Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Mélanchthon


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MÉLANCHTHON (Philippe), né à Bretten au palatinat du Rhin, le 16 de février 1497, a été l’un des plus sages et des plus habiles hommes de son siècle. Il donna sitôt des marques d’esprit, qu’on s’appliqua de très-bonne heure à son instruction : ce fut par le soin de son aïeul maternel beaucoup plus que par celui de son père (A). Il fit ses premières études dans le lieu de sa naissance, d’abord à l’école publique, et puis sous un précepteur, quand on eut appris que le maître de cette école avait la vérole [a]. Il fut envoyé quelque temps après à Pfortsheim où il y avait un collége renommé, et logea chez une parente qui était sœur de Reuchlin. Cela fut cause qu’il fut promptement connu de ce savant personnage, qui l’aima avec beaucoup de tendresse [b]. Avant demeuré là environ deux ans, il fut envoyé à Heidelberg [c], l’an 1509 [d], et y fit des progrès si considérables [e], qu’on lui donna à instruire les fils d’un comte [f] quoiqu’il fût encore au-dessous de quatorze ans. On a eu raison de le mettre parmi les enfans illustres (B). Fâché qu’on lui refusât à cause de son bas âge, le degré de maître en philosophie, et ne trouvant pas que l’air d’Heidelberg s’accommodât avec son tempérament, il quitta cette académie, l’an 1512, et s’en alla voir celle de Tubinge [g], où il s’arrêta pendant six années [h]. Il y entendit les leçons de toutes sortes de professeurs, et il y expliqua publiquement Virgile, Térence, Cicéron et Tite-Live ; et, comme il était fort laborieux, il trouva encore du temps pour servir Reuchlin dans ses querelles monacales, et pour diriger une imprimerie [i] (C). Il fut d’ailleurs très-attaché à la lecture de la parole de Dieu (D). Il accepta, en 1518, la chaire de professeur en langue grecque dans l’académie de Wittemberg, que Fridéric, électeur de Saxe, lui avait offerte à la recommandation de Reuchlin [j]. Il fit une si belle harangue inaugurale quatre jours après son arrivée, que non-seulement il effaça le mépris à quoi sa taille et sa mine l’avaient exposé, mais aussi qu’il donna de l’admiration [k]. Les leçons qu’il fit sur Homère et sur le texte grec de l’Épître de saint Paul à Tite, attirèrent une grande foule d’auditeurs, et leur donnèrent un désir ardent de savoir la langue grecque [l]. L’un des plus grands services qu’il rendit aux sciences fut de les réduire en système [m], ce qui était alors difficile, vu la confusion avec laquelle on les enseignait depuis long-temps. Il se forma bientôt une liaison intime entre lui et Luther [n], qui enseignait la théologie dans la même université. Ils allèrent ensemble à Leipsic, l’an 1519, pour disputer avec Eccius. Les années suivantes furent une complication de travaux pour Mélanchthon : il composa quantité de livres, il fit des voyages pour des fondations de colléges, et pour la visite des églises [o] ; mais rien ne fut plus pénible que la charge qu’on lui donna, l’an 1530, de dresser une confession de foi. C’est celle qu’on nomme d’Augsbourg, parce qu’elle fut présentée à l’empereur dans la diète de cette ville-là. Toute l’Europe était convaincue qu’il n’était pas éloigné, comme Luther, des voies d’accommodement, et qu’il eût sacrifié beaucoup de choses au bien de la paix (E). C’est pour cela que François Ier. le jugea propre à pacifier dans son royaume les dissensions de religion, et qu’il le pria d’y venir (F). Le roi d’Angleterre souhaita aussi de le voir [p] ; mais ni l’un ni l’autre de ces deux monarques ne le virent. Comme je ne veux toucher qu’à quelques-unes de ses principales actions, je me contente de dire qu’en 1541 il assista aux conférences de Ratisbonne, où l’on agita vigoureusement les controverses des catholiques et des protestans ; et qu’en 1543 il fut trouver l’archevêque de Cologne, pour l’aider à introduire la réformation dans son diocèse. Cela ne servit de rien. L’affaire de l’Intérim l’occupa beaucoup. Il assista à sept conférences sur ce sujet, l’an 1548, et composa tous les écrits qui y furent présentés, et la censure de cet Intérim [q]. Il fut l’un des députés que Maurice, électeur de Saxe, devait envoyer au concile de Trente, l’an 1552. Il attendit quelque temps à Nuremberg son sauf-conduit ; mais à cause de la guerre qui allait éclore, il s’en retourna à Wittemberg [r]. Sa derniers conférence avec les docteurs de la communion de Rome fut celle de Worms, l’an 1557, et de toutes les dissensions qui lui déchirèrent le cœur, il n’y en eut point de plus violente que celle qui fut excitée par Flaccius Illyricus. Il mourut à Wittemberg, le 19 d’avril 1560, qui était le soixante-troisième jour de sa soixante-quatrième année [s]. Il fut enterré proche de Luther dans le temple du château, deux jours après. Son oraison funèbre fut prononcée par Winshémius, docteur en médecine et professeur en langue grecque. Les témoignages de piété avec lesquels il finit sa course furent admirables [t] ; et il est à remarquer que l’une des choses qui lui firent regarder la mort comme un bonheur, fut qu’elle le délivrerait des persécutions théologiques (G). Il s’était marié avec la fille d’un bourgmestre de Wittemberg, l’an 1520, laquelle mourut l’an 1557 [u]. Il en eut deux fils et deux filles (H). Comme on peut trouver, dans un ouvrage plus aisé à consulter que ce Dictionnaire [v], le portrait de ses bonnes qualités morales [* 1], je n’en parlerai pas ; mais je dirai qu’il était crédule pour les prodiges, pour l’astrologie [w], et pour les songes [x] ; et je ferai quelques réflexions sur le penchant qu’on le blâme d’avoir eu vers le pyrrhonisme (I). C’est à tort que quelques-uns l’ont accusé de haïr la philosophie péripatéticienne (K). On a eu infiniment plus de raison de prétendre qu’il ne croyait point la réalité (L), ni que la grâce fût irrésistible [y]. Le feuillant Saint-Romuald assure qu’on brûla son corps à Munich (M). Cela me paraît une fable tout-à-fait grossière. M. Varillas a publié des mensonges si étranges (N), que la peine de les réfuter passerait avec raison pour très-inutile. La violence avec laquelle on calomnia Mélanchthon pendant sa vie, le persécuta encore après sa mort [z]. Il est étonnant que parmi tant d’autres occupations il ait pu écrire autant de livres qu’il en composa. Le nombre en est prodigieux. On en publia un catalogue chronologique, l’an 1582 [aa]. Comme il voyait que ses ouvrages, quoiqu’il n’y mît pas la dernière main, et que même il les donnât au public assez imparfaits, étaient néanmoins utiles à la jeunesse, il prit plutôt le part d’en faire imprimer beaucoup, que celui d’en perfectionner un petit nombre [ab]. C’était préférer à sa propre gloire l’utilité du prochain. On peut croire aussi que l’heureux génie qu’il avait reçu de la nature, lui donnait quelque confiance que ses productions seraient estimées sans le secours de la lime [ac]. Ses vers latins plurent à l’hypercritique Jules-César Scaliger [ad]. Il prit quelquefois un faux nom à la tête de ses livres (O). Le cardinal Bembus demanda trois choses qui méritent d’être rapportées (P).

  1. * La douceur de Mélanchthon, que Bossuet lui-même loue dans son Histoire des Variations, est contestée par Joly, qui dit que la lecture des ouvrages de Mélanchthon ne fait pas concevoir une idée de lui fort avantageuse sur ce sujet, et que sans doute sa modération était plus dans sa conduite que dans ces écrits. Joly oublie que, d’après Leclerc, il a, dans une de ses notes sur l’article G. du Bellay, opposé la modération des écrits de Mélanchthon à la violence des placards des protestans de France.
  1. Joach. Camerarius, in Vitâ Melanchthonis, pag. m. 5.
  2. Idem, ibidem, pag. 5 et seq.
  3. Idem, ibidem, pag. 10.
  4. Melch. Adam., in Vitis Theol. Germ., pag. 328.
  5. Idem, ibidem, pag. 329.
  6. C’était le comte de Léonstein.
  7. Melch. Adam., in Vitis Theol. Germ., pag. 329.
  8. Idem, in Vitis Philosoph., pag. 186.
  9. Idem, ibidem, et in Vit. Theol., p. 330.
  10. Camerar., in Vitâ Melanchth., p. 24.
  11. Melch. Adam., in Vitis Theologorum pag. 330.
  12. Melch. Adam., in Vitis Theolog., pag. 330.
  13. Idem, ibidem, pag. 331.
  14. Camerarius, in Vitâ Melanchthon., p. 30, 31.
  15. En 1527.
  16. Melch. Adam., in Vitis Theologorum, pag. 336.
  17. Idem, ibidem, pag. 343.
  18. Idem, ibidem, pag. 313, 346.
  19. Ætatis suæ climactericum diebus LXIII egressus, lib. XXVI, sub finem, pag. m. 538. Du Rier, dans Teissier, Éloges, tom. I, pag. 183, traduit mal cela par il mourut le 63e. jour de son année climatérique.
  20. Voyez Melchior Adam, in Vitis Phil., pag. 202.
  21. Idem, ibidem, pag. 190.
  22. Dans les Additions de M. Teissier aux Éloges de M. de Thou, tom. I, pag. 187, édition de 1696.
  23. Voyez-en les preuves dans l’Histoire des Variations de M. de Meaux, liv. V, num. 34.
  24. Voyez Melch. Adamus, in ejus Vitâ passim.
  25. Voyez l’article Synergistes, tom. XIII.
  26. Voyez Melch. Adam, in Vit. Theol., pag. 357, 358 ; et Bucholcher, Ind. Chron., ad ann. 1560, pag. m. 600.
  27. Mat. Mylius est l’auteur de ce Catalogue. Voyez Melchior Adam, in Vit. Theol., pag. 347.
  28. Voyez Melchior Adam, ibidem, pag. 361.
  29. Voyez Érasme, in Ciceroniano.
  30. Jul. Cesar Scaliger. Poët., lib. VI, pag. m. 736.

(A) On s’appliqua de très-bonne heure à son instruction : ce fut par le soin de son aïeul maternel, beaucoup plus que par celui de son père. ] Comme je ne prétends point louer l’un au préjudice de l’autre, je m’en vais dire pourquoi George Schwartserdt [1], père de notre Philippe, ne vaqua point à l’éducation de son fils. Il était occupé aux affaires de l’électeur palatin son maître, à qui il servait d’ingénieur, ou de commissaire d’artillerie. Huic (avo materno) patre occupato negotiis principum, præcipuè educatio et institutio Philippi curæ fuit [2]. Camérarius m’autorise à user des termes que j’ai employés ; car voici ce qu’il a dit : Orto pernicioso bello inter Palatinos et Bavaros cognatos principes cùm Georgius patriæ suæ principi Philippo operam officiumque quod debebat, fideliter præstaret, imprimis machinarum tormentorumque ratione administrandâ [3]. Je pense que cet ingénieur fut d’abord un simple armurier, qui, s’étant rendu très-habile dans son art, se fit connaître et aimer des princes. Il inventa des armes avantageuses, tant pour l’offensive que pour la défensive, soit dans les tournois, soit dans les batailles. On prétend que l’empereur Maximilien se servit utilement de ces inventions dans un combat d’homme à homme. C’est un fait si singulier que je le rapporte ici, afin d’exciter mes lecteurs à en déterrer les circonstances. Lisez bien tout cet éloge du père Mélanchthon : Ipse Georgius et probitate, integritate, taciturnitateque et fide, etiam prudentiâ atque solertiâ, et quòd admirabili artificio opera armorum elaborare sciret, quibus et defenderendur contrà vim adversariorum in conflictu, et instruerentur ad hos percellendum sternendumque qui manum sive in acie cum hostibus, seu in ludis equestribus, cum suis (quæ exercitationes tum in aulis principum studiosissimè frequentabantur) conserere vellent : Harum igitur artium ille peritus, et iis virtutibus quas commemoravimus ornatus ; in notitiam pervenit maximorum et potentissimorun principum, iisque carus fuit, in quibus nominâsse satis sit et regem optimum et bellatorem invictissimum divum Maximilianum imperatoris Friderici filium. Quem Georgius aliquandò cum glorioso provocatore Italo, cui nomen Claudio Bataro, certamine singulari congressurum ita instruxit et sic arme ipsius machinando paravit, ut fortissimo viro Maximiliano victoria certa facilè etiam et celeriter contingeret. Claudius enim non diù repugnans, cùm, quantò omnibus rebus esset inferior sentiens ; ad pedes Maximiliani se adjecisset, ita in potestatem ejus se tradidit [4]. Il était né à Heidelberg, mais il s’établit à Bretten en se mariant avec la fille de Jean Rentérus, qui avait été maire du lieu quelques années [5]. Il mourut onze jours après son beau-père, le 29 de septembre 1508. Sa veuve ne se remaria qu’après avoir su que Mélanchthon son fils s’était marié. Elle en fut un peu fâchée, et ce mécontentement l’obligea à épouser un bourgeois de Bretten, environ l’an 1520 [6]. Elle mourut le 6 de juin 1529 [7]. Son fils George, plus jeune de près de quatre ans que Mélanchthon [8], survécut à son frère [9], et il exerça les plus hautes charges de sa patrie [10].

Afin que cette remarque soit non-seulement historique, mais même critique, je dirai que le jésuite Maimbourg a eu tort de dire que Mélanchthon était d’une petite bourgade du bas Palatinat, et d’une naissance très-basse [11]. Ce que je viens de narrer réfute cela. Voyez aussi M. Seckendorf au IIe. livre de l’Histoire du Luthéranisme, page 158.

(B) On a eu raison de le mettre parmi les enfans illustres. ] Le chapitre que M. Baillet lui a donné dans son Traité historique des Enfans devenus célèbres par leurs études, ou par leurs écrits, lui était dû, et est fort curieux. On y voit qu’à l’âge de treize ans il dédia à Reuchlin une comédie qu’il avait composée tout seul. Ce jeune écolier étant à Pfortsheim fit apprendre à ses camarades les divers rôles d’une manière de comédie, que Reuchlin avait publiée depuis peu ; son but était de représenter la pièce en présence de l’auteur, et la chose fut exécutée très-joliment : Tunc et æqualibus suis scriptum quoddam ludicrum Reuchlini instar comediæ illis diebus editum, ediscendum distribuit, et suas cuique partes assignavit, ut coram Reuchlino ad se reverso fabula ea ageretur. Quod etiam factum est cum summâ ipsius voluptate atque lætitiâ [12]. Il pouvait courir alors sa treizième année : il pouvait aussi être plus jeune ; car il demeura deux ans à Pfortsheim, et il en sortit pour aller à Heidelberg, où il fut immatriculé le 13 d’octobre 1509 [13]. M. Baillet ajoute qu’il fut chargé de faire la plupart des harangues et des autres discours d’éloquence qui se prononçaient en public dans l’académie d’Heidelberg. Cela est assez conforme à ces paroles de Melchior Adam : Scripsit jam adolescentulus professoribus in eâ scholâ orationes : quæ publicè recitatæ sunt [14]. Voici un passage qui n’est pas exact : « à l’âge de treize ans, il composa une comédie à l’honneur de Reuchlin. Il n’avait que dix-neuf ans lorsqu’il publia sa Rhétorique. L’année suivante il mit au jour sa Dialectique, et à l’âge de vingt-quatre ans sa Grammaire. Incontinent après il composa plusieurs écrits en théologie ; et à l’âge de vingt-six ans il fit imprimer ses Lieux Communs, qui furent également estimés et des [* 1] protestans et des catholiques. Car ayant été publiés sous le nom de Messer Philippo di terra nera, et étant apportés à Rome, tous les exemplaires furent d’abord vendus [15]. » On a déjà vu ce que j’ai à dire touchant cette comédie à l’honneur de Reuchlin ; je ne le répète point. Je dis seulement que M. Teissier n’a pas bien pris garde à ces paroles latines : Anno decimo nono evulgavit Rhetoricam ; secquenti Dialecticam : vicesimo quarto Grammaticam, aliis deindè annis alia [16]. Elles marquent les années du siècle, et non pas celles de Mélanchthon. Et par conséquent il fallait dire qu’il avait vingt-deux ans, lorsqu’il publia sa Rhétorique, etc. Il ne fallait point prétendre qu’il ne composa plusieurs écrits en théologie qu’après la publication de sa Grammaire ; car il mit au jour divers traités de cette nature, l’an 1521 [17], trois ans avant que sa Grammaire fût imprimée. Enfin, il est faux qu’il ait donné au public ses Lieux Communs à l’âge de vingt-six ans. Il les publia l’an 1521 [18], lorsqu’il n’avait encore que vingt-quatre ans.

Notez que tous les ouvrages que Melchior Adam vient de nommer sont postérieurs à la profession de Wittemberg ; mais il faut se souvenir qu’il a dit ailleurs que Mélanchthon publia des livres pendant la profession de Tubinge [19]. Il y a donc lieu de croire qu’il fut auteur imprimé avant l’âge de vingt ou vingt et un ans : il a donc été fort digne d’être mis au catalogue de M. Baillet. J’ai lu dans le parallèle que Jean-Jacques Grynæus a fait entre le prophète Daniel et Mélanchthon, un bel éloge de ce dernier. Il mérite que je le copie : At Deum immortalem, quàm non spem de se præbet, admodùm etiam adolescens et penè puer, Philippus ille Melanchthon, utrâque litteraturâ penè ex æquo suspiciendus ! Quod inventionis acumen ? que sermonis puritas ? quanta reconditarum rerum memoria ? quàm varia lectio ? quàm verecunda regiæque prorsùs indolis festivitas [20] ? Voilà ce que disait Érasme, l’an 1515.

(C) Il dirigea une imprimerie. ] Cette remarque est, à proprement parler, un appendix de la précédente ; car elle se rapporte à Mélanchthon, en tant qu’il a fait des livres dans sa jeunesse. C’est dans le fond faire un livre, que de mettre dans un bel ordre un amas confus de recueils. M. Baillet en juge ainsi, puisqu’après avoir observé que Mélanchthon faisait sa récréation de corriger l’imprimerie du lieu, il ajoute : c’est à de semblables passe-temps que nous sommes redevables entre autres du Naucler de l’édition de Tubingue. C’était un fatras de chroniques et de fables entassées parmi des histoires, dans une confusion étrange. Mélanchthon prit la peine de le purger, de faire un triage de ce qui pouvait passer, et de lui donner de l’ordre : de sorte qu’on peut dire que ce livre est l’ouvrage de Mélanchthon [21]. Camérarius remarque, 1°. que le travail de Mélanchthon sur Nauclérus consista non-seulement à donner de l’ordre et à refondre, mais aussi à augmenter ; 2°. que le correcteur de cet ouvrage s’était chargé de la révision de tous les livres que Thomas Anshelmus imprimerait. Librum hunc (Naucleri) exprimendum susceperat Thomas Anshelmus, qui typographicam officinam habebat Tubingæ. A quo perfectum fuit, ut et illius scripti et aliorum, quæ à se ederentur, curam respectumque Philippus susciperet, quo prodirent correctoria. Is tunc et in hoc opere Naucleri partim disponendo, partim augendo, partim etiam retexendo id præstitit, ut lectio libri istius à plurimis expeteretur et fructu voluptateque non careret [22]. Notez, s’il vous plaît, que cette édition de Nauclérus est la première de toutes.

(D) Il fut très-attaché à la lecture de la parole de Dieu. ] Il avait un exemplaire de la Bible que Jean Froben avait imprimée depuis peu à Bâle, en petite forme, et il le portait avec lui, et principalement lorsqu’il allait à l’église. Ceux qui virent que pendant la célébration des divins offices, il tenait toujours entre ses mains un livre beaucoup plus gros que les heures, se persuadèrent qu’il lisait tout autre chose que ce que le temps et le lieu exigeaient du lui. Ses envieux en prirent une occasion de le décrier. Voilà ce que nous apprend Camérarius [23]. Un autre observe que Reuchlin lui fit présent de cette Bible [24].

(E) Il eût sacrifié beaucoup de choses au bien de la paix. ] Cela parut principalement dans l’ouvrage qu’il composa touchant les choses indifférentes, et qui fut si mal reçu de la faction d’Illyricus. Suaserat Philippus de adiaphoris ne scrupulosè contenderent, modò nihil idololatriæ illi ritus ac ceremoniæ haberent adjunctum, et servitutem aliquam, quæ sinè impietate sit, sustinendam [25]. Illyricus criait au contraire qu’il fallait plutôt abandonner tous les temples, et menacer d’une sédition que de souffrir un surplis. Contrà Flaccius vociferabatur potiùs vastitatem faciendam in templis, et principes metu seditionum terrendos, quàm saltem linea vestis admittatur [26]. Il y a eu des catholiques romains animés du même esprit, s’il en faut croire l’auteur anonyme d’une lettre publiée par M. Jurieu. Je me suis informé, dit-il [27], autant qu’il m’a été possible, savoir si on recevrait un protestant à la communion de Rome, sur l’explication de la doctrine de M. de Meaux, comme l’on s’en sert pour instruire ceux qui cherchent à s’accommoder au temps. Il n’y a personne qui ne m’ait assuré que non, et quelqu’un a ajouté qu’on ne faisait point signer d’abjuration où l’on ne mît toutes les herbes de la Saint-Jean. Ce sont les propres mots dont il se servit. Cela me fait souvenir d’un jésuite qui disait qu’ils n’éteindraient pas un cierge quand ce serait pour convertir tous les huguenots.

Ce que Mélanchthon dit à sa mère témoigne manifestement qu’il haïssait les disputes de religion, et qu’il n’y était entraîné que par l’exigence du rôle qu’il avait à soutenir dans le monde. Étant allé aux conférences de Spire, l’an 1529, il fit un petit voyage à Bretten pour voir sa mère. Cette bonne femme lui demanda ce qu’il fallait qu’elle crût au milieu de tant de disputes, et lui récita les prières qu’elle avait accoutumée de faire, et qui n’enfermaient aucune superstition : Continuez, lui répondit-il, de croire et de prier comme vous avez fait jusques à présent, et ne vous laissez point troubler par le conflit des controverses. Ab eâ cùm interrogatus esset : quid sibi in ejusmodi controversiis credendum ? respondit, auditis illius precibus, quæ nihil superstitionis habebant, ut pergeret hoc credere et orare quod credidisset et orâsset hactenùs : nec pateretur se turbari conflictibus disputationum [28]. Ceci réfute invinciblement un mauvais conte que Florimond de Rémond débite. On escrit, dit-il [29], que Mélanchthon étant sur Le point de rendre l’âme, l’an 1560, sa mère accablée d’années, lui tint tel langage : « [* 2] Mon fils, tu me vois sur le poinct de partir de ce monde, pour rendre conte au grand juge de ce que tu as fait. Tu sçais que j’étois catholique, tu m’as induite de changer de religion, pour en prendre une diverse à celle de mes pères ; or je l’adjure par le Dieu vivant, de me dire maintenant laquelle est la meilleure, et ne le cele pas. Ha ! dit Mélanchthon, la nouvelle doctrine est la plus plausible, mais l’autre est la plus seure et certaine : et se tournant dit tout haut : Hæc plausibilior, illa scecurior. » Il est faux que Mélanchthon ait porté sa mère à changer de religion, et il est certain que la mort de cette femme précéda de plus de trente ans celle de son fils.

(F) François Ier. le jugea propre... et le pria de venir en France. ] Rapportons la paraphrase que M. Maimbourg a faite du récit de Florimond de Rémond. « La reine de Navarre qui savait que le roi son frère souhaitait passionnément la paix de l’église, espéra qu’elle le pourrait prendre de ce côté-là. Pour cet effet, elle se mit à lui parler souvent d’un grand homme de bien : disait-elle, appelé Philippe Mélanchthon, qu’elle lui louait incessamment comme le plus savant homme de son temps ; qui n’approuvait pas à la vérité, ajoutait-elle adroitement, certains abus qu’on voyait manifestement dans la doctrine, dans les mœurs, et dans la discipline parmi les chrétiens de ces derniers siècles ; mais aussi qui détestait le schisme qu’on avait fait à cette occasion en Allemagne, et qu’il avait toujours tâché d’éteindre par toutes sortes de moyens. Elle assurait que c’était un homme paisible, d’esprit doux, n’ayant rien du tout du génie violent et impétueux de Luther et de Zuingle, qu’il avait toujours tâché d’accorder et entre eux et avec les catholiques, afin de réunir tous les esprits dans une même créance, et de rétablir dans l’église la paix et l’union après laquelle il soupirait incessamment ; qu’elle ne doutait point que si un si saint et si habile homme pouvait conférer avec les docteurs de Sorbonne qui ne désiraient aussi que la paix, ils ne trouvassent bientôt les moyens de la procurer à l’église, et d’abolir un schisme qui pouvait s’étendre facilement de l’Allemagne en France, et y causer les mêmes troubles et les mêmes désordres qu’on voyait dans l’Empire. Enfin, elle lui dit tant de choses à l’avantage de Mélanchthon, et lui donna tant d’espérance de pouvoir terminer par son moyen les différens qui commençaient à naître en France aussi-bien qu’en Allemagne sur plusieurs articles de la religion, qu’il se laissa persuader : de sorte que ce prince, qui d’ailleurs avait grande envie d’attirer en France les plus habiles hommes de son temps, écrivit [* 3] à Mélanchthon, et l’invita de venir à Paris pour y travailler avec nos théologiens au rétablissement de l’ancienne police de l’église [30]. » Il raconte ensuite de quelle manière le cardinal de Tournon rompit ce coup, et porta le roi à révoquer sur-le-champ la permission qu’il avait donnée à Philippe Mélanchthon [31]. Enfin il assure que ce changement étonna d’abord les hérétiques ; mais que sitôt qu’ils furent revenus de leur étonnement,.…. ils eurent l’audace d’afficher des placards remplis de blasphèmes aux portes du Louvre, et même à celle de la chambre du roi. Voici donc l’arrangement de ce jésuite. 1°. La reine de Navarre persuade au roi de faire venir Mélanchthon. 2°. Le roi écrit à ce docteur. 3°. Le cardinal de Tournon change ce dessein du roi. 4°. Les novateurs font des placards. 5°. Ces quatre choses arrivent l’an 1534. Florimond de Rémond les arrange dans le même ordre. Nous allons voir qu’ils se trompent ; et je suis bien surpris que Théodore de Béze soit leur complice : il dit, lui aussi [32], que l’affaire des placards fut postérieure à la résolution que François Ier. avait prise de faire venir Mélanchthon. Notez qu’il marque que ces placards furent affichés au mois de novembre 1534.

Voici une meilleure chronologie de tous ces faits. On afficha les placards au temps que Théodore de Bèze marque. François Ier. assista à une célèbre procession, le 21 de janvier 1535, et fit brûler quelques hérétiques. Mélanchthon fut exhorté de faire en sorte que la colère du roi fût adoucie. Il écrivit une lettre à Jean Sturmius qui étoit alors en France, et une autre à Jean du Bellai, évêque de Paris [33]. Un gentilhomme [34], que François Ier. avait envoyé en Allemagne, parla à Philippe Mélanchthon, touchant le voyage de France, et l’assura que le roi lui en écrirait lui-même, et lui fournirait toutes sortes de sauf-conduits [35]. Étant retourné en France, il donna parole au roi que Mélanchthon ferait le voyage, si sa majesté lui faisait l’honneur de lui écrire sur ce sujet [36]. Ce prince dépêcha tout aussitôt ce gentilhomme pour porter à Mélanchthon la lettre qu’il lui écrivait. Elle est datée de Guise, le 28 de juin 1535 [37], et fait connaître le plaisir qu’avait eu le roi en apprenant par la relation du gentilhomme, et par la lettre que Guillaume du Bellai avoit reçue de Mélanchthon, que ce docteur était disposé à venir en France, pour y travailler à pacifier les controverses. Mélanchthon écrivit au roi le 28 de septembre de la même année [38] : il l’assura de ses bonnes intentions, et du regret qu’il avait de n’avoir pu surmonter encore les obstacles de son voyage. Le gentilhomme qui porta au roi cette réponse le trouva tout occupé des préparatifs de la guerre d’Italie [39] : et d’ailleurs Mélanchthon ne put jamais obtenir du duc de Saxe la permission d’aller à la cour de François Ier. [40], quoique Luther eût exhorté vivement cet électeur à consentir à ce voyage, en lui représentant que l’espérance de voir Mélanchthon avait fait cesser en France les supplices des protestans, et qu’il y avait sujet de craindre qu’on ne rentrât dans les voies de la cruauté dès qu’on saurait qu’il ne viendrait pas [41]. L’électeur eut de très-bonnes raisons de ne point permettre ce voyage [42] : il craignait de s’exposer à la colère de Charles-Quint ; et il ne voyait nulle apparence que Mélanchthon fît quelque chose pour le bien de la religion. Il écrivit à François Ier. pour s’excuser de ce qu’il ne pouvait pas permettre que Mélanchthon allât en France [43]. Sa lettre est datée du 28 d’août 1535. Notez qu’au mois de décembre de la même année, Langei sollicitait en Allemagne que l’on envoyât Mélanchthon, ou quelques autres théologiens, au roi son maître [44]. Comment ajusterez-vous cela avec le narré de Maimbourg, ou avec M. de Mézerai qui assure [45] qu’en 1533 le roi écrivit à Mélanchthon, par Guillaume du Bellai Langei [46] ; mais que le cardinal de Tournon et les théologiens de Paris le portèrent à lui faire savoir qu’il le dispensait de prendre cette peine ? Je ne touche point aux brouilleries de M. Varillas ; on les verra ci-dessous [47]. Notez aussi que Mélanchthon envoya en France un petit écrit qui contenait ses conseils sur la pacification des controverses. Il ne le publia pas ; mais on le trouve dans la compilation de Pézelius [48]..

J’ai lu dans une lettre écrite à Érasme par Thomas Morus [49], que Tindale avait mandé que Mélanchthon était à la cour de France, qu’il avait parlé à lui, et qu’il l’avait vu entrer dans Paris, escorté de cent cinquante chevaux : Tyndalus hæreticus nostras, qui et nusquàm et ubique exulat, scripsit hic nuper Melanchthonem esse apud regem Galliæ ; semet collocutum cum eo, que illum vidisset exceptum Parisiis, comitatu CL equorum : addebat se timere Tyndalus, ne si Gallia per illum reciperet verbum Dei, confirmaretur in fide Eucharistiæ contra Vicleficam sectam. Se peut-il faire que des personnes de mérite osent mander de pareils mensonges à leurs amis ?

(G) Il dit... que la mort le délivrerait des persécutions théologiques. ] Quelques jours avant sa mort il écrivit sur un morceau de papier, en deux colonnes, les raisons pourquoi il ne devait pas avoir regret de quitter la terre. L’une de ces colonnes contenait les biens que la mort lui procurerait, l’autre contenait les maux dont la mort le délivrerait [50]. Il ne mit que deux articles dans celle-ci : 1°. Qu’il ne pécherait plus ; 2°. qu’il ne serait plus exposé ni aux chagrins, ni à la rage des théologiens [51]. L’autre colonne contenait six chefs : 1°. qu’il viendrait à la lumière ; 2°. qu’il verrait Dieu ; 3°. qu’il contemplerait le fils de Dieu ; 4°. qu’il apprendrait ces mystères admirables, qu’il n’avait pu comprendre dans cette vie ; 5°. pourquoi nous avons été créés tels que nous sommes ; 6°. quelle est l’union des deux natures en Jésus-Christ [52]. Notez que l’état de l’homme a paru à ce grand théologien l’un des plus incompréhensibles mystères de la religion ; et cependant il n’y a personne, parmi ceux qui croient sans examiner, qui s’imagine que cet objet là contienne des difficultés. De là est venu qu’on a été si surpris d’apprendre par mon dictionnaire, que les sectateurs du manichéisme pouvaient faire des objections embarrassantes. Mais arrêtons-nous à notre texte, et disons que la nature, qui avait donné à Mélanchthon un tempérament pacifique, lui avait fait un présent mal assorti aux conjectures où il devait se trouver. Sa modération n’était propre qu’à être sa croix. Il se trouva comme une brebis au milieu des loups : personne ne s’accommodait de sa douceur ; elle l’exposait à toutes sortes de médisances, et lui ôtait les moyens de répondre au fou selon sa folie. Le seul avantage qu’elle lui procura fut de regarder la mort sans effroi, en considérant qu’elle le mettrait à l’abri de l’Odium theologicum, et de l’

... Infidos agitans discordia fratres [53].


Je parlerai ci-dessous [54] de la servitude où il vivait. Il a dit dans quelqu’un de ses ouvrages, qu’il avait conservé quarante ans sa profession sans avoir jamais été assuré qu’on ne l’en chasserait pas avant la fin de la semaine. Publicè non dubitavit affirmare [* 4], ego jam sum hic, Dei beneficio, quadraginta annos : et nunquàm potui dicere aut certus esse me per unam septimanam mansuram esse [55].

(H) Il... eut deux fils et deux filles. ] Je n’ai rien trouvé touchant les deux fils ; mais je sais qu’Anne sa fille aînée, fut femme de George Sabinus, l’un des bons poëtes de son temps. Il l’épousa à Wittemberg, le 16 de novembre 1536 [56]. Elle n’avait que quatorze ans. Son mari l’amena en Prusse, au grand regret de Mélanchthon, l’an 1543 [57]. Il y avait eu souvent des brouilleries entre le beau-père et le gendre, parce que celui-ci, plein d’ambition, aurait voulu s’élever à des emplois politiques, et ne s’accommodait pas de l’humilité de Mélanchthon, qui se bornait à des emplois littéraires, et ne se fatiguait point pour avancer ses enfans [58]. Anne entendait bien le latin, et était très-belle [59] : son père l’aimait tendrement [60] : jugez du chagrin qu’il eut quand elle s’éloigna de lui, l’an 1543 [61], et puis quand elle mourut à Konisberg, l’an 1547 [62]. Et recueillez de tout ceci qu’il n’était heureux, ni au-dedans, ni au-dehors. Narradionem talium ideò nequaquàm omittendam duco.... ut hujusmodi quasi vulneribus inspectis quàm misera interdum via sit magnorum virorum intelligatur ; cùm ad onera reipublicæ pondus etiam domestici doloris adjicitur [63]. Son autre fille fut mariée, l’an 1550, à Gaspard Peucer, qui était un habile médecin, et qui fut fort persécuté [64]. Si vous doutiez que Mélanchthon fut bon père, je vous prierais de considérer qu’un Français le trouva un jour tenant d’une main un livre, et berçant de l’autre un enfant. Mélanchthon le voyant surpris de cela, lui fit un discours si pieux sur les devoirs paternels, et sur l’état de grâce où les enfans sont auprès de Dieu, que cet étranger sortit de là beaucoup plus docte qu’il n’y était entré [65].

N’oublions pas cette réflexion. C’est un grand bonheur aux hommes d’étude d’être exempts et d’ambition et d’avarice : cela leur épargne beaucoup de temps, beaucoup de bassesses, beaucoup de désordres. Mais pour jouir de cette belle disposition, il ne suffit pas qu’il la possèdent, il faut aussi que leur parenté en soit pourvue ; car une femme, un gendre, un fils, un proche parent, qui veulent gagner du bien, ou s’élever aux honneurs, ne laissent point en repos l’homme de lettres : ils veulent qu’il sollicite, qu’il brigue, qu’il fasse sa cour ; et s’il ne le fait pas, ils grondent et font des querelles. Mélanchthon et son beau-fils sont une preuve de ceci. Inter socerum ac generum non quidem odium aut simultas, sed alienatio tamen quædam et propè dissidum ortum fuit... Fons autem erat omnium, quod Sabinus socero nimiâ cupiditate illustris fortunæ videbatur ardere. Ille autem non tantùm adjuvari et quasi promoveri se ab ipso quantùm optabat et posse arbitrabatur, ægre ferebat [66]. Concluons de cela qu’il est malaisé de vivre heureux dans ce misérable monde [* 5], puisque la vie heureuse demande, non-seulement qu’on règle ses propres passions, mais aussi que celles de la parenté soient bien réglées.

(I) Je ferai quelques réflexions sur le penchant qu’on le blâme d’avoir eu vers le pyrrhonisme. ] « Il sembloit avoir este nourry en l’eschole de Pirrho ; car tousjours mille doutes assiegeoient son ame, pour la crainte, disoit-il, de faillir. Ses écrits estoient un perpetuel brouillis d’irrésolution [67]. » L’auteur qui parle de la sorte cite quelques témoignages, et ne dit que ce qu’une infinité d’écrivains ont remarqué. Voyez en dernier lieu monsieur l’évêque de Meaux, dans l’Histoire des Variations. Je crois qu’on outre les choses ; mais je crois aussi que Mélanchthon n’était pas exempt de doutes, et qu’il y avait bien des matières sur quoi son âme ne prononçait point cela est ainsi, et ne peut être autrement. Il était d’un naturel doux et pacifique, et il avait beaucoup d’esprit, beaucoup de lecture et une science très-vaste. Voilà des qualités de tempérament, et des qualités acquises, dont le concours est pour l’ordinaire une source d’irrésolution. Un grand génie, soutenu d’un grand savoir, ne trouve guère que le tort soit tout d’un côté ; il découvre un fort et un faible dans chaque parti, il comprend tout ce qu’il y a de plus spécieux dans les objections de ses adversaires, et tout ce que ses preuves ont de moins solide : il fait, dis-je, toutes ces choses, pourvu qu’il ne soit pas d’un tempérament bilieux ; car s’il l’est, il se préoccupe de telle sorte en faveur de son pari, que ses lumières ne lui servent plus de rien. Non-seulement il se persuade qu’il a raison ; mais il conçoit pour ses sentimens une tendresse particulière, qui le porte à haïr violemment la doctrine qui les combat. De la haine des opinions il passe bientôt à la haine des personnes ; il aspire à triompher, il s’échauffe, et il se tourmente pour y parvenir ; il se fiche contre ceux qui lui représentent que, pour l’intérêt de la vérité céleste, il ne faut point recourir aux expédiens de la politique humaine. Il ne se fiche pas moins, s’il entend dire que ses dogmes ne sont pas certains et évidens, et que sa partie adverse peut alléguer de bonnes raisons. Étant tel, il n’examine les choses qu’afin de demeurer convaincu de plus en plus, que les doctrines qu’il a embrassées sont véritables, et il ne manque pas de trouver beaucoup de solidité dans ses argumens ; car il n’y eut jamais de miroir aussi flatteur que la préoccupation : c’est un fard qui embellit les visages les plus laids : elle rend à une doctrine les mêmes offices que la Vénus du poëte romain rendit à son fils.

Restitit Æneas, clarâque in Luce refulsit ;
Os humerosque Deo similis : namque ipsa decoram
Cæsariem nato genitrix, lumenque juventæ
Purpureum, et lætos oculis afflârat honores.
Quale manus addunt ebori decus, aut ubi flavo
Argentum, Pariusve lapis circumdatur auro [68].


Mélanchthon, n’ayant pas ce tempérament, ne pouvait pas être si ferme dans ses opinions. Il demeurait dans un sens froid qui laissait agir son génie sur le pour et sur le contre ; et comme il aimait la paix, et qu’il déplorait les désordres que le schisme avait fait naître, il était plus disposé à juger favorablement de plusieurs doctrines que les esprits chauds prenaient pour un fondement de la rupture, et qu’il eût voulu qu’on eût tolérées afin de faciliter la réunion. Sa modestie et ses expériences le rendaient un peu défiant. Il était persuadé que ses lumières pouvaient croître de jour en jour : il se souvenait d’avoir corrigé beaucoup de choses dans ses écrits. Il les croyait hommes la première fois qu’il les publia : le temps lui apprit à leur ôter son approbation, et à s’appliquer un bel endroit de Térence [69]. Pouvait-il répondre que le temps ne l’instruirait pas encore mieux ? Voilà ce qui l’empêchait d’être décisif. Il vivait parmi des gens qui lui paraissaient passionnés, et trop ardens à mêler les voies humaines et les ressorts du bras séculier avec les affaires de l’église. Sa conscience tendre lui faisait craindre qu’il n’y eût là un caractère de réprobation [70]. Pourquoi demeurait-il dans ce parti-là, demanderez-vous ; s’il n’avait point une assurance positive que c’était la cause de Dieu ? Où voulez-vous qu’il allât ? vous répondra-t-on. N’eût-il pas rencontré dans la communion romaine beaucoup plus de choses à condamner, plus d’emportement, plus d’oppression de conscience ? Croyez-vous qu’il n’eût pas bien balancé tous les inconvéniens, lorsqu’il jeta les yeux sur la Palestine, pour s’y retirer en cas que ses ennemis le chassassent ? Non frangor animo, propter crudelissimam vocem meorum hostium, qui dixerunt, se mihi non relicturos esse vestigium pedis in Germaniâ. Commendo autem me Filio Dei. Si solus expellar : decrevi Palæstinam adire, et in illis Hieronymi latebris, in invocatione filii Dei, et testimoniæ perspicua de doctrinâ scribere, et in morte Deo animam commendare [71]. Conférez avec ceci le dessein qu’eut Abélard de se retirer chez les infidèles [72].

Admirons ici un caractère particulier de la destinée de l’homme : ses vertus sont sujettes à des suites un peu vicieuses ; elles ont leurs inconvéniens. Ses mauvaises qualités, au contraire, produisent de bons effets en plusieurs rencontres. La modestie, la modération, l’amour de la paix, forment dans les plus savans personnages un fonds d’équité qui les rend tièdes en quelque façon, et irrésolus. L’orgueil et la bile forment un entêtement si opiniâtre dans un grand docteur, qu’il ne sent pas le moindre doute, et qu’il n’y a rien qu’il n’entreprenne et qu’il ne supporte pour l’avancement et pour la prospérité de ses opinions. Si par bonheur il a rencontré la vérité, quels services ne lui rend-il pas ? Ils sont sans doute plus grands qu’ils ne le seraient, s’il était d’un tour d’esprit plus raisonnable. Les liens de la préoccupation, ou, si vous voulez, le poids des passions, attachent plus fortement l’âme à la vérité que l’attrait de la lumière. Notez que je mets à part les bons effets de la grâce, tant sur les tempéramens trop phlegmatiques que sur les tempéramens trop bilieux. Je ne considère cela que philosophiquement : or, sous cette notion, il est vrai de dire qu’en ce qui concerne les intérêts d’une secte, un homme entêté et fougueux est préférable à un homme sage ; et si quelque fondateur souhaite que ses disciples travaillent avec succès à l’extension et à la propagation de ses dogmes, il doit souhaiter qu’ils soient d’humeur à ne démordre de rien, et à épouser pour toute leur vie le premier parti qu’ils embrassent. S’ils le choisissent avant que d’avoir été capables de bien peser les raisons de part et d’autre, tant mieux ; ils n’en seront que plus éloignés de douter à l’avenir ; et moins ils auront de doutes, plus seront-ils opiniâtres et ardens : au lieu que ceux qui se proposent de s’éclaircir de jour en jour, ne se croient point obligés à un fort grand zèle ; car ils s’imaginent que ce qui leur semble vrai aujourd’hui leur semblera une autre fois moins probable que ce qu’ils ne croient point. Cicéron exprime très-bien ces différens caractères, en parlant des sceptiques et des dogmatiques. Neque nostræ disputationes, dit-il [73], quicquam aliud agunt, nist ut in utramque partem dicendo, et audiendo eliciant et tanquàm exprimant aliquid, quod aut verum sit, aut id quam proximè accedat. Neque inter nos et eos qui scire se arbitrantur quicquam interest, nisi quod illi non dubitant, quin ea vera sint quæ defendunt : nos probabilia multa habemus, quæ sequi facile, affirmare vix possumus. Hoc autem liberiores et solutiores sumus, quod integra nobis est judicandi potestas, neque omnia quæ præscripta et quasi imperata sint, defendamus, necessitate ullâ cogimur. Nam cæteri primùm antè tenentur astricti, quàm quid esset optimum, judicare potuerunt. Deindè infirmissimo tempore ætalis aut obsecuti amico cuidam, aut unâ alicujus quem primum audierunt, ratione capti, de rebus incognitis judicant, et ad quamcunque sunt disciplinam quasi tempestate delati, ad eam tanquàm ad saxum adhærescunt. Nam quod dicunt, omninò se credere ei, quem judicent fuisse sapientem, probarem, si id ipsum rudes et indocti judicare potuissent. Statuêre enim quid sit sapiens, vel maximè videtur esse sapientis. Sed ut potuerunt omnibus rebus auditis, cognitis etiam reliquorum sententiis judicaverunt, aut re semel auditâ ad unius se autoritatem contulerunt. Sed nescio quomodò plerique errare malunt, eamque sententiam quam adamaverunt, pugnacissimè defendere, quam sinè pertinaciâ quid constantissimè dicant exquirere.

(K) C’est à tort que quelques-uns l’ont accusé de haïr la philosophie péripatéticienne. ] J’ai cité ailleurs [74] le père Rapin, qui met Mélanchthon dans le catalogue des hérétiques modernes qui ont déclamé contre Aristote et contre sa philosophie. Cette accusation n’est pas bien fondée : je le montrerai ci-dessous [75] ; et il suffirait pour la réfuter, de mettre ici ce que Mélanchthon écrivit au chancelier de Bavière, l’an 1535. Verè judicas plurimùm interesse reipublicæ ut Aristoteles conservetur, et extet in scholis ac versetur in manibus discentium. Nam profectò sinè hoc autore, non solum non retineri para philosophia, sed ne quidem justa docendi aut discendi ratio ulla poterit [76]. La logique de l’école est de toutes les parties de la philosophie celle qui a été la moins agréable aux réformateurs, car ils la considéraient comme la source des vaines subtilités qui faisaient perdre tant de temps à la jeunesse, et qui corrompaient la théologie. Cependant Mélanchthon se déclara pour la logique. Son témoignage a été cité par Caramuel, dans la liste qu’il a donnée de quelques docteurs protestans qui recommandent l’étude de cette partie de la philosophie. Philippus Melanchthon, dit-il [77], Lutheri discipulus fuit, et tametsi magister parvi logicam penderet, ipse maximi eam fecit, et inter alia in præfatione Erotem. Dialect. hæc scripsit. Hos et adhortor, et propter gloriam Dei, ac propter ecclesiæ salutem obtestor, ne dialecticen negligant, nec applaudant insulsis sermonibus eorum qui vituperant cam et ecclesiæ inutilem esse, etc. imò dialecticâ opus est non solùm ut doctrina lucem habeat, sed etiam ut sit concordiæ vinculum. Le jésuite Jaques Gretser, voulant combattre la haine que Luther avait témoignée contre la philosophie d’Aristote, lui opposa Mélanchthon, et cita un très-long passage de ce disciple de Luther : A quo, dit-il [78], hanc Apologiam mutuabimur, nisi ab illo, cui Lutherus plurimùm tribuere solebat ; quique ea, quæ olim in Aristotelem conjecerat, ; maledicta laudibus posteà dispunxit ? Is est Melanchthon, qui in oratione de Aristotele [* 6] à Flocco quodam Norimbergensi recitata his verbis Logicam Aristotelicam adversùs Lutheri criminationes nobis dat defensam. Nunc quædam de genere philosophiæ addam, cur Aristotelicum maximè nobis in ecclesiâ usui esse arbitremur. Constare arbitror inter omnes, maxime nobis in ecclesiâ opus esse dialecticâ, quæ methodos rectè informat, quæ dextrè definit, justè partitur, aptè connectit, judicat, et divellit monstrosas connexiones. Hanc artem qui non nôrunt lacerant materias explicandas, ut catuli panniculos. Libet enim uti Platonis similitudine. Verè eam Plato laudibus effert, inquiens igniculum esse, quem Prometheus à cælo attulerit, ut in mentibus hominum lumen accenderet ad rectè judicandum. Sed artis præcepta nusquàm tradit. Carere igitur Aristotelis monumentis non possumus, stoïca non extant, et apparet intricatos labyrinthos, et corruptelas artis fuisse, non simplicem disserendi viam, utilem explicationi magnarum rerum. Hæc Philippus pro Aristotelis logicâ contrà Lutheri amentiam. La suite de ce passage de Mélanchthon, rapportée par Gretsérus, contient de fort belles louanges de la physique et de la morale d’Aristote.

Il n’est donc point nécessaire de justifier Mélanchthon sur ce chapitre [* 7] : ses ouvrages le justifient assez : mais n’oublions pas une bévue du père Rapin. Il cite[79] une thèse soutenue par Luther, à Heidelberg l’an 1518, où Aristote fut maltraité. Luther, continue-t-il, ne laisse passer aucune occasion, dans ses ouvrages, de s’emporter contre ce philosophe ; en quoi il a été suivi de Zuingle, de Pierre Martyr, de Zanchius, de Mélanchthon, et de tous ceux qui ont combattu la doctrine de l’église romaine. Ce qui a fait dire à Melchior Cano, etc. Tout cela, et ce qu’il vient de dire des anabaptistes, est tiré du livre de George Hornius, qu’il a cité. Or voici les paroles de cet auteur : Ibique (Lutherus) pluribus Aristotelem exagitat. Zwinglius etiam, P. Martyr, Zanchius, et alii excelsissimè florebant philosophiæ laudibus. Omnes tamen exsuperavit divinum Philippi Melanchthonis ingenium, qui scriptis suis totam philosophiam ita illustravit, ut verè author ejus et fatalis in Germaniâ instaurator dici possit. Illustravit dialecticam, ethicam, physicam, et mathematicas disciplinas : expurgavit spinas philosophorum : id denique effecit, ut philosophia mox florentissima efficeretur[80]. La particule etiam, mise peu après les paroles qui marquent que Luther s’est emporté contre Aristote, a fait croire au père Rapin que Zuingle, et les autres réformateurs nommés par Hornius, se sont emportés aussi contre Aristote ; mais on peut aisément connaître que cela est très-éloigné de la pensée de Hornius : l’éloge qu’il fait de Mélanchthon pourrait-être encore plus étendu ; car ce grand homme ne se borna pas à illustrer toutes les parties de la philosophie s’il n’y eut guère d’arts, ni de sciences, sur quoi il ne travaillât, tâchant d’en faciliter l’étude par des méthodes faciles et dégagées. Que dirons-nous donc de ceux qui ont eu l’audace de publier que Mélanchthon et Carlostad décrièrent toutes les sciences, qu’ils se firent artisans, et qu’ils rendirent si désertes presque toutes les écoles, qu’on n’y voyait que des toiles d’araignée[81]. Malaisément trouverait-on des professeurs qui aient fait autant de leçons que celui-ci, et à tant de gens [82]. Il lui arrivait souvent de faire trois ou quatre leçons par jour[83] ; et il y a lieu de croire que quand il se maria, il n’interrompit ses exercices académiques que le jour des noces : c’est ce que l’on peut inférer de ce distique :

A studiis hodiè facit otia grata Philippus,
Nec vobis Pauli dogmata sacra leget.


Voilà l’avertissement qui fut donné ce jour-là à ses auditeurs[84]. Il fut le principal appui de l’académie de Wittemberg. Suâ industriâ atque eruditione Wittembergicam academiam præcipuè sustinuit : nec passus est vel bellis civilibus, vel intestinis odiis sese ab eâ abstrahi : binas, ternas, quaternas quotidiè scholas habuit easque frequentissimas : nullam autem horam vacuam à legendo, scribendo, disserendo, consulendo[85].

Pour ne rien dissimuler, il faut que je dise ici que Mélanchthon suivit au commencement le branle que Luther lui avait donné : il parla mal d’Aristote ; mais il changea bientôt de langage, et il persévéra dans la recommandation de la philosophie de ce fondateur du lycée. C’est pourquoi le père Rapin n’a pas été bien fondé dans l’accusation que j’ai rapportée au commencement de cette remarque ; car il ne faut point juger d’un homme par les sentimens qu’il quitte bientôt, mais par ceux où il se confirme tout le reste de ses jours. Le père Gretser eût pu apprendre au père Rapin comment il fallait parler sur cette matière. Voyez ce que j’ai déjà cité de ce jésuite allemand, et ce que je vais tirer de la même source : Quid ad nos, quid Aristoteles impurus homo dicat ? vociferatur Philippus [* 8]. Et in Locis anno Christi M. D. XXIII, Argentorati editis [* 9] : Aristotelis doctrina est in universum quædam libido rixandi, ut eum inter paræneticæ philosophiæ scriptores ne postremo quidem locodignemur. Quid ad me quid senserit ille rixator ? inquit in iisdem Locis [* 10] Philippus. Quamquàm posteà Vertumnus iste stylum vertit, et maledicta in benedicta convertit [86]. Voyez la note [87].

(L) On aurait... raison de prétendre qu’il ne croyait pas la réalité. ] On a ouï dire à Peucer [88], 1° que Mélanchthon, son beau-père, ayant lu le dialogue d’Œcolampade de Cœnâ Domini, abandonna le sentiment de la manducation orale ; et qu’ensuite il triompha par l’argument de l’autorité des pères. Patribus doctrina Synusiastarum fuit ignota : Augustinus crassissimus fuit Zwinglianus, ergò, etc. ; 2°. qu’il ne croyait pas qu’on pût mourir avec plus de gloire que pour la doctrine de l’Eucharistie, et qu’il se plaignait de n’avoir pas plus de courage dans la profession ouverte de son sentiment. Ah utinàm possem esse fortior in confessione istius causæ, et alibi essem. Sed his moribus, his temporibus inter hos homines fieri id non potest, et habeo graves rationes mei consilii. Interim dico sententiam meam ubi video opus esse ; 3°. qu’en 1544, il s’expliqua librement à un Hongrois qui lui demandait sa pensée sur l’Eucharistie, et que la chose ayant été rapportée à Luther, et à Poméranus, celui-ci adressa un jour au peuple cette apostrophe dans un sermon : Mes très-chers frères, l’église court un grand péril, priez le Dieu tout-puissant pour quelques grands personnages qui sont tombés dans l’erreur ; 4°. que Mélanchthon, ayant compris que cela le regardait, ne put tenir sa colère, et sortit du temple à la vue de toute la compagnie ; qu’il rapporta à Cruciger cette affaire : et qu’ils conclurent de se retirer de Wittemberg ; ce qu’ils auraient exécuté, si Luther n’eût été caution corps pour corps que la cour de Saxe ne leur ferait aucun mal à ce sujet ; 5°. que Mélanchthon avait vécu sous une dure servitude à Wittemberg, et qu’il courut risque trois fois d’être mis dans une prison [89] ; 6°. qu’il désapprouvait le concordat de l’année 1536, et la timidité que Bucer y avait eue d’accorder trop à Luther. Nec tacebat de concordiâ Wittembergicâ inter Lutherum et Bucerum anno 1536 initâ. Melanchthonem aiebat Bucerum sæpè hortatum fuisse ne tantùm Luthero largiretur, sed Bucerum fuisse timidum, circumseptum ab inimicis. Reliquos etiam superioris Germaniæ Theologos nimis fracto et demisso animo fuisse. Voilà les discours que Peucer tint à Scultet, qui était allé le voir à Dessau, l’an 1589.

Mais, si l’on veut être assuré de la bonne foi de ce rapporteur, on n’a qu’à lire les ouvrages mêmes de Peucer [90], et nommément celui qui fut imprimé l’an 1596, par les soins de Quirin Reutérus, et qui a pour titre, Tractatus historicus de clarissimi Viri Philippi Melanchthonis Sententiâ de Controversiâ Cœnæ Domini, à D. Casparo Peucero antè plures annos scriptus, sed jam primùm separatim boni publici ergò excusus : Cum Appendice selectarum Epistolarum et Judiciorum aliquot Philippi, aliorumque præstantium Virorum de eâdem materiâ. Hospinien [91] vous prouvera amplement que Mélanchthon se désabusa du luthéranisme à l’égard de la présence réelle, quoique la crainte de l’oppression ne lui permît pas de parler ouvertement. Il a recueilli bien des preuves de cette crainte [92]. L’illustre Mélanchthon, menacé du bannissement, témoignait enfin le souhaiter comme une espèce de délivrance [93]. « Il ne savait point d’autre remède à ses maux, que celui de la fuite ; et son gendre Peucer [* 11] nous apprend qu’il y était résolu. Il écrit lui-même [* 12] que Luther s’emporta si violemment contre lui, sur une lettre reçue de Bucer, qu’il ne songeait qu’à se retirer éternellement de sa présence. Il vivait dans une telle contrainte avec Luther, et avec les chefs du parti, et on l’accablait tellement de travail et d’inquiétude, qu’il écrivit, n’en pouvant plus, à son ami Camérarius : Je suis, dit-il [* 13], en servitude comme dans l’antre du Cyclope ; car je ne puis vous déguiser mes sentimens, et je pense souvent à m’enfuir. Luther n’était pas le seul qui le violentait : chacun est maître à certains momens parmi ceux qui se sont soustraits à l’autorité légitime, et le plus modéré est toujours le plus captif [94]. » Notez que ce passage de M. de Meaux ne regarde pas la contrainte où était Luther à l’égard de sa doctrine sur la Cène.

(M) Saint-Romuald assure qu’on brûla son corps à Munich. ] « Philippe Mélanchthon, natif de Bresse [95] en Allemagne, mourut à Wittemberg, âgé de soixante-trois ans, et un peu plus : c’était le compagnon individu de Martin Luther. Il fut inhumé comme lui assez honorablement par des gens de leur farine : mais à quelque temps de là [* 14] les catholiques déterrèrent son corps et le firent brûler avec grand zèle à Munich ; et parce que cependant le feu se mit au château, et que les lions en échappèrent, non sans beaucoup de danger pour les habitans de la ville, le Plessis Mornai en a pris occasion de s’écrier, Justa Domini judicia. C’est dans une lettre qu’il écrivit au sieur Languet Bourguignon [96]. » Ce bon feuillant ne cite personne, et il marque l’an 1597 : bonne preuve de son ignorance : car Languet mourut l’an 1581.

(N) M. Varillas a public des mensonges si étranges. ] « On ne parla pas moins diversement de la fin de Mélanchthon, mort presque en même temps à l’âge de soixante-trois ans et trois jours [97]. Sa mère qui l’assistait à la mort l’ayant conjuré de lui dire laquelle des religions était la meilleure, il lui répondit que les nouvelles étaient à la vérité plus plausibles, mais que la cathodique était la plus sûre. Ce qu’il y eut néanmoins de plus surprenant en lui fut que son inconstance sur le fait de la religion ne l’empêcha pas de témoigner une très-grande fermeté dans la mauvaise fortune. Il avait employé toute sa vie à l’étude, et semblait n’être pas capable d’un autre travail. Il subsistait avec sa femme et plusieurs filles [98] qu’il avait, des gages qu’il recevait de l’électeur Jean-Frédéric de Saxe, en qualité de professeur en théologie dans l’université de Wittemberg. Ces gages ne suffisaient précisément que pour entretenir la famille de Mélanchthon, qui les touchant par quartiers à point nommé, ne se mettait pas beaucoup en peine de l’avenir, parce qu’il supposait que cette source serait inépuisable à son égard. Cependant il arriva, comme on a vu dans le XVIe. livre de cette histoire, que l’électeur de Saxe perdit ses états et sa liberté, et l’on cessa de payer les gages de Mélanchthon. Ce qu’il avait de meubles était de si petite valeur, qu’il ne lui aida pas longtemps à vivre ; et il se vit en peu de mois réduit à la nécessité de mendier ou d’importuner ses amis, dont il n’y avait aucun qui n’eût fait de considérables pertes dans la révolution générale de la Saxe. L’une et l’autre de ces deux extrémités lui déplurent également ; et il aima mieux gagner sa vie à la sueur de son corps en passant dans une profession éloignée de la sienne. Il se loua à un brasseur de bière, et travailla trois ans entiers dans la brasserie, jusqu’à ce que le duc Maurice, mis en possession de l’électorat de Saxe, rétablit l’université de Wittemberg, et les appointemens de Mélanchthon [99]. » Notez que la mère de Mélanchthon mourut l’an 1529 : pouvait-elle donc faire des demandes l’an 1560 ? Voyez ci-dessus dans la remarque (E) [100] ce que j’ai dit contre Florimond de Rémond. Je ne m’amuse point à prouver qu’il ne se loua jamais à un brasseur : c’est une fable dont on peut connaître la fausseté par l’inspection seule du cours de la vie de ce savant personnage. Disons en passant que ceux qui content qu’en 1524 Luther retira Mélanchthon de la boutique d’un boulanger [101] où il s’était mis apprentif pour commencer à gagner sa vie [102] à la sueur de son visage, se trompent grossièrement.

Pour ne pas séparer les fautes de Varillas, j’ai renvoyé à cet endroit-ci la narration qu’il a donnée du dessein de François Ier., par rapport à Mélanchthon. Il suppose que la sœur [103] et la maîtresse [104] de ce prince intriguèrent extrêmement pour introduire la nouvelle religion dans le royaume [105] ; et que, n’ayant pu faire réussir la tentative fondée sur une prédication du curé de Saint-Eustache, elles employèrent une autre ruse, qui fut de persuader au roi de gagner les protestans d’Allemagne ; ce qui lui serait très-avantageux pour résister à la trop grande puissance de Charles Quint : on lui représenta donc que rien ne serait plus propre à les gagner, que de faire paraître un grand désir de conférer avec Mélanchthon [106]. La première démarche de ce prince fut l’ordre que reçut Languei, qui avait connu ce théologien en Saxe, de le sonder s’il était d’humeur à changer sa chaire de théologie dans l’université de Wittemberg, qui ne lui rapportait que deux cents écus par an, en une chaire de professeur royal dans l’université de Paris, à douze cents écus d’appointement [107]. La seconde démarche fut de charger Langei de faire des offices particuliers à la cour de Saxe, pour obtenir la permission que Mélanchthon demandait, et d’une lettre pour ce fameux théologien, signée de la propre main du roi...... L’électeur de Saxe n’eut pas plus tôt appris que le roi très-chrétien lui demandait Mélanchthon, qu’il s’imagina qu’il ne tenait plus qu’à cela que toute la France ne devint luthérienne..... Il ne délibéra pas un instant sur la demande qu’on lui faisait, et il ne se contenta pas de céder un homme dont il croyait avoir encore beaucoup affaire. Il l’exhorta de plus à se mettre promptement en chemin. Mais Luther qui ne pouvait se passer de Mélanchthon, le retint long-temps sous prétexte de concerter, ou pour mieux dire de polir avec lui son dernier ouvrage contre les anabaptistes [108]. Mélanchthon fit une réponse civile à François Ier., et la conclut par une excuse de ce qu’il n’était pas parti au moment que l’électeur son maître le lui avait permis [109]. Le cardinal de Tournon eut le courage de s’opposer à l’intrigue de la reine de Navarre et de la duchesse d’Étampes [110]. Il fit un discours que François Ier. goûta ; mais la vertu que ce prince affectait davantage était de garder sa parole, et il présupposait que l’on trouverait d’autant plus étrange qu’il la violait à l’égard de Mélanchthon, que ce théologien ne s’était point ingéré de lui-même de venir à Paris, et qu’il n’y avait consenti qu’après avoir été recherché par les voies honorables. Il n’y eut donc rien pour ce coup de résolu, et l’indifférence de sa majesté aurait apparemment été plus longue si les mêmes luthériens, qui lui avaient adroitement fait inspirer le désir de voir Mélanchthon, ne le lui eussent ôté par une action insolente qui les acheva de ruiner dans son esprit [111]. Ils avaient déjà fait afficher des placards à la porte de son cabinet, qui l’avaient mis dans une grande colère ; mais il fut offensé beaucoup davantage par les billets imprimés qu’ils firent couler dans la nef dont on le servait à table par le moyen de Ferret, valet de son apothicaire. On soupçonnait qu’ils étaient de la composition de Farel.… La lecture de ces billets acheva de produire l’effet que le cardinal de Tournon avait commencé, et Mélanchthon fut contremandé. Les semeurs de billets furent recherchés, et l’on publia un édit très-sévère que le cardinal chancelier Duprat avait dressé contre les luthériens. Il y eut le 29 de janvier 1535 une procession solemnelle, où le roi assista à pied, tête nue et le cierge à la main [112].

Il y a bien des faussetés dans ce récit, 1°. Je demanderai caution, avant que de croire sur l’autorité de Varillas [113], que la duchesse d’Étampes se mêla, pour l’amour des protestans, entre autres intrigues, de celle du voyage de Mélanchthon ; et que l’on offrait à celui-ci une chaire de professeur royal. 2°. Il paraît par la lettre du roi à Mélanchthon, que celui qui la porta se nommait la Fosse. On ne la donna point au sieur de Langei. 3°. L’électeur de Saxe crut si peu que le voyage de Mélanchthon rendrait luthérienne toute la France, que l’une des raisons pourquoi il n’y voulut pas consentir, fut qu’il le jugea plus nuisible que profitable aux progrès de la réforme. Cela paraît par l’original des Lettres qu’il écrivit sur ce sujet [114]. 4°. Tant s’en faut que sans délibérer un moment, il ait accordé à Mélanchthon la liberté nécessaire, et que de plus il l’ait exhorté à se mettre promptement en chemin, qu’au contraire il ne se laissa fléchir, ni par les prières de ce professeur, ni par celles de Luther, ni par les offices de l’ambassadeur de France [115]. Il écrivit ses excuses à François Ier., le 28 août 1535 [116]. L’ambassadeur s’occupait encore à solliciter, et le faisait vainement au mois de décembre de la même année [117]. 5°. Luther ne retint pas long-temps Mélanchthon ; car au contraire il fit des instances réitérées à la cour de Saxe pour ce voyage. Extant Lutheri ad electorem litteræ d. 17 Aug. datæ tom. vi. fol. 491, in quibus repetitis et enixissimis precibus contendit ut Philippus ad tres menses dimittatur. [118]. 6°. C’est une audace effroyable que dire que Mélanchthon, dans la lettre au roi, concluait par une excuse de ce qu’il n’était pas parti au moment que l’électeur son maître le lui avait permis. Il n’y a rien de tel dans sa lettre, et n’eût pu parler sans mentir de la permission de son maître. 7°. Le temps des placards ne devait pas être distingué de celui où l’on fit couler des billets dans la nef de François Ier. ; et en tout cas, si l’on voulait faire là une distinction, il eût fallu que les billets précédassent les placards. En effet, Florimond de Rémond, dont Varillas n’a été ici que le paraphraste, suppose que les hérétiques n’affichèrent des placards [119], qu’après avoir semé çà et là plusieurs livres,...... fait jeter dans le cabinet du roi leurs articles de foi par le moyen d’un valet de son apothicaire nommé Ferret, voire même des petits billets dans la nef dont on le servait à table [120]. 8°. Ce qui fut dit de plus fort contre la messe et contre les prêtres n’était pas dans ces billets, mais dans les placards [121]. 9°. On ne saurait donner de preuve que François Ier. ait contremandé Melanchthon : il le demandait encore au mois de décembre 1535, après la lettre qu’il avait reçue de l’électeur de Saxe, pleine d’excuses de ce que l’on n’accordait pas à ce docteur la permission d’aller en France. Il est donc très-vraisemblable qu’il ne fut jamais nécessaire que François Ier. le contremandât. 10°. Il est très-certain que les placards ne l’y engagèrent point ; car ils furent affichés au mois de novembre 1534. Le roi fit punir cette hardiesse, et expier cet outrage du Saint-Sacrement au mois de janvier suivant ; et il écrivit à Mélanchthon cinq mois après. Peut-on assez admirer la négligence de M. Varillas ? Il a donné le précis de la lettre que François Ier. écrivit à Mélanchthon : il a pu voir qu’elle est datée du 28 de juin 1535. Il a dit [122] que la procession expiatoire des placards se fit le 29 de janvier 1535 [123] ; et néanmoins il assure que le sujet de la procession fut cause que le théologien allemand reçut un contre-ordre.

S’il se plaignait que son Histoire de l’Hérésie eût été prise pour un roman, il ne serait guère mieux fondé que la Calprenède, qui a trouvé fort mauvais que sa Cassandre et sa Cléopâtre n’aient pas été considérées comme des histoires. Je dirai même pour l’honneur de ces ouvrages, dit-il [124], qu’on ne leur a pas rendu justice dans le nom qu’on leur a donné, quoique peut-être ils aient été assez agréablement reçus dans le monde, et qu’au lieu de les appeler des romans, comme les Amadis et autres semblables, dans lesquels il n’y a ni vérité, ni vraisemblance, ni charte, ni chronologie, on les pourrait regarder comme des histoires embellies de quelques inventions, et qui par ces ornemens ne perdent peut-être rien de leur beauté. En effet je peux dire avec raison, que dans la Cassandre, ni dans la Cléopâtre, non-seulement il n’y a rien contre la vérité, quoiqu’il y ait des choses au delà de la vérité ; mais qu’il n’y a aucun endroit dans lequel on me puisse convaincre de mensonge, et que par toutes les circonstances de l’histoire, je ne puisse soutenir pour véritable quand il me plaira. Aussi s’est-il trouvé plusieurs personnes intelligentes qui en ont fait le même jugement, et qui m’ont regardé comme un homme mieux instruit des affaires de la cour d’Auguste, et de celle d’Alexandre, que ceux qui ont écrit simplement leur histoire. C’est une insigne gasconnade, et il y a bien peu de choses plus romanesques que celle-là dans les ouvrages de cet auteur. Cependant j’ose répéter que M. Varillas ne ferait point de semblables plaintes avec beaucoup plus de justice. Au reste, il y a sujet d’être surpris que tant d’écrivains français fassent le sophisme à non causâ pro causâ, en parlant de cette affaire de Mélanchthon. Ils prétendent que les affiches des protestans empêchèrent son voyage ; et néanmoins il est sûr que, par accident, elles furent cause qu’on voulut le faire venir. Quelque blâmables qu’ils soient, ils le sont moins que le jésuite Sandæus [125], qui a osé révoquer en doute ce que M. de Thou rapporte que François Ier. écrivit à Mélanchthon, etc. Consultez M. Crénius, qui réfute solidement l’audace de cet écrivain, et son injuste mépris pour Mélanchthon [126].

(O) Il prit quelquefois un faux nom à la tête de ses livres. ] Il se nomma Didymus Faventinus dans la réponse qu’il fit, en 1520, à une harangue que Thomas Rhadinus, dominicain et professeur en théologie à Rome, avait publiée contre Luther. Vous trouverez un abrégé de cette réponse dans M. de Seckendorf [127] ; mais, sous prétexte que l’auteur déclame très-vivement contre les erreurs des scolastiques, n’allez pas croire que j’ai eu tort de soutenir qu’il ne désapprouvait point la philosophie d’Aristote. Pour bien connaître les sentimens d’un écrivain, il ne faut pas qu’on s’arrête à ce qu’il dit dans une invective opposée à une invective : il faut les prendre dans ses écrits didactiques, ou dans ses lettres, ou en général dans des ouvrages qui ne sentent pas la déclamation. Chacun sait combien on s’échauffe, et combien l’on outre les choses dans les harangues. Après tout, de ce qu’on censure très-fortement les inutilités dangereuses dont les scolastiques ont chargé la philosophie, il ne s’ensuit pas que l’on condamne celle d’Aristote. M. Placcius ayant observé [128] qu’Hoornbeek donne à Mélanchthon la version grecque de la Confession d’Augsbourg, qui a paru sous le nom de Paul Dolscius [129], a cru que l’Ecclésiastique et les Psaumes traduits en vers grecs sont l’ouvrage de Mélanchthon, quoiqu’on y voie à la tête le nom de Paul Dolscius. Cette pensée de M. Placcius, adoptée par M. Teissier [130] et par M. Crénius [131], s’est trouvée fausse. M. Lysérus [132], conseiller ecclésiastique de S. A. E. monsieur le duc d’Hanovre, a prouvé que le Psautier, l’Ecclésiaste, l’Ecclésiastique, traduits en vers grecs, et la Confession d’Augsbourg mise en prose grecque, appartiennent effectivement à Paul Dolscius [133], dont elles portent le nom. Voyez la lettre qu’il a écrite à M. Crénius [134]. Notons une négligence de Melchior Adam. Il assure qu’en 1559 Mélanchthon écrivit en grec au patriarche de Constantinople, et lui envoya un exemplaire de la version grecque de la Confession d’Augsbourg [135], laquelle version, ajoute-t-il, avait été composée par Mélanchthon, quoiqu’elle eût été publiée sous le nom de Dolscius. Tout aussitôt il cite ceci : Mitto tibi interpretationem græcam Confessionis sinè meo consilio editam. Probo tamen phrasin, ac misi Constantinopolim [136]. Ces paroles sont de Mélanchthon, et montrent qu’il n’avait pas fait cet ouvrage. C’est pourquoi nous pouvons dire que Melchior Adam produit un témoin contre lui, en pensant prouver ce qu’il avait affirmé.

On prétend que Mélanchthon s’est quelquefois appelé Hippophilus Melangœus [137] : je n’ai rien vu de lui sous ce masque-là [* 15]

(P) Le cardinal Bembus demanda trois choses qui méritent d’être rapportées. ] Mélanchthon lui écrivit une lettre pour lui recommander George Sabinus qui allait voir l’Italie [138]. Le cardinal fit beaucoup de cas de cette recommandation ; il fit des honnêtetés à Sabinus, et le pria à dîner. Il lui demanda plusieurs choses pendant le repas, et nommément ces trois-ci : Quels sont les gages de Mélanchthon ? Quel est le nombre de ses auditeurs ? Quel est son sentiment sur l’autre vie et sur la résurrection ? Sabin répondit à la première demande, que les gages de Mélanchthon n’étaient que trois cents florins par an. Oh que l’Allemagne est ingrate, s’écria le cardinal, puisqu’elle achète à si bon marché tant de travaux d’un si grand homme ! La réponse à la seconde demande fut que Mélanchthon avait ordinairement 1500 auditeurs. Je ne le saurais croire, répliqua le cardinal, je ne connais dans toute l’Europe aucune académie, hormis celle de Paris, où l’auditoire d’un professeur soit si nombreux. Néanmoins Mélanchthon a eu souvent 2500 personnes à ses leçons. On répondit à la troisième demande, que les écrits de Mélanchthon témoignaient assez la plénitude de sa foi sur ces deux articles. J’aurais meilleure opinion de lui, répliqua le cardinal, s’il ne croyait point cela [139]. Je vous donne cette historiette comme je la trouve dans Melchior Adam.

  1. (*) Scaligérana.
  2. (*) Voyez Morus, l. 2 de Miss. ; François des Montagnes, en la Vérité défendue.
  3. (*) Epist. Francisc. Reg. ad Phil. Melanc., apud Flor. Rœm., l. 7, c. 4.
  4. (*) To. 1 Enarrat. Evangel., pag. 358.
  5. * Joly observe que Bayle était dans les mêmes sentimens quand il a écrit la remarque (D) de l’article Xénophanes, tom. XIV ; mais qu’il dit le contraire dans la remarque (K) de l’article Périclès, tom. XI.
  6. (*) Melanchth., tom. 3, Declamat.
  7. * Joly, dans ses remarques sur l’article Aristote, a ajouté des preuves de ce que dit Bayle des sentimens de Mélanchthon pour Aristote.
  8. (*) Philipp. in Apolog. pro Luth. et in Ludo contrà Parisiens.
  9. (*) Tit. de peccato.
  10. (*) Tit. de lege.
  11. (*) Peuc., Ep. ad Vit. Theo. Hosp. p. 2, f. 193 et seq.
  12. (*) Mel., lib. IV, ep. 315.
  13. (*) Lib. IV, 255.
  14. (*) L’an 1597.
  15. * Schelhorn, dans le tome VII de ses Amœnitates lit. pag. 109, dit que, dans l’Index Librorum prohibitorum, on voit un Hippophili Melangæi theologiæ compendium, et ajoute qu’il conjecture que sous ce même nom, Mélanchthon a publié des Lieux Communs. Joly, qui cite Schelhorn. rapporte qu’en effet, dans le Catalogue des livres censuré par la faculté de théologie de Paris, 1549, in-24, outre le Theologiæ Compendium, on voit un Commentaire de Mélanchthon sur saint Matthieu, imprimé sous le nom d’Hippophilus Melangæus. Ces deux ouvrages sont encore dans l’Index librorum prohibitorum ac expurgandorum novissimus pro universis Hispaniarum regnis, Madrid, 1747. in-folio, et dans l’Index librorum prohibitorum Innocentii XI pontificis maximi jussu editus, Rome, de l’imprimerie de la chambre apostolique, 1681, in-8°. Il est vrai que dans aucun de ces Index on n’indique le format ni la date de ces ouvrages ; mais l’infaillibilité papale ne permet pas de douter de leur existence. Joly dit que dans les tomes XII et XIV des Aménités littéraires, de Schelhorn, on trouve quelques lettres de Mélanchthon qui n’avaient pas encore été imprimées.
  1. Ce mot signifie Terre noire. C’est pourquoi Reuchlin donna à notre Philippe le nom Mélanchthon, qui en grec signifie la même chose que Schwartserdt, en allemand.
  2. Melch. Adam., in Vit. Philos., p. 184.
  3. Joach. Camerarius, in Vitâ Philipp. Melanchth., pag. m. 3.
  4. Idem, ibidem, pag. 2 et 3.
  5. Idem, ibidem.
  6. Mater vidua mansit annis totis 12 : posteà cum Philippum duxisse uxorem audiisset, non sinè quâdam offensiunculâ, nupsit iterùm viro honestissimo civi Brettano. Idem, ibidem, p. 5.
  7. Melch. Adam., in Vit. Theol., pag. 328.
  8. Camerarius, in Vit. Melanchthonis, p. 4.
  9. Melch. Adam., in Vitis Philosoph., pag. 184.
  10. Camerarius, in Vitâ Melanchth., p. 8.
  11. Maimbourg, Hist. du Luthéranisne, liv. II, pag. 181, édition de Hollande.
  12. Camerarius, in Vitâ Melanchthonis, pag. 9.
  13. Melch. Adam., in Vitis Philosoph., pag. 185.
  14. Idem, ibidem, pag. 186.
  15. Teissier, Additions aux Éloges, tom. I, pag. 188.
  16. Melch. Adam., in Vitis Theolog., p. 331.
  17. Idem, ibidem.
  18. Idem, ibidem, pag. 332.
  19. Privatim ac publicè cum magnâ laude et admiratione ducuit (Tubingæ) et scripta quædam ceu primos fœtus ex quibus satis apparuit qui proventus in posterum expectandi forent, in lucem edidit. Melch. Adam, in Vitis Philos., pag. 186.
  20. Erasmus, Paraphr. in I Thess., cap. II, apud Joh. Jac. Crynæum, Epist select., pag. 302.
  21. Ballet, Enfans célèbres, art. XL.
  22. Camerar., in Vitâ Melanchth., pag. 16. Voyez aussi Melchior Adam., in Vitis Philos., pag. 186, 187.
  23. Camerar., in Vitâ Melanchth., pag. 15.
  24. Melch. Adam., in Vitis Philosophor., pag. 185.
  25. Idem, ibidem, pag. 195.
  26. Idem, ibidem, pag. 196.
  27. Voyez la Suite du Préservatif contre le Changement de Religion, pag. 173, édit de la Haye, 1683.
  28. Melch. Adam., in Vitis Theologorum, pag. 333.
  29. Florimond de Rémond, Histoire de la Naissance et Progrès de l’Hérésie, liv. II, chap. IX, pag. m. 186, 187.
  30. Maimbourg, Histoire du Calvinisme, liv. I, pag. 25, à l’ann. 1534.
  31. Là même, pag. 29.
  32. Bèze, Hist. ecclésiast., liv. I, p. 15, 16.
  33. Camerar., in Vitâ Melanchth., p. 144.
  34. Nommé Barnabas Voré, sieur de la Fosse.
  35. Camerarius, in Vitâ Melanchthon., pag. 146.
  36. Idem, ibidem, pag. 151.
  37. Elle est la XXIXe. du Ier. livre parmi les Lettres de Mélanchthon.
  38. Cette lettre est la XXXe. du Ier. livre de celles de Mélanchthon.
  39. Camerar., in Vitâ Melanchth., pag. 153.
  40. Idem, ibidem, pag. 151.
  41. Luther., tom. VI, folio 491, apud Seckend., Hist. Lutheran., lib. III, pag. 107.
  42. Voyez Seckendorf, ibid., pag. 109.
  43. Seckendorf, ubi suprà, pag. 110.
  44. Idem, ibidem.
  45. Mézerai, Abrégé chronol., tom. VI, p. m. 407, 408.
  46. Ce ne fut point lui qui porta la lettre du roi.
  47. Dans la remarque (N).
  48. Seckendorf, Hist. Luther., lib. III, pag. 108.
  49. C’est la Xe. du XXVIIe. livre, parmi les Lettres d’Érasme, pag. 1510.
  50. Melch. Adam., in Vitis Philosophorum, pag. 202.
  51. Discedes à peccatis, liberaberis ab ærumnis et à rabie theologorum. Idem, ibidem.
  52. Idem, ibidem,
  53. Virgil., Georg., lib. II, vs. 456.
  54. Dans la remarque (L).
  55. Melch. Adam., in Vit. Theol, p. 357.
  56. Melch. Adam., in Vit. Philos., p. 227.
  57. Camerar., in Vitâ Melanchth., p. 206.
  58. Idem, ibidem, pag. 207.
  59. Melch. Adam., in Vitis Philosoph., pag. 227.
  60. Camerar., in Vitâ Melanchth., p. 208.
  61. Voyez ce qu’il écrivit à Camérarius, apud Melchior. Adam. in Vitis Theologorum, pag. 358.
  62. Idem, ibidem.
  63. Camerar., in Vitâ Melanchth., p 377.
  64. Melch. Adam, in Vit. Medicor., pag. 377.
  65. Melch. Adam., in Vitis Philosophorum, pag. 198.
  66. Camerarius, in Vitâ Melanchthon., pag. 207.
  67. Florimond de Rémond, Histoire de l’Hérésie, lib. II, chap. IX, pag. 181.
  68. Virgil., Æneid., lib. I, vs. 588.
  69. Nanquàm ita quisquam benè subductâ ratione ad vitam fuit.
    Quin res, ætas, usus, semper aliquid apportet novi,
    Aliquid moneat : ut illa, quæ te scire credas, nescias,
    Et quæ tibi putâris prima, in experiundo ut repudies.
    Quod mihi event nunc...........
    Terentius, Adelph., act. V, sc. IV, initio.

  70. Consultez les passages cités par M. de Meaux, Histoire des Variations, liv. II, num. 44, liv. IV, num. 2, liv. V, num. 33.
  71. Mélanchthon, apud Melchior. Adamum, in Vitis Theolog., pag. 357.
  72. Voyez l’article Alciat (Jean-Paul), tom. I, pag. 392, à la remarque (E).
  73. Cicero, academ. Quæstionum lib. II, cap. III.
  74. Dans la remarque (X) de l’article Aristote, tom. II, pag. 370.
  75. À la fin de cette remarque.
  76. Melanchthon., epist. ad Leonhardum Eccium. C’est la CXVIe. du Ier. livre, pag. m. 165.
  77. Joh. Caramuel, Theolog. Rational., tom. II, pag. 42, edit. Francof., 1654, in-folio.
  78. Jacob. Gretser., Inaugur. Doctor., pag. 60, 61.
  79. Rapin, Réflexions sur la Philosophie, pag. m. 451.
  80. Georg. Hornius, Histor. Philosoph., lib. VI, cap. IX, pag. 315.
  81. Le jésuite Crésolius est de ceux-là Voyez Morhot., Poly, hist., pag. 7 et 8.
  82. Voyez ci-dessus, dans la remarque (P), ce que Sabin répondit au cardinal Bembus.
  83. Konig, Biblioth., pag. 527. Voyez, ci-dessous, citation (85).
  84. Melch. Adam., in Vitis Philos., p. 190.
  85. Idem, in Vitis Theolog., pag. 355.
  86. Jacob. Gretser., Inaugur. Doctor., p. 45.
  87. On peut confirmer ceci par ces paroles d’Érasme, Epist. ad Fratres Germaniæ inferioris, pag. m. 2127. Nonne Melanchthon aliquandò damnavit scholas publicas ? Nunc hic dicit, maneant scholæ quæ bonæ sunt, vitia corrigantur.
  88. Abrah. Scultetus, Narrat. apologet., p. 20 et sequentibus.
  89. A Johanne Friderico electore ter illi decretum fuisse carcerem. Abrah. Scultetus, Narratione apologelicâ, pag. 20.
  90. Comme l’Historia Carcerum, et la préface du Traité de præcipuis Divinationum generibus.
  91. Voyez son IIe. volume Historiæ Sacramentariæ, pag. 234 et passim alibi. Consultez aussi M. de Meaux, Histoire des Variations, liv. VIII, num. 39.
  92. Voyez nommément la page 428 et suiv. Hist. Sacrament., tom. II.
  93. Hospin, ibidem, pag. 430.
  94. M. de Meaux, Histoire des Variations liv. V, num. 16.
  95. Il fallait dire Bretten.
  96. Pierre de Saint-Romuald, Abrégé chron., tom. III, pag. m. 328, à l’ann. 1560.
  97. Il fallait dire soixante trois jours.
  98. Il n’en avait que deux.
  99. Varillas, Histoire de l’Hérésie, tom. V, liv. XXIV, pag. 2279, édition de Hollande.
  100. Citation (29).
  101. Florimond de Rémond, Hist. de l’Hérésie, liv. I, chap. LI, pag. 95.
  102. Là même, liv. II, chap. II, pag. 126.
  103. Marguerite, reine de Navarre.
  104. La duchesse d’Étampes.
  105. Varillas, Histoire de l’Hérésie, tom. II, liv. X, pag. 312.
  106. Là même, pag. 317, 319.
  107. Là même, pag. 321.
  108. Là même, pag. 322.
  109. Là même, pag. 323.
  110. Là même, pag. 324.
  111. Là même, pag. 325.
  112. Varillas, Histoire de l’Hérésie, tom. II, liv. X, pag. 326.
  113. Notez que Florimond de Rémond, liv. VII, chap. III, dit la même chose ; mais cette caution en demande une autre.
  114. Voyez Secbendorf, Histor. Lutheranismi, lib. III, pag. 109, 110.
  115. Seckendorf, ibidem, pag. 107.
  116. Ibidem, pag. 110.
  117. Ibidem.
  118. Idem, ibidem, pag. 107.
  119. Florimond de Rémond, Histoire de l’Hérésie, liv. VII, chap. V, pag. 859.
  120. Varillas attribue cela à ce valet ; il ne copie donc pas bien son original.
  121. Florimond de Rémond, Histoire de l’Hérésie, liv. VII, chap. V, pag. 859.
  122. Varillas, Histoire de l’Hérésie, tom. II, liv. X, pag. 326.
  123. Notez que c’est en commençant l’année au mois de janvier.
  124. La Calprenede, préface de Pharamond.
  125. Maximil. Sandæus, in Pædiâ Academici Christani, commentat. VII, pag. 250, edit. Colon., 1638, in-8°., apud Crenium, ubi infrà.
  126. Crenius, Animadv. Philolog. et Histor., part. II, pag. 24 et seq.
  127. Seckend., Hist. Lutheran., lib. I, pag. 108 et seq.
  128. Placcius, de Pseudonymis, pag. 185, 186.
  129. Hoornbeek, Summa Controv., lib. II, pag. 979, edit. 2.
  130. Teissier, Addit. aux Éloges, tom. I, pag. 192.
  131. Crenius, Animadv. Philolog. et Hist., part. II, pag. 23.
  132. Arrière-petit-fils de Polycarpe Lysérus, tom. IX. pag. 272, dont j’ai donné l’article.
  133. Il a été recteur du collége de Hall en Saxe, et puis médecin, et enfin bourgmestre de la même ville. Il mourut l’an 1589.
  134. Elle est à la fin de la IIIe. partie des Animadversiones de M. Crenius.
  135. Melch. Adam., in Vit. Theolog., pag. 351.
  136. Melanchth., epist. ad Bordingum, apud Melchior. Adamum, ibidem.
  137. Voyez Moréri, au mot Mélanchthon, et M. Baillet, dans la Liste des Auteurs déguisés.
  138. M. Adam., in Vit. Theol., pag. 360.
  139. Haberem virum prudentiorem si hoc non crederet. Idem, ibidem.
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