Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, P

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PACCIN : Paquet. (Michel.) — Forme de pacsin. V. p. 261.

PAFFE : Souiller. (A. Pierre.) — Il faut lire soulier. C’est une abrév. de passif.

PAGE BLANCHE : Innocent. (Boutmy.)

PAILLASSE (manger sa) : Prier au pied de son lit. (Rigaud.)

PAILLOT : Paillasson. (Delvau.)

PAING : « Les sal’s mich’tons qu’ a pas de linge on les passe chez paings. » (Richepin.) — Selon M. Richepin, auquel je me suis adressé pour l’explication de ce terme, paing veut dire poing et passer chez paing veut dire battre, frapper à coups de poing. On dit de même passer chez briffe pour manger.

PAIX-LA : Huissier-audiencier. (Michel.) — Le parasite Montmaur fut un jour persifflé dans une maison. Dès qu’il parut sur le seuil, un des convives se mit à crier : Guerre ! Guerre ! C’était un avocat dont le père avait été huissier. Montmaur n’eut garde de l’oublier en lui répondant : « Combien vous dégénérez, monsieur, car votre père n’a jamais dit que : Paix ! Paix ! »

PALETOT : Cercueil. (Delvau.) — C’est le dernier habit.

PALETTE : Guitare. (Id.) — Allusion de forme.

PALLAS : Discours emphatique. (Boutmy.) — Pour parlasse. V. Pallasseur.

PALLASSER : Faire des phrases. (Id.)

PALLASSEUR : Faiseur de phrases. (Id.) — Je me suis abstenu (V. p. 262) de conjecture étymologique à propos de pallas. Je crois cependant qu’il ne faut pas chercher l’origine de ce mot dans la Pallas antique. J’y verrais plus simplement une abréviation de notre mot familier parlasserie qui a le même sens et qui correspond au parladissa provençal. — Le pallasseur serait donc un parlasseur tout simplement.

PALMIPÈDE : Imbécile. — Mot à mot : bête comme une oie.

PÂLOTTE : Lune. Argot de voleur.(Rigaud.) — Elle est pâle.

PÂMEUR : Poisson. — Il se pâme hors de l’eau. (Delvau.)

PÂMURE : Grand soufflet. — Il fait pâmer. (Id.)

* PAMPINE : Sœur de charité. Jargon de voleurs. (Rigaud.) — Me semble un dérivé du mot méridional pampa : poupée.

PANACHE (avoir le) : Être gris. (Id.) — Variante de plumet. V. ce mot.

* PANADE : Femme vilaine, sale. (Michel.) — Du vieux mot panne : haillon.

PANAILLEUX : Voyez Panas, p. 203.

PANAIS (en) : En chemise. (Delvau) — Du vieux mot panne : lambeau d’étoffe.

PANAMA : Bévue énorme nécessitant un carton ou un nouveau tirage à l’imprimerie. (Boutmy.)

PANIER : Lit. (Rigaud.) — Allusion de forme.

PANIOTTER : Mettre au lit. (Id.)

PANNE : Mauvais tableau. (Id.)

PANOTEUR : Braconnier. (Id.) — De panneau : filet à prendre le gibier.

PANTALON GARANCE (donner dans le) : Aimer les militaires. (Id.) V. Pantalon rouge, p. 263.

PANTALZAR : Pantalon. (Delvau.) Changement de finale.

PANTIÈRE : Bouche. Abrév. de pannetière : endroit où on met le pain. (Michel.)

PANUCHE : Femme de maison de tolérance. (Rigaud.) — Même dérivé que panade.

PAPE : Imbécile. (Id.) — Abrév. de papa. On dit à la papa pour bourgeoisement.

PAPE : Verre de rhum. — Jeu de mots sur Rome et pape. (Id.)

PAPER-HUNT : « Chasse aux papiers. Un cavalier part en avant bon train, en semant des morceaux de papier sur sa route, et sautant les obstacles qu’il rencontre. Les autres cavaliers relèvent les traces et passent par le chemin qu’il a suivi. Ce genre de sport devient à la mode parmi nos officiers de cavalerie. » (Carnet des courses, 77.)

PAPIER À DOULEUR : Billet protesté. — « Tous savent ses affaires : le billet en retour, le papier à douleur. » (Le Sublime.)

PAPILLON D’AUBERGE : Assiette. (Rigaud.) — Allusion de rondeur et de blancheur.

Bientôt au deffaut de flamberges,
Volent les papillons d’auberges.

dit un poème burlesque sur les Porcherons cité par M. Fr. Michel. Il est évident qu’il s’agit ici d’assiettes jetées à la tête ; mais je ne pense pas que ce mot ait été employé par d’autres que par un poète en quête de rimes.

PAQUELIN : Flatteur. (A. Pierre.) — Pour pâtelin.

PAQUINER : Flatter. (Id.) — Pour pateliner. De même on dit en argot paquelin pour flatteur (patelin).

* PAQUET (avoir son) : Être ivre. (Delvau.) — Mot à mot : être chargé de boisson.

PAQUETS (faire des) : Commérer, médire.

PAQUET (lâcher le) : Tout révéler (Rigaud), abandonner.

PAQUET DE COUENNE : Garde national. (Id.) — Ne serait-ce pas plutôt garde nationale ? En mettant couennes au pluriel (V. Couenne, p. 120), nous pouvons traduire ainsi : assemblage de maladroits.

PARADE : V. Défiler, p. 137.

PARADOUZE : Paradis. — Vieux mot. (Michel.)

PARANGONNER (se) : Se consolider en s’appuyant. Acception figurée de parangonner : aligner ensemble des caractères d’imprimerie de force différente. (Boutmy.)

PARAPHE : Soufflet. (Delvau.) — Il signe la joue.

PAREIL AU MÊME : Semblable. (Id.)

PARER (la) : Secourir. (Rigaud.) — Mot à mot : parer la botte, parer le coup.

PARFAIT AMOUR DE CHIFFONNIER : Eau-de-vie. (Michel.)

PARFONDE : Cave, poche. (Id.) — Vieux mot qui veut dire profonde.

PARISIEN : Tricherie au jeu de dominos (Rigaud), cheval bon pour l’abattoir. (Delvau.) — Paris tue les chevaux.

PARLOIR DES SINGES : Parloir de prison. (Rigaud.) — Il est grillé comme le palais des singes du jardin des plantes.

PARMEZARD : Pauvre. (Michel.) — Pour pannezard : déguenillé ?

PARRAIN : Juge assistant le président. (A. Pierre.) — Nous avons déjà vu page 266 que le même mot signifie encore témoin et avocat.

PAS DE BESOIN : Veut dire au contraire besoin de. Ironie parisienne.

PASSADE : Secours pécuniaire donné par les ouvriers d’un atelier à ceux qu’on ne peut y embaucher. (Boutmy.)

PASSADE : Plongeon forcé. (Rigaud.)

PASSE (écornifler à la) : Tuer.(Id.) — C’est la passe de la vie à la mort. On dit aussi il l’a passée pour il est mort.

PASSER À LA FABRICATION : Être volé. (Id.) — Voyez Fabriquer. C’est une variante de faire.

* PASSER LA JAMBE À THOMAS : « La jambe est sans doute ici le bâton passé par les hommes de corvée dans les anses du Thomas ou goguenot. » (D. Lacroix.)

PASSEUR : Homme payé pour passer des examens sous d’autres noms. (Delvau.)

* PATAFIOLER : On dit « rapatafioler » dans le patois du Nord. (Voir le dictionnaire de M. Louis Vermesse.)

PATAGUEULE : Ennuyeux. (Rigaud.)

PATE : Patron. Abréviation. (Delvau.)

PÂTÉ : Mauvaise besogne. Terme d’imprimerie. (Michel.) — De mettre en pâte qui veut dire renverser des paquets de caractères composés.

PÂTÉ D’ERMITE : noix. (Id.) — Allusion à la vie frugale des ermites et au fruit contenu dans la coque comme la viande dans la croûte.

* PÂTÉE (donner une) : Battre. Mot à mot : mettre en pâté. Le mot est depuis longtemps en circulation, car, dès le xiiie siècle, on voit crier par un personnage du Roman de la Rose : « Qui me tient que je ne vous froisse les os comme à poucin en paste (poulet en pâté) ! »

PATERNEL : Père. Argot des écoles.

PATOUILLER : Forme de patrouiller. V. p. 270.

PATRON-MINETTE : Société de malfaiteurs, 1830-1840. (Delvau.)

PATTE D’ÉLÉPHANT (pantalon) : Pantalon évasé monstrueusement par le bas. — « Pourquoi existe-t-il ? Pour commander au tailleur des pantalons patte d’éléphant. » (Cancans du boudoir, 77.)

PATTE D’OIE : Carrefour. (Id.) — Allusion à son aspect palmé.

PATTES (se tirer les) : Voyez Pattes, p. 344.

PAUME : Perte. (Rigaud.) — De paumer : perdre (p. 270), expression qui ne peut s’expliquer que par une contradiction voulue, puisque paumer signifie en même temps prendre.

PAUMER : Arrêter. (Dict. d’argot, 1847.) — Nous disons de même Empaumer.

PAUSES (compter des) : Dormir. (Rigaud.) — Allusion au bruit scandé de la respiration.

PAVÉE (rue) : Rue évitée par crainte des créanciers. (Rigaud.) — Le vrai sens est rue qu’on est en train de paver.

PAYER : Faire, accomplir. V. Marquet, p. 235.

* PAYER (tu vas me le) : On a publié, après 1870, une ronde intitulée : Tu vas me l’ payer, Aglaé. (Paroles de J. Renard et Delbès, musique de Systermans.)

PAYOL : Page 271. Lisez Payot.

PAYSAGE (faire bien dans le) : Produire bon effet n’importe où et n’importe comment. (Rigaud.)

PEAU D’ÂNE : Tambour. (Michel.) — Il est recouvert de peau d’âne.

PECCAVI : Péché. (Halbert.) — Latinisme.

PÊCHON, PESCHON DE RUBY : Enfant, apprenti gueux. (Michel.) — Pechin signifie petit en provençal.

PEDIGREE : « Chaque cheval de pur sang a un certificat d’origine, appelée pedigree, indispensable à produire lors de son premier engagement. » (Carnet des courses, 77.) — Anglicanisme.

PELÉ : Grand chemin. (Michel.) — Le va et vient ne laisse rien pousser.

PÈLERIN : Inconnu. On dit : « Quel est ce pèlerin-là ? » (Rigaud.) — Le mot pèlerin rentre ici dans sa signification première qui est étranger, voyageur (du latin peregrinus, qui nous a laissé pérégrination).

PELOT : Sou. — « Croyait-il pas qu’on avait assez de pelots pour lui offrir un fonds de boutique assorti. » (Hennique.) — On écrit aussi pello, V. p. 274. Il est à noter que pelote signifiait autrefois bourse en argot.

PELOTER LE CARME : Lorgner les sébiles de changeurs. (Rigaud.) — Mot à mot : caresser l’argent du regard.

* PELOTEUR : Libertin. (Id.)

PENDULE (remonter la) : V. Remonter.

PELOTON DE CHASSE : Peloton de punition. — Les soldats punis qui le composent manœuvrent quatre heures par jour. (D. Lacroix.)

* PENTE : La poire est ainsi nommée parce qu’elle pend à la branche.

* PÉPETTE : « Plus de beignes et des pépettes ! » (Huysmans, 79.)

PERCHE : Personne longue et mince.

PERCHE (être à la) : Crever de faim. (Rigaud.) — Allusion à la maigreur de l’homme qui ne mange pas.

PÈRE LA TUILE : Dieu. (Delvau.)

PÈRE NOIR (petit) : Litre. (Michel.)

PERLOT : Tabac. (Rigaud.) Dérivé abrégé de semper.

PERLOTTE : Boutonnière. (Delvau.)

PERMISSION DE DIX HEURES : Gourdin, canne à épée. (Rigaud.) — Elle donnait la permission de rentrer chez soi sans crainte d’attaque, au temps où on attaquait à dix heures dans la rue.

* PERRUQUE (faire en) : Faire en fraude. — « Le patron croit qu’il ne paye pas nos outils ; mais les trois quarts sont faits en perruque. » (Le Sublime.)

PERRUQUEMAR : Perruquier. (Michel.) — Tous les noms de métiers pourraient y passer.

PERSIENNES : Lunettes. (Delvau.) — C’est l’œil qui est la fenêtre.

* PERSIL, PERSILLER : Dans le sens de raccrocher, ce mot me paraît trop près de pesciller (prendre, mot à mot : pêcher, hameçonner, p. 274.) pour ne pas en être une déformation possible. Le sens des deux est en effet le même. Aller au persil et persil en fleur serait alors des altérations postérieures en date, comme dos et barbillon, qu’on a donnés pour synonyme à maquereau, parce que celui-ci semblait un poisson, tandis que son étymologie nous donne plus logiquement le sens de maquignon, courtier de femmes.

* PESSIGNER : Recevoir, etc., page 274. — Il doit y avoir ici une leçon défectueuse. Pessigner n’est évidemment que le verbe Pessiguer. L’exemple prouve aussi qu’il doit avoir le sens de mettre en pièces, et non celui de recevoir.

PESSIGUER : Mettre en pièces, maltraiter, du vieux verbe provençal pessigar : mettre en pièces.

PESSILLER : Prendre. (Halbert.) — Forme de pesciller.

PET À VINGT ONGLES : Nouveau-né. (Delvau.)

PET HONTEUX : Pet silencieux. (Rigaud.)

PÉTASSE : Fille publique. Pour « putasse ». (Id.)

PÉTER SUR LE MASTIC : Renoncer au travail. (Delvau.)

PÉTÉUR, PÉTEUSE : Plaignant, plaignante. (Michel.)

PÉTEUX : Qui se sent fautif (Rigaud) ; timide. (Delvau.)

PETIT : Amant de cœur. (Rigaud.) — Employé aussi généralement comme terme amical ou méprisant, ou simplement familier, sans portée précise et vis-à-vis des hommes de toute taille. — « Essaie d’en faire aller d’autres que Fibrine, mon petit. » (Balzac.)

PETITE MAIN : Fleuriste apprentie. (Rigaud.)

PETRA, PETROUSQUIN, PETZOUILLE : Derrière. (Delvau.) — Dérivés de péteur.

PÉTROLEUR : Mauvais marchand de vin. (Rigaud.) — Il incendie l’estomac de ses clients.

PHILANTHROPE : Filou. (Michel.) — Changement de finale. — Balzac n’aimait pas les faux humanitaires et trouvait qu’ils prenaient trop de place dans le monde officiel. Aussi appelait-il les philanthropes des filous-en-troupe.

PHILISTIN : Vieil abruti. (Delvau.)

PHILO : Philosophie. Argot des écoles.

* PHILOSOPHE : Grec opérant sans compère. De là son nom. La solitude marche avec la philosophie.

PHILOSOPHE : Misérable. (Delvau.) — Ironie.

PHILOSOPHIE : Misère. (Id.)

PIANISTE : Valet de bourreau. (Rigaud.)

PIANO (jouer du) : Trotter irrégulièrement. Jargon de maquignons. (Id )

PIAU : V. Piaux, p. 277.

PIAUSSEUR : Conteur de piaux. (Boutmy.) V. p. 277.

PIE : Vin. (Michel.)

PIÈCE : Lentille. (Id.)

PIÈCE DE RÉSISTANCE : V. Pièce de bœuf, p. 278.

PIED : Sol. (Halbert.) — On y a pied.

PIED (en avoir son) : En avoir assez. (Rigaud.) — Abrév. de en avoir son pied de nez, avoir le nez long.

PIED (être) : Étaler sa bêtise. (Id.) — Abrév. de être bête comme ses pieds, qui se dit souvent.

PIED DE BANC : Sergent. — Simple comparaison de ses galons à des pieds de banc ; ils sont tous deux obliques et grêles. — Je ne crois pas que les soldats aient comparé, comme on l’a dit, une compagnie à un banc dont les quatre sergents sont les quatre pieds. Je ne crois pas non plus, comme l’a dit sérieusement Delvau, que ce soit par allusion au pied du banc sur lequel fume le sergent de garde. Et cependant Dieu sait combien Delvau persifflait les étymologistes !

PIED DE BICHE : Outil pour forcer les portes. (A. Pierre.) — Allusion de forme.

PIED DE NEZ : Sou. (Delvau.) — C’est un pied de nez pour celui qui attendait davantage.

PIERRE À AFFÛTER : Pain. Jargon de boucher. (Rigaud.) — Pierre brute : Pain. Langue maçonnique. (Delvau.) — Pierre de touche : Confrontation. (Michel.) Cette épreuve sert souvent de pierre de touche au magistrat instructeur.

PIÈTRE : Faux estropié. (Michel.)

* PIEUVRE : Se dit de toute femme vieille ou jeune qu’on accuse de vous exploiter. — « Je dois à Mme  Juscou vingt-sept sous pour mon arriéré de mon ménage, payez-la donc, cette vieille pieuvre. » (Durandeau, 78.)

* PIFFE : Nez. (Halbert.)

PIFFER (se) : S’enivrer. — Vieux mot donné par M. Fr. Michel ; mais les exemples justificatifs prouvent qu’ils veulent dire s’empiffrer et non s’enivrer. C’est une abréviation.

PIGEON : À-compte. (Delvau.)

PIGEON VOYAGEUR : Fille exploitant les trains de banlieue. (Rigaud.) — Elle se pose de vagon en vagon.

PIGER LA VIGNETTE : Regarder avec complaisance une chose divertissante. (Boutmy.) — Mot à mot : considérer l’image. V. p. 280.

PILE OU FACE ! : Exclamation saluant une chute. (Rigaud.) — Allusion ironique au jeu connu.

PILER DU POIVRE : Se tenir mal à cheval, faire faction. (Id.) ; — médire, attendre. (Delvau.) — Allusion au mouvement du pilon, excepté pour médire qui fait allusion au piquant du poivre.

* PILIER : Maître de maison de femmes. (Halbert.)

PILON : Doigt. (Michel.)

PINÇANT : Ciseaux. (Halbert.)

* PINCE-CUL : « Elle ne va pas au bal Grados. C’est une infamie que ce pince-cul-là. » (Huysmans, 79.)

PINCE-DUR : Adjudant. (Delvau.) — Il a plus souvent occasion de punir que l’officier.

PINCE-SANS-RIRE : Agent de police. (Rigaud.)

PINCER : Voler. (Halbert.)

PINCETTES (se tirer les) : S’enfuir. Comparaison des jambes à une paire de pincettes. — « S’ils ne s’étaient pas tiré les pincettes de dessous le ventre, ils étaient bath. (bien, c’est-à-dire arrêtés.) » (Cavaillé.)

PINET, PINO : Denier. (Halbert.) — Fait pinos au pluriel.

PINGOUIN : Public. Jargon de saltimbanques. (Rigaud.)

PIOCHE : Voleur à la tire. (Id.)

PIOCHER : Voler à la tire. (Id.) — C’est piocher les poches.

PIOLIER : Tavernier. (Halbert.) — De piaule : taverne qui semble venir de pie : vin.

PIONNE : Sous-maîtresse. (Rigaud.)

* PIPELET : Le surnom de pipelet donné aux concierges serait, dit-on, plus ancien que les Mystères de Paris, d’Eugène Sue. Il faudrait qu’un texte justificatif vînt le prouver.

PIPOT : École polytechnique, élève de l’école polytechnique. Argot des écoles.

PIQUER SON FARD : Rougir naturellement. (Rigaud.)

PIQUET : Livre de messe, juge de paix. (Id.)

PISSE-HUILE : Lampiste. On dit aussi sue-mèches. Argot des écoles.

PISSER À L’ANGLAISE : V. Anglaise. — V. Mener pisser.

* PISSER DES ENFANTS : « Si nous voulions nous offrir le luxe de ne pisser que des enfants légitimes. » (Huysmans, 79.)

PISSER LE MÉRINOS (laisser) : Ne pas se hâter, attendre. (Delvau.) — On disait auparavant laisser pisser le mouton.

PISSER LES POULES (mener) : Quitter le travail sous un faux prétexte. (Rigaud.)

PISSEUSE : Petite fille. — « Il y en a qui disent aux pisseuses qu’ils veulent envoyer dinguer : Je pars pour l’Algérie,… geins pas ! » (Huysmans, 79’)

PISTEUR : Coureur de bonnes fortunes de rue ou d’omnibus. (Rigaud.)

PISTOLE (grande) : Pièce de dix francs. La petite vaut dix sous. Jargon de chiffonniers.

* PISTON : Recommandation puissante, haute protection. — Avoir du piston : être recommandé. — On dit par exemple : « Il lui a fallu un bon coup de piston pour ne pas être reculé à son bac. » — Piston fait allusion ici à l’action de pistonner : importuner les supérieurs (V. p. 284).

* PISTON : Homme protégé. — C’est-à-dire : arrivé à coups de piston.

PIVOINER : Rougir, devenir rouge comme une pivoine. — « Tu tâches de pivoiner et de baisser les stores. Toutes les femmes font ça pour enjôler les hommes. » (Huysmans, 79.)

PIVRE : Vin. (Halbert.)

PLACEUR DE LAPINS : Appareilleur, bénévole, procurant des bonnes fortunes à ses amis. (Rigaud.)

* PLAN (laisser en) : Ce mot vient de voir sa consécration politique et internationale. Je ne fais que citer.

« On écrit de San Stefano, 8 mars, à la Correspondance politique de Vienne :

« Une scène émouvante s’est passée au moment de la signature de l’instrument de paix. Savfet-Pacha éclata en sanglots convulsifs, lorsqu’il lui fallut mettre son nom au bas d’un document aussi fatal pour sa patrie. Le général Ignatieff lui dit en ce moment : « Voyez-vous, je vous ai dit tout de suite que l’Angleterre vous laisserait en plan. Les Anglais n’ont jamais su ce que c’était que de tenir leur parole. » (Petit Journal, mars 1878.)

PLANCHE. : Tableau noir. Argot des classes de mathématiques. Pour passer au tableau on dit aller à la planche.

PLANCHE : Sabre. (Michel.)

PLANCHE : Femme plate et froide. (Rigaud.)

PLANCHER : Quitter un ami de prison. (Id.) Mot à mot : laisser en plan.

PLANCHES (avoir fait les) : Avoir été ouvrier tailleur. (Delvau.) Allusion à l’établi. — On sait que avoir paru sur les planches se dit pour avoir été artiste dramatique. Voyez brûler les planches.

PLANQUE À LARBINS : Bureau de placement. — Planque à plombes : Pendules. — Planque à sergots : Poste de police. — Planque à suif : Tripot. — Planque à tortorer : Restaurant. — Planque aux atigés : Hôpital. (Rigaud.)

Dans toutes ces acceptions, planque a le sens de lieu clos, ce qui donne, en suivant l’ordre de nos termes : lieu à domestiques, — à heures, — à sergents, — à Grèce (assemblage de grecs. Jeu de mot. Le suif est plein de graisse). — à manger, — aux malades.

PLAQUER : Venir (A. Pierre), — cacher. (Halbert.) — Doit être une abrév. de emplanquer.

PLAT À BARBE : Hausse-col d’officier. — Il est échancré et se place au-dessous du menton. (D. Lacroix.)

PLÂTRE : Mauvais compositeur d’imprimerie. (Boutmy.) — Abrév. de emplâtre (V. p. 152).

PLATS À BARBE : Grandes oreilles. (Id.) — Allusion de forme.

PLATUE : Galette. (Halbert.) — Elle est plate.

PLETTE : Peau. (Id.) — Pour pellette. De pellis : peau.

PLIS ! (des) : Interjection négative comme Des navets ! Des nèfles ! (Id.) — De nouvelle date, elle doit faire allusion aux plis et aux draperies innombrables qui ont surchargé de 1872 à 1878 derniers les jupes féminines. — Les lanciers ! était un néologisme du même genre. V. p. 216.

PLOMB : Je citerai encore ici M. Justin Améro, qui fait ces réflexions très sensées et très amusantes :

« Il a été un temps où je me demandais d’où pouvait bien provenir le nom de plomb donné dans les restaurants de Paris à certains entremets d’un goût fort agréable. Ces entremets sont appelés « plomb » tout court, ou « plomb de cabinet, » plomb de ceci, plomb de cela. (J’ai oublié leur dénomination exacte.)

Comme ces sortes d’entremets sont d’une nature un peu lourde, je soupçonnais que leur nom générique de « plomb » était une allusion à leur qualité, et comme un avertissement pour les estomacs faibles.

Mais je finis par découvrir que ce « plomb, » qui m’avait tant donné à réfléchir, venait tout simplement de plum qui en anglais se prononce pleume, et que ce fameux « plum » signifiait prune, raisin sec, raisin de Corinthe. Je découvris aussi que le mot pudding (en anglais francisé « poudings ») ajouté à « plum » désignait cette sorte de baba dont les Anglais ont tant raison de raffoler, — baba, dont on présente à Paris la contrefaçon sous l’horrible dénomination de « plomb[1]. »

PLOMB (manger du) : Être tué d’un coup de feu. — « C’est peut-être moi qui vas manger du plomb. » (A. Bouvier, 69.)

PLONGEUR : Laveur de vaisselle. (Rigaud.) — Ses bras plongent dans l’eau grasse.

PLOTTE : Bourse. (Halbert.) — Pour pelote. V. Pelot.

PLOUSE : Paille. (Halbert.)

PLUC : Butin. (Michel.)

PLUMARDE : Paillasse. (A. Pierre.) — Doit être la forme primitive de Plumade.

PLURE : Manteau. (Halbert-) — Pour Pelure.

PLUS ! (il n’en faut) : En voilà assez. Locution mise à toutes sauces. (Rigaud.)

PLUS FINE : V. Fine, p. 175.

* PLUS SOUVENT ! « Vous n’iriez point, disait-il en ajoutant un mot patois qui équivaut à notre inimitable plus souvent ! Vous le dites, mais vous ne le feriez point. » (George Sand, Lettres d’un Voyageur, Lettre iiie, 1834.)

POCHETÉ : Niais. (Rigaud.)

* POIGNON : « Ce n’est pas trop tôt ! On va donc toucher son poignon. » (Huysmans, 79.)

POIGRE : Poète. (Michel.) — Changement de finale.

* POINT : Pièce d’un franc. (Id.)

* POINT DE COTÉ : Agent des mœurs. (Rigaud.)

POINT DE JUDAS : Treize. (Michel.)

POINTE (être) : Avoir sa pointe. (Rigaud.) V. p. 288.

POIQUE : Littérateur. Jargon des voleurs. (Id.) — Ce doit être le Poigre de M. Fr. Michel.

POIREAU : Sergent de ville en station. — Faire le poireau : attendre. (Id.)

* POISSE : Voyoucratie. — Poisseux : Voyou. (Id.) — Ce qui est sale poisse.

* POITOU : Public. (Id.)

POIVRE : Poisson (Michel) ; poison. (Colombey.) — Le second sens paraît être le seul admissible, car il se complète par le verbe poivrer (empoisonner), V. p. 289. Il y a dans poisson un s de trop.

POIVRE : Eau-de-vie. — Allusion au poivre qu’on y met pour lui donner plus de force apparente. « Avec vingt centimes de poivre d’assommoir, il est gris. » (Le Sublime, 72.) — De là peuvent venir les mots poivreau, poivrier (ivre d’eau-de-vie). Mais alors il faudrait supposer que poivre est une abréviation de poivreau, car il signifie aussi ivre.

POIVRIER : Débit de mauvaise eau-de-vie. (Rigaud.)

POIVRIÈRE : Route. (Michel.) — Poivre veut dire ici poussière.

POMMADE : Déconfiture. (Rigaud.) — La pommade fond.

* POMMADIN : Garçon coiffeur. (Id.)

POMME À VERS : Fromage de Hollande. (Michel.) — Allusion à sa rondeur et à sa croûte rouge.

POMME DE CANNE FÊLÉE (avoir la) : Déraisonner. Mot à mot : avoir la tête fêlée.

* POMPE : Retouche à un vêtement. (Rigaud.)

POMPE (avoir de la) : Avoir assez de travail. (Boutmy.)

POMPER : Travailler vite et pour peu de temps. (Id.)

POMPIER : Refrain classique qui est le signal de tout chahu (tapage) en règle. On dit piquer un pompier. Argot des écoles.

POMPIER : Mouchoir. (Rigaud.) — Il pompe le nez.

PONDANT : Correspondant chargé de faire sortir un écolier. Argot des écoles.

PONEY : Billet de cinq cents francs. Argot de courses. (Rigaud.)

PONIFFE : Synonyme de Magnusse. (Halbert.) Voyez en être, p. 162.

* POPOTE : Réunion d’officiers ou de soldats pour manger en campagne. (D. Lacroix.) — On dit se mettre en popote.

PORTANCHE : Portier. (Michel.) — Changement de finale.

* PORTEUSE : Main. V. Frères de l’attrape.

PORTIER : Cancanier. (Delvau.) — Allusion aux cancans de la loge.

PORTION : Fille publique. Jargon de soldats. On dit tomber sur la portion. (Rigaud.) — C’est mot à mot : tomber sur la viande. On appelle ainsi dans l’armée, le morceau de viande assigné à chacun avec sa soupe.

POSITION : Malle. Jargon de voleur. (Rigaud.) — Le voyageur est jugé souvent d’après sa malle.

POSSÉDÉ : Eau-de-vie. (Michel.) — Mot à mot : endiablé. Allusion à son feu.

* POSTICHE : Plaisanterie. (Boutmy.) — Faire une postiche : Faire des reproches. (Id.)

POSTIGER : Rassembler une postiche. (Rigaud.) V. p. 294.

POSTILLON D’EAU CHAUDE : Infirmier militaire. (D. Lacroix.)

POSTILLON D’EAU CHAUDE : Mécanicien. — C’est avec la vapeur d’eau chaude qu’il fait galoper sa machine. — « Va donc, postillon d’eau chaude ! » (Le Sublime, 72.)

POSTILLONNER : Crachoter en parlant. (Delvau.)

POSTURE (en) : Apothicaire. — Allusion de seringue. (Michel.)

POT, CUILLER À POT : Cabriolet. (Id.) — Les brancards figurent la queue, et la capote figure le récipient de la cuiller.

POT À TABAC : Personnage gros et court. (Rigaud.) — Allusion aux pots à tabac grotesques qui furent à la mode.

POTEAU (avoir son) : Être complètement ivre. Argot des mécaniciens. — Mot à mot : être raide comme un poteau. — On dit aussi avoir son poteau kilométrique, son poteau télégraphique. (Le Sublime, 76.)

POTÉE : Litre de vin. (Rigaud.)

POTET : Radoteur. (Delvau.) — Doit être un dérivé de potin. V. p. 295.

POTIRON ROULANT : Cabriolet. (Michel.)

POUCE ? (Et le) : Exclamation signifiant : il y a plus que vous ne l’affirmez. — Mot à mot : « et le pouce que vous oubliez dans votre compte ? » Le pouce étant autrefois une fort petite mesure, on saisit l’ironie qu’on retrouve d’ailleurs dans c’est un détail, dans il n’est rien bête, etc. C’est l’emploi ironique des contraires.

POUGNON : Argent. (A. Pierre.) — Forme de Poignon.

POUIFFE : Argent. (Halbert.)

POUIFFE : Femme éhontée. (A. Pierre.) — Pour ponifle.

POUISSE : Même sens que Ponifle. (Halbert.)

POULAINTE : Vol par échange. (Michel.)

POUPÉE : Soldat. (Id.) — Allusion automatique.

POUPON : Voyez Poupard, p. 296.

POUR : Peut-être, au contraire. (Michel.)

* POUSSE : Gendarmerie. — Abrév. de pousse-cul : sergent de police, aux xviie et xviiie siècle. (Id.)

POUSSE AU VICE : Mouche cantharide. (Id.)

POUSSE-MOULIN : Eau. (Id.) — Elle faisait marcher seule le moulin avant la vapeur.

POUSSÉE : Surcroît de travail. (Delvau.)

POUSSIER : Poudre. (Halbert.) — Mot à mot : poussière.

POUSSIER : Pouce, main. (Michel.) — Elle sert à pousser.

POUTRONE : Prostituée. Argot lyonnais. (Id.) — De puterie : prostitution.

* PRATIQUE : Ligne 10, au lieu de Ils t’ont fait voir le, il faut lire Ils t’ont fait voir le tour.

PRENDRE LA VACHE ET LE VEAU : Voyez Vache, p. 357.

PRENDRE UN RAT PAR LA QUEUE : Couper la bourse. (Michel.) — Allusion aux lanières qui rattachaient la bourse à la ceinture.

PRÉVÔT : Chef de chambrée de prison. (Id.) ; domestique de prison. (A. Pierre.)

PRIANT : Chapelet. (Halbert.)

PRIANTE : Messe. (Id.)

PRIANTE : Église. (Michel.)

PRIE-DIEU : Code. (A. Pierre) ; cadre. (Halbert) — Ces deux sens n’en doivent faire qu’un, et il faut lire cadre au lieu de code, car un prie-Dieu est le plus souvent encadré. On aura pris le tout pour la partie.

PRIN : Proviseur, chef d’institution, principal. Argot des écoles. — Abrév. de principal.

PRINCIPAUTÉ : Gale. — Jeu de mots du xviie siècle sur le prince de Galles. (Michel.)

PRINE : Femme du prin.

PRISE : Mauvaise odeur. (Delvau.) — Abrév. de prise de tabac qui s’emploie également en ce sens.

PRODUISANTE : Terre. (Michel.)

PROSE, PROUAS, PROYE : Formes de proie, page 298. — Proye le C : merdeux. (Halbert.)

PROTE À TABLIER : Prote de petite imprimerie, travaillant comme un ouvrier. (Boutmy.) Tablier est ici pour blouse.

PROUT ! : Ça m’est égal. (Rigaud.)

PRUDHOMMESQUE : Sentencieusement creux. « De là les déclarations prudhommesques. » (Zola, 79.)

PRUNEAU : Chique de tabac, œil, excrément. (Michel.) Voyez Prune, p. 299. — M. Fr. Michel a constaté que pruneau (œil) est une forme de prunelle. Les autres sens sont des allusions de forme.

PURÉE : Misère. (Rigaud.) — Ce qui est en purée est réduit à rien.

PUROTIN : Misérable. (Id.)

PUYMAURIN : Âne. Ce mot, dit M. Fr. Michel, ne doit dater que de la Restauration. On peut ajouter que celui qui l’a inventé devait être un ennemi du légitimiste ardent Marcassus de Puymaurin. C’est une simple malice ; ce n’a jamais été un mot en circulation.

  1. L’Anglomanie dans le français. Paris, Baudry. In-12 (1 fr. 20 cent.)