Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Ada


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ADA, fille d’Hécatomne[a], et sœur d’Artémise, reine de Carie, épousa son propre frère Idriée, et régna avec lui dans la Carie, après la mort d’Artémise, qui ne survécut que deux ans à Mausole son mari[b]. Idriée régna sept ans (A), et mourut de maladie, sans laisser postérité. Sa veuve, ayant régné environ quatre ans, fut chassée du trône par Pexodare son cadet[c], qui, pour se maintenir dans l’usurpation, s’allia avec un seigneur persan nommé Orontobate, auquel il donna sa fille en mariage (B). Elle avait nom Ada, comme la reine détrônée, et avait pour mère Aphneïs, fille de Synnesis, roi de Cappadoce. Orontobate succéda à son beau-père dans le royaume, au bout de six ans, et défendit Halicarnasse contre Alexandre[d]. Les révolutions qui arrivèrent en ce temps-là furent favorables à Ada ; elle implora la protection de ce conquérant contre l’usurpateur, lui livra la ville d’Alinde qui était encore à elle, et lui promit de travailler à le rendre maître de plusieurs autres[e]. Alexandre lui fit un très-bon accueil, et la rétablit dans sa première autorité sur toute la Carie, lorsqu’il eut subjugué la ville d’Halicarnasse. Elle crut lui pouvoir marquer sa gratitude en lui envoyant toutes sortes de rafraîchissemens, confitures, pâtisseries, viandes délicates, avec les meilleurs cuisiniers qu’elle put trouver ; mais il lui répondit qu’il n’avait que faire de tout cela, et que Léonidas, son gouverneur, lui avait autrefois donné de plus excellens cuisiniers, en lui apprenant que, pour dîner avec appétit, il fallait se lever matin et se promener, et que, pour faire un souper délicieux, il fallait faire un sobre dîner[f].

  1. Strab., lib. XIV, pag. 452.
  2. Diodor. Sicul., lib. XVI. C’est de lui que je tire la durée des autres règnes.
  3. Strab. et Diod., ibid.
  4. Arrian. lib. I.
  5. Diodor. Sicul., lib. XVII ; Strab. lib. XIV.
  6. Plut. in Alexandr., pag. 677.

(A) Idriée régna sept ans. ] C’est Diodore de Sicile qui le dit[1]. M. Chevreau, qui a converti les années en mois[2], aurait eu peut-être plus de raison d’allonger le terme qu’il n’en a eu de l’accourcir ; car Idriée était encore vivant lorsque Isocrate fit sa philippique. Or, si l’on en croit Hermippus [3], il la fit peu avant sa mort et peu avant la mort de Philippe : il faudrait donc qu’Idriée eût vécu jusqu’à la 110e. olympiade, puisqu’Isocrate mourut peu de jours après la bataille de Chéronée, qui se donna l’an 2 de la 110e. olympiade, deux ans seulement avant la mort de Philippe. Comme donc le règne d’Idriée n’a commencé qu’environ l’an 3 de 107e. olympiade (car j’ai montré dans les remarques de l’article d’Artémise, que son mari Mausole, auquel elle survécut deux ans, ne mourut qu’à la fin de la 106e.), on n’a pas assez des sept années que Diodore lui donne. Je crois néanmoins sa chronologie plus certaine que celle d’Hermippus. Où est-ce qu’Hermippus placerait le règne d’Ada et celui de Pexodare, qui ont duré, l’un quatre ans et l’autre six, et qui ont précédé l’expédition d’Alexandre ?

(B) Il donna sa fille en mariage. ] M. de Valois a cru que Philippe, roi de Macédoine, demanda cette même fille de Pexodare pour Aridée son frère, et il a cité Plutarque[4]. Cet historien ne nous apprend pas si la fille de Pexodare, de laquelle il fait mention, s’appelait Ada ; mais on peut trés-bien l’inférer de ce qu’il dit qu’elle était l’aînée[5] ; car on sait d’ailleurs qu’Orontobate, ayant épousé une fille de Pexodare nommée Ada, se crut possesseur légitime du royaume de Carie. Jusque-là donc M. de Valois me semble très-bien fondé ; mais il n’a pas eu raison de dire que Philippe rechercha cette alliance pour Aridée son frère ; ce fut Pexodare qui la rechercha, et qui envoya pour cet effet un ambassadeur à Philippe. D’autre côté, Aridée n’était point le frère, mais le fils de Philippe. Plutarque le dit expressément. Il ajoute une chose qu’il n’est pas inutile de savoir pour mieux connaître les obliquités des cours. Les amis d’Alexandre l’alarmèrent sur les propositions de l’ambassadeur de Pexodare : ils lui mirent dans la tête que Philippe ne voulait avancer Aridée par un gros mariage qu’afin de le mettre plus en état de succéder au royaume. Alexandre, pour rompre ce coup, dépêcha un homme à Pexodare, afin de lui représenter qu’il devait plutôt jeter les yeux sur Alexandre que sur Aridée, qui était bâtard et presque fou. Pexodare ne balança point sur le choix ; mais Philippe ayant eu vent de ce manège censura vivement Alexandre, et lui dit qu’il serait bien lâche et bien indigne de lui succéder s’il se contentait de la fille d’un Carien, vassal d’un prince barbare. En même temps il exila tous les confidens de son fils, et écrivit aux Corinthiens de lui envoyer pieds et poings liés l’homme qu’Alexandre avait dépêché en Carie. C’était un comédien nommé Thessalus.

  1. Diodor. Sicul., lib. XVI.
  2. Chevreau, Histoire du Monde, tom. IV, pag. 33, édition de Hollande.
  3. Voyez le sommaire de cette Harangue
  4. Valesii Notæ in Harpocrat. pag. 99.
  5. Plut. in Alexandr. pag. 669.

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