Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, B

B


BABILLAUDIER : libraire. (Delvau.) — De babillard : livre.

BAC : Abréviation de bacho qui était déjà une abrév. de Baccalauréat. V. Piston.

BÂCHE : Casquette. Elle couvre la tête comme la bâche couvre la marchandise. (Rigaud.)

BACHOTIER : Préparateur au bacho ou examen de baccalauréat. (Rigaud.)

BACKER : C’est l’opposé du bookmaker. Il ne parie que pour un cheval. (Parent.) Anglicanisme.

BACREUSE : Poche. Jargon d’ouvrier. (Rigaud.) — Ba semble une superfétation, car on aura dit creuse comme on dit profonde.

BADIGEON : Fard blanc ou rouge. (Delvau.)

* BADIGEONNER : se garder. — Lisez Badigeonner : se farder (page 23).

BADIGEONNER LA FEMME AU PUITS : Mentir. C’est-à-dire farder la vérité. Jargon des voleurs. (Rigaud.) — Ces voleurs ferrés sur l’allégorie deviendront les émules des précieuses.

BAFOUILLER : Bredouiller. (Rigaud.)

BAFOUILLEUR : Bredouilleur. (Id.)

BAGNOLE : Petite chambre malpropre. (Id.)

BAGNOLE : Chapeau de femme ridicule. Argot du peuple. (Delvau.)

BAGOULARD : Bavard. (Id.) — De Bagoult.

BAGUENAUDE : Poche. (Id.)

BAGUENAUDE RONFLANTE : Poche garnie d’argent. (Rigaud.) Allusion aux murmures de la monnaie.

BAGUETTE DE TAMBOUR : Jambe maigre.

Une jambe faite au tour,
Qu’a-t-elle, ôtant le postiche,
Deux baguettes de tambour..
(Tostain.)

* BAHUTER : S’est dit autrefois pour plaisanter, s’amuser. — « Philippin, à quel jeu jouons-nous, de bon ou pour bahuter ? » (La Comédie des Proverbes, 1714.)

BAIGNE DANS LE BEURRE : Souteneur. Allusion au beurre dont le maquereau est friand. (Rigaud.)

BAIGNEUSE : Tête. Argot de voleur. (Delvau.) — Extension du sens de chapeau qui est le plus ancien. V. page 24.

BAIGNOIRE À BON DIEU : Calice. (Delvau.) — Allusion à la présence de la Divinité dans le vin du calice.

BAILLER AU TABLEAU : N’avoir qu’un bout de rôle dans une pièce nouvelle. Argot théâtral. (Bouchard.) — Allusion au tableau de la mise en répétition de la pièce.

BAIN-MARIE : Personne tiède. (Id.) — Allusion au chauffage dit au bain-Marie qui n’approche pas du feu.

BAISER LE C-L DE LA VIEILLE : Ne pas faire un point. Argot de joueurs. (Delvau.)

BAJAF : Gros butor. (Id.) V. Bayafe, p. 33.

BAL : Prison. — Abrév. de ballon qui a le même sens. (Rigaud.) — POTEAUX DE BAL : Amis de prison. (Id.)

* BALAI : Agent de police. (Delvau.)

BALAI : Plumet militaire. Nom donné pour la première fois à l’aigrette de crin vert qui surmontait le schako d’infanterie sous le second empire. (D. Lacroix).

BALANCER LA TINETTE : Vider le gogueneau (V. ce mot) ; partir, vider les lieux, — ce qui est un jeu de mots sur le premier sens. (Rigaud.) — Le gogueneau se balance avant de donner plus de force à la projection du contenu dans la fosse.

BALANCEUR DE BRAISE : Changeur. (Rigaud.) — Allusion aux petites balances professionnelles.

BALANÇON : Marteau de fer. Jargon de voleur. (Rigaud.) — Il est à noter que Vidocq lui donne d’autre part le sens de barreau de fer. V. Balançoir. p. 25.

BALAYAGE : élimination. — « Le balayage des conservateurs est complet. » (Pays, journal. Janvier 79.)

BALCON (il y a du monde au) : Se dit d’une femme avantagée sous le rapport de la gorge. (Rigaud.) — Le balcon est le corset et la tête du spectateur figure l’appas.

BALCONNIER : Orateur qui parle du haut d’un balcon. (Id.)

BALLADE, BALLADER, BALLADEUR : Voyez ces mots avec une seule l, page 25.

BALLE : Secret. (Rigaud.) — FAIRE LA BALLE : Suivre les instructions. (Id.)

BALLON (en) : En prison. — Jeu de mots sur emballé. (Rigaud.)

BALLONNÉ : Emprisonné. (Id.)

BALLOT : Chômage. Argot de tailleurs. (Id.)

BALLOTER : Manquer d’ouvrage, jeter. — BALLOTER UN CLIENT AVALANT : Jeter un homme à l’eau, c’est-à-dire en aval, au cours de l’eau. (Id.)

BALOTS : Lèvres. V. Benoit.

BAMBOCHE (être) : Être en état d’ivresse. (Delvau.) — Abrév. de Bambocheur.

BANC DE TERRE-NEUVE : Partie des boulevards comprise entre la Madeleine et la Porte Saint-Denis. — Allusion aux morues (V. ce nom) qu’on y va pêcher. On dit, pour abréger, le banc. — « Quand on s’ennuie, on dit : Viens-tu au banc faire un tour ? » (Le Sublime.)

BANDER LA CAISSE : Se sauver avec la caisse. (Delvau.) — Jeu de mots sur l’acte des tambours qui bandent la caisse pour taper dessus.

BANNIÈRE : Se dit de la chemise gardée pour tout vêtement. Elle flotte au vent comme la bannière. — « Elle rabattait le pan de devant. Ça c’est la bannière, dit-elle. » (Zola.)

* BANQUE : « Le prote fait la banque aux metteurs en pages qui, à leur tour, la font aux paquetiers. » (Boutmy, 78.) V. Salé.

BAPTÊME : Tête. Argot de faubouriens. — Allusion à l’ondoiement baptismal de la tête. (Delvau.)

BARAQUE : armoire de collégien. Elle a remplacé l’ancien pupitre.

BARAQUE : Chevron galonné cousu sur la manche des soldats pour indiquer un certain temps accompli sous les drapeaux. (D. Lacroix.) — Allusion à l’aspect conique du chevron qui simule le profil d’une baraque. — « C’est un ancien à trois baraques, dira le jeune soldat en parlant d’un troupier à trois chevrons. » (D. Lacroix.)

BARBEAU : Souteneur. Voyez Barbillon, p. 29.

BARBILLON DE BEAUCE : Légume. — Mot de vieil argot qui ne semble plus usité. Il est ironique. On ne trouve guère de poissons dans le pays sec de la Beauce. — BARBILLON DE VARENNE : Navet — Varenne est ici pour garenne, terrain sablonneux. Même ironie.

BARIL DE MOUTARDE : Derrière. (Rigaud.) — L’image breneuse se devine.

BARRE (compter à la) : Compter en traçant des barres sur une ardoise. (Id.)

BARRER : Réprimander. (Delvau.)

BARRES : Mâchoire. — Chevalisme. V. Rafraîchir (se).

BASCULE : Guillotine. (Delvau.) — La partie est mise pour le tout.

BAS DE PLAFOND : De très-petite taille. (Id.) V. Plafond, p. 284.

BASSE : Terre. — Argot de voleur. (Id.) — La terre est sous nos pieds, ce qui est aussi bas que possible.

BASTIMAGE : Travail. Argot de voleur. (Id.)

BASTRINGUE : Scie à scier le fer. (A. Pierre.) — C’est la partie prise pour le tout. Voyez le même mot, p. 31.

BÂTONS DE CHAISES (noce de) : Noce à tout casser. V. Luron.

BÂTON DE CIRE : Jambe. (Id.) — Sans doute : jambe maigre.

BATE (être de la) : Être heureux. (Rigaud.) — Même origine que Bath. V. page 31.

BATIAU (jour du) : Jour où le compositeur arrête son compte de travail pour la semaine ou la quinzaine. — PARLER BATIAU : Parler des choses du métier. (Boutmy.)

BÂTIMENT (être du) : Exercer la même profession. (Rigaud.)

BÂTIR SUR LE DEVANT : Prendre du ventre. (Id.) — Expression pittoresque et assez juste. L’édifice abdominal des gastronomes est bien leur œuvre.

BATOUSIER : Tisserand. (Delvau.) — Allusion au battement du métier.

BATTAQUA : Femme à robe sale. (A. Pierre.)

* BATTERIE, BATTRE : Étymologie : Du vieux mot baster : tromper.

BATTEUR DE BEURRE : Agent de change. (Rigaud.)

BATTRE LE BEURRE : Spéculer à la Bourse. (Rigaud.) — Mot à mot : battre l’argent, frapper la monnaie. Jeu de mots. V. Beurre.

BATTRE ENTIFLE : Faire le niais. Argot de voleur. (Delvau.) — Pour Antifle, p. 12.

BATTRE JOB : Dissimuler, tromper. (Id.) V. Job (monter le), page 212.

BATTRE LA COUVERTE : Dormir. Argot de soldat. (Id.) — Battre doit être une abréviation de Rabattre. Le dormeur rabat la couverte sur lui.

BATTRE LA MURAILLE : Être complètement ivre. (Id.) On connaît ces vers de Piron :

Du corps battant la muraille,
Escortés de cent canailles,
Ils regagnent la maison.

BATTRE EN RUINE : Visiter. (Rigaud.) — Doit venir de l’argot des voleurs que les visites domiciliaires ruinent ordinairement.

BAUDROUILLER : Filer. (Delvau.) — De baudru.

BAUDRU : Fil. (Id.)

BAUSSE FONDU : Chef d’établissement ruiné. (Rigaud.)

BAVARD : Avocat. (Delvau.)

* BAVER : Exemple : « On pouvait baver sur leur compte, lui savait ce qu’il savait. » (Zola.) — Baver, toujours pris en mauvaise part, est plus une acception figurée de baver qu’une abréviation de bavarder, comme je l’ai cru d’abord.

BEAU BLOND : Soleil. Argot de voleurs. (Id.) — Allusion mythologique au blond Phébus des chansons de l’ancienne école ?

BÉ : Hotte de chiffonnier. (Rigaud.) — Abrév de Berri.

BÉBÉ : Femme déguisée en bébé. (Costume fréquemment porté dans les bals masqués depuis une trentaine d’années.) — « Un bébé ouvre la porte d’un cabinet où siègent deux dominos. » (Alm. des Cocottes, 67.)

BÉCANE : Machine à vapeur. — « Il dit que c’est vexant de conduire une bécane. » (Le Sublime.)

BECQUANT : Poulet. Jargon de voleur. (Rigaud.)

BECQUETANCE : Nourriture. — « Quand il y en a pour le marchand de béquetance, il y en a pour le marchand de sommeil. » (A. de Lafaille.)

BÉDOUIN : Grec, voleur au jeu. « Les sept mille Grecs de France se divisent en cinq catégories dont les noms font tous moins allusion à la Grèce (ou graisse). Voici ces néologismes de l’équivoque. 1. suiffards ; 2. graisseurs ; 3. bédouins ; 4. grecs ; 5. philosophes. » (Figaro, 70.)

BÈGUE : Bezigue. (Rigaud.) — Abréviation.

BEIGNE : coup. — Vieux mot. « Oui, ma chère, plus de beignes et des pépètes. » (Huysmans, 79.)

BÊLANT : Mouton. (Delvau.)

BELGE : Pipe en terre de Belgique. (Rigaud.)

BELLE PETITE. Mot à mot : « belle petite dame. » C’est la lorette de 1878-1879. — « Il y a peut-être une ou deux belles petites qui se sont glissées en fraude. » (Vie paris. 79.)

BENI-MOUFFETARD : Parisien du quartier Mouffetard, spirituellement canaille. — « Le nez est franchement beni-mouffetard, camard, aux narines ouvertes, point bridé mais spirituel. » (C. des Perrières, 73.) — Le néologisme date du temps où les guerres d’Afrique ramenaient continuellement dans les journaux des noms de tribus arabes commençant par Beni.

BÉNIR BAS : Donner un coup de pied quelque part. — Ce mot me semble rentrer dans la classe des mots faux que j’ai signalée page 14. Delvau l’a donné le premier pour faire plaisir à Babou qui l’avait inventé, et depuis ce temps les glossaires le répètent.

BÉNIR DES PIEDS : Être pendu. (Delvau.) — Allusion aux derniers gigottements du suicidé.

BENOIT : Souteneur. — « Les Benoits toujours lichent et s’ graissent les balots. » (Richepin, 77.)

BEQ : Portion de bois à graver. Argot d’artiste. (Delvau.) — Abréviation de béquet.

BÉQUILLARDE : Guillotine. (Rigaud.) — Augmentatif de béquille (V. p. 36) qui signifiait potence.

BERDOUILLE : Ventre. (A. Pierre). — Allusion aux murmures intestinaux ou bredouillements de ventre. — Un roman de M. Huysmans (Les sœurs Vatard) décrit la berdouille d’une femme géante en exhibition à la foire de Saint-Cloud.

BERGE : Année. (Delvau.)

BERGÈRE : « Dans la langue typographique comme dans les autres argots, ce mot désigne une femme. » (Boutmy, 78.) — Allusion ironique aux ariettes pastorales du dernier siècle, où l’amante est toujours la bergère de Tircis ou de Colin.

BERLU : Aveugle. (Delvau.) — Mot à mot : qui a la berlue.

BERNARD : Postérieur. (Delvau.) — ALLER VOIR BERNARD : Aller aux lieux d’aisances. Allusion à saint Bernard, représenté d’ordinaire ayant en main des tablettes qui passent pour le papier de rigueur. (Rigaud.)

BERRI : Hotte. Argot de chiffonnier. (Id.)

BERTELO : Pièce d’un franc. Argot de voleur. (Delvau.)

BERZÉLIUS : Montre. Jargon de collège. (Rigaud.)

BÊTE À BON DIEU : Personne réputée aussi inoffensive que l’insecte appelé bête à bon Dieu. — « Cette enfant-là lui était venue si bonne, si malléable, une vraie bête à bon Dieu ! » (Hennique.)

BÊTE À PAIN : Entreteneur. Il apporte le pain quotidien. — « On en trouve à gogo, des bêtes à pain, quand on sait s’y prendre. » (Huysmans, 79.)

BETTANDER : Mendier. (Delvau.) — Sans doute pour battander. Les Battandiers formaient une tribu de la cour des miracles.

BEURLOQUIN : Patron d’une maison de chaussures de dernier ordre. (Rigaud.)

BEURLOT : Petit maître cordonnier. (Id.)

BEURRE DEMI-SEL : Fille galante mais non tout à fait perdue. (Delvau.) — Une fille perdue s’appelait autrefois une dessalée.

BEZEF : Beaucoup. Vient d’Afrique. (Rigaud.)

BIBARDER : Vieillir honteusement. (Delvau.)

BIBASSIER : Radoteur, maussade, tatillon. — « Vieux bibassier va ! » (Boutmy, 78.) — Forme abrégée de birbassier. Voyez dans le corps du Dict. Birbasse, Birbasserie.

* BIBELOTTER : Composer, machiner. — « Il dessine ou bibelotte une invention qui souvent réussit. » (Le Sublime.)

BIBI (envoyer à) : Envoyer à la maison des fous. — Abrév. de Bicêtre, avec redoublement de la première syllabe. — « On envoie à Bibi ceux dont les pallas paraissent insensés. » (Boutmy, 78.)

BIBINE : Sœur de charité, bière, cabaret de dernier ordre. (Rigaud.)

BIBLI : Bibliothèque. — Abrév. usitée dans les collèges.

BIBOIRE : Petit vase en cuir ou en caoutchouc dont les écoliers se servent pour boire à la fontaine en recréation. — Argot des écoles.

BICARRÉ : V. Bizut.

BICHE (ça) : Cela va bien. (Rigaud.) — Pour cela baise. Quand on se baise, on est d’accord.

BICHON : Synonyme de Jésus. (Delvau.) — Allusion à sa frisure habituelle.

BIDACHE : Viande. (A. Pierre.) — Pour Bidoche.

BIDONNER : Boire copieusement. — Le bidon est une forte mesure de capacité. « Nom d’un bonhomme ! on a rien bidonné depuis hier soir ! » (Huysmans, 79.)

BIEN FAIRE (en train de) : En train de manger. (Rigaud.)

BIFFE : Métier de chiffonnier. (Id.) — Il est à remarquer que biffe veut dire chiffon en vieux dialecte champenois.

BIFFER : Exercer le métier de chiffonnier. (Id.)

BIFFETON : Contremarque. (Id.) — Mot à mot : chiffon.

BIFFETON : Lettre. — V. l’Introduction, page 14.

BIFFIN : Fantassin. (Id.) — Comparaison du havresac à la hotte du biffin ou chiffonnier.

BIFTECK DE CHAMARREUSE : Saucisse plate. (Delvau.) — Allusion à la charcuterie qui est trop souvent le rôti des ouvrières.

BIFTECK DE GRISETTE : Saucisse plate. (Rigaud.) — Extension du terme ci-dessus.

BIFTECK À MAQUART : Sale individu. Mot à mot : bifteck à équarrisseur (Id.) — C’est un équivalent de charogne.

BIFTECK (faire du) : Frapper. — Allusion à la viande frappée par le cuisinier pour la rendre moins dure. — À ce sujet, nous dirons que le bifteck ou beefsteak anglais veut dire tranche de bœuf tout bonnement. « Nos pères disaient grillade, fait observer M. Justin Améro, et ils ne se portaient pas plus mal pour parler français. »

BIFTECK (faire du) : Monter sur un cheval qui trotte dur, c’est-à-dire qui fatigue le postérieur de son cavalier. — Même allusion que ci-dessus.

BIFURQUÉ : Collégien abandonnant l’étude des lettres pour celle des sciences.

BIGEOIS : Dupe. (Rigaud.) — Vidocq donne en ce sens bige et bigeot.

BIGORNION : Mensonge. (Rigaud.) — Dérivé de Bigorne qui vient de biguer : Changer. Le mensonge est le changement de la vérité. V. page 40.

BIJOUTER : Voler des bijoux. (Id.)

BIJOUTERIE : Frais avancés, argent déboursé. Argot d’ouvrier. (Delvau.)

BIJOUTIER EN CUIR, BIJOUTIER SUR LE GENOU : Cordonnier. (Id.)

BILBOQUET : Menus travaux d’imprimerie. (Boutmy.)

BILBOQUET : Litre de vin. (Rigaud.) — Comparaison de la bouteille au bilboquet. Le bouchon de l’une s’enlève comme la boule de l’autre.

BILLE DE BŒUF : Saucisson. (Id.)

BILLER : Payer. (Id.) — De Bille : Argent.

BIRBASSIER : V. Bibassier.

BIRMINGHAM (de) : Très ennuyeux. — Les rasoirs de Birmingham sont célèbres. (Id.) — V. Rasoir et Raseur, p. 307.

BISER : Embrasser. (Id) — Élimination de l’a. On va encore plus loin et on dit bise par abréviation.

BISSARD : Pain bis. (A. Pierre.) — Augmentatif.

BIZUT : Élève de 1re année en mathématiques spéciales. — L’élève de 2e année est le carré, celui de 3e le cube, celui de 4e le bicarré, on s’arrête là. — On dit de même dans un langage algébrique : Il est ennuyeux à la 15e puissance. Argot des écoles.

BISMARQUER : S’approprier par tous les moyens. — Inutile de développer son étymologie. Chose singulière, le mot paraît plus usité à l’étranger qu’en France. — « Le portugais possède à un haut degré la faculté si précieuse de s’approprier des locutions étrangères, de croître et de se développer comme un organisme vivant. M. Latouche cite le mot français bismarquer bien connu, paraît-il, de ses lecteurs anglais. » (Bibliothèque universelle et Revue suisse, 1877,)

BLAFARD : Pièce d’argent. Allusion de blancheur. — « Un écu flambant neuf ! Un blafard de cinq balles. » (Richepin, 77.)

* BLAGUE : S’il fallait remonter au delà de 1808, date de notre plus ancien exemple, nous serions presque tenté de voir dans blague une forme intervertie de l’ancien catalan bagol qui a fait notre bagou. Le sens est le même et les cas d’interversion ne sont pas rares.

BLAGUE À TABAC : Sein flétri. (Rigaud.) — Allusion de forme et de consistance.

BLAIR : Nez. Argot de voleur. (Rigaud.) — Flair se comprendrait mieux.

BLAIREAU : Balai, conscrit. — « Le soldat appelle blaireau le balai… Il nomme encore cet instrument le pinceau du bleu (conscrit. Voir Bleu). » (D. Lacroix.) — Les pinceaux de coloriste étant faits de poils de blaireau et le balai étant d’autre part appelé pinceau, on voit le rapprochement qui a formé ce nom nouveau. De là aussi le nom de blaireau donné aux nouveaux soldats qui font plus souvent que les autres la corvée du balayage.

BLANC : Eau-de-vie de marc. (Rigaud.)

BLANC (Jeter du) : Interligner. Terme d’imprimerie. (Id.)

BLANCHIR : Créer des alinéas, multiplier les tirets dans un texte. (Id.) — Argot des gens de lettres.

BLASÉ : Enflé. Argot des voleurs qui ont pensé à l’allemand blasen : Souffler. (Delvau.)

BLAVIN : Pistolet de poche. Argot des voleurs. (Rigaud.) — Un revolver s’empoche en effet comme un blavin ou mouchoir, et il se tire pour moucher… les gens. V. Moucher.

BLÈCHE : Médiocre, vilain, mauvais. — Du vieux mot blaiche : Mou, paresseux.

FAIRE BANQUE BLÈCHE : Ne pas toucher de banque. (Boutmy.)

FAIRE BLÈCHE : Amener un coup nul.

* BLEU : Le sens de conscrit donné à bleu remonte à la Révolution qui donna des habits bleus à l’infanterie au lieu d’habits blancs. Ce remplacement n’ayant lieu que graduellement, les nouveaux soldats portèrent les premiers la nouvelle tenue et se reconnaissaient au premier aspect.

BLEU : Stupéfait. Mot à mot : congestionné de stupéfaction. — « Le lendemain il en était bleu quand il a vu la figure de sa femme. » (Le Sublime.)

BLEUE (elle est) : Elle est forte, elle est difficile à croire ou à supporter, en parlant d’une nouvelle. (Rigaud.) — Mot à mot : elle est à vous rendre bleu, elle est stupéfiante.

BLÉZIMARDER : Se couper la parole. Argot théâtral. (Id.)

BLONDE : Bouteille de vin blanc. (Id.)

BLOQUER : Consigner. (D. Lacroix.) — Terme de billard. La boule bloquée ne peut sortir.

BLOQUER : Faire défaut, faillir, dans l’argot des typographes qui en ont fait une acception figurée de leur bloquer : remplacer provisoirement un signe manquant par un autre qui ne doit pas rester. « Bloquer le mastroquet, ne pas payer le marchand de vin. » (Boutmy.)

* BLOUSER : Tromper. Étymologie : Dans le Nord, on dit bleusse pour mensonge.

* BOBÉCHON : Tête. Comparaison de la tête de l’homme à celle du chandelier. — Se monter le bobéchon : se monter la tête. (Rabasse.)

BOBELINS : Bottes. Argot du Temple. (Delvau.)

* BOBINETTE. Page 42. Au lieu de bobinette v. bobine : lire bobinette ou trombinette.

BOBONNE : Bonne. Redoublement. « La machine tournoyait… Des bobonnes califourchonnaient des dadas peints. » (Huysmans, 79.)

BOBOSSE : Bossue. — Redoublement. « Bobosse, elle n’en avait pas moins su pêcher un homme du monde. » (Huysmans, 79.)

BOCKER : Prendre des bocks, boire de la bière. (Rigaud.)

BOCOTTER : Grogner. (Rigaud.) — Mot à mot : Bêler comme une bocquotte (chèvre).

BOCQUE : Montre. (A. Pierre.) — Forme de Bogue.

BŒUF : Roi de jeu de cartes. Allusion à sa rotondité. V. Borgne.

BŒUF : Second ouvrier cordonnier, ouvrier tailleur faisant les grosses pièces, (Id.) — Comme animal de trait, le bœuf a de grosses charges.

BŒUF (avoir son) : « Le bœuf est un degré de mécontentement plus accentué que la chèvre. » (Boutmy.) — On sous-entend probablement bœuf enragé.

BOIRE DANS LA GRANDE TASSE : Se noyer, être noyé. — Ironie. Voyez Gameler.

BOIRE DU LAIT : Être applaudi. (J. Duflot.)

BOIRE UNE GOUTTE : Être sifflé. (Bouchard.) — Opposition à l’image ci-dessus. Le lait est doux, mais la goutte est raide.

BOIS (remettre du) : Pousser à l’enthousiasme. Argot théâtral — « Il y en a aussi un qui fait les couloirs pendant les entr’actes,… qui chauffe, qui remet du bois, en style de coulisses. » (Dumas fils.)

BOIS AU-DESSUS DE L’ŒIL JARD : Il sait et entend l’argot. (A. Pierre.) — Jard est Une forme de jar qui veut dire argot. (V. p. 210.) Bois au-dessus de l’œil fait sans doute allusion à un signe de reconnaissance.

BOISSEAU : Litre de vin. (Rigaud.) — Allusion du genre de celle qui fait donner à un verre d’eau-de-vie le nom d’avoine.

BOÎTE : Atelier. V. Contre-coup.

BOÎTE D’ÉCHANTILLONS : Tonneau de vidange. Allusion à la diversité des provenances de son contenu. (Rigaud.)

BOÎTE AUX RÉFLEXIONS : « Salle de police,… séjour où tout porte aux réflexions, puisque toute distraction y est interdite. » (D. Lacroix.)

BOÎTE AU SEL : Tête. (Delvau.) — Sel est ici pris dans son acception figurée.

BOITE AUX CAILLOUX : Prison. (Id.) — Mot à mot : « Maison pavée. » On y couche sur la dure.

BON ENDROIT : Derrière. Ironie. « Elle reçut un maître coup de soulier, juste au bon endroit. » (Zola.)

BON JEUNE HOMME : Jeune homme candide. — « Il s’agit de respecter les illusions d’un bon jeune homme qui croit encore aux grisettes. » (Vie paris., 79.)

BON POUR BERNARD : Bon pour le cabinet. (Id.) V. Bernard.

BON SANG DE BON SANG ! : Exclamation poussée en apprenant une nouvelle surprenante. Je ne puis la traduire qu’en l’écrivant ainsi : bon sens ! et en faisant une abréviation de l’exclamation y a-t-il du bon sens ! qui se dit communément. — « Le maçon gueula : bon sang de bon sang ! » (Hennique.)

BONBON : Bouton au visage. (Rigaud.) — Allusion de forme.

BONBONNIÈRE : Tonneau de vidange. Ironie. — « J’étais pour la réparation des bonbonnières et des anderliques. » (Le Sublime.)

* BONBONNIÈRE À FILOUS : C’est là que les filous cherchent leurs bonbons dans la poche des voisins. (Rigaud)

BONDIEUSARD : Fabricant commerçant d’objets de sainteté. (Id.)

BONDIEUSARDISME : Cagotisme. — « Il faut supprimer comme entachées de bondieusardisme (c’est leur mot) les rues de l’Abbaye, de l’Abbé-de-l’Épée, etc. » (Figaro, 76.)

BONDIEUSERIE : Objet de dévotion. Commerce d’objets de dévotion.

BONIMENT : Propos. V. Jardin.

* BONIR : Se taire. (Delvau.) Bonir : Parler, étant trop connu, on lui aura donné le sens contraire, pour dérouter.

BONISSEUR : Discoureur — BONISSEUR DE LA BATTE : Témoin à décharge. (Rigaud.) — Mot à mot : témoin du beau, du joli.

BONNET : Ligue secrète entre plusieurs ouvriers d’un atelier. — « Le bonnet est tyrannique, injuste et égoïste comme toute coterie. » (Boutmy.)

BONNET JAUNE : Pièce d’or. Argot des filles. Mot à mot : bonne et jaune. (Delvau.)

BOOK : Livre de courses, combinaison de paris. (Parent.)

BORDÉ (être) : Avoir renoncé à l’amour. Jargon des filles. (Rigaud.) — Quand on est bordé, on est couché, on ne se lève plus.

BORGNE : As. — Il est unique comme l’œil du borgne. — « Quinze et cinq, trois borgnes, trois bœufs, tierce major dans les vitriers, trois colombes. » (Le Sublime.)

BORGNER : Regarder. (Delvau.) — Pour mieux voir, on se fait borgne en fermant un œil.

BOSSELARD : Chapeau haut de forme. Argot de collège. (M. Tourneux.) — C’est bosselé avec changement de finale. Les gamins ne ménagent guère leurs coiffures.

BOTTER : Donner la botte au derrière. (Rigaud.)

BOUANT : Cochon. Il se plaît dans la boue. — Argot de voyous. (Delvau.)

BOUBOUILLE : Cuisine misérable faite sur un fourneau portatif. (Rigaud.)

BOUCLAGE : Menottes, liens. Argot de prisonniers. (Delvau.)

BOUIF : Faiseur d’embarras, mauvais ouvrier. (Rigaud.)

BOULAGE : Rebuffade, refus. (Boutmy.) — Mot à mot : action de bouler, battre. V. page 56.

BOUILLONNER : Ne pas vendre, manger dans un bouillon restaurant. (Rigaud.)

BOULE : Chien terrier. (Id.) — C’est le bull anglais.

BOUL-MICH : Boulevard Saint-Michel. (Id.) — Abréviation. Je dois faire observer à ce sujet qu’on dit aussi boul-ger pour boulevard Saint-Germain. Ouvrir la porte à des néologismes de cet ordre expose à de grands et peu utiles envahissements.

* BOULER : Tromper. — Du vieux mot boule : Tromperie, astuce.

BOULET À COTES, BOULET À QUEUE : Melon. Argot de faubourien. (Vidocq.)

BOULEUR, BOULEUSE : Acteur ou actrice jouant comme doublure. (Rigaud.)

BOULINGUER : Déchirer (argot de voleur), gouverner, conduire (argot de vagabond). (Delvau.) — Dans le premier sens, je crois que boulinguer se rapproche du mot boulin qui mot à mot veut dire trou. Voyez Bouliner, p. 56.

BOULONNAISE : Fille publique exploitant le bois de Boulogne. (Rigaud.)

BOULOT : Haricot rond. (Delvau.) — Allusion de forme.

BOUQUET (c’est le) : C’est le comble. Se dit indifféremment d’un malheur ou d’un bonheur succédant à un autre. — Allusion au bouquet qui termine un feu d’artifice,

BOUQUET : Cadavre. Argot de voyou. (Delvau.)

BOURDON : Femme prostituée. (A. Pierre.) — Elle bourdonne des invitations à l’oreille du passant.

BOURGUIGNON : Soleil. (Delvau.) Il fait mûrir le vin, et le vin de Bourgogne est le vin préféré du peuple.

BOURLINGUE : Congé. — BOURLINGUER : Donner congé. — BOURLINGUEUR : Patron menaçant toujours de congédier l’ouvrier. (Rigaud.)

BOURREBOYAUX : Gargote. (Rigaud.)

BOURREUR DE PÈGRES : Code pénal. Il bourre les malfaiteurs. (Id.)

BOURRASQUE : Razzia de police. Argot de voleurs. (Delvau.) — Une bourrasque rase tout.

BOURRE-COQUINS : Haricots. Argot du peuple. (Delvau.) — Les haricots ou fèves jouent le premier rôle dans la nourriture des bagnes.

BOURRE DE SOIE : Fille entretenue. Argot de voyous. (Delvau.) — C’est bourdon avec un changement de finale qui fait un jeu de mots.

* BOURRICHON : Tête. — Comparaison de la tête à une bourriche d’huîtres.

BOURSER (se) : Se coucher. (Rigaud.) — Même image que dans se glisser dans le portefeuille. Ne doit se dire que des lits étroits.

BOUSILLER : Travailler vite et mal. Mot à mot : comme s’il s’agissait de bâtir avec de la boue. (Delvau.)

BOUSILLEUR, BOUSILLEUSE : Mauvais ouvrier, gaspilleuse. (Id.)

BOUSINGOT : Cabaret. Diminutif de bousin. — « On alla à la Puce qui renifle, un petit bousingot où il y avait un billard. » (Zola.)

BOUT : Congé. — FLANQUER SON BOUT : Donner son congé. Argot de tailleur. (Rigaud.) — Abréviation. Pour bout du service.

BOUT DE CUL : Petit homme. « Un abominable bout de cul, coiffé d’une casquette de velours. » (Huysmans, 79.) Voyez Bout d’homme, p. 58.

BOUTANCHE, BOUTOQUE : Boutique. Argot de prison. (Delvau.) — C’est boutique avec changement de finale.

BOUTEILLE : Nez. Argot de faubouriens. (Delvau.) — C’est le vin bu qui vient l’empourprer.

BOUTON DE PIEU : Punaise. (Rigaud.) — Elle garnit les lits (pieux) du dernier ordre comme les boutons garnissent une robe. Et Dieu sait qu’on ne les ménage guère aujourd’hui !

BOUTON : Passe-partout. Argot de voleur. (Delvau.) — Allusion au bouton de porte qu’il suffit de tourner pour ouvrir.

BOYAU ROUGE : Bon buveur. Argot du peuple. (Id.) — Allusion à la couleur du vin qui remplit l’ivrogne.

BRADER : Vendre à vil prix. Argot de marchand. (Id.)

BRAILLANDE : Caleçon. Argot de voleurs. (Delvau.) — Pour braillarde.

* BRANCHE : Peut venir aussi du vieux mot branché : compagnon associé dans une affaire.

BRANCHER : Loger. — Synonyme de percher. Animalisme. — « Je m’embête d’être branché en garni. » (De Goncourt.)

* BRAS : Grand. — C’est une importation bretonne. Braz a le même sens en breton.

BRÈME : Carte de fille soumise. (Rigaud.) — Allusion à la carte à jouer dite brème. — ÊTRE EN BRÈME : Être sous la surveillance de la police. (Id.)

BRICHETON : Pain. — « Le troupier dit aussi que son pain est du bricheton, du brignolet. » (D. Lacroix.)

* BRICULÉ : Officier de paix. (A. Pierre.) — L’accent manque dans le répertoire d’Halbert. V. p. 61.

BRIDE, VIEILLE BRIDE : Objet de rebut. — Le premier mot est une abréviation. — « Comment une bride de son espèce se permettait de mauvaises manières à l’égard d’un camarade. » (Zola.) — « Entendez-vous, vieille bride, de l’eau, c’est bon pour éteindre le feu. » (Le Sublime.) — Ce péjoratif doit venir, comme schabraque, de la cavalerie. (V. p. 328.)

BRIGAND, BRIGEANT. Cheveu. Argot de voleur. (Delvau.)

BRIFFE : Gras double ?

Nous nous empâtons
D’arlequin, d’ briffe et d’ rogatons.
Richepin.

BRIMARD : Briseur. Argot des voyous. (Delvau.) — Pour brisemar.

* BRIMER (p. 62). Étymologie. En poitevin, brimer a le sens analogue de rendre malade.

* BRIOCHE : Castil Blaze a prétendu donner l’origine de ce mot par je ne sais quelle histoire de musiciens d’Opéra que je ne vois justifier par aucun texte. — Règle générale : il faut se méfier des anecdotes qui fourmillent dès qu’il s’agit d’expliquer un mot d’argot. Dans les trois expressions très populaires faire un pâté, faire une boulette, faire une brioche, je vois un air de parenté qui nous mène loin de l’orchestre de l’Opéra.

BRIQUEMONT : Sabre. Argot de voleur. (Delvau.) V. Briqmann, p. 62.

BROBUANTE : Bague. Argot de voleurs. (Delvau.)

BROCANTE : Vieux soulier. (Rigaud.) — C’est-à-dire soulier de brocante.

BROCHES : Dents. (Id.) Animalisme.

BROUILLE : « En langage de palais on appelle la brouille, c’est-à-dire ces nombreux petits artifices de procédure qui font rendre à une affaire tout ce qu’elle peut donner de bénéfice. » (Petit Journal, déc. 78.)

BRÛLÉ : Affaire manquée. (A. Pierre.) — Mot à mot : « affaire brûlée. »

BRÛLER (se) : S’approcher plus près de la rampe que le rôle ne le comporte. Argot théâtral. (Bouchard.) — Allusion aux feux de la rampe.

BUEN RETIRO : Cabinet d’aisances. — Ironie espagnole. — « Une dame sortant d’un buen retiro à quinze centimes. » (Figaro, 76.)

BURETTES : Paire de pistolets. Argot de voleur. (Delvau.) — Elle sortait de la ceinture comme les burettes de leur étui.

BUTIN : « Le butin du soldat, c’est l’ensemble de ses effets d’ordonnance. » (D. Lacroix.)

BUTRE : Plat. (Delvau.)

BUVEUR D’ENCRE : « Par ce surnom, le troupier désigne tous les militaires employés dans les bureaux, et plus particulièrement les fourriers. » (D. Lacroix.)