Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mamurra


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MAMURRA, chevalier romain, natif de Formium, acquit de prodigieuses richesses dans les Gaules, où il accompagna César en qualité d’intendant des manœuvres [a]. Qu’il me soit permis de traduire ainsi le Prefectus fabrûm de Pline. Il se servit de ses richesses comme s’en servent les voluptueux ; il les amassa avec une avarice et une extorsion dévorantes, et il les dépensa prodigalement dans toute sorte de luxe : Alieni appetens, sui profusus. Comme on l’a dit de Catilina [b]. Il fit bâtir une maison extrêmement magnifique à Rome, sur le mont Cœlius : toutes les murailles étaient incrustées de marbre, et il fut le premier qui donna dans cette somptuosité (A). Elle consistait à appliquer proprement de petits morceaux de marbre fort minces, et de diverses couleurs, sur les murailles. Il n’y avait point de colonne dans cette maison qui ne fût toute du marbre le plus estimé. Catulle fit des vers tout-à-fait piquans contre les voleries immenses de Mamurra, et contre les liaisons de débauche qu’il supposait entre Jules César et lui (B). Nous en avons parlé dans l’article de ce poëte.

  1. Cicero, ad Attic., lib. VII, epist. VII ; Plin., lib. XXXVI, cap. VI.
  2. Sallust, in Bello Catilinar.

(A) Il fit bâtir une maison........... dont les murailles étaient incrustées de marbre, et il fut le premier qui donna dans cette somptuosité. ] Primùm Romæ parietes crusta marmoris operuisse totius domûs suæ in Cœlio monte Cornelius Nepos tradidit Mamurram Formiis natum, equitem Romanum, præfectum febrûm C. Cæsaris in Galliâ. Neque indignatio sit tali auctore inventâ re, hic namque est Mamurra Catulli Veronensis carminibus proscissus, quem et res et domus ipsius clariùs quàm Catullus dixit habere quidquid habuisset comata Gallia, etc. [1].

(B) Catulle fit des vers tout-à-fait piquans contre... lui. ] Voici le début de la XXXe. de ses épigrammes :

Quis hoc potest videre, quis potest pati,
Nisi impudicus, et vorax, et helluo ?
Mamurram habere quod comata Gallia
Habebat unctum, et ultima Britannia.
Cinæde Romule hæc videbis et feres,
Es impudicus, et vorax, et aleo.


L’épigramme LVIII est encore plus forte :

Pulchrè convenit improbis Cinædis,
Mamurræ Pathicoque Cæsarique.


Il y a des interprètes de Cicéron [2], qui croient que ces paroles de la lettre LIIe. du XIIIe. livre à Atticus : Tum audivit de Mamurrâ, vultum non mutavit [3], signifient que César ne changea point de couleur, lorsqu’on lui apprit ce que Catulle avait versifié contre lui et contre Mamurra : mais cette explication est mal fondée. César, retourné de la défaite des fils de Pompée, était alors dans une maison de campagne de Cicéron. Or quelle apparence qu’il ignorât en ce temps-là les vers de Catulle, et que ce fût une nouvelle à lui apprendre ? Nous avons fait voir amplement en un autre lieu [4] que la défaite des fils de Pompée est postérieure de beaucoup à la réconciliation de César et de Catulle. Manuce s’imagine qu’on parla alors à César de l’inobservation des lois somptuaires, de laquelle Mamurra était coupable. Cela est plus apparent que l’explication de Lambin.

  1. Plinius, lib. XXXVI, cap. VI.
  2. Corradus et Lambin.
  3. L’édition de M. Grævius porte : non mutavi.
  4. Dans l’article de Catulle, tom. IV, pag. 599, remarque (I), num. II.

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