Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/O

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OBJECTIF : But. — On a fait un abus incroyable de ce mot depuis 1870, époque où le général Trochu s’en servit fréquemment dans ses rapports militaires. « Napoléon III protesta que son objectif était l’alliance avec l’Angleterre. » (Figaro.)

OBÉLISCAL : Merveilleux. — Date du transport de l’obélisque sur la place de la Concorde. — « Admirable ! pyramidal ! obéliscal ! » (Almanach de la Polka, 45.) V. Granitique.

OBJET : Amante. Mot à mot : objet d’amour. — « Il apprend que le cher père a cloîtré son objet. » (Désaugiers,)

OCCASE : Occasion. — Abréviation. — « Deux francs cinquante de bénef, profitez de l’occase. » (A. Second.)

OCCASION : Chandelier. (Halbert.)

OCCIR : Tuer. — Vieux mot relevé par les romantiques. — « Ô surprise ! j’avais occi le bandit qu’on cherchait depuis huit jours. » (Marx.)

ŒIL : Crédit. « Se trouve dans le Dictionnaire de Cartouche de Grandval (éd. de 1827). « Je vous offre le vin blanc chez Toitot ; j’ai l’œil. » (Chenu.) — « La mère Bricherie n’entend pas raillerie à l’article du crédit. Plutôt que de faire deux sous d’œil, elle préférerait, etc. » (Pr. d’Anglemont.) — « La fruitière n’a jamais voulu ouvrir l’œil : elle dit qu’elle a déjà perdu avec des artistes. » (Champfleury.)

ŒIL : Bon effet produit à première vue. — Se dit de n’importe qui et de n’importe quoi. — « La chose a de l’œil. C’est léger. » (A. Scholl.)

ŒIL (mon) : Formule négative. — Abréviation d’une autre phrase reçue qui consiste à dire : Regarde de quelle nuance est mon œil. — « Et quand tu m’auras bien aimée, en serai-je plus avancée, je te prie ? Regarde donc de quelle nuance est mon œil. » (Monselet.) — « Quand le démonstrateur expose la formation des bancs de charbon de terre, mon voisin s’écrie avec un atticisme parfait : Oui, mon œil ! » (Villetard.)

ŒIL (avoir l’) : Avoir crédit.

ŒIL (faire de l’) : Lorgner amoureusement. — « Sous prétexte de voir essayer le chapeau, il ne manquait pas de faire de l’œil à la modiste.» (P. de Kock.)

ŒIL (se mettre le doigt dans l’) : Ne pas voir juste.

ŒIL (ouvrir l’) : Veiller attentivement, faire crédit.

ŒIL (tape à l’) : Borgne. — Mot à mot : endormi d’un œil. — Il tape d’un œil, bien malgré lui. V. ci-dessous.

ŒIL (taper de l’) : Dormir. — C’est le clore la paupière du peuple. — « Monsieur, faites pas tant de bruit, je vais taper de l’œil. » (Vidal, 33.) V. Taper dans l’œil.

ŒIL (tirer l’) : Attirer l’attention.

ŒIL (tortiller, tourner de l’) : Mourir. — « J’aime mieux tourner la salade que de tourner de l’œil. » (Commerson.) — « J’ voudrais ben m’en aller, dit le pot de terre en râlant. Bonsoir, voisin, tu peux tortiller de l’œil.» (Thuillier.)

ŒIL DE VERRE : Lorgnon. — « Ces mirfliflors aux escarpins vernis, aux yeux de verre. » (Festeau.)

ŒUF (casser son) : Faire une fausse couche.

OGRE, OGRESSE : Usurier, marchande à la toilette. — Ils finissent toujours par dévorer financièrement leur clientèle.

OGRE : « Il y a deux espèces de compositeurs d’imprimerie : 1° les ogres, bons pères de famille qui travaillent pour leurs enfants ; ils sont à la conscience, c’est-à-dire qu’ils gagnent un prix fixe par jour ; 2° les caleurs ou goippeurs qui à chaque instant se dérangent : ceux-là travaillent aux pièces. » (Moisand, 41.)

OGRE : Agent de remplacement. (Vidocq.) — Il a toujours besoin de chair humaine.

OGRE : Chiffonnier en gros, recéleur, patron de tapis franc. — Allusion à leurs bénéfices dévorants. — « Les chiffonniers donnent ce nom à celui qui achète le produit de leurs recherches nocturnes pour les revendre en gros. Il fut un temps où ce nom était synonyme de recéleur. Dans ce but, l’ogre possédait à côté de son établissement d’achat de chiffons un débit de liqueurs qu’il faisait gérer par un affidé ou un compère ; il y recevait clandestinement des malfaiteurs qui apportaient là les produits de leurs rapines. » (Castillon.)

OGRESSE : Maîtresse de maison. (Halbert.) — Elle est comme les ogres en quête de chair fraîche (féminine).

OIGNES (aux petits) : abrév. de Oignons (aux petits.) — « Ça n’ t’empêchera pas de faire ça aux petits oignes. » (L. de Neuville.)

OIGNON : Montre. — Allusion de forme,

OIGNONS (aux petits) : Très bien. — Les oignons sont en grande faveur dans la cuisine populaire. — « Les lanciers ! demandez la nouvelle danse, arrangée aux petits oignons. » (Randon.)

OIGNON (il y a de l’) : Il y a des gémissements. — Allusion aux pleurs que l’oignon fait verser. — « S’ prend’ de bec, c’est la mode, et souvent il y a de l’oignon. » (Dupeuty.)

OISEAU : Triste personnage. — « Minute ! quel est c’t oiseau-là ? » (Léonard, parodie.)

OISEAU FATAL : Corbeau. (Vidocq.) — Le corbeau a depuis longtemps cette réputation.

OISEAUX (aux) : Très-bien. — « Il est meublé aux oiseaux. » (Balzac.) — « Pour exprimer qu’un homme est très-bien fait, qu’une femme est très-belle, on dit qu’ils sont aux oiseaux. » (Dhautel, 08.)

OISEAUX (se donner des noms d’) : Roucouler amoureusement. — « Nous nous donnerons des noms d’oiseaux. » (Hardy.)

OLIVET : Ognon. (Halbert.)

OMETTRE (l’) : Le tuer (Rabasse.) Au figuré, on disait envoyer dans le royaume d’oubli. Serait-ce un équivalent ?

OMNIBUS : Prostituée. Mot à mot : femme à tous. — Latinisme. — « On y remarque aussi quelques pauvres beautés omnibus. » (La Maison du Lapin-Blanc.)

OMNIBUS DE CONI : Corbillard. (Vidocq.) Mot à mot : voiture publique de mort.

ONGLE : Usurier. — « Ce mot symbolise l’usure, comme dans la langue populaire ma tante signifie le prêt sur gage. » (Balzac.)

ONCLE : Portier-consigne de prison. « L’oncle est venu prendre ma camoufle et m’a dit le centre de ma pige. » (V. Introduction. Lettre à Minder.)

ONCLESSE : Femme du concierge de la prison. (Idem.)

ONE (A Stiff), a dead one, a safe one : Littéralement un cheval raide, un cheval mort, un cheval sauf. Autant d’expressions pour indiquer un cheval qui ne gagnera point ou qu’on ne veut pas faire gagner. » (Parent.) Terme de courses anglais.

ONGUENT : Argent. (Rabasse.) C’est en effet un onguent pour bien des maux.

OPPORTUNISME : Ligne de conduite modérée adoptée par les partis qui ne passent pas pour amis de la modération. Il va sans dire que L’exemple suivant n’est point une appréciation pour nous : « On me demande ce que c’est que l’opportunisme… C’est Marat jouant Tartuffe. » (A. Karr, oct. 76.)

OPPORTUNISTE : Partisan de l’opportunisme. « Les pontifes de l’infaillibilité radicale fulminent contre les opportunistes. » (P. Moniteur, oct. 76.)

ORANGE À COCHONS : « La pomme de terre est aussitôt saluée par l’argot d’orange à cochons. » (Balzac.)

ORDINAIRE : Portion de bouillon et de bœuf. « On lui donnait un ordinaire, c’est-à-dire un bouillon et un bœuf. » (Scholl, 60.)

OREILLARD : Âne. (Vidocq.) — Allusion à ses longues oreilles.

ORFÈVRE : Personne cherchant à faire prévaloir ses intérêts particuliers sous un autre motif. — Abréviation d’une réponse bien connue : « Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ? » faite par Sganarelle à l’orfèvre Josse, qui lui conseille l’achat d’un écrin comme le seul moyen de guérir la mélancolie de sa fille. (Molière, Amour médecin.)

ORGUE (terminaison en). V. Aille.

ORGUE (causer sur l’) : Causer sur lui. (Rabasse.) Si cette définition est exacte, on devrait écrire lorgue et non l’orgue, car ce ne serait que le mot lui déformé par la terminaison en orgue (V. ci-dessus). Même observation pour manger sur l’orgue (dénoncer).

ORGUE (jouer de l’) : Ronfler. — Allusion aux ronflements des tuyaux d’orgue. — « Il prenait toujours une stalle sur le derrière de l’orchestre, afin de ne pas être dérangé. Il s’y installait commodément, et là il piquait son chien, comme nous disions au collège ; il cassait sa canne, comme nous disons aujourd’hui ; il jouait de l’orgue, comme disent les titis ; ou bien il roupillait, selon les linguistes. » (Privat d’Anglemont.)

ORIENT : Or. (Rabasse.) Adjonction de finales.

ORLÉANS : Vinaigre. (Vidocq.) Celui d’Orléans est le plus renommé.

ORNIE, ORNICHON, ORNION, ORNIE DE BALLE : Poule, poulet, chapon, dinde.

ORPHELIN : Orfèvre. (Vidocq.) — Changement de finale.

ORPHELIN DE MURAILLE : Excrément isolé. Mot à mot : abandonné par son auteur contre un mur.

ORPHELINS : « C’est sous ce nom que l’on veut dire en argot : une bande de voleurs. » (A. Durantin.)

OS : Argent. — Si l’argent est le nerf de la guerre, pourquoi ne serait-il pas l’os de la vie civile ? Cette étymologie nous paraît préférable à celles qu’on a risquées jusqu’ici. — « Dans la langue populaire parisienne, on appelle os le numéraire. » (Mornand.)

OSEILLE : Argent. — C’est le mot os avec une terminaison arbitraire en eille.

OSEILLE (avoir de l’) : Avoir de l’argent. (Rabasse.)

OSEILLE (la faire à l’) : Réussir un bon vol. (Rabasse.) Ne pas confondre ce sens avec celui de la faire à l’oseille : tromper grossièrement. V. Faire.

OSEILLE (scènes de l’) : « C’est-à-dire, en argot de coulisses, les scènes où les petites femmes font leur apparition en costume plus ou moins fantaisiste. » (Escudier, 76.)

OTHELLO : Mari jaloux. — Allusion à l’Othello vénitien. — « Modifier vos bonnes et douces habitudes pour vous métamorphoser en Othello, c’est vous y prendre un peu tard. » (Ed. Lemoine.)

OUICHE : C’est un oui ironique. — « Croyez-vous qu’il viendra me chercher ?… Ah bien ! ouiche ! » (About.) — « Ah ouiche ! v’là encore un beau pleutre ! » (Le Chirurgien anglais, parade, 1774.)

OURS : « Ancien compagnon pressier. Le mouvement de va-et-vient qui ressemble assez à celui d’un ours en cage, par lequel les pressiers se portent de l’encrier à la presse, leur a valu sans doute ce sobriquet. » (Balzac.)

OURS : Salle de police. — « Je fus passer deux jours dans un lieu ténébreux qu’on appelle l’Ours. » (Souvenirs de Saint-Cyr.) V. Mazaro.

OURS : Pièce qui a vieilli dans les cartons d’une direction de théâtre. Elle ne se joue que dans la belle saison, quand les théâtres sont déserts. — Allusion à l’ours qui dort pendant l’hiver et qui se montre pendant l’été. M, Marty-Laveaux m’a montré dans La Fontaine, un premier germe de cette allusion. Il est fort curieux :

Mon opéra, tout simple n’étant sans spectacle,
Qu’un ours qui vient de naître et non encore léché.
(Épître à Mme  de Thiange)

— « Au théâtre des refusés, d’ours il fait commerce. » (Al. Flan.)

OURS (envoyer à l’) : Envoyer promener. Mot à mot : envoyer voir l’ours au Jardin des Plantes, si cher aux flâneurs.

OURSERIE : Disposition prononcée pour la vie solitaire. « Vous savez que j’avais quelques dispositions à l’ourserie. » (Mérimée.)

OURSON : Bonnet à poil d’ours. — « J’allais me coiffer de l’ourson dévolu aux voltigeurs. » (L. Reybaud.)

OUTILS : Instruments de voleur. — Ils servent à son travail. V. Vague. — « Je vais à Niort, mais mon imbécile avait gardé son outil. » (Beauvillier.)

OUTRANCIER : Nom inventé pour ridiculiser ceux qui voulaient la résistance à outrance en 1871 et qui ne se battaient point. « Il marchait à la mort tandis que les outranciers se prélassaient à la mairie. » (A. Marcade, 75.)

OUTSIDER : « Cheval que l’on considère comme n’ayant que peu ou point de chance de gagner. » (E. Parent.)

OUVRAGE : Vol. (Vidocq.)

OUVRIER : Voleur. (Idem.)

OVALE : Huile. (Halbert.)