Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/E

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E


EAU D’AF, D’AFF, D’AFFE : Eau-de-vie. — « As-tu bu l’eau d’af à c’matin ? T’as l’air tout drôle, est-ce que t’es malade, ma mère ? » (Catéchisme poissard, 44.) V. Aff, Paf.

EAUX BASSES : Manque d’argent. On dit de même : être à la côte, etc. — « Cette délicieuse noce dura au moins trois jours jusqu’à ce qu’enfin les eaux soient devenues tellement basses qu’il faille retourner à ce maudit atelier. » (Moisand.)

EBAZIR : Assassiner. (Rabasse.) Forme d’esbasir.

ÉBOURIFFANT : Excessif au point de faire ébouriffer les cheveux sur la tête. C’est une variante de à faire dresser les cheveux sur la tête qui a paru sans doute trop connu. — « Menez une jeune fille au bal, tous les yeux flambent autour d’elle, et vous lui dites : tu ne brûleras pas !… vous êtes ébouriffant, ma parole d’honneur ! » (Physiol. des Amoureux. 41.)

ÉCAFOUILLER : Écraser en projetant les débris.

ÉCARBOUILLER (s’) : Se retirer vivement. — « Je m’envole… Et moi, je m’écarbouille. » (Michu.)

ÉCARTER, ÉCARTER DU FUSIL : Crachoter involontairement au nez de son interlocuteur.

ECCE HOMO : Homme dont l’extérieur macéré rappelle le Christ. — « Humilité incarnée, espèce d’ecce homo. » (J. David.)

ÉCHALAS : Jambe maigre comme un échalas. — « Joue des guibolles, prends tes échalas à ton cou. » (Montépin.)

ÉCHASSES : Jambes maigres et longues comme des échasses.

ÉCHASSIER : Homme à longues jambes.

ÉCHINER : Critiquer violemment. — « On y prenait solennellement l’engagement d’échiner tel ou tel individu. Il n’y avait de bonne littérature que celle qui n’avait pas été souillée par les règles de Boileau. » (Privat d’Anglemont.)

ÉCHOTIER : Rédacteur chargé des Échos de Paris dans un journal. — « Le mot n’a pas été dit, mais je connais les échotiers qui l’affirmaient. » (Chabrillat.)

ÉCLAIRAGE : « Les joueurs sortent de leurs poches l’argent qu’ils se proposent de risquer dans la partie. C’est l’éclairage. » (Cavaillé.)

ÉCLAIRER : Observer. (Rabasse.)

ÉCLAIRER : Déposer son argent. Mot à mot : le faire luire. — « C’est pas tout ça, i’ faut éclairer. C’est six francs. » {{tiret2|(Mon|selet.) — « Ne passez jamais la main (au baccarat) et priez les femmes d’éclairer leurs bancos. » (Marx.)

ÉCOPPER : Recevoir des coups, être battu. (Rabasse.)

ÉCORCHER : Faire payer trop cher.

ÉCORNAGE (vol à) : « On vient d’arrêter, dit le Moniteur (mars 66), un individu qui avait ressuscité le vol à l’écornage. À l’aide d’un diamant de vitrier, Julien S… pratiquait une ouverture dans l’angle inférieur d’une vitre de magasin. Passant par cette ouverture une petite tringle, il attirait une pièce de dentelle. »

On appelle aussi vole à l’écornage le vol à la pièce forcée. (V. pièce.) En ce cas, la pièce du voleur est écornée sur l’exergue.

ÉCORNÉ : Inculpé. (Vidocq.)

ÉCORNER : Injurier. — « Entends-tu, vieux camphrier, avec ta voix enrhumée, t’as l’air de nous écorner. » (Catéchisme poissard, 44.)

ÉCORNEUR : Ministère public.

ÉCOSSAIS (en) : Sans pantalon. — Les Écossais ont les jambes nues.

Hospitalité écossaise : hospitalité gratuite. Allusion à un air connu de la Dame blanche. (Chez les montagnards écossais, l’hospitalité se donne, etc.)

ÉCRASER UN GRAIN : Boire la goutte.

ÉCREVISSE DE REMPART : Fantassin. — Surnom donné par les marins des ports. Allusion au pantalon rouge.

ÉCREVISSE dans la tourte (avoir une), dans le vol au vent : Déraisonner. (V : Vol au vent.)

ÉCUME : Étain. (Vidocq.) — L’étain en fusion ressemble à l’écume.

ÉCUMOIRE : Visage troué, comme une écumoire, par la petite vérole.

ÉCUREUIL : « Leur métier consiste à faire mouvoir les roues des tourneurs et des mécaniciens pour 35 à 40 centimes l’heure. » (E. d’Hervilly.)

ÉDREDON DE TROIS PIEDS : Paille. — Ironie. — « Coucher dans un garni au dortoir, sur l’édredon de trois pieds (c’est ainsi qu’on nomme la paille), 10 centimes. » (Privat d’Anglemont.)

EFFAROUCHER : Voler. — Jeu de mots. Effaroucher, c’est faire disparaître. — « Qu’est-ce qu’a effarouché ma veste ? » (H. Monnier, 36.)

ÉGAYER : Siffler au théâtre. — Ironie. (J. Dufflot.)

ÉGRATLLER : Prendre. (Grandval.)

ÉGRUGEOIR : Chaire à prêcher. (Rabasse.)

EJUSDEM FARINÆ : Du même genre. Mot à mot : de même farine. Latinisme. — « Comment se fait-il qu’on ait supprimé le Radical plutôt qu’une autre feuille… ejusdem farinæ ? » (Paris-Journal, juillet 72.)

ELBEUF : Habit de drap d’Elbeuf — « Si l’étoile du mérite n’orne pas mon elbeuf usé. » (Festeau.)

ÉLÉMENTS : Argent dans l’argot de joueur : — « Y a-t-il des éléments ? demande-t-il à voix basse. Traduction : y a t-il de l’argent ? » (Cavaillé.)

ÉMAILLAGE, ÉMAILLER, ÉMAILLEUSE : « On parle beaucoup des femmes qui se font émailler. Ce mot est devenu à la mode… On croit que c’est un maquillage perfectionné… Il n’en est rien. Voici en quoi consiste l’émaillage : Les femmes, dont le visage se plisse, ont le courage de supporter l’opération suivante. On leur pratique des incisions à la peau, et on y injecte des liquides qui pénètrent les tissus, les gonflent et remplissent les vides… C’est charmant, n’est-ce pas ? » (Figaro, 24 décembre 76.) Longtemps avant cette date, une femme se faisait annoncer à la quatrième page des journaux comme émailleuse. Vers 1869, elle eut même un procès retentissant avec une Anglaise qui ne se trouvait pas suffisamment émaillée.

EMBALLER : Arrêter, écrouer. — « Tu vas nous suivre à la Préfecture. Je t’emballe. » (Chenu.)

EMBALLER : On dit d’un cheval emporté qu’il emballe son cavalier, sans doute parce que celui-ci est réduit au rôle passif d’un simple ballot. V. Là-bas. — « Un attelage a tenté de s’emballer, avenue de l’Impératrice. » (G. Vassy, 75.)

Emballer : Se prend aussi au figuré pour dépeindre un emportement quelconque. — « M. Picard a dit tout ce qui lui passait par la tête dans le but très-politique d’empêcher M. G. de s’emballer et d’emballer ses amis. » (A. Millaud.)

EMBALLER : Finir lestement. — « Quant à la baronne Dudevant, ce fut bien lestement emballé, comme nous disions au quartier Latin. » (G. Sand.)

EMBALLES (faire des) : Faire des embarras. — Emballe semble une déformation d’embarras. En ancien provençal, il est à noter cependant que balle signifie train, embarras. On aura combiné les deux mots.

EMBALUCHONNER : Empaqueter. (Halbert.) V. Baluchon.

EMBARDER : Se tromper. — Terme de marine.

EMBARGUER : Rentrer. (Rabasse.)

EMBARRAS : Draps de lit (Halbert.)

EMBARRAS (faire des) : « Faire beaucoup d’étalage pour peu de chose. » (Dhautel.) V. Épate.

EMBERQUINÉ : Fadement moral. Mot à mot : aussi fade qu’un roman de Berquin. — « Cela flatte les instincts du bourgeois emberquiné et les prétentions du philistin à la poésie élégiaque. » (Th. Silvestre.)

EMBLÈME : Mensonge, conte fait à plaisir. — Ironie à l’adresse du genre allégorique dont le peuple ne peut comprendre les finesses. — « Todore me répond : Je suis malade… Des emblèmes ! » (Monselet.)

EMBLÉMIR : Tromper. (Vidocq.)

EMBROQUER : Regarder. V. Moustique.

EMBROUILLE (ni vu, ni connu ! je t’) : Locution placée à la fin d’un récit pour peindre la rapidité d’un acte et la difficulté de l’expliquer. (Dhautel.)

ÉMÉCHÉ : Ivre. — Comparaison de l’ivrogne à la mèche ravivée d’une chandelle. — « Quand je rentre un peu éméché après minuit, elle me dit : La cruche est dans le coin. Éteins-toi. » (Monselet.)

ÉMILE : V. Être (en.)

EMMERDEMENT : Peine, tracas. — « Le président : Dans ce moment où la justice vous atteint, qu’éprouvez-vous ? — Coutaudier : De l’emmerdement. » (Dernier jour d’un condamné.)

EMMERDER, EMMIELLER : « Figurément et d’une manière ignoble pour attraper, ennuyer, obséder, injurier. » (Dhautel, 08.) On disait au moyen âge Incaguer, ce qui était la même chose. V. le Dictionnaire Roman Wallon de 1777. Dom Jean-François, imprimé à Bouillon en 1777.

Emmieller a le même sens, et n’est qu’un synonyme honteux. Nous répéterons de cette injure ce que nous disons d’une autre. (Voyez M.) Son usage est universel et déplorable. Beaucoup d’hommes qui n’appartiennent pas tous au dernier rang de la société, ont trop souvent ce mot à la bouche.

Une caricature de 30 fait rencontrer le dey d’Alger par Charles X qui lui dit : « Qui aurait jamais pensé que nous nous retrouverions en mer, dey ? » — « J’emmerde la cour, je respecte messieurs les jurés. » (Dernier jour d’un condamné.)

M’emmiell’ra
Qui voudra !
Moi, j’ n’ m’emmielle guère.
(Valère.)

ÉMOSS : Émotion. Abréviation.

ÉMOTIONNER : Émouvoir, causer de l’émotion.

EMPAFFE, EMPAVE : Drap de lit. (Grandval.)

EMPAFFER : Enivrer, rendre paff. V. ce mot.

EMPAILLÉ : Homme sans initiative, sans activité, ne se remuant pas plus que s’il était empaillé. V. Décarcasser.

EMPALER : Duper. — Synonyme d’enfiler.

EMPAVÉ : Carrefour. (Halbert.)

EMPIRE : Suranné, de mauvais goût. — Allusion aux formes raides du premier empire. V. Perruque.

EMPLANQUER : Arriver. — « La rousse emplanque. » (Halbert.)

EMPLÂTRE : Homme sans consistance, sans activité.

EMPLÂTRE : Empreinte. (Vidocq.) Allusion à la couche de cire molle sur laquelle est prise l’empreinte.

EMPOIGNER : Critiquer, invectiver. — « Attends donc à demain, mon cher, tu verras comment Lucien t’a empoigné. » (Balzac.) V. Danser.

EMPOIGNER : Séduire, émouvoir. — « Me parlerez-vous de la fille aux yeux bleus ? Il paraît que vous avez été solidement empoigné. » (About.) — « Cette musique du maestro Gerolt est empoignante, c’est le mot. » (J. Chamarande.)

EMPOIVRER (s’) : S’enivrer. Mot à mot : s’empourprer, devenir poivre. V. ce mot.

EMPORTER : Escroquer. V. Bachotteur.

EMPORTER la pièce, le morceau : Avoir l’esprit acerbe, blessant. V. Morceau.

EMPORTEURS : « Malfaiteurs qui, sous prétexte de payer leurs achats à domicile, font emporter leurs acquisitions par des commis de magasin. Le grand point, c’est de séparer le commis de sa marchandise. Tantôt on le renvoie au magasin pour faire rectifier un prix de la facture, tantôt on le fait entrer par une porte dans un hôtel garni, et l’on en ressort par une autre. » (A. Monnier.)

Emporteur à la côtelette : Grec exerçant son art dans les cafés et dans les restaurants, à la suite d’un déjeuner offert à sa dupe. (Vidocq.) — Il emporte l’argent de son invité à la côtelette, comme des troupiers emportent à la baïonnette une position.

EMPOUSTEUR : Escroc faisant métier de vendre à des détaillants de mauvais produits dont le premier dépôt a été, pour les allécher, acheté par des compères. (Vidocq.)

EMPROSEUR. V. Être (en).

ÉMU, LÉGÈREMENT ÉMU : Troublé par les fumées du vin. V. Paff. — « Tu me crois ému, vieux… Allons donc ! je boirais dix fois autant. » (Frémy.) — « Girard et Maret-Boistrop rentrèrent au quartier légèrement émus, et on ne put les réveiller à l’appel du soir. » (Vidal, 33.)

ENCARRADE : Entrée (Vidocq.)

ENCARRER : Entrer. (V. Décarrer.)

ENCASQUER : Entrer (Rabasse.)

ENCASQUER : Tomber avec fureur sur quelqu’un. (Rabasse.)

ENCHETIBER : Arrêter. (Stamir, 67.)

ENCIBLE : Ensemble. (Colombey.) — Changement de la syllabe intermédiaire.

ENCLOUER : Mettre en gage. (Rabasse.) V. Clou.

ENDÉCHER : Ruiner. — « Je m’endèche de plus en plus ; je viens de mettre au clou la robe de soie. » (H. de Lynol.)

ENDORMAGE (vol à l’) : Se pratique en versant un narcotique dans le verre du volé pendant un repas toujours offert en cabinet particulier.

ENDORMEUR : Voleur à l’endormage V. Romamichel.

ENDORMEUR : Homme ennuyeux.

ENDORMI : Juge. (Fr. Michel.) — Allusion au juge qui dort à l’audience

ENDORMIR : Tuer. (Colombey.) — Ironie.

ENDROGUER : Chercher un coup à faire. (Halbert.)

ENFANT DE CHŒUR : Pain de sucre. (Vidocq.) — Allusion à sa petite taille et à sa robe blanche.

Enfant de giberne : Enfant de troupe.

Enfant de maître Jacques : Membre d’une des trois grandes fractions du compagnonnage. (Vinçard.)

Enfant de Salomon : (Idem.)

Enfant du père Soubise : (Id.)

Enfant de trente-six pères : Fils d’une femme galante. — « Tais-toi, reste d’arlequins des SS. Innocents, enfant d’trente-six pères. » (Catéchisme poissard, 40.) — Arlequin des SS. Innocents, injure tombée aujourd’hui, contient la même allusion. Les innocents sont des nouveau-nés, et, parmi eux, les arlequins bigarrés paraissent avoir été faits de trente-six morceaux différents.

ENFERRÉ : Arrêté. (Ratasse.)

ENFILADE : Série de pertes. — « Ils croient que la veine est revenue, mais ils ont une enfilade désespérante. » (Paillet.)

ENFILAGE : Arrestation en flagrant délit. — « J’ai commencé à faire l’étalage. Réussi pendant un an. Pas d’enfilage. » (Beauvillier.)

ENFILER (s’) : Se laisser aller à jouer gros et perdre. (Dhautel, 08.)

ENFILER (s’) : S’endetter. — « Je m’enfile de douze sous. » (Monselet.)

ENFLACQUÉ : Emprisonné, condamné, perdu. (Vidocq, Halbert.) — Du vieux mot flacquer : lancer violemment. — « C’est donner tout son argent à l’homme enflacqué. » (Balzac.)

Enflacquer (s’) : Se perdre (Halbert.)

ENFLANQUER : Perdre, cacher. (Rabasse.)

ENFLÉE : Vessie. (Vidocq.)

ENFONCER : Dominer, écraser. — « Vous n’êtes pas de force au piquet ; je vous enfonce. » (Gavarni.)

ENFONCER : Duper. — « Il m’apprenait la vie qu’il fallait mener pour ne pas être enfoncé. » (E. Sue.)

ENFONCER : « Lorsqu’on réussit à perdre un journal à force de le décrier, ou un théâtre à force de blâmes, cela s’appelle enfoncer la feuille rivale ou le théâtre ennemi. » (Biographie des Journalistes, 26.)

ENFONCEUR : Agent d’affaires, faiseur. (Vidocq.) — D’enfoncer : duper.

ENFONCEUR : Critique violent.

ENFOURAILLER : Arrêter. Mot à mot : fourrer dedans. — « Va-t’en dire à ma largue que je suis enfouraillé. » (Vidocq.)

ENFRIMER : Dévisager. (Vidocq.) V. Frime.

ENGAMÉ : Enragé. (V. Happin, Game.)

ENGANTER : Être épris d’amour.(Rabasse.)

ENGANTER : Voler, prendre, capter. C’est un équivalent d’empoigner. Le gant est pris pour la main. V. Chêne. — « Ce jeune homme modèle était méprisé par la demoiselle de comptoir qui, pendant longtemps, avait espéré l’enganter. » (Balzac.)

ENGERBER : Arrêter. — « La police prévenue engerbe les filous. » (Stamir, 67.)

ENGLISH : Anglais. Anglicanisme. — « À la onzième bouteille, j’avais mis l’English sous la table. » (Villemessant.)

ENGRAILLER, ÉGRAILLER, ÉRAILLER : Attraper, prendre. (Halbert.) V. Raille.

ENGRAINER : Arriver, être admis. (Rabasse.) Forme d’engrener.

ENGUEULEMENT : Bordée d’injures. — « Vadé est le Démosthènes de l’engueulement. » (Catéchisme poissard, 44.) — « Quoique ces mots ressemblent beaucoup plutôt aux engueulements de Valentino. » (A. Millaud, 75.)

ENGUEULER : Invectiver. — « Et puis j’ vous engueule la vilaine. » (Rétif, 1783.)

ENGUIRLANDER : Circonvenir doucement. V. Trychine.

ENLEVÉ : Réussi, très-entraînant. — On dit : un article enlevé, au journal ; une scène enlevée, au théâtre. — Une œuvre s’enlève à la plume comme une position ennemie à la baïonnette. — « Un article vivant et enlevé. » (J. Lermina.)

ENLEVÉE : Correction, réprimande.

ENLEVER (s’) : Mourir de faim. (Halbert.) — Ce mot expressif peint l’homme n’ayant plus rien dans le corps.

ENLEVER LE BALLON : Donner un coup de pied au derrière.

ENMERDEMENT : V. emmerdement.

ENQUILLER : Cacher entre ses jambes un objet volé. V. Détourneur.

ENQUILLER : Entrer. Mot à mot : jouer des quilles dans. — Ancien mot, car Du Gange donne déquiller : sortir. V. Baptême.

ENQUILLEUSE : Voleuse qui a la spécialité d’enquiller. On disait autrefois anquilleuse. C’est un vieux mot que le dictionnaire de Trévoux signale comme employé fréquemment dans le texte des arrêts de la Tournelle.

ENQUIQUINER : Insulter grossièrement. Sens intraduisible. — « Briolet et Crinchon, prévenus de coups volontaires sur la personne de Guillaumin, se bornent à dire qu’il les avait enquiquinés. » (Petit Journal, 26 août 66.)

ENSECRÉTER : Agencer une marionnette. Mot à mot : lui donner le secret qui la meut. — « Ensecréter un bouisbouis consiste à lui attacher tous les fils qui doivent servir à le faire mouvoir sur le théâtre. » (Privat d’Anglemont.)

ENRHUMER : Ennuyer. (Halbert.)

ENROSSER : Donner une rosse pour un bon cheval. — « Des maquignons des Champs-Élysées les ont enrossés. » (Roqueplan.)

ENTAILLER : Tuer avec une arme tranchante. (Halbert.)

ENTAULER, ENTOLER : Pénétrer dans une maison. V. Taule.

ENTERVER, ENTRAVER : Savoir. — Du vieux mot entrever : entrevoir. — « Électre le parlait, dit-on (l’argot). Iphigénie aussi l’entravait gourdement. » (Grandval, 1723.)

ENTIF (battre l’) : parler argot. (Rabasse.)

ENTIFFER : Pénétrer. (Rabasse.)

ENTIFFLE, ENTIFLEMENT, ENTIFLER. V. Antifle, antifler, etc.

ENTIFLÉ : Marié, vivant en concubinage. (Rabasse.)

ENTÔLER : Pénétrer dans maison (tôle) pour voler.

ENTONNE : Chapelle. (Halbert.) Forme d’Antonne.

ENTORTILLER : Circonvenir, capter.

ENTOURNURES (être gêné aux) : Être dans une situation aussi gênante que si l’on portait un habit trop étroit d’entournures.

EN-TOUT-CAS : Ombrelle-parapluie. — « L’ingénue va les deux mains dans les poches de son paletot, l’en-tout-cas accroché à un bouton. » (E. Villars, 66.)

ENTRAÎNER : Soumettre à un régime d’amaigrissement. — « Il y a des gens entraînés, c’est-à-dire soumis à un régime d’exercice et d’aliments qui débarrasse leur chair de toutes les matières graisseuses. » (A. de Bréhat.)

ENTRAÎNER : — « Entraîner un cheval, c’est l’animer et l’enivrer graduellement par la course et par des obstacles légers d’abord, dont le plus grand est le dernier. » (A. Karr.)

ENTRAÎNEUR : Cavalier faisant métier d’entraîner les chevaux. — « Les entraîneurs sont presque tous Anglais. » (Paz.) — Entraîneur se prend au figuré. « Vienne un homme fatal, sachant s’imposer à cette plèbe, et lui servir d’entraîneur, on sera épouvanté des résultats. » (J. de Précy.)

ENTRANT : Se dit d’un homme plus qu’insinuant, cherchant à tout mener à sa guise. — C’est une importation du provençal « Intrant, intranta : intrigant, intrigante, hardi, effronté, qui s’insinue. » (Honnorat, 47.)

ENTRAVAGE : Conception. (Colombey.) V. Enterver.

ENTRAVER : Comprendre. V. Enterver.

Entraver niberte : Ne pas comprendre. (Rabasse.) Niberte est une forme altérée de nibergne.

ENTRÉE DES ARTISTES : Anus. Allusion à la porte d’entrée des artistes d’un théâtre, ordinairement placée derrière l’édifice.

ENTREFILETS : Note de journal insérée entre deux filets. — « Je lis dans le dernier numéro de la Rue cet entrefilet étonnant. » (V. Noir.)

ENTROLLEMENT : Vol. V. Dabe.

ENTROLLER : Emporter. V. Antroller.

ENVOYER EN PARADIS : Tuer. — « Que j’ t’y prenne à me faire des queues, j’ t’envoie en paradis. » (H. Monnier.)

ÉPARGNER LE POITOU : Prendre des précautions. (Rabasse.)

ÉPATE : Grand étalage. — « Tu fais tes épates avec ta pelure de velours de coton. » (Les Cocottes, 64.) — « Ces jeunes troupiers font de l’épate, des embarras si vous aimez mieux. » (Noriac.)

Faire des épates : Faire l’homme important. (Rabasse.)

ÉPATEMENT : Stupéfaction. — « Tout était nouveau pour moi. J’étais dans l’épatement. » (Commentaires de Loriot.)

ÉPATER : Écraser d’étonnement. — « Il nous regarde d’une façon triomphante, et il dit : « Je les ai épatés, les bourgeois. » (Privat d’Anglemont.) — « Elle porte toujours des robes d’une coupe épatante. » (Les Étudiants, 1860.)

ÉPATEUR : Faiseur d’embarras. (Rabasse.)

ÉPICÉ : Porté à un prix exagéré. V. Épicier (cher).

ÉPICER : Railler. (Vidocq.)

ÉPICERIE : Mesquinerie. — « L’épicerie du siècle avait enfin rompu le cercle magique d’excentricité dont Rodolphe s’était entouré. » (Th. Gautier, 38.)

ÉPICE-VINETTE : Épicier. (Colombey.)

ÉPICIER : « Les romantiques n’avaient de commun que leur haine des bourgeois qu’ils appelèrent génériquement épiciers (1830). La société ne se divisa plus à leurs yeux qu’en bourgeois et en artistes, les épiciers et les hommes. » (Pr. d’Anglemont.)

ÉPICIER : Mesquin, grotesquement commun. — « Allons vraiment, c’est épicier. » (Balzac.)

ÉPICIER (cher) : Homme qui se fait payer très-cher. — Allusion aux anciens frais de justice dits épices, encore plus considérables qu’aujourd’hui.

ÉPINARD : Peint en vert cru dit vert épinard. — « Le mercier amateur de jolis paysages épinard. » (Daumier.)

ÉPONGE : Maîtresse. — C’est épouse avec changement de finale.

ÉPONGE D’OR : Avoué. (Moreau C.) — Cette corporation passe pour absorber l’or de sa clientèle.

ÉPOULARDEUSE : « Les époulardeuses sont de vieilles ouvrières chargées de classer les feuilles de tabac qui arrivent de Cuba à la manufacture du Gros-Caillou. » (Du Boisgobey.)

ÉPOUSER LA FOUCANDIÈRE : Jeter le produit du vol de peur d’être arrêté. (Grandval.)

ÉPOUX, ÉPOUSE : Amant, maîtresse — « Vous pouvez amener vos épouses, il y aura noces et festins ; nous avons Adèle Dupuis, mademoiselle Millot, ma maîtresse. » (Balzac.) V. Monsieur.

ÉQUERRE (fendre son) : Fuir. Les jambes ouvertes figurent une équerre.

ÉQUIANGLE, ÉQUILATÉRAL, ÉQUIPOLLENT : Indifférent, égal. — Ce synonyme géométrique n’est usité que dans les écoles spéciales.

ÉRAILLER : Tuer. (Grandval.) — Acception ironique du mot qui se dit d’ordinaire pour écorcher légèrement.

ÉRAILLER : Prendre. V. Engrailler.

ÉREINTEMENT : Critique excessive. — « Monsieur Wolff, s’écria-t-il, il faudra écrire un éreintement sur le maudit croupier. » (A. Wolff, 75.)

ÉREINTER : Maltraiter. — « Tu pourras parler des actrices… tu éreinteras la petite Noémie. » (E. Augier.) — « Donc le livre de Charles fut éreinté à peu près sur toute la ligne. » (De Goncourt.)

ÉREINTEUR : Critique violent. — « Je me l’étais figuré, d’après sa politique violente, comme un robuste éreinteur. » (Événement, mars, 66.)

ES : Escroc. (Halbert.) — Abréviation. V. Croc.

ESBASIR : Tuer. (E. Michel.)

ESBIGNER (s’) : S’enfuir, V. Casser.

ESBLINDER : Stupéfier, anéantir. — « Ça m’étonne un peu, mais ce qui m’esblinde, comme disent les cocottes de la haute, c’est que M. Castellano ait reçu le drame. » (Le Tam-Tam, 75.)

ESBROUFFE : Fanfaronnades, étalage de grands airs. — « Pas d’esbrouffe ou je repasse du tabac. » (P. Borel, 33.) — « Faut pas faire ton esbrouffe, vois-tu ! ça ne prendrait pas. » (Cogniard, 31.)

ESBROUFFER : Intimider, en imposer. — Du vieux mot esbouffer : éclabousser. Le Glossaire de Ducange cite un exemple de cette acception à la date de 1583. — « Allons, mouche-lui le quinquet, ça l’esbrouffera. » (Th. Gautier.)

ESCANER : Ôter. (Halbert.)

ESCAPER, ESCAPOUCHER : Assassiner. Abréviation d’escarper.

ESCARCHER : Regarder. — Pour escracher.

ESCARGOT : Vagabond. (Rabasse.) — Il porte, comme l’escargot, sa maison sur le dos, puisqu’il n’a pas d’asile.

ESCARPE, ESCAPOUCHON : « Voleur détournant après minuit sur la voie publique, par violence et quelquefois par assassinat. » (Canler.) — Mot à mot homme qui escarpe.

ESCARPER : Assassiner. — Du vieux mot escharper : tailler en pièces. Le mot entailler offre la même image. — « Mais tu veux donc que je t’escarpe. » (E. Sue.) V. Criblage.

ESCAVER : Empêcher. (Halbert.)

ESCLAVE : Domestique, garçon de restaurant. — Ironie venue avec Rachel et la renaissance de la tragédie. — « Faut-il annoncer mademoiselle Turlurette ? — Pas de bêtises, esclave ! annonce mademoiselle de Plumevert. » (C. Gripp.)

ESCLOT : Sabot. (Halbert.) Vieux mot.

ESCLOTIER : Sabotier.

ESCOBAR : Homme qui escobarde. — Allusion à la subtilité dont le P. Escobar a fait preuve dans ses livres de casuistique religieuse.

ESCOBARDER : Équivoquer sur les mots, agir cauteleusement. — « J’en donne sept francs dix centimes. — Mais j’ai dit avant vous sept francs deux sous. C’est la même chose… Vous voulez escobarder. » (M. Alhoy.)

ESCOFIER : Tuer. — Usité dès 1808. Escofion voulait dire autrefois mauvais coup. — « Trois sentinelles ont déjà été escofiées. » (Cogniard, 31.)

ESCOUTES : Oreilles. (Grandval.) — Effet pris pour la cause.

ESCRACHE : Passe-port, papiers. — C’est le vieux mot escrit avec changement de finale. — « Le curieux a servi ma bille, mais j’ai balancé mes escraches. » (Vidocq.)

Escrache tarte : Faux passe-port.

ESCRACHER : Demander le passeport (escrache), interroger.

En passant, le portier vous escrache ;
J’étais fargué, mais l’habit cachait tout.
Le jardinant, je frisais ma moustache ;
Un peu d’ toupet et je passe partout.
(Halbert.)

ESGANACER : Rire. (Halbert.)

ESGARD (faire l’) : Dérober à ses complices une part de vol. (Vidocq.) Mot à mot : garder en dehors (exgarder).

ESGOUR : Perdu. (Halbert.)

ESGOURDE : Oreille. (Rabasse.) Forme d’esgourne.

ESGOURNE : Oreille. — Abréviation d’esgouverne.

Pègres traqueurs, qui voulez tous du fade,
Prêtez l’esgourne à mon dur boniment,
(Lacenaire, Mémoires, 1836.)

ESGOUVERNE : Oreille. (Petit Dictionnaire d’argot, 44.)

ESPAGNOL : Vermine. (Colombey.) Elle ne manque pas en Espagne.

ESPALIER : Réunion de figurantes chargées de garnir un décor comme un espalier garnit un mur. — On rencontre déjà le mot au dernier siècle. — « Les petites filles qui se destinent à être danseuses et qui figurent dans les espaliers. » (Th. Gautier.) V. Bouisbouis.

ESPÉRANCES : Espérances d’héritages importants. — « Monsieur est un des oncles qui figurent parmi nos espérances. » (P. Véron)

ESPIGNER (s’) : Fuir. (Grandval.) Pour s’esbigner.

ESPRIT FRAPPEUR : Ce mot sert, depuis 1867 environ, à désigner la cause de coups qu’on prétend frappés par des esprits invisibles et qu’on traduit en langue vulgaire au moyen d’un alphabet de convention. Les esprits frappeurs ont leurs sociétés, dites spirites, leurs journaux et leurs souscripteurs.

ESQUE (faire l’) : Dérober une part. — Abréviation d’esgard.

ESQUINTEMENT : Fatigue extrême.

ESQUINTEMENT : Effraction. — « Cambriolle, tu maquilleras par carouble et esquintement. » (Vidocq.)

ESQUINTER : Fracturer. — Roquefort donne avec le même sens le verbe Esquatir.

ESQUINTER : Battre. — « Ceux qui veulent se faire esquinter peuvent venir me trouver, je m’appelle Bonne-Lame. » (Vidal, 1833.)

ESQUINTER : Harasser, épuiser. — « Que dirais-tu, si au lieu d’avoir le fouet à la main, tu étais obligé de t’esquinter comme nous à la limonière ? » (Buchon.) V. Bridon.

ESQUINTEUR : Voleur par effraction.

ESSUYER LES PLÂTRES : Habiter le premier un appartement neuf. — « Ces locataires des bâtisses récentes reçurent dans l’origine le surnom disgracieux, mais énergique, d’essuyeuses de plâtres. L’appartement assaini, on donnait congé à la pauvre créature, qui peut-être y avait changé sa fraîcheur contre des fraîcheurs. » (Th. Gautier, 45.) Se prend au figuré : « Ses bons amis s’étaient proposé de lui faire essuyer les plâtres de la République. » (Jouvin, 75.)

ESTAFON : Chapon. (Grandval.)

ESTIO : Esprit. (Halbert.) Pour estoc.

ESTIME (succès d’) : Succès douteux et qui serait plus douteux encore sans l’estime dont jouit un auteur ou un artiste. — « Jusque-là je n’avais obtenu qu’un succès d’estime, mon grand succès commença. » (Vie parisienne, 66.)

ESTOC : Esprit, malice. — Acception figurée de estoc, pointe acérée. — On dit d’un homme spirituel : il a de l’estoc.

ESTOM : Estomac. — Abréviation. — « Je lui appuie le genou sur l’estom. » (Monselet.)

ESTOMAQUÉ : Étonné, stupéfait, interdit comme si on avait reçu un coup violent à l’estomac.

ESTORGUE : Fausseté. — Chasses à l’estorgue : Yeux louches. (Vidocq.) Du vieux mot estor : duel, conflit. — Des yeux louches, comme on dit dans le peuple, se battent en duel. V. Dévider.

ESTOUFFER : Empocher sans bruit un bénéfice. — Le mot se comprend facilement.

ESTOURBIR : Tuer. — Pour étourdir. Basourdir présente la même image. — « En goupinant de cette sorte, les parrains seront estourbis ; il sera donc impossible de jamais être marrons. » (Vidocq.)

ESTRANGOUILLER : Étrangler. — Du latin strangulare.

ÉTAT-MAJOR. V. Bureau arabe.

ESTUQUE : Part de vol. (Colombey.)

ESTUQUER : Être frappé. (Grandval.)

ÉTALAGE (vol à l’) : « Le vol à l’étalage se fait en partie double. Un voleur enlève un objet et se sauve. Son complice dit au marchand : On vient de vous voler, et vole à son tour quand le boutiquier se met à la poursuite du voleur. » (Du Camp.) — Le plus souvent aussi, ce vol s’opère à l’aide d’un faux acheteur, et d’un compère recevant par derrière les objets volés.

ÉTEIGNOIR : Nez aussi ouvert qu’un éteignoir. — « Quel nez ! Rien que de l’apercevoir, on se dit : Quel éteignoir ! » (Guinod, 1839.) V. Piton.

ÉTEIGNOIR : Personne assez maussade pour éteindre la gaieté de ses voisins, ou assez jalouse pour annihiler ceux qui l’approchent.

ÉTERNUER DANS LE SON : Mourir. (Rabasse.) — N’a dû se dire d’abord que des morts guillotinés dont la tête tombe dans un panier plein de son.

ÉTOILE : Croix d’honneur. — « Ceux qui n’ont pas l’étoile disent : Bon ! je l’aurai une autre fois. » (E. Sue.)

Avoir les deux, avoir les trois étoiles : Être nommé général de brigade, général de division. — Ces étoiles placées sur l’épaulette sont la marque de chaque grade.

ÉTOILE : Femme réputée dans le monde officiel, le monde galant ou le monde dramatique. — « Quand, au sommet de l’affiche, un nom apparaît en gros caractères, c’est une étoile. On appelait cette distinction la vedette, espèce de sentinelle avancée de l’art ; mais les femmes ont préféré l’étoile. C’est plus brillant.» (J. Duflot.) — « Il est temps d’éclairer sur le passé de ces étoiles poudrées de riz, qui ont la loge du concierge pour berceau. » (Marx.)

ÉTOUFFE, ÉTOUFFOIR : Maison de jeu clandestine. (Colombey.) V. Estouffer.

ÉTOUFFER : Avaler. V. Bavaroise.

ÉTOURDIR : Solliciter. (Colombey.)

ÉTRANGÈRE (piquer l’) : Penser à des choses étrangères à celles qui doivent occuper. — « Il en est qui ne se font point scrupule de piquer l’étrangère, bouquiner, piquer un chien, c’est-à-dire rêver pendant les classes, lire des livres interlopes ou se pelotonner dans un coin pour dormir. » (La Bédollière.)

ÉTRANGLER : Boire. V. Perroquet. — « Te v’là toi, rebut des savetiers, étrangleux de d’mis’tiers. » (Fort en gueule, 20, in-12.)

ÊTRE (l’) : Être trompé par sa maîtresse ou par sa femme. — « C’est notre sort… C’en est fait… je le suis. » (De Perthes, 36.) V. Pincé.

ÊTRE (l’) : Être vierge. — « Je le suis encore, m’a-t-elle dit en riant. » (Rétif, 1786.)

ÊTRE AVEC : Être maîtresse ou amant. — « Être avec un Anglais, c’était pour les femmes une fortune. » (Villemot.)

ÊTRE (en) : Être de la police secrète. — « Il n’est pas assez malin pour en être. » (Balzac.)

ÊTRE (en) : « Ménage, dans ses Origines, dit Tallemant des Réaux, avait commencé sa dissertation sur le met Bougre par ces mots : Bougre : Je suis de l’avis, etc. — Ah ! lui dit Bautru en se moquant, vous en êtes donc aussi et vous l’imprimez. Tenez ! il y a bien moulé : Bougre je suis. » Comme Bautru, et dans le même sens, on dit encore : Il en est. Sur ce terrain honteux, les synonymes pullulent ; ils prouvent la persistance d’un vice qui semble éprouver, dans les deux sexes, le besoin de se cacher à chaque instant derrière un nom nouveau. Nous rappelons ici pour mémoire et sans les expliquer ailleurs, les mots : pédé, bique et bouc, coquine, pédéro, tante, tapette, corvette, frégate, jésus, persilleuse, honteuse, rivette, gosselin, emproseur, émile, gousse, gougnotte, chipette, magnusse, etc., etc.

ÉTRENNER : Recevoir des coups, donner des coups. (Rabasse.) — Ces sens contraires se retrouvent dans l’acception la plus populaire d’étrenner qui veut dire à la fois vendre et acheter. « Je n’ai pas encore étrenné, » dit la marchande qui n’a rien vendu. « C’est vous qui m’étrennez, » dit-elle à son premier acheteur. Ces deux derniers sens font allusion au premier jour de l’an, dit des étrennes.

ÉTRILLAGE : Perte d’argent. « Un bon coup d’étrillage est de l’argent prêté. » (Alyge.)

ÉTRILLER : Faire payer trop cher.

ÉTRUSQUE : Suranné. V. Mâchoire.

ÉTUDIANTE : Maîtresse d’étudiant. — « Toute étudiante pur-sang fume son petit cigare. » (L. Huart ;) V. Haute, Calicote.

EURÊKA : J’ai trouvé. — Hellénisme. — « Une demi-heure après, je pouvais, moi aussi, m’écrier comme Archimède : Eurêka. » (Privat d’Anglemont.)

ÉVANOUIR (s’) : Mourir, s’enfuir.

ÉVAPORER (s’) : S’enfuir. — « Il se lève et me dit : Puisqu’il ne vient pas, je m’évapore. » (Petit Moniteur du 20 juillet 66.)

EXBALANCER : Renvoyer. V. Balancer.

EXCUSEZ, EXCUSEZ DU PEU : Locution ironiquement admirative. — C’est comme si l’on disait : Excusez un si petit chiffre ! (quand ce chiffre est énorme). — « Il y avait 25,000 Français par terre. Excusez du peu ! » (Balzac.)

EXCUSO : Excusez ! — Changement de finale. — « Oh ! attention ! V’là Oscar… il fume un cigare d’un sou… Excuso ! ça n’ se refuse rien… décidément, je le crois calé. » (Marquet.)

EXÉCUTÉ, EXÉCUTER, EXÉCUTION : « Une exécution en bourse, on le sait, n’est autre chose que la faillite du boursicotier ; faillite d’autant plus coupable que l’exécuté savait très-bien, au moment de son marché, qu’il ne pourrait pas tenir ses engagements à l’échéance ; mais comme on n’exécute en Bourse que l’honneur, l’exécuté se rit de sa propre exécution. » (Boursicotiérisme.)

EXPÉDIER : Tuer. Mot à mot : expédier en l’autre monde.

EXPRESS : Train rapide, conduisant à destination sans les arrêts ordinaires. — Abréviation de train express. Anglicanisme.

EXTRA : D’une qualité supérieure. — Latinisme. — Dans le commerce, on le met à toutes sauces et souvent mal à propos.

EXTRA : Repas plus soigné qu’à l’ordinaire. — « Je crois qu’on peut bien se permettre un petit extra une fois par mois. » (Canler.)

EXTRA : Aux tables d’officiers, un extra est un invité.

EXTRA : Au café ou au restaurant à prix fixe, on appelle extra, soit un plat demandé en dehors de la carte, soit un garçon supplémentaire venant aider au service.

EXTRA (vin d’) : Bouteille de vin fin. — « L’étranger demande une bouteille de vin extra ; et voilà que domestiques et patrons délaissent le client d’un an pour le client d’un jour. » (Marx.)