoit son estat estre creu, quand il escrivit de sa propre main des reglemens de sa grandeur : voulant que son chancelier, seant en son conseil, fust revestu d’une toque et robe longue de velours cramoisi, et ses conseillers d’estat de satin violet, ses huissiers et valets de chambre eussent pourpoints de velours, et au-dessus la grosse chaisne d’or pendue à leurs cols ; puis diverses advenues de chambres, avant qu’il peust estre gouverné. Un long ordre de seigneurs qui devoient marcher devant luy, allant à l’eglise. A la verité cette mort au premier œil ne luy promettoit qu’un long repos ; et neantmoins ce fut la consommation de son malheur et de toute la France. Car si monsieur le duc eust vescu, tous pretextes eussent defailli aux entrepreneurs de la ligue...... Soudain après son decez, en l’an 1584, les princes de la ligue ne doutèrent d’esclorre le mescontentement qu’ils couvoient revestu du manteau de la religion catholique, apostolique, romaine. » Notez que les intrigues d’amour avaient semé la discorde entre ces deux frères. Ils se rencontrerent à aimer mesmes beautez : l’un des cœurs voulut déloger l’autre, et ne pouvant souffrir des compagnons en amour, non plus qu’en l’autorité, ils changerent les affections de freres, en haines et depits implacables [39]. Je vous laisse à penser si cette double jalousie, l’une d’amour, l’autre d’ambition, entre deux frères [40], l’un roi, l’autre héritier présomptif de la couronne, et qui avaient tous deux l’esprit et le cœur assez mal tournés, n’était pas capable de les remplir d’une antipathie prodigieuse [41].

(I) Il éprouva... que la mort du duc de Guise... le plongeait dans... de mortelles inquiétudes. ] Pasquier sera encore ici le commentateur. Soudain que le sieur de Guise fut mort, dit-il [42], jamais roy ne se trouva si content que le nostre ; disant haut et clair à chacun, qu’il n’avoit plus de compagnon, ny consequemment de maistre. Et le lendemain jour de la mort du cardinal fut l’accomplissement de ses souhaits. En ce contentement d’esprit il se comporta quelques jours, faisant depescher lettres de tous costez, pour manifester le motif de cest accident, desquelles il ne rapporta pas grand profit. Quelques huit ou dix jours après, ne recevant aucunes nouvelles de Paris, il commença de penser à sa conscience, et ravaller quelque chose de ceste grande joye. Et depuis adverty de ceste générale revolte, il eust grandement souhaité, que la partie eust esté à recommencer... Le roy petit à petit commença de se desplaire de tout ; voire de soy-mesmes. Je le vous puis dire et escrire ; comme celuy qui en ay esté spectateur. La deffiance plus qu’auparavant se logea dedans son cœur, comme vous entendrez presentement. Pasquier ensuite de ces paroles raconte quatre ou cinq faits qui témoignent clairement l’embarras épouvantable où ce prince se trouva. Il voulut faire transporter au château d’Amboise les personnes qu’il avait fait arrêter après la mort de MM. de Guise, et il ne trouva aucun auquel il se peust fier qu’à lui seul. Je vous dirai franchement, ajoute Pasquier, que la plus grande partie de nous, qui estions à Blois, crevions de despit en nos ames, de voir les affaires du roy si bas, qu’il fust contraint de se faire conducteur de ses prisonniers. A peine estoit-il demaré, que nous recevons nouvelles que le mareschal d’Aumont, ayant abandonné la citadelle, et levé le siege d’Orleans, par la venue du sieur de Mayenne, s’estoit retiré avec ses gens à Baugency. Plusieurs de ses soldats blessez arrivent à Blois. Adoncque chacun de nous se fit accroire, que la conduite de ces prisonniers estoit un pretexte exquis et recherché par le roy, pour quitter avec moins de scandale la ville. Et vous puis dire que si lors le sieur de Mayenne eust donné jusques à nous, la frayeur estoit si grande et generalle, qu’il n’y eust trouvé resistance, et s’estant fit maistres de Blois, toute la riviere de Loire estoit sienne ; d’autant que toutes les villes bransloient : et eust esté le roy merveilleusement empesché de trouver lieu pour sa retraite. Dieu nous voulut preserver de cette mesadventure [43]. L’auteur ajoute [44] que Longnac, qui avoit esté le premier qui avoit induit le roy de commander ce meurdre qui luy estoit si malheureusement reüssi, perdit toute sa faveur. Quelques historiens content que ce brave gentilhomme, ne croyant pas être en sûreté à la cour, demanda au roi une place où il pût se retirer, afin de se garantir du ressentiment des ligueux [45]. C’était faire sentir au prince le mauvais état où l’on croyait ses affaires : la réponse que l’on prétend qu’il fit à Lognac n’est point indigne d’un grand roi. J’en parle ailleurs [46].

(K) Il se surpassa lui-même dans l’exécution du projet de faire mourir le duc de Guise. ] Le cœur lui avait manqué à la journée des barricades ; il avait quitté la partie à son rival, il s’était sauvé de Paris, et y avait laissé au duc de Guise toute la gloire du triomphe. Le cœur lui revint à Blois, et il y fit succomber ce fier ennemi. C’est à quoi l’on peut appliquer ces paroles de l’Enéide :

Quondam etiam victis redit in præcordia virtus,
Victoresque cadunt [47].


Ce fut alors que l’on vit la vérité d’une sentence d’Homère, je veux dire de la remontrance que Calchas faisait à Achille, qu’un roi qui est en colère contre son inférieur a le dessus tôt ou tard.

Κρείσσων γὰρ βασιλεύς ὅτε χώσεται ἀνδρὶ χέρηϊ.
Εἴπερ γάρ τε χόλον γε καὶ αὐτῆμαρ καταπέψῃ,
Ἀλλά τε καὶ μετόπισθεν ἔχει κότον, ὄϕρα τελέσσῃ
Ἐν ςήθεσσιν ἑοῖσι. .............

Potentior enim rex quando irascitur viro inferiori,
Quamvis enim iram vel eodem die decoxerit,
Tamen et posteà retinet, simultatem donec perfecerit
In pectoribus suis [48] ............


J’ai lu dans plusieurs auteurs la relation de cet exploit de Henri III ; mais je n’en ai vu aucune où les détails soient mieux liés et mieux suivis que dans celle que M. Marcel à insérée au IVe. tome [49] de son Histoire de France. C’est là qu’on peut voir toute la justesse des mesures qui furent prises pour faire réussir ce grand coup : le roi y fait paraître beaucoup de vigilance et beaucoup de fermeté, et une âme qui se possède assez bien pour prendre garde aux moindres choses qui pourraient nuire [50]. Considérez bien l’encouragement qu’il donna au secrétaire d’état, qui devait faire savoir au duc de Guise que le roi le demandait. « Là-dessus sa majesté ayant sceu que le duc de Guise estait au conseil, commanda à M. de Revol, secretaire d’estat : Revol, allez dire à M. de Guise, qu’il vienne parler a moy en mon vieux cabinet. Le sieur de Nambu luy ayant refusé le passage, il revient au cabinet avec un visage effrayé ; c’estoit un grand personnage, mais timide : mon Dieu, dit le roy, Revol, qu’avez-vous, qu’y a-t-il, que vous estes pasle ? vous me gasterez tout, frottez vos joues, frottez vos joues, Revol. Il n’y a point de mal, sire, dit-il, C’est M. de Nambu qui ne m’a pas voulu ouvrir, que vostre majesté ne le luy commande. Le roy le fait de la porte de son cabinet et de le laisser rentrer, et M. de Guise aussi [51]. » Je dirai par occasion une chose que j’ai lue dans le Journal des Savans. Ce qui se passa à Blois, touchant la proposition qui fut faite aux états de ne plus souffrir en France d’autre religion que la catholique... montre assez que Henri III était plus fin que le commun du monde ne s’imagine [52].

(L) Il s’était comporté d’une manière qui l’avait rendu le mépris du pape. ] Voyez la Critique générale du Calvinisme de M. Maimbourg ; vous y trouverez [53] deux exclamations de Sixte V : l’une regarde la témérité qu’il attribuait au duc de Guise, et l’autre la simplicité qu’il attribuait à Henri III. Il s’exprima, là-dessus tout-à-fait cavalièrement. Quelques auteurs [54] content qu’il dit un jour, en considérant la conduite de ce monarque, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour me tirer de la condition de moine, et il fait tout ce qu’il peut pour y tomber.

(M) Les états généraux ne voulurent point consentir à aliéner le domaine. ] Outre ce que j’ai dit là-dessus dans l’article de Bodin [55], je veux rapporter ici un passage de M. de Mézerai [56] : « Pour le point de l’aliénation du domaine... Émar [57] répondit par ordre de la compagnie, à Bellièvre que le roi y avait envoyé, que le droit commun et la loi fondamentale de l’état défendaient absolument cette aliénation ; que le domaine du roi ressemblait au fonds dotal d’une femme, qui ne peut être vendu ni distrait par son mari ; qu’il était encore plus sacré que celui de l’église, parce qu’il ne se pouvait aliéner pour quelque raison que ce fût, même avec solennité ; aussi était-ce chose inouïe que l’on eût jamais eu recours à ce moyen, même dans les plus grandes nécessités de la France, et lorsqu’elle avait été en plus grand danger qu’elle n’était à cette heure ; comme du temps du roi Jean, pour la délivrance duquel il fallut tant donner d’argent, de villes et de provinces ; qu’en un mot c’était un des plus fermes piliers qui soutint la couronne, et sur lequel étaient fondés les dots, douaires et apanages, qu’ainsi il le fallait plutôt fortifier que l’affaiblir, plutôt le relever que l’abattre ; et qu’au reste si le tiers état remontrait si instamment les conséquences de cette aliénation, c’était parce que si on ôtait quelque chose du domaine, il le faudrait remplacer à ses dépens, et que toute la perte en tomberait sur lui seul, non pas sur les deux autres, qui par cette raison y consentaient plus aisément. » Si vous voulez voir les limitations de l’autorité royale à cet égard-là, lisez ce qui suit. « Par l’édit qui fut fait en l’an 1565, à Moulins, où étaient tous les princes et grands seigneurs assemblés, avec une infinité de présidens et conseillers des cours souveraines, il est porté par exprès, que toutes aliénations faites ou à faire du domaine seront nulles, sinon en deux cas, savoir est : pour apanage des puînés de nos rois, et pour vendition nécessaire à deniers comptans pour la nécessité de la guerre : et qu’en ces deux cas lettres patentes seront décernées et publiées ès cours de parlement : leur étant très-expressément défendu d’avoir aucun égard à telles lettres pour quelque autre cause et temps que ce soit, encore que ce ne fût que pour un an [58]. »

(N) Henri III, qui par rapport à ses favoris... n’aspirait point à l’indépendance, souhaitait passionnément d’amplifier le pouvoir royal. ] Voilà deux points : je prouve le premier par une remarque qui fut faite sur le grand crédit du duc d’Épernon, et sur la Fortune d’argent doré dont la ville de Rouen lui fit un présent [59]. Cette Fortune le tenait étroitement embrassé, et au dessous estoyent ces mots italiens : E per non lasciar ti. Devise prise sur la rencontre et équivoque de son nom ; pour monstrer que ceste grandeur ne pourroit estre jamais terrassée ; comme aussi est ce la verité, que le roy le favorizant desmesurément luy avoit autrefois protesté, qu’il le feroit si grand au milieu des siens, que luy-même n’auroit pas le moyen de le ravaller, quand bien il l’eust voulu ci-apres. C’est une chose que nous avons depuis apprise du seigneur d’Espernon par une lettre fort bien dictée qu’il escrivit, pendant sa disgrâce, au roy [60]. Ceux qui disent que les rois n’aiment personne, et qui regardent cela comme un grand défaut, se trompent en deux façons ; car la plupart des monarques sont sujets à des excès d’amitié qui causent plus de désordres qu’il n’en pourrait naître de leur cœur indifférent et insensible. Voyez ci-dessus la comparaison que Bodin a faite entre les dernières années du règne de François Ier. et le règne de Henri II. Voyez aussi la remarque (B) de cet article. Il serait peut-être à souhaiter que les rois fussent semblables au sage des stoïciens, sans amour, sans haine. Il est pour le moins bien sûr que l’âme trop bonne, trop tendre, trop bienfaisante, trop prodigue de notre Henri causa une infinité de maux. Passons au second point.

Les états du royaume, en 1576, avaient résolu de nommer douze députés qui assisteraient au conseil du roi, lorsqu’on y examinerait les cahiers que les trois ordres auraient présentés à sa majesté. Cette résolution fut désagréable à Henri III, parce qu’il craignit que ces députés des états ne l’empêchassent de disposer des affaires à l’avantage de sa puissance ; mais quand on lui eut fait sentir qu’il serait par-là beaucoup plus maître des choses, il fut bien aise que les états eussent pris de telles mesures, et il se fâcha de ce qu’ils se ravisèrent, et en voulut du mal à Bodin qui avait été la cause de ce changement [61]. Il est bon d’entendre M. de Thou. Cùm Bodinus tertium ordinem, si ulteriùs pergerent, intercessurum diceret, sacer ordo, ac mox nobilitas acquievit, ac commune suffragiorum votum fuit, ne ulli delegati, qui cum regiis consiliariiis de postulatis decernerent, ab ordinib. eligerentur, contrarium cum initio placuisset, eâque re non mediocriter Rex animo commotus esset, ut supra ostendimus ; posteà mutaverat, à Lugdunensi Archiepiscopo, ut putatur. inductus, qui principi POTENTIÆ SUÆ AMPLIFICANDÆ SUPRA MODUM CUPIDO, ex quo majestati regiæ decrementum metuebat, ex eo incrementum accessurum artificiosè persuaserat [62]. L’archevêque de Lyon se servit là d’un tour de souplesse.

(O) Je dirai quelque chose de ses dévotions. ] Je me servirai des paroles de du Verdier Vau-Privas : « ll faisoit des devotions extraordinaires, quelquefois allant à dix heures du soir aux Chartreux ouyr matines. Il institua la confrairie de penitens blancs, de l’Annuntiation nostre Dame aux Augustins à Paris, et alloit à la procession comme les autres, avec le sac et le fouët à sa ceincture..…... Il voulut que plusieurs autres compaignies fussent érigées, comme celle de Sainct Hierosme, appellée des penitens bleus, au college de Marmotier, celle du Crucifix des noirs au college Sainct Michel, celle des gris de Suinct François à Sainct Eloy. Il amena des feuillans qui sont certains reformez de l’ordre de Cisteaux, de l’abbaye de Feuillance pres de Tholose, lesquels il logea au faux-bourg Sainct Honoré, et y alloit souvent faire des exercices spirituels : il avoit faict un logis pres les Capucins où certains jours on alloit parcillement faire des exercices spirituels ; chascun estoit portier et avoit les autres charges à son tour, et il estoit appellé là dedans frere Henry, et si quelqu’un le demandoit il falloit demander frere Henry, comme s’il arrivoit quelque courrier ou quelque autre affaire pendant qu’il estoit en ce conclave. Il fit une autre confrairie de Hieronimitains à Vicennes et à Sainte Marie de Vie saine. Il fit bastir un grand et beau logis au marché aux Chevaux fantasque avec certaines petites celles, pour aller là passer quelques jours en moine [63]... Il portoit... un dizain d’ave maria à la ceincture [64]. » Cet auteur a raison de dire que toutes ces choses ont esté estimées des feinctes par plusieurs [65], car les écrivains de la ligue et d’autres aussi ont bien médit à ce sujet-là. Je me contenterai de rapporter un passage que je trouve dans un libelle des ligueux. Les cachots construits par cest hypocrite n’estoient que pour servir de couverture à ses lascivetez, meschancetez, ordures et sodomies : Jean d’Espernon en sçait bien quelque chose, lequel ne m’en peut dementir : les plus sages ont fort bien dit que ce n’estoit qu’un amuse-fol, et cages ordonnées pour y mettre d’autres oyseaux, qu’une simplicité religieuse qui a esté le vray moyen pour se sequestrer de tous les princes et gens de bien, qui n’estoyent (comme cest apparent hermite) touchez au cœur de l’esprit d’hypocrisie [66]. Du Verdier observe que les prédicateurs, et entre autres Maurice Poncet, criaient contre ces confréries et ces processions du roi. Celui qu’il nomme fut, ce me semble, le plus emporté de tous. Je rapporte ce que Pierre Matthieu en a dit, vous y verrez que l’on crut que tous ces actes de dévotion extérieure n’étaient que grimaces, sans aucun amendement intérieur. « Le dimanche vingt-sept de mars 1583, le roy fit emprisonner le religieux Poncet, qui preschoit le caresme à Nostre Dame, pour ce que trop librement il avoit presché le samedy precedent contre ceste nouvelle confrairie [67], l’appellant la confrairie des hypocrites et atheistes : Et qu’il ne soit vray (dit-il en ces propres mots) j’ay esté adverty de bon lieu que hier au soir, qui estoit le vendredy de leur procession, la broche tournoit pour le souper de ces gros pœnitens, et qu’apres avoir mangé le gras chappon, ils eurent pour collation de nuict le petit tendron qu’on leur tenoit tout prest. Ah ! malheureux hypocrites, vous vous mocquez donc de Dieu soubs le masque, et portez par contenance un fouet à vostre ceinture ? Ce n’est pas là de par Dieu où il le faudroit porter : c’est sur votre dos et sur vos espaules, et vous en estriller très-bien : il n’y a pas un de vous qui ne l’ait bien gaigné. Pour lesquelles parolles le roy, sans vouloir autrement parler à luy, disant que c’estoit un vieil fol, le fit conduire dans son coche par le chevalier du Guet en son abbaye de Saint-Pere à Melun, sans luy faire autre mal que la peur qu’il eut, y allant, qu’on ne le jettast dans la rivière [68]. »

(P) Il fut éloquent, … il aima les sciences : … mais on trouva du contre-temps à cela, et à la peine qu’il prit d’apprendre la langue latine. ] Mézerai rapporte le précis de la harangue que fit ce prince aux états de Blois, l’an 1576, et il ajoute [69] : « Cette belle harangue, prononcée par la bouche d’un roi, avec une action vraiment royale et une grâce merveilleuse, fut reçue de toute l’assistance avec un applaudissement général, mais non sans quelque douleur des plus sages, qui, admirant en ce prince tant de belles qualités extérieures, regrettaient en eux-mêmes que sa nourriture n’eût pas correspondu à sa naissance, et ne pouvaient louer la beauté naturelle de son génie, qu’ils ne détestassent au même temps ceux qui l’avaient malheureusement corrompue. » Il donne aussi le précis de la harangue que ce même prince prononça à l’ouverture des états de Blois, l’an 1588, et il y prépare son lecteur par ces paroles [70] : Il leur fit une belle harangue dans laquelle il garda ce tempérament qu’il voulut bien les assurer qu’il avait oublié les injures passées, mais que c’était à condition que, toutes factions éteintes, son autorité se rétablirait en son entier. Ce qu’il déduisit avec tant d’art et de politesse, que s’il n’eût été question que de paraître bon orateur, il eût remporté ce qu’il désirait. Confirmons cet éloge par une lettre qu’un des députés [71] aux états de Blois écrivit. « La plus belle et docte harangue qui fut jamais ouye, non pas d’un roy, mais je dis d’un des meilleurs orateurs du monde, et eut telle grace, telle asseurance, telle gravité et douceur à la prononcer, qu’il tira les larmes des yeux à plusieurs, du nombre desquels je ne me veux exempter ; car je senty, à la voix de ce prince, tant d’émotion en mon ame, qu’il fallut malgré moy, que les larmes en rendissent tesmoignage : il remonstra avec tant de pitié les miseres de ce royaume, fit avec tant de vivacité entendre le regret qu’il en avoit, compara la felicité, etc. [72]. » Il serait inutile de m’objecter qu’on lui faisait ses harangues ; car cela n’empêcherait point qu’il n’ait dû passer pour très-éloquent, vu la manière dont il haranguait. Ceux qui occupent les premières places dans les parlemens ne laissent pas quelquefois de mériter les éloges de bons orateurs, quoiqu’ils fassent composer par d’autres les discours qu’ils font à l’ouverture des audiences ; et combien y a-t-il d’excellens prédicateurs qui ne composent pas eux-mêmes ce qu’ils récitent ? Mais n’en demeurons point là, rapportons encore un passage de Mézerai qui témoignera que ce monarque parlait très-bien sur-le-champ [73]. « Il se rendit si éloquent avec la disposition naturelle qu’il y avait, que s’il pouvait y avoir de l’excès à une si belle chose, il aurait eu sujet de dire qu’il l’était trop. Aussi se plaisait-il merveilleusement aux grandes assemblées et aux actions d’apparat, où il se trouvait que sa harangue était toujours la plus belle, et que même les réponses qu’il faisait sans préméditation aux députés et aux ambassadeurs, valaient mieux que leurs pièces préparées avec beaucoup d’art et de peine [74]. » Je ne sais si ce grand historien a jamais insinué que les harangues de ce prince étaient l’ouvrage d’un autre. Je sais bien que M. de Thou rapporte que l’on croyait que Morvillier était l’auteur de celle qui fut prononcée par le roi aux états de Blois, l’an 1576 [75] ; mais je suis sûr que si ce prince ne composait pas lui-même ces pièces-là, il y apportait pour le moins son examen, ses avis et ses corrections. Ce que je m’en vais dire me le persuade.

Il eut beaucoup de passion d’entendre parfaitement la langue française, et de la parler poliment et correctement. La peine qu’il prit pour cela eut tout le succès qu’il en pouvait espérer. Noster Galliæ rex Henricus III, elegantiæ sermonis sui studiosus (aliquot præsertim ante obitum annis, quo tempore plura regia quàm multi credunt, habebat) haud infelici et inutili studio, fuit. In eo enim tandem excelluit : et ita quidem ut non minùs castigatum quàm ornatum esse cuperet [76]. Il devinait par le style l’auteur d’un livre : c’est par-là qu’il crut qu’Henri Étienne avait fait un certain ouvrage qui avait paru sans nom d’auteur [77] : il ne s’y trompa point. Il prit à cœur les intérêts de sa langue, et ayant commandé à Henri Étienne d’en montrer les avantages et l’excellence, il le pressa si vivement de composer ce traité, qu’il fallut lui en apporter bientôt un exemplaire [78]. J’ai dit ailleurs [79] qu’il souhaita que ce savant homme fit un parallèle entre les cicéroniens d’Italie et les cicéroniens de France. J’ai dit aussi [80] qu’il aima Bodin à cause des discours savans qu’il l’entendait faire. Il y eut bien d’autres personnes doctes dont il aima la conversation. Notez qu’en 1579 il donna 3,000 livres à Henri Étienne, et une pension de 300 livres par an [81].

Il me reste à prouver que l’on jugea qu’il employait à ces choses un temps qu’il devait donner à des affaires plus pressantes. « Si jamais prince eust subject de crainte, ce fut lors [82] : toutesfois ce nouveau roy, comme s’il eust été exposé en la tranquillité d’une profonde paix, au lieu d’endosser le harnois, se faisoit enseigner d’un costé la grammaire et langue latine par Doron (qu’il fit depuis conseiller au grand conseil), et d’un autre costé exerçoit une forme de concert et académie avec les sieurs de Pibrac, Ronsard et autres beaux-esprits à certains jours, ausquels chacun discouroit sur telle matiere qu’ils s’estoyent auparavant designée. Noble et digne exercice vrayement, mais non convenable aux affaires que lors ce prince avoit sur les bras. Ces nouvelles leçons de grammaire me donnerent subject d’esclater par une colere ces six vers latins

» Gallia dum passim civilibus occidit armis,
» Et cinere obruitur semisepulta suo,
» Grammaticam exercet mediâ rex noster in aulâ,
» Dicere jamque potest vir generosus, amo.
» Declinare cupit, verè declinat et ille ;
» Rex bis qui fuerat, fit modò grammaticus [83]. »


M. de Pibrac ayant dit un jour à Pasquier [84] qu’il avait entendu que Marillac [85] avait composé cette épigramme, ajouta que s’il en estoit asseuré, et lui feroit reparer sa faute ; car il n’appartient pas à un subject de se jouer de cette façon sur les mœurs et déportements de son prince [86] : « Cela seroit bon, repartit Pasquier [87], en la bouche d’un autre que de vous, qui devez penser, que si un roy, qui est exposé à la veue de tous ses subjects, ne met quelque bride à ses actions, il est fort malaisé qu’il puisse commander aux mescontentements de ceux qui plus le respectent ; et que telle maniere de vers venoit non d’une main ennemie de sa majesté, ains qui en estoit idolastre, mais faschée de le voir tomber par ce moyen au mespris de tout son peuple ; voire que nous devions tous souhaiter au cas qui lors se presentoit, que cest épigramme tombast és mains de nostre roy, pour luy estre une leçon, non de la grammaire latine, mais de ce qu’il avoit de faire. »

(Q) On lui avait fait goûter de reconnaître pour son successeur le fils aîné du duc de Lorraine. ] M. de Schomberg détourna le coup : j’ai la copie [88] d’un mémoire qu’il dressa sur ce sujet, et qui m’a paru très-digne d’être inséré ici tout du long.

« Mémoire du sieur de Schomberg.

 » Quelque temps après la mort de messieurs de Guise avenue à Blois, il fut proposé par le cardinal de.... de la part de sa sainteté, que si sa majesté vouloit déclarer le marquis du Pont, son neveu, heritier de la couronne, et le faire recevoir pour tel avec les solennitez requises, que sa sainteté s’assûroit que le roy d’Espagne bailleroit l’infante en mariage audit sieur marquis, et qu’en ce faisant tous les troubles de France prendroient fin. A quoy le roy estant prest à se laisser aller, et ce par la persuasion de quelques-uns qui pour lors estoient prés de sa majesté, M. de Schomberg rompit ce coup par telles raisons : Que ce seroit invertir l’ordre de France, abolir les lois fondamentales, laisser à la postérité un argument certain de sa lascheté et pusillanimité, dont sa majesté à bon droit seroit blasmée par les histoires, et ses serviteurs et sujets notez de perfidie et déloyauté, duquel vice, quant à luy, il ne vouloit estre taché : Que cette guerre étoit entre les François contre les François, lesquels de prime face se montrent chauds, et puis après se reduisoient eux-mêmes à la raison : Que sa majesté ne mist peine qu’à vivre, gagner le temps, et se donner de garde de quelque méchant déterminé, qui en ces prémieres fureurs pouroit entreprendre contre sa personne, pour à quoy remedier sa majesté commandast luy estre fait une camisolle œilletée pour la porter ordinairement. Chose qui fut bien arrestée, mais point executée. Ayant donc ledit sieur de Schomberg fait changer d’avis au roy par la remontrance susdite, sa majesté luy commanda de luy dire, par quels moyens il pensoit qu’elle pust appaiser cette émotion d’armes. A quoy ledit sieur de Schomberg ayant incontinent satisfait, supplia le roy de ne s’arrester plus aux maximes que jusqu’ici il avoit tenues, et de ne s’imaginer que cette affaire pouvoit estre accommodée par son accoutumée connivence et douceur ; ainsy, qu’il falloit qu’il se resolust à user de la force des armes, et qu’il se rendist le plus fort en la campagne ; qu’à cet effect il falloit qu’il contremandast M. de Nevers qui pour lors étoit devant la Garnache, donnast assurance au roy de Navarre de se retirer avec ses forces aupres de luy pour l’assister, envoyer en Allemagne, Italie, Angleterre, Dannemarck, et envers tous les potentats pour leur faire entendre la justice de sa cause et la conséquence d’icelle, les priant de le secourir de leurs moyens pour dresser une grosse armée de forces étrangères. Cette proposition fut fort disputée, et principalement par M. de Nevers, mesme jusqu’à dire qu’elle étoit hérétique ; que le pape n’y pas un des catholiques ne trouveroient bon de voir ledit roy de Navarre prez de sa majesté. Au contraire, M. de Schomberg demeurant ferme disoit que cette guerre ne touchoit en façon quelconque la religion, ains l’estat, et que sa majesté ne pouvoit se servir de personne du monde avec tant de fiance que dudit sieur roy, pour estre iceluy interessé à la conservation de sondit estat, avec plusieurs autres belles raisons qu’il y ajoûta, lesquelles eurent tant de forces, que des lors le traicté avec ledit roy commença à Blois, et fut depuis exécuté à Tours où la prémiere entreveue se fit entre les deux rois. Donc à juste occasion fut le service signalé que ledit sieur de Schomberg fit lors à la France en ces deux points, nommément à la maison de Bourbon. Il fut aussy avisé alors par le roy que ledit sieur de Schomberg escrivist au président Jeannin, pour contenir M. de Mayenne en son devoir : mais sa majesté ayant entendu le partement dudit sieur de Mayenne de Lyon, et son cheminement par deçà, ladite lettre ne fut envoyée et est encor entre mes papiers en Allemagne, pleine de belles raisons et persuasions, qui depuis ont porté coup à la réduction dudit duc de Mayenne. »

(R) Ce que le député de la ligue eut ordre de représenter au pape après que le jacobin Jacques Clément eut assassiné le roi. ] On ne saurait conserver trop soigneusement les pièces qui sont des preuves authentiques de la fureur dont la plupart des Français furent saisis sous Henri III, et quelques années après sa mort. Il se trouvera assez de gens qui tâcheront d’obscurcir la vérité de ces faits-là : il faut aller au-devant de leurs attentats ; car plus on s’éloigne du siècle où les choses se sont passées, plus est-il facile de chicaner. Il n’y avait pas encore cent ans qu’Henri III était mort, quand un anonyme osa publier un traité [89] pour soutenir que Jacques Clément ne tua point ce monarque. C’est nier qu’il soit jour en plein midi. Vous trouverez des circonstances convaincantes contre ce moine dans l’écrit dont j’ai reçu une copie [90], et que j’insère ici tout entier.


« Extrait de ce qui a esté représenté au pape par le commandeur de Dieu, ambassadeur pour l’union des catholiques à Rome.

 » C’estoit lors [91], tres-saint pere, que le mal paroissoit plus extrême, et qu’avec plus de perséverance que jamais les prieres tant du clergé que du peuple continuoient, et faut croire certainement qu’elles ont forcé la divine majesté à commiseration, laquelle ne voulut laisser tant de gens de bien, et si zelés à sa sainte cause, en plus long suspens de sa bonté et misericorde, ains les delivrer de langueur par un si grand et merveilleux effet, que tant plus il est considéré tant plus éleve-t-il nos pensées à la meditation et admiration de ses jugemens incomprehensibles. C’est la mort du roy advenue d’une façon si étrange, que la vérité d’icelle et l’impossibilité que l’on y objectoit furent longtemps à combattre à qui l’emporteroit : enfin la nouvelle fut averée par plusieurs concurrens avis, et encor que vostre sainteté en ait eu de particuliers avis d’ailleurs, j’estime qu’elle ne sera point importunée du discours que je luy en feray. Un religieux de l’ordre de saint Dominique du couvent de Paris, nommé frere Jacques Clement, aagé de vingt-trois ou vingt-quatre ans, natif du village de Sorbonne au diocese de Sens, et le dernier de trois cents ou quatre cents qui sont audit couvent, néanmoins divinement élû et choisi pour un si genereux exploit que celuy que Dieu a fait par ses mains, s’estoit plusieurs fois vanté [92] parmy ses confreres, mesme depuis la route de Senlis qu’il voyoit les affaires des ennemis prosperer, que le roy ne mourroit jamais que de ses mains, dequoy les autres tiroient occasion de se moquer, l’appelant par derision, le capitaine Clement. Mais cela ne le faisoit point departir de ce sentiment et mouvement. Au contraire il se fortifia tellement au desir de l’exécution qu’il se rendit constant en ce dessein, ne faisant plus qu’excogiter le moyen pour luy en faciliter l’issue. En cette entreprise il falloit se resoudre à la mort, et de quel genre de supplice il n’en pouvoit arbitrer. Aussy ne se vouloit-il point garantir du plus cruel qu’on luy eust voulu imposer, qui est une constance si admirable en la qualité de religieux, qu’elle ne sçauroit trouver d’exemple en ce siècle. Pour venir au fait, il seut très-secretement pratiquer les lettres d’aucuns politiques, et fit avec eux qu’ils donneroient bien ample avis au roy de ce qui se tramoit dans la ville à l’avantage de ses affaires. Il reçut quelques paroles d’eux de créance et obtint du comte de Brienne prisonnier au chasteau du Louvre un passeport pour avoir un plus favorable accez en l’armée des ennemis. Or ayant tout ce qui luy estoit nécessaire pour aller trouver le roy, il partit de Paris le dernier jour de juillet pour aller à Saint-Cloud, et prit congé des autres religieux [93], les exhortant de faire priere pour luy, leur disant qu’il alloit pour le service de Dieu delivrer les peuples de misere sans aucune espérance de retourner, et ne se soucioit point pourvû que Dieu luy fist la grace de ne faillir à son dessein, de l’évenement duquel ils oyroient parler dans 24 heures. Estant ledit jour arrivé à Saint-Cloud, il ne put trouver le moyen de parler au roy, il y passa la nuit qui luy pouvoit donner autre conseil. Le lendemain prémier aoust, il s’adressa au sieur de la Guesle, procureur général du roy en la cour de parlement de Paris, dont il s’estoit rendu absent, et luy ayant fait entendre qu’il estoit là envoyé chargé des lettres de la part des bons serviteurs du roy et de quelques paroles de créance pour choses importantes grandement au service sa majesté, il le pria aussy de le vouloir introduire pour le descharger de son devoir. Le roy en estant averti commanda qu’on luy amenast ce religieux, et se retirant à part dans son cabinet où il parla plus d’un quart d’heure à luy, et cependant luy donnoit ses lettres une à une jusqu’à la derniere ; et le roy luy ayant demandé si c’estoit tout, le religieux luy respondit, je croy que non, sire, et qu’il y en devoit encor avoir quelques-unes. Ainsy passant la main plus avant dans sa manche tira le couteau qu’il y avoit, frappant le roi au ventricule, lequel se sentant frappé jetta un cry et saisit le couteau à la main du Jacobin tenant en la blessure, duquel il l’offensa beaucoup et en donna un coup au visage du religieux, lequel receut à l’heure mesme une infinité de coups de ceux qui estoient accourus au cry du roy, et pendant qu’on le massacroit ainsi, on tient qu’il dit ce propos, je loue Dieu de mourir si doucement, car je ne pensois pas passer de celle vie ainsy et en estre quitte à si bon marché : et fut son corps mort jetté en pleine rue, et puis après bruslé, comme on rapporta à M. de Mayenne. Le roy mourut ainsy la nuit d’après sa blessure à deux heures après minuit. Vostre sainteté notera s’il luy plaist quelques-unes des plus grandes circonstances de ce fait-là, pource qu’il avint le jour que l’église celebre la feste de saint Pierre aux liens, que Dieu delivra miraculeusement par son ange des mains d’Hérodes et de toute l’attente du peuple des Juifs ausquels il devoit estre produit ; et les catholiques peuvent dire qu’à tel jour Dieu les a delivrez des mains des hérétiques, et du joug d’un prince qui portoit en son ame le desir de combler de desolations toute la chrestienté. Et à quel jour, très-saint pere, pourroit mieux estre authorisé de la puissance de Dieu le monitoire de vostre sainteté envers le roy impenitent et contempteur du saint siege apostolique ? Quand 24 heures après l’assassinat de M. de Guise, ledit roy de sang froid fit inhumainement massacrer feu M. le cardinal son frere, l’on observe que le mot du guet que l’on avoit donné au meurtrier estoit saint Clement. Pendant ce crime si execrable il estoit dans son cabinet à s’en conjouir avec ses mignons et complices desdits meurtres ; et Dieu a permis qu’un religieux nommé Clement [94] l’ait tué dans son cabinet au milieu d’une grande armée qui n’a seû assurer sa detestable vie. L’impiété l’avoit tellement saisy depuis que l’hipocrisie luy avoit fait place, qu’il n’abhorroit que les prédicateurs qui avoient publiquement argué ses vices, et pour cette occasion ne respiroit que leur ruine et de se venger cruellement d’eux, ce qu’il protestoit ordinairement en ses plus privés discours, où chacun avoit droit d’arbitrer de la peine qu’on leur pouvoit imposer, et il a esté prevenu en ses barbares desseins d’un simple religieux de l’ordre des freres prescheurs, qui adjoute l’effet d’une punition divine laquelle les autres luy avoient prédite. Ces choses, très-saint pere, sont à mon avis de telle conséquence que vostre sainteté les jugera dignes de considération. Au surplus, il est notoire que le fait ne vient point des hommes. C’est un très-grand appareil à nos maux que Dieu y a appliqué par le ministere de vostre sainteté. Et il faut espérer que par sa bonne intervention, il y ajoutera la guerison entiere, à l’effet de quoy je luy feray très-humbles requestes et supplications dont j’ay charge tant de M. de Mayenne que desdits sieurs du conseil général, lesquels elle honorera tant s’il luy plaist que de les recevoir de bonne part. »

Non-seulement cette pièce fournit des preuves invincibles contre tous ceux qui voudraient nier que Jacques Clément ait commis l’assassinat, mais aussi contre tous ceux qui entreprennent de disculper ses confrères les jacobins de Paris. M. Varillas s’est érigé en rapporteur des raisons de ces mauvais apologistes [95], et n’a rien dit pour les réfuter. Il étale d’abord ce que l’on allègue pour la justification des jacobins en général, et puis voici comme il parle [96] : Mais un particulier d’entre eux, qui était le père Bernard Guyart, a fait imprimer un livre à la tête duquel il n’a pas osé mettre son nom. Il y prétend justifier l’ordre de Saint-Dominique du meurtre de Henri III. Le mais qui est au commencement de la période, prépare tous les lecteurs à l’apologie particulière de Jacques Clément, personne ne se peut imaginer que Bernard Guyart ait entrepris autre chose, et néanmoins M. Varillas ne parle que de la justification générale de l’ordre de Saint-Dominique. Que les grammairiens fassent le procès à l’historien qui place si mal les particules qu’ils nomment adversatives : je leur laisse cette fonction, et je me contente de cet autre point de censure. Le traité qui a pour titre, La Fatalité de Saint-Cloud, est sans doute le même ouvrage qui, selon M. Varillas, fut publié par Bernard Guyart : or le but principal de ce traité-là est de montrer que Jacques Clément ne tua point Henri III. M. Varillas a donc grand tort de ne faire pas considérer cet ouvrage sous cette idée-là, mais sous l’idée d’une apologie générale des dominicains. Cette faute me paraît plus excusable que celle de n’avoir point dit que le livre de la Fatalité de Saint-Cloud ne doit empêcher personne de s’en tenir à l’opinion générale. M. Maimbourg a fait son devoir quand il a dit que, nonobstant ce livre-là, il faut reconnaître Jacques Clément coupable du parricide, et qu’il vaut mieux en tomber d’accord de bonne foi, avec la voix publique, de quelque profession que l’on soit [97]. Il n’est pas si raisonnable dans ce qu’il ajoute. Vu principalement, dit-il, que l’honneur des jacobins n’en souffre nullement. Car enfin les fautes sont personnelles ; et il n’y a point d’homme de bon sens qui s’avise jamais de reprocher le crime d’un particulier à un ordre aussi saint...... que celui de Saint-Dominique. C’est un discours sans solidité : le crime de Jacques Clément n’est pas une faute personnelle ; c’est le crime du couvent des jacobins de Paris. Ils surent son dessein [98], ils ne l’en détournèrent pas, ils en approuvèrent l’exécution. Son prieur fut puni de mort, bien convaincu par plusieurs témoins d’avoir fait en chaire l’éloge de cet assassin [99] ; et comme la ville de Paris et les prédicateurs principalement donnèrent mille bénédictions et mille louanges au moine qui avait tué le roi, et que toutes les autres villes du royaume qui étaient dans le parti de la ligue, et le pape même [100], louèrent cette infâme action, on peut assurer que le crime de Jacques Clément fut celui de toute la ligue et celui de la cour de Rome ; car les auteurs, les conseillers, les approbateurs d’une action, sont censés être de la même catégorie. Je le montrerai en quelque autre endroit [101].

(S) Pendant qu’ils laisseront sans réplique les observations de Pierre-Victor Cayet. ] Considérez bien ses paroles [102] : « Les huguenots disent, la mort a emporté ce roy de ce monde en l’autre, mais (circonstance notable) en la chambre mesme où l’on tient avoir esté prins le conseil de ceste furieuse journée de la Sainct Barthelemy, l’an 1572. Ces paroles sont couchées dans l’Adjonction faicte à l’inventaire de l’Histoire de France par Montliard. Le livre du Recueil des cinq Roys, imprimé à Geneve, asseure le mesme en presque semblables termes : et dans le livre de l’Estat de l’Église, faict par Jean Taffin, ministre, sont ces mots : On a remarqué, avec providence de Dieu, que cela advint en la chambre mesme en laquelle, l’an 1572, avoit esté prins le conseil de ceste furieuse journée de Sainct Barthelemy. Voylà des circonstances notables, et des remarques de la providence de Dieu, legerement et, j’userai de ce mot, faulsement publiées. Car, à la Sainct Barthelemy, le lieu où fut blessé le roy, appartenoit à un bourgeois de Paris, nommé Chapelier, et le posseda encor plus de deux ans après, où sa majesté n’avoit jamais entré estant duc d’Anjou, et n’y entra que long-temps après son retour de Pologne. Quand la royne, sa mere, l’acheta ce fut après la mort du feu roy Charles, en intention d’y faire bastir : mais comme elle vid que ce lieu estoit trop petit, elle le bailla, l’an 1577, à la femme du sieur Hierosme de Gondy, lequel fit abbattre le logis, et le changer tout de nouveau, l’ayant embelli de grottes et fontaines, et rendu tel, que depuis il a esté frequenté par les princes et seigneurs, ce qu’il n’estoit auparavant : or celuy qui a compilé le susdit Recueil des cinq Roys, duquel Montliard et Taffin ont tiré ce qu’ils ont mis dans leurs livres (car il avoit prémierement escrit qu’eux), use de ces termes : On dit qu’en ceste mesme chambre avoient esté prins les conseils des massacres, etc. Voilà un ouy dire inventé par l’autheur dudit Recueil : son invention est prise dans les Mémoires et petits Discours, imprimez l’an 79, à Geneve, touchant ce qui estoit advenu à la journée de Sainct Barthelemy, où ils disent que les conseils en furent pris à Sainct-Cloud et aux Tuilleries....... Or, pour trouver quelque couleur à ceste calomnie, l’autheur dudit Recueil, sur ce que le roy a esté tué en la maison de Gondy, en tire ceste conjecture, et coule ce mot de on dit, qu’en ceste mesme chambre, etc. Montliard, qui a escrit depuis luy, passe plus avant, et dit, on tient, etc. Ce n’est plus desja un ouy dire, à son compte il y en a qui le croyent ; mais le ministre Taffin, plus asseuré, et qui en a escrit le dernier, l’asseure, et dit que c’est une providence de Dieu. Quel mensonge ! Aussi M. le procureur-général en ayant fait sa plainte à la cour contre Montliard, ces mots furent rayez de son livre avec beaucoup d’autres, et luy en fut en une grande peine, s’excusant sur l’ouy dire : mais depuis, son livre estant imprimé à Geneve, tout y a esté remis, et passe pour croyance parmy les gens de ce costé-là [103]. » Si les faits que Cayet débite touchant la maison où Henri III fut assassiné sont véritables, il ne faut plus douter que les auteurs protestans qu’il réfute n’aient eu grand tort, et que les mystérieuses circonstances qu’ils ont pris la peine de faire observer, ne soient de pures illusions, et de vaines imaginations d’esprits crédules. Mais s’ils avaient pu prouver que Cayet se trompe, ils seraient louables d’avoir rétabli, dans l’édition de Genève, ce que Montliard avait été obligé de supprimer. Il est sûr que selon l’ordre, et selon le train d’une procédure exacte, l’on eût dû faire savoir au public, dans l’édition de Genève, pourquoi l’on rétablissait cela, c’est-à-dire que l’on aurait dû justifier, par de fortes preuves de fait, que le conseil du massacre s’était tenu à Saint-Cloud dans la même chambre où le jacobin tua Henri III. Mon édition de l’Inventaire de Jean de Serres est de Rouen, 1612 [104], et contient l’endroit que le procureur général avait fait ôter. M. de Mézerai suppose que les réflexions des huguenots descendaient dans un détail plus mystérieux. Ils écrivirent, dit-il [105], que le roi avoit esté blessé a mesme heure, à mesme jour, au mesme lieu, et dans la mesme chambre où il avoit conclud le massacre de la Saint Barthelemy. Il ne dit rien contre cela, il ne cite aucun auteur, il n’imite en rien Pierre Cayet. Cette mystérieuse remarque se trouve encore plus fortement dans un livre qu’on intitule Journal des choses mémorables advenues durant tout le règne de Henri III, roy de France et de Pologne, et que l’on a imprimé peut-être plus de vingt fois en Hollande, avec trois ou quatre pièces satiriques [106]. La dernière édition est de l’an 1699. Le Journal y est plus ample que dans l’édition de l’an 1693. Or voici ce que l’on trouve à la fin des additions [107] : Plus on recherche d’observations et de particularitez dans un si miraculeux accident [108], plus on y trouve de merveilles ; si qu’à la postérité cette mort leur sera une merveille remplie d’infinies merveilles ; entre lesquelles on a observé celle-ci comme très-digne de remarque, et cependant très-véritable ; c’est qu’au lieu même, au logis même, au jour même, à l’heure même, le roi revenant de ses affaires comme il faisoit quand il fut tué, le massacre de la Saint Barthelemy avoit été conclu, le pauvre roi dernier, qu’on appeloit lors Monsieur, présidoit au conseil, assavoir au bourg Saint-Cloud, au logis de Gondy, le premier jour d’août 1572, dans la même chambre et à la même heure, qui étoit à huit heures du matin, le déjûner, qui étoit de trois broches de perdreaux, attendant les conspirateurs de cette maudite action en bas. Notez que cette addition était superflue ; car tout ce qu’elle contient de considérable se voit dans les mêmes termes au Journal de Henri III, à l’édition de 1693 [109], et à celle de 1699 [110], et je crois aussi qu’on le trouve aux éditions précédentes.

Si l’on était assuré que ce Journal, tel que les libraires de Hollande l’ont publié, est l’ouvrage d’un catholique, l’on serait certain que les réflexions des protestans sur les circonstances de la mort de Henri III sont moins fortes que celles d’un écrivain de l’autre parti. Les trois auteurs protestans que Victor Cayet réfute ont renvié les uns sur les autres : le premier se contenta d’un on dit : le second ne fut pas content d’un mot si faible, il employa un on tient : le troisième s’exprima encore plus positivement. C’est ainsi que l’on en use ordinairement dans le débit des nouvelles : le dernier qui parle est presque toujours le plus décisif et le plus chargé de faits. Il semble qu’il s’agisse d’une emplette d’encan, où l’on enchérit. les uns sur les autres, parce que la marchandise n’est adjugée qu’au plus offrant et dernier enchérisseur. Mais quoi qu’il en soit le journaliste de Henri III va plus loin que les trois enchérisseurs protestans. Il donne le fait, non-seulement comme très-digne de remarque, mais aussi comme très-véritable. Le père Anselme [111] attribue ce Journal à M. Servin [* 1]. Cela ne s’accorde pas mal avec les lettres initiales dont on s’est servi dans les éditions du livre [112]. Mais M. Pélisson assure [113] que M. de l’Estoile, l’un des quarante de l’Académie française, était fils d’un audiencier à la chancellerie de Paris, qui « avait recueilli plusieurs mémoires des affaires de son temps, desquels un de ses amis, à qui il les avait prêtés, tira le livre intitulé, Journal de ce qui s’est passé sous Henri III. » La question est de savoir si ceux qui ont manié le manuscrit avant qu’on le publiât, ou depuis qu’on l’eut publié la première fois, n’y ont rien ajouté, ou retranché, ou sophistiqué. C’est en tout cas le devoir de ceux qui s’appuieront sur cette partie du Journal de répondre aux raisons de Pierre Cayet.

  1. * Servin publia, en 1621, la première édition de ce livre, qu’à cause de cela on lui a quelquefois attribué. Le véritable auteur est Pierre de l’Estoile. Ce n’est au reste qu’un extrait de son manuscrit qu’on a publié. L’édition la plus estimée est celle que donna Leduchat, 1744, cinq vol. in-8o.
  1. Tacitus, Histor., lib. I, cap. XLIX.
  2. Sueton., in Galbâ, cap. XIV.
  3. Decessit suscepto clarior apice quàm gesto. Jo. Cluverus, epit. Historiar. mundi, pag. m. 308.
  4. Marius in potestatibus eo modo agitavit, at ampliure quàm gerebat, dignus haberetur. Sallust., in Bello Jugurth.
  5. Voyez Aristote, de Moribus, lib. V, cap. III, pag. m. 44, G.
  6. Cassiodor., Variarum lect., lib. I, epist. IV.
  7. Plin., epist. III, lib. II.
  8. Mézerai, Histoire de France, vol. III, pag. 499, 500, à l’ann. 1580.
  9. C’étaient les ducs de Joyeuse et d’Épernon.
  10. Mézerai, tom. III, pag. 500.
  11. Là même, pag. 451, à l’ann. 1578.
  12. Maugiron fut tué sur la place Quélus, blessé de dix-neuf coups, vécut encore trente-trois jours.
  13. Maimbourg, Histoire de la Ligue.
  14. Depuis la mort de la princesse de Condé Henri III avait eu peu d’attachement pour les femmes, et son aventure de Venise lui avait donné un autre penchant. Mézerai, Abrégé chronol., tom. V, pag. 251, à l’ann. 1581.
  15. Mois d’avril 1684, art. III, pag. 135.
  16. Il est sûr qu’il entend les dames en général.
  17. Elle était sœur du duc de Guise, tué à Blois.
  18. Mézerai, Abrégé chronol., pag. 315, à l’ann. 1558. Voyez la Critique générale du Calvinisme de Mainbourg, lettre III, pag. 44.
  19. Brantôme, Dames galantes, tom. II, pag. 36
  20. Voyez M. de Thou, cité par l’auteur de la Critique générale, lettre III, pag. 43.
  21. Milles Piguerre, Jean le Frère, et celui qui a fait l’appendice des Annales de France.
  22. C’est un écrit qui fut publié au temps qu’Henri IV obligea le duc de Savoie à lui faire raison du marquisat de Saluces.
  23. Première Savoisienne, pag. m. 16.
  24. Là même, pag. 17 et suiv.
  25. Voyez la seconde Savoisienne, pag. 109.
  26. Là même, pag. 132.
  27. Voyez, touchant les deux inscriptions, oportunè, oportuniùs, les Lettres de Pasquier, liv. XIX, tom. II, pag. 450 et suiv.
  28. On écrit ceci en octobre 1697.
  29. Mémoires de M. D. F. L., touchant ce qui s’est passé, en Italie, entre Victor-Amédée II, duc de Savoye, et le roi T. C., pag. 146. Ce livre fut publié, l’an 1696.
  30. Il fallait dire bisaïeul.
  31. Mémoires de M. D. F. L., etc., pag. 148, 149.
  32. Du Verdier, Prosopographie, tom. III, pag. 2558.
  33. C’est-à-dire, découvrait la tête.
  34. Du Verdier, Prosopographie, tom. III, pag. 2560.
  35. Martyre des deux frères, folio G ij verso.
  36. Pasquier, Lettres, liv. XIV, tom. II, pag. 140 et suiv.
  37. C’est à-dire, Henri III.
  38. Celle qui fut conclue, l’an 1577.
  39. Matthieu, cité par Marcel, Histoire de France, tom. IV, pag. 602.
  40. Voyez, tom. VI, pag. 25, dans la remarque (B) de l’article Drusille, ce qui a été dit touchant la haine fraternelle. Voyez aussi, même volume, la citation (29) de l’article Drusus, fils de Germanicus.
  41. Elle était si grande, qu’Henri III chargea un jour le roi de Navarre de tuer le duc d’Alençon. Voyez Péréfixe, dans l’Histoire de Henri-le-Grand, pag. m. 42. à l’ann. 1575.
  42. Pasquier, Lettres, liv. XIII, tom. II, pag. 61 et suiv.
  43. Pasquier, Lettres, liv. XIII, tom. II, pag. 64.
  44. Là même, pag. 65.
  45. Voyez l’article Lognac, tom. IX, remarque (F).
  46. Dans le même article.
  47. Virgil., Æneid., lib. II, vs. 367.
  48. Homerus, Iliad., lib. I, vs. 80. Voyez aussi la remontrance de Nestor au même Achille, là même, vs. 295.
  49. Pag. 626 et suiv.
  50. À cela n’est point contraire ce que l’auteur de la relation a dit des inquiétudes où était le roi, car elles n’empêchaient pas son application ni sa vigilance.
  51. Marcel, Histoire de France, tom. IV, pag. 631.
  52. Journal des Savans. du 25 de janvier 1666, pag. 83, 84, dans l’extrait des Mémoires du duc de Nevers.
  53. À la IIIe. lettre, num. 2, pag. 38 de la troisième édition
  54. Voyez Naudé, au chap. I des Coups d’état, pag. m. 22.
  55. Remarque (I), tom. III, pag. 514.
  56. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. 433.
  57. Président de Bordeaux, l’un des députés aux états de Blois, en 1576.
  58. Pasquier, Lettres, liv. VI, tom. I, pag. 341.
  59. Lorsqu’il fit son entrée à Rouen, comme gouverneur de Normandie.
  60. Pasquier, Lettres, liv. XIII, tom. II, pag. 72.
  61. Voyez, tom. III, pag. 414, la remarque (I) de l’article Bodin.
  62. Thuan., lib. LXIII, pag. 187.
  63. Du Verdier, Prosopographie, tom. III, pag. 2559.
  64. Là même, pag. 2560,
  65. Là même, p. 2559.
  66. Martyre des deux frères, folio 5, édition de 1589, in-8°.
  67. C’était celle des pénitens.
  68. Pierre Matthieu, Histoire des derniers troubles, pag. m. 15.
  69. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. 422. Voyez aussi pag. 481.
  70. Là même, pag. 714.
  71. En 1588.
  72. Marcel, Histoire de France, tom. IV, pag. 602.
  73. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. 799.
  74. Là même, pag. 481.
  75. Thuan., lib. LXIII, pag. 179.
  76. Henricus Stephanus, epist. dedicator. Tractatûs de Lipsii Latinitate, pag. 11.
  77. Idem, ibidem.
  78. Ita ergodioctes fuerit, ut intra breve temporis spatium non solùm compositum sed excusum etiam afferre ad illum oportuerit. Idem, ibidem.
  79. Citation (3) de l’article Bunel (Pierre), tom. IV, pag. 248.
  80. Citation (27) de l’article Bodin, tom. III, pag. 515.
  81. La Caille, Histoire de l’Imprimerie, pag. 135.
  82. C’est-à-dire, au temps de la guerre civile que lui suscitèrent, au commencement de son règne ; le duc d’Alençon et le roi de Navarre.
  83. Pasquier, Lettres, liv. XIX, tom. II, pag. 482.
  84. Là même, pag. 483.
  85. Jeune advocat de grande promesse. Pasquier, Lettres, tom. II, pag. 483.
  86. Là même, pag. 484.
  87. Là même.
  88. Elle m’a été communiquée par M. Marais (dont on a parlé, tom. VII, pag. 395, à la fin de la remarque (Q) du troisième duc de Guise), avocat au parlement de Paris, et il y a joint cette note : Dans une instruction d’Henri III au sieur de la Clyette, allant à Florence, je trouve que ce M. de Schomberg est nommé conseiller de sa majesté, en son conseil d’état, et maréchal de ses gens de guerre allemands.
  89. Intitulé : La Fatalité de Saint-Cloud. Il fut imprimé l’an 1672. Le jésuite Maimbourg en parle, et le réfute en peu de mots, dans l’Histoire de la Ligue, liv. III, pag. m. 353.
  90. Là même M. Marais me l’a communiquée.
  91. Il venait de représenter le meurtre de MM. de Guise, et les révolutions qui le suivirent.
  92. Nota bene.
  93. Nota bene.
  94. Nota bene.
  95. Varillas, Histoire de Henri III, liv. XI, pag. 252, édition de Hollande.
  96. Là même, pag. 253.
  97. Maimbourg, Histoire de la Ligue, liv. III, pag. 354.
  98. Voyez, ci-dessus, le Mémoire du député de la Ligue à la cour de Rome.
  99. Thuanus, lib. XCVIII, pag. 346.
  100. Idem, lib. XCV, pag. 302.
  101. Dans l’article Probus. [Bayle n’a pas donné cet article.]
  102. Cayet, Chronologie novenaire, à l’ann. 1589, folio 224 verso.
  103. Idem, ibid., folio 215.
  104. Il y a au titre : se vendent à Rouen, chez Étienne Véreul, dans la Cour du Palais.
  105. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. m. 799.
  106. Le Divorce satirique ; les Amours du grand Alcandre ; la Confession catholique de Sancy ; Discours merveilleux de la Vie de Catherine de Médicis.
  107. Journal de Henri III, pag. 316, 317, édition de 1699.
  108. C’est-à-dire, la mort de Henri III.
  109. Pag. 129.
  110. Là même.
  111. Anselme, Histoire des grands Officiers, pag. 375.
  112. On voit au revers du titre ces paroles : Journal du Règne de Henri III, composé par M. S. A. G. A. P. D. P. Or vous remplissez fort juste ces lettres initiales par, M. Servin, avocat-général au Parlement de Paris.
  113. Pélisson, Histoire de l’Académie française, pag. m. 330.

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