Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Andrinople


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ANDRINOPLE, ville de Thrace. Elle doit son nom à la folie de l’empereur Hadrien. M. Moréri touche cela, et y met un grand désordre (A). Quelques-uns ont dit que cette ville fut fondée par Oreste, et qu’elle en porta le nom (B). Elle fut aussi nommée Uscudama [a]. Les deux vers latins, que M. Moréri a cités, ne sont propres qu’à le convaincre qu’il écrivait sans nulle attention (C). Je ne touche point aux autres choses qu’il dit d’Andrinople ; le lecteur y pourra avoir recours.

  1. Voyez la remarque (C).

(A) En parlant du nom de cette ville, M. Moréri commet un grand désordre. ] Rapportons ses propres paroles : Quelques auteurs païens disent que ce prince y ayant été guéri de son hydropisie, en invoquant le furieux Oreste, se fit un plaisir de travailler à l’embellissement de cette ville. Ces auteurs païens ne sont point les deux que Moréri cite, Spartien et Ammien Marcellin, et je serais fort trompé s’il ne les fallait pas réduire au seul Ælius Lampridius. Or, voyons un peu comment ce dernier s’exprime : Et Orestam quidem urbem Adrianus suo nomini vindicari jussit : eo tempore quo furore cœperat laborare, ut ex responso quùm ei dictum esset ut in furiosi alicujus domum vel nomen irreperet. Nam ex eo emollitam insaniam ferunt per quam multos senatores occidi jusserat[1]. En comparant ces paroles avec celles de M. Moréri, on trouve trois ou quatre grosses fautes dans ce dernier. 1°. Il est faux qu’Hadrien ait été guéri dans la ville d’Andrinople. 2°. Il est faux que la maladie dont il est ici question ait été l’hydropisie. 3°. Il est faux que sa guérison soit venue de l’invocation d’Oreste. 4°. Il est faux que depuis sa guérison il se soit plu à embellir cette ville. Lampridius ne dit autre chose sinon qu’Adrien devenu furieux fit donner son nom à Oresta, pour obéir à un oracle, qui lui avait conseillé de se saisir de la maison ou du nom de quelque furieux, ce qui, dit-on, apaisa les accès de sa manie.

(B) On a dit qu’elle fut fondée par Oreste, et qu’elle en porta le nom. ] Lampridius sera mon unique témoin. Et Orestam quidem ferunt, dit-il[2], non unum simulachrum Dianæ, nec uno in loco posuisse, sed multa in multis. Postenquàm se apud tria flumina circa Hebrum ex responso purificavit, etiam Orestam condidit civitatem, quam sæpè cruentari hominum sanguine necesse est. Et Orestam quidem urbem Adrianus suo nomini vindicari jussit, etc. J’ai rapporté ce passage tout du long afin de faire connaître de quelle ville d’Andrinople il s’agit ici. L’empereur Hadrien fit porter son nom à plusieurs villes très-éloignées les unes des autres[3] ; mais Lampridius ne nous laisse pas douter qu’il n’ait eu en vue celle de Thrace, et qu’il n’ait voulu dire qu’Oreste la fonda où l’Hèbre reçoit deux autres rivières. Notez que Pinedo impute à Lampridius d’avoir débité qu’Héliogabale bâtit une ville proche de l’Hébre, et qu’il la nomma Oresta, et qu’ensuite Hadrien lui donna son nom[4]. Voilà des effets assez ordinaires de la distraction d’esprit : les plus habiles écrivains y sont sujets.

(C) Les vers que Moréri cite à son sujet prouvent qu’il écrivait sans nulle attention. ] Voici ses paroles : « On dit qu’elle fut premièrement bâtie par Oreste, qui l’appela Oresta, de son non, qui lui fut depuis changé en celui d’Uscade où d’Uscudama. »

 » Tandemque Uscudamæ mutato nomine prisco
 » Matricida suo de nomine dixit Orestam. »


Ces deux vers prouvent tout le contraire de ce à quoi M. Moréri les a destinés. Ils prouvent manifestement qu’Oreste trouva cette ville revêtue du nom d’Uscudama, et qu’il lui donna le sien à l’exclusion de celui-ci. Ammien Marcellin, cité au livre IV [5] par M. Moréri, nous apprend, au chapitre IV du XXVIIe. livre, qu’Andrinople avait eu le nom d’Uscudama : Post hanc Æmimontus Hadrianopolim habet, quæ dicebatur Uscudama.

  1. Lamprid., in Antonino Heliogabalo, pag. 809.
  2. Idem, ibid., pag. 809.
  3. Quùm titulos in operibus non amaret, multas civitates Adrianopolis appellavit, ut ipsam Carthaginem et Athenarum partem. Spartianus, in Adriano, cap. XX. Voyez le Trésor Géographique d’Ortelius.
  4. Pinedo, in Steph. Byzant., pag. 211, num. 48.
  5. Les XIII premiers livres de cet historien sont perdus.
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