Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/N

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N


NAGEOIR : Poisson. (Vidocq.) — Il nage.

NAGEOIRE : Favori large s’écartant de la joue comme une nageoire de poisson. — « L’ampleur de ses favoris qu’il persiste à appeler des nageoires. » (M. Saint-Hilaire.)

NASE, NAZE : Nez. — Vieux mot. — « Elle est mieux que la Hollandaise, mais ça n’est pas pour mon nase. » (Mme  de Solms, 66.)

NATURALIBUS (in) : Dans l’état de nature, nu. — Latinisme. — « Mon Joseph eut avec elle un tête-à-tête in naturalibus. » (Beaufort, Elle et Moi, Troyes, an VIII.) — « L’autre regardant à l’horizon in naturalibus. » (Commerson.)

NAVETS (des) : Non. — « Est-ce que j’en suis ? Toi, mon bonhomme, beaucoup de navets ! » (Montépin.) — « M’exposera Saint-Lazare pour ça… Des navets ! » (Jaime.)

NAVET : « Hypocrite de salon, tartufe à l’eau de rose, il était de ceux qu’on appelle dans le vieux style un pédant, et dans notre belle langue un navet. » (A. de Pontmartin.)

NAZARET : Grand nez. V. Dariole. — Augmentatif de naze.

NAZE : Nez. V. Nase.

NAZICOT : Petit nez. — Diminutif.

NAZONANT, NAZONAUT : Gros nez. (Grandval, Halbert.) Augmentatif.

NE TE GÊNE PAS DANS LE PARC : Veston assez court pour n’avoir pas besoin d’être retroussé en cas de nécessité. — « On a successivement appelé les vestons : saute-en-barque, — pet-en-l’air (pardon, madame), — montretout (pardon, mademoiselle), — pince-nez, — ah ! gandin, je te vois, — club-cleub-clob, — newmarket, — cucheval, — couche-avec. — Hier encore, on les appelait des suivez-moi, mademoiselle. Mais aujourd’hui, on appelle ces coquets vestons des ne te gêne pas dans le parc. » (Vie parisienne, 9 mars 67.)

NÈFLES (des) : Non. — « Souper avec vous, des nèfles ! Les panés, il n’en faut pas. » (Les Cocottes, 64,) — « Rends-moi mon verre, Auguste, flanches pas ! — Jamais, des nèfles… je ne rends jamais qu’après. » (Tam-Tam, 76.)

NÉGOCIANT (faire le) : « Aller se promener, terme suprême du matelot pour exprimer un homme qui n’a rien à faire. » (Physionomie du Matelot, 43.)

NÉGOCIANT : Entreteneur. (Halbert.)

NÉGRESSE : Paquet couvert de toile cirée noire. (Vidocq.)

NÉGRESSE : Punaise. — « Je sentis bien, quand nous étions couchés, qu’il ne manquait pas de négresses et même de grenadiers. » (Lecart.) — Allusion à la couleur foncée de la punaise. Quant aux grenadiers, qui sont des poux de forte taille, il faut se rappeler le sens argotique de garnison. Les deux mots marchent bien de compagnie.

NÉGRESSE : Bouteille. (Colombey.) — Allusion à son aspect foncé. — « Encore une négresse qui avait la gueule cassée. » (Zola.)

NÉNAIS, NÉNET : Sein. — « Tenez, mon cœur, voilà le corset, ajustez-moi ça sur mes nénets. » (Ricard.) — « Petite maman s’est fait des nénais avec du coton. » (Gavarni.)

NÉO : Néo-chrétien — « Je passai en revue les diverses sectes des néo-chrétiens dont Paris était inondé. Il y avait les néo-chrétiens du journal l’Avenir, les néo-chrétiens de M. Gustave Drouineau, les néo-catholiques et une foule d’autres, tous possédant le dernier mot du problème social et religieux. » (L. Reybaud, 43.)

NEP : Voleur brocantant de faux bijoux, de fausses décorations. (Vidocq.)

NERF, NERF DE LA GUERRE : Argent. V. Os. — « Le nerf de la guerre manquait à ce point qu’il n’avait pas le strict nécessaire. » (Vie parisienne, 67.)

NERFS (avoir ses) : Être sous l’empire d’une irritation nerveuse. Jadis on disait : J’ai mes vapeurs. — « Madame aurait ses nerfs ? Nerfs contre nerfs. Apportez-moi le nerf de bœuf. » (Michu.)

NETTOYER : Ruiner, vendre, dévaliser. — « Je lui nettoie sa pelure du haut en bas. J’trouve une demi-veilleuse. » (Monselet.) V. Lavage, Maquilleur.

NETTOYER : Tuer. — « Oh ! les gredins, je les nettoierai. » (F. Pyat.)

NEZ QUI A COÛTÉ CHER À METTRE EN COULEUR : Nez dont la teinte rouge atteste que son porteur a payé plus d’une bouteille. — « En voilà un nez qui a coûté cher à mettre en couleur. » (Gavarni.)

NEZ (avoir dans le) : Détester quelqu’un. Mot à mot : ne pouvoir le sentir. — « Il ne faudrait pas que la demande vînt de vous. M. Faviaux vous a dans le nez. » (About.)

NEZ CREUX (avoir le) : Être malin, perspicace. — Les nez creux ont plus de capacité que les autres. — « Oh ! elle avait le nez creux, elle savait déjà comment cela devait tourner. » (Zola.)

NEZ LONG (avoir le), faire son nez : Paraître désappointé. — « Nous nous sommes payé le billard, j’en ai rendu vingt de trente à Lahure, qui faisait un nez aussi long que sa queue de billard. » (Voizo.) — On dit en abrégeant, dans le même sens, avoir un nez.

NEZ (se piquer le) : S’enivrer. — Un nez piqué rougit comme celui qu’empourpre l’ivresse. — « Qui ne s’est pas piqué le nez une pauvre fois dans sa vie ? » (Grévin.)

NEZ OÙ IL PLEUT : Nez tout à fait retroussé. — On voit d’ici l’allusion. — « Mlle  Kid était une petite drôlette, avec un nez où il pleut dedans. » (Stop, Journal amusant, 70.)

NI VU, NI CONNU ! JE T’EMBROUILLE : Locution placée ordinairement à la fin d’un récit pour peindre la rapidité d’un acte et la difficulté de l’expliquer. (Dhautel, 08.)

NIAIRE : C’est lui, c’est moi. (Rabasse.) — Ce doit être une forme de nière (complice), servant de signe de reconnaissance.

NIB, NIBERGUE, NIBERTE, NIENTE : Rien. — Niente est un italianisme. Nib semble une abréviation de Nibergue, qui est un anagramme de bernique. — « N’avoir pas le sou, s’articulait nib de braise ou nisco boursicoto. » (Lespès.)

NIBE : Silence ! ne dis rien. (Rabasse.) — Forme de nib.

NIBE AU TRUC : Ne rien dire sur un vol. (Rabasse.)

NIBÉ : Tais-toi ! taisez-vous ! (Rabasse.) V. Nibe.

NICDOUILLE, NIGUEDOUILLE, NIGAUDINOS : Nigaud. — « Vous vous êtes en allé fâché, désespéré, nigaudinos. » (Balzac.) — « Tais-toi donc, nicdouille. » (Phy. du Matelot, 43.)

NICHONS : Seins. — Allusion à la double niche qu’ils occupent dans le corsage. — « Nana ne se fait plus de nichons avec des boules de papier, il lui en est venu deux. » (Zola.)

NIÈRE : Complice. V. Manger.

N — I — NI, C’EST FINI : Formule négative. — Redoublement de la dernière syllabe de fini. — « Ne me parlez plus de rien…, n i, ni, fini. » (Rousseliana, 05.) — « N i, ni, c’est fini, plus de Malvina. » (L. Reybaud.)

NINI, NINICHE : Mot d’amitié. Diminutif d’Eugénie. — « Quand maman aime bien petit papa, elle appelle petit papa ma niniche. » (Gavarni.)

NlOLLE : Vieux chapeau. — C’est une forme de gniolle : personne sans consistance. Un chapeau déformé a perdu aussi la sienne. — « Un niolle est un chapeau d’homme retapé. Les niolleurs sont les marchands de vieux chapeaux. » (Mornand.)

NIOLLEUR : Marchand de vieux habits. — Extension du sens du mot précédent. V. Niolle.

NIORT (aller à) : Nier. — Jeu de mots sur la ville et le verbe. — « Je vois bien qu’il n’y a pas moyen d’aller à Niort. » (Canler.) V. Outil.

NIQUE DE MÈCHE : Sans complicité. (Rabasse.) Mot à mot : pas de moitié. V. Mèche.

NISCO, NIX : Non. — Nisco est un diminutif du vieux nis : pas un. — Nix est un germanisme altéré par la prononciation française (nicht). — « Fût-il un phénix, nix. » (Désaugiers.)

NISETTE : Olive. (Halbert.)

NIVET, NIVETTE : Chanvre, chanvrière, filasse. (Idem.)

NOBLING : « Acte frauduleux qui consiste à faire des paris de courses qu’on ne peut perdre. » (Parent, Angl.)

NOCE : Débauche. — Allusion aux excès gastronomiques qui accompagnaient les noces d’autrefois. — « Alors je bois, je chante, je fais la noce pour oublier. » (P. de Grandpré.)

NOCER : Faire la noce. — « Est-ce que tu as nocé aujourd’hui ?… — Nocé ! ah, bien oui ! » (Eug. Sue.)

NOIR : Café. — Allusion de couleur. — « Je paye le noir et le mêlé, et je m’enfile de douze sous. » (Monselet.)

NOM D’UN ! : Nom d’un nom ! Nom d’un petit bonhomme ! Nom d’un tonnerre ! — Il faut voir ici l’abréviation de trois synonymes de nom de D…! que les jureurs ont modifié de façon à ne se voir reprocher aucun blasphème. — « 86,000 francs par an ! nom d’un petit bonhomme ! c’est joli. » (L. Reybaud.) Nom d’un petit bonhomme fait allusion à Jésus enfant.

NOM D’UNE PIPE : Juron de fumeurs ; leur dieu est leur pipe. — « Nom d’une pipe ! si vous m’approchez… » (Mélesville, 30.)

NOMBRIL : Midi. (Halbert.)

NON POSSUMUS : Impossible. Mot à mot : nous ne pouvons pas. — Latinisme. — Allusion aux termes employés dans une déclaration du pape Pie IX. — « Les plénipotentiaires turcs ont maintenu très-résolûment le non possumus de la Porte. » (Figaro, 76.)

NONNE (faire) : Faire un attroupement simulé pour aider à un vol. (Vidocq.)

NONNEURS : Compères de voleur à la tire. — Ils s’attroupent et créent des embarras (nonnes) pour l’aider à voler.

NORMALIEN : Élève de l’école normale. Se dit aussi de celui qui en est sorti. — « Je dois reprendre chez ce jeune normalien une citation qui a juré à mon oreille. » (B. Jouvin 75,)

NOTAIRE : Épicier qui fait crédit. (Almanach des Débiteurs.) — Il note les achats.

NOUEUR : Complice. (Rabasse.) — Forme de nière.

NOUJON : Poisson. (Habert.)

NOUNOU : Nourrice. — Abréviation avec redoublement de la première syllabe. — « La maman ne peut pas se payer de bonne ni de nounou. » (Figaro, 75.)

NOURRIR : Préparer de longue main. — « Ce garçon qui devait avoir nourri ce poupon pendant un mois. » (Balzac.) V. Poupard. (Vol.)

NOURRISSEUR : « Les nourrisseurs préparent et nourrissent une affaire ; ils savent le moment où le rentier touche sa rente et les jours de rentrée du négociant ; ils étudient la maison et les habitudes des gens qu’ils veulent faire voler. » (A. Monnier.)

NOUSAILLES, NOUZAILLES, NOUZIERGUE, NOUZIÈRES, NOUZIGO : Nous. (Halbert, Colombey.) — Adjonctions de finales.

NOYAUX : Pièces de monnaie. — Du vieux mot noiau : bouton d’habit.

Le sacré violon qu’avait joué faux
Voulut me demander des noyaux,
(Vadé, 1760.)

NOYAUX DE PÊCHE (rembourré de) : Se dit des sièges fort durs : Allusion à leurs aspérités et à leur dureté. « On est en train de remplacer les noyaux de pêches des stalles par des nouveaux beaucoup plus frais. » (Éclair, 72.)

NUMÉRO (bon) : « Deux papas très-bien, ce sont deux papas d’un bon numéro. Comprenez-vous ? — Pas trop. — Deux pères parfaitement ridicules. » (Th. Gautier.)

NUMÉRO (gros) : Maison de prostitution. — Allusion au gros numéro peint sur la porte pour toute enseigne.

NUMÉRO UN, PREMIER NUMÉRO : Premier par ordre de mérite. — « C’est de la folie à l’état de numéro un. » (Jules Janin.) — « Une lanterne de premier numéro et d’un tel reflet qu’on dirait un phare. » (Deslys.)

NUMÉRO SEPT : Crochet de chiffonnier. — Le 7 ressemble effectivement à un crochet.

NUMÉRO CENT : Latrines. — Jeu de mots né dans les petits hôtels à chambres numérotées, où les latrines portent le numéro 100 pour que personne ne s’y trompe. C’est aussi le numéro qui sent le plus. — « Dans toutes les maisons du monde, j’ai ma chambre au numéro cent. » (J. Choux.)

NUMÉRO (connaître le) : Être fixé sur la valeur morale : — « Je sais d’où tu viens, je sais par où tu as passé, je connais tous tes numéros. » (Ces Dames, 60.)

NUMÉRO (retenir le) : Ne pas oublier. — « C’est bon ! je retiens ton numéro. » Se dit quand on menace quelqu’un de représailles.

NUMÉROTER SES OS : S’apprêter à être roué de coups. Mot à mot et ironiquement : s’arranger de façon à pouvoir retrouver ses os pour les remettre en place si on les casse. V. Démolir.

NYMPHE : Femme galante. — Allusion railleuse aux comparaisons mythologiques affectionnées par nos pères. V. Piger.