Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/André 3


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ANDRÉ (Tobie), professeur en histoire et en langue grecque à Groningue, naquit à Braunfels, dans le comté de Solins, le 19 d’août 1604. Son père était ministre du comte de Solins-Braunfels, et inspecteur des églises qui dépendaient de ce comte. Sa mère était fille de Jean Piscator, fameux professeur en théologie à Herborn, dans le comté de Nassau. Il fit ses humanités à Herborn, et puis il étudia en philosophie, au même lieu, sous les auspices d’Alstedius, et de son oncle Piscator [a] ; après quoi, il s’en alla à Brême, et y séjourna sept ans (A). Il fut un des auditeurs les plus assidus du sieur Gérard de Neuville, médecin et philosophe ; et comme il aspirait à la charge d’enseigner publiquement, il s’y prépara par des leçons particulières qu’il fit en philosophie. Il retourna en son pays, l’an 1628 ; et, sans y faire beaucoup de séjour, il prit la route de Groningue, attiré par Henri Alting son bon patron. Il fit là pendant quelque temps des leçons particulières sur toutes les parties de la philosophie ; après quoi, Alting lui donna ses enfans à instruire ; et lorsqu’ils n’eurent plus besoin de précepteur, il lui fit avoir un semblable emploi auprès d’un prince palatin, ce qui dura trois ans, qu’il passa en partie à Leide, et en partie à la Haye, à la cour du prince d’Orange. Il fut appelé à Groningue, l’an 1634, pour succéder à Janus Gebhardus, qui avait exercé la profession en histoire et en langue grecque [b]. Il remplit ce poste avec une extrême application à ses fonctions, jusqu’à sa mort, qui arriva le 17 d’octobre 1676 [c]. Il avait été bibliothécaire de l’académie, et grand ami de M. Descartes (B) ; ce qu’il témoigna, et pendant la vie (C), et depuis la mort de cet illustre philosophe (D). Il fit des livres pour lui, comme on le verra dans les remarques. Il avait épousé la fille d’un Suédois [d], illustre entre autres endroits par la charité envers ceux qui souffraient pour la cause de l’Évangile.

  1. Fils du professeur en théologie.
  2. Ex Vitis professor. academiæ Groning., pag. 124.
  3. Witte, Diar. biograph.
  4. Louis de Geer.

(A) Il séjourna sept ans à Brême. ] Mon lecteur ferait fort mal de le croire, si l’auteur des Vies des professeurs de Groningue n’avait pas été plus exact dans ce calcul qu’à l’égard du temps que Tobie André fut à Herborn. C’est une chose étrange, qu’un correcteur d’imprimerie laisse passer de semblables fautes dans l’espace de cinq ou six lignes, lorsque les distractions de l’auteur l’ont empêché de les voir. Vous trouvez dans la vie de notre André, qu’il alla à Herborn, l’an ciↄ iↄ cxvii ; qu’il y étudia cinq ans dans les classes et un an en philosophie ; qu’il continua ces mêmes études à Brême, pendant sept ans ; et qu’après cela, ayant été faire un tour chez lui, il vint à Groningue, l’an ciↄ iↄ cxx viii. On n’a rien écrit en chiffres, les fautes étaient apparemment dans la copie. Paul Freher a copié cela fort bonnement[1] et n’y a point aperçu d’erreur de calcul.

(B) Il était grand ami de M. Descartes. ] Il le servit de bon cœur dans le procès de Martin Schoockius, professeur en philosophie à Groningue. Ce professeur se vit poursuivi par M. Descartes en réparation de calomnies atroces ; car il l’avait accusé publiquement d’athéisme. Quoique M. Descartes n’eût vu qu’une fois en sa vie notre André, il ne laissa point de lui recommander son affaire, l’ayant vu plein de bonne volonté en son endroit. M. de la Thuillerie, ambassadeur de France, et les amis de M. Descartes, agirent d’un côté : les ennemis que Voetius avait à Groningue agirent de l’autre[2] ; et par ce moyen M. Descartes obtint justice. Son accusateur le reconnut innocent [3] ; mais il en fut quitte pour cet aveu, ce qui était une indulgence scandaleuse et de très-mauvais exemple ; car si on lui avait fait subir la peine du talion, comme il en était très-digne, on aurait un peu réfréné l’audace de ces plumes séditieuses, qui accusent si facilement et si témérairement d’athéisme tant d’honnêtes gens. M. Descartes écrivit le 26 de mai 1645 au sieur Tobie André, pour le remercier en son particulier de ses bons offices, et pour le prier de présenter en son nom ses très-humbles actions de grâces aux juges. Voyant qu’on avait traité fort doucement son adversaire quoique punissable de la peine des calomniateurs... il ne laissa point de reconnaître que les juges lui avaient donné toute la satisfaction qu’il avait souhaité et qu’il pouvait légitimement prétendre. « Car, dit-il[4] aux magistrats d’Utrecht, les particuliers n’ont aucun droit de demander le sang ou l’honneur, ou les biens de leurs ennemis. C’est assez qu’on les mette hors d’intérêt autant qu’il est possible aux juges. Le reste ne les touche point : mais seulement le public. » Le texte de ma remarque m’obligeant de toute nécessité à parler des bons offices rendus à M. Descartes par Tobie André, j’ai cru que mon lecteur serait bien aise, sans changer de page, de savoir en gros l’issue de ce procès.

(C) Il témoigna son amitié pour M. Descartes pendant sa vie, etc. ] On en vient de voir une preuve. Ajoutons qu’il était le fauteur des disciples de M. Descartes, et qu’il lui attirait autant de sectateurs qu’il pouvait. Ce fut par ses conseils que Clauberge devint cartésien[5] ; et ce fut une conquête glorieuse et utile à tout le parti.

(D) .... et depuis la mort de cet illustre philosophe. ] Il prit la plume pour lui contre un professeur de Leide, nommé Revius et publia une vigoureuse réponse l’an 1653, intitulée Methodi Cartesianæ Assertio, opposita Jacobi Revii.... Præf. Methodi cartesianæ considerationi theologicæ. La IIe. partie de cette réponse parut l’année suivante. Il écrivit aussi l’an 1653, contre M. Regius, pour soutenir les remarques que M. Descartes avait faites sur un programme qui contenait une explication de l’esprit humain[6]. Il enseignait dans sa

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  1. Dans son Theatrum Virorum illustrium, pag. 1538.
  2. La condamnation de Schoockius retombait par contre-coup sur Voetius.
  3. Voyez la Vie de M. Descartes, par M. Baillet, tom. II, pag. 252, et seq. ad ann. 1645.
  4. Tom. III des Lettres, pag. 17. Voyez la Vie de Descartes, pag. 257.
  5. Clauberg. Epist. Dedicator. Logicæ.
  6. Le titre de cet écrit est : Brevis replicatio