Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/D

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DAB, DABE : Dieu : « Mercure seul tu adoreras comme dabe de l’entrollement. » (Vidocq.)

DABE : Père. (Grandval.)

DABE : Maître. (Idem.) — « C’est notre dabe, notre maître. » (Balzac.)

Dabe (grand), Dabe : Roi : « Mais grand dabe qui se fâche dit : Par mon caloquel. » (Vidocq.) V. Dasbuche.

Dabe d’argent : Spéculum. Cet instrument de chirurgie est pris ici dans le sens de maître. Argent fait allusion à sa matière. — Cramper avec le dabe d’argent ; passer à la visite. (Argot des filles.)

Dabe de la cigogne : Mot à mot : maître de la justice. Procureur général. — « On vient me chercher de la part du dab de la cigogne. » (Balzac.)

DABESSE : Reine, mère. (Rabasse.)

DABIN : Tambour. (Haubert.) Pour tapin.

DABOT : Préfet de police. — Augmentatif de Dabe.

DABOT : Souffre-douleur, patito. — Ne se disait autrefois que de ceux qui perdaient au jeu pour tout le monde. — Du latin dabo : je donnerai (de l’argent.)

DABUCAL : Royal. (Halbert.)

DABUCHE : Grand père. (Rabasse.) Maîtresse, mère. (Grandval.)

DABUCHETTE : Jeune mère, belle-mère. (Vidocq.)

DAIM : Niais, dupe, ignorant. (Rabasse.) « L’une des grandes finesses du garçon de restaurant quand il sert un homme et une femme dans un cabinet, est de pousser à la consommation… persuadés que le daim n’osera refuser aucune dépense. » (La Fizelière). V. Cocodès.

Daim huppé : Bourgeois riche. (Halbert.) — « Il y a de l’argent à gagner ; c’est des daims huppés. » (E. Sue.) V. Coup.

DALE : Argent, Pièce de 5 francs. Abréviation de rixdale ; ancienne monnaie allemande. — « Faut pas aller chez Paul Niquet. Ça vous consomme tout vot’ pauv’ dale. » (P. Durand, 36.)

DALLE DU COU, DALE : Bouche. — Allusion à la pierre d’évier (appelée dalle) des cuisines parisiennes ; elle est percée d’un trou servant comme le gosier, à l’écoulement des liquides. — « La seule chose qui me chatouille la dalle, c’est la légume. » (Ladimir, 42.) — « Avec ces messieurs je bois. Oui, nous nous rinçons la dalle. » (Léonard, parodie, s. d.) V. Rincer.

DAME BLANCHE : Bouteille de vin blanc. — Jeu de mot sur la couleur et l’opéra. — « Une dame blanche ! dit Gugusse au patron… Et du meilleur ! » (Cavaillé.)

DANDILLER : Sonner. (Idem.)

DANDILLON : Cloche. (Idem.) — Allusion aux dandinements de sa sonnerie.

DANDINES (recevoir des) : Recevoir des coups. (Rabasse.)

DANDY, DANDYSME : « Cette fatuité commune à tous les peuples chez lesquels la femme est quelque chose, n’est point cette autre espèce qui, sous le nom de dandysme, cherche depuis quelque temps à s’acclimater à Paris. L’une est la forme de la vanité humaine, universelle ; l’autre d’une vanité particulière et très-particulière de la vanité anglaise… Voilà pourquoi le mot dandysme n’est pas français. Il restera étranger comme la chose qu’il exprime… Bolingbroke seul est avancé, complet, un vrai dandy des derniers temps. Il en a la hardiesse dans la conduite, l’impertinence somptueuse, la préoccupation de l’effet extérieur et la vanité incessamment présente. » (Barbey d’Aurevilly, 60.)

DANSE : Grêle de coups. — Allusion ironique aux piétinements forcés du battu. « Je veux l’inviter à une chouette danse. — Du tabac ? — Tout de même. » (Monselet.)

DANSE : Lutte. À l’approche d’un combat on dit : la danse va commencer. Expression ancienne : « Qu’il commence la danse contre la France s’il se veut ruiner. » (Le Trompette françois, 1609) — « Je prends le sabre… C’est dit, et à quand la danse ? » (About.)

DANSER, DANSER DE : Payer, faire danser ses écus. — « C’étaient d’assez bons pantres. Enfin ils savaient danser. » (De Lynol.) — « Et je me mets à faire danser mes 300 francs. Ç’a été mon grand tort. » (Idem). — « Je dansais pour c’te reine d’un joli châle tartan. » (A. Cahen.) V. Lansq.

Danser (faire) : Battre. — « Tu vas me payer l’eau d’aff, ou je te fais danser sans violons. » (E. Sue.)

Danser (la) : Être battu. — « Ah ! je te tiens et tu vas la danser. » (Idem.)

Danser (la) : Mourir. — « Ruffard la dansera. C’est un raille à démolir. » (Balzac.)

Danser (la) : Être maltraité en paroles. — « Quiconque poussait les enchères était empoigné, témoin une jeune fringante qui la dansa tout du long. » (Vadé, 1788.)

Danser devant le buffet : N’avoir rien à manger. — « Nous faudra danser sans musique devant le buffet, aux heures des repas. » (Chansons, Clermont, 35.) — Se prend au figuré : « Je me suis lassé de danser devant le buffet de la gloire. » (Gaboriau.)

DANSER TOUT SEUL : Infecter de la bouche. (Grandval.) — On abrège maintenant en disant danser.

DANTESQUE : Taillé comme l’œuvre ou comme les héros du Dante. — « Diable ! douze vers dantesques et une ébauche de passion perdus, on regarde à cela. » (Th. Gautier.) — « Ô fortune ! pouvais-tu jouer un tour plus cruel à un jeune homme dantesque et passionné. — (Id.) V. Pifferari.

DAR-DAR, DARE-DARE : Tout courant. — Impératif du vieux verbe Darer, aller vivement. — « Qu’il vienne tout de suite !… Oui, dar-dar… » (Labiche.) — « Puis le ramena dare-dare en la ville. » (Balzac, Contes drolatiques.) — « Il part dar-dar en se rongeant les ongles de colère. » (E. Sue.)

DARDANT : L’amour. (Rabasse.) C’est l’archerot des anciens poètes, c’est Cupidon dardant son trait.

Ici-caille est le théâtre
Du petit Dardant ;
Fonçons a ce mion folâtre
Notre palpitant.
(Grandval, 1723.)

DARIOLE : Coup. — Du vieux mot darer : lancer vivement.

V’la que je vous y allonge une dariole
Qui r’pare avec son nazaret ;

Le raisinet coulait
D’ son nez comn’ une rigole.
(Casse-Gueule, 1841.)

DARIOLEUR : Pâtissier faisant la pâtisserie commune ou dariole. — « Il y a même des darioleurs en chambre. » (Vinçard.)

DARK HORSE : Mot à mot cheval sombre : celui qui n’a pas encore couru et dont le mérite est inconnu. » (Angl. Parent.)

DARON, DARONNE : Patron, patronne. Se trouve déjà avec le sens de vieux rusé dans le dictionnaire du vieux langage francois de Lacombe. — « Il était maître de tout, jusqu’à manier l’argent de la daronne. » (De Caylus.)

Daron, Daronne : Père, mère. (Idem.)

Daron de la taille, de la rousse : Préfet de police.

Daronne du mec des mec : Mère de Dieu. V. Rebâtir.

Daronne : Prune, (Halbert.)

DASBUCHE : Roi. (Grandval.)

DAUFFE, DAUPHIN : Pince à effraction. V. Monseigneur.

DAUPHIN : Souteneur. (Halbert.) V. Mac.

DAUSSIÈRE : Fille publique. (Idem). — Pour dossière.

DEAD HEAT : « Littéralement épreuve morte, course nulle parce que les deux concurrents sont arrivés sur la même ligne. » (Parent.)

DÉBACLER : Ouvrir. (Vidocq.) — Corruption de Déboucler.

DÉBACLER LA ROULANTE : Ouvrir une voiture. (Grandval.)

DÉBALLAGE (au) : Au déshabillé. — « Il est accablé de rhumatismes, ce qui le fait ressemble au déballage, à ces statuettes que vous avez sans doute remarquées dans la vitrine des bandagistes. » (Monselet.)

DÉBALLAGE (au) : Au sortir du lit. (Rabasse.)

DÉBALLAGE (être volé au) : Reconnaître dans les charmes d’une femme aimée autant d’emprunts décevants aux ressources de la toilette. — « Cependant, au déballage, j’ai été si souvent volé. » (L. de Neuville.) V. Réjouissance.

DÉBALLER : Dénuder, exhiber. « On ne les confondra jamais avec la marchande de plaisirs qui vient déballer en scène ses mollets et ses épaules. » (Villemot.)

DÉBANQUER : Faire sauter la banque. — « Ils pourront à leur aise, avec l’argent des niais, faire quelque bonne rafle et débanquer, si c’est possible, la grande et la petite boursicoterie. » (Boursicotiérisme.)

DÉBARDEUR : Personnage de carnaval dont le costume rappelait les débardeurs de bois des quais de Paris. Il y avait des débardeurs mâles et femelles. — « Un don Juan fit au bal Musard la conquête d’un débardeur des plus coquets. » (E. Lemoine.)

Qu’est-ce qu’un débardeur !… Un jeune front qu’incline
Sous un chapeau coquet l’allure masculine,

Un corset dans un pantalon,
Un masque de velours aux prunelles ardentes,
Sous des plis transparents des formes irritantes,
Un ange doublé d’un démon.
(Barthet, 1846.)

DÉBINAGE : Médisance. — « Compliments désagréables, indiscrétions et débinages. » (Cornmerson.)

DÉBINE : Déchéance, misère, pauvreté. (Dhautel, 08.) — « La débine est générale, je suis enfoncé sur toute la ligne. » (Montépin.) V. Tic.

DÉBINER : Décrier. — « On le débine, on le nie, on veut le tuer. » (A. Scholl.) — « La robe était de taffetas recuit… — Très-bien, débine la marchandise à présent. » (Almanach du Hanneton, 67.)

Débiner le truc : Faire connaître le vol. (Rabasse.)

Débiner le truc : Révéler le secret.

DÉBINER (se) : Disparaître. — « Quant à moi, je maquille une aff après laquelle j’espère me débiner pour m’éloigner de la rousse. » (Patrie, 2 mars 52.)

DÉBINER (se) : S’affaiblir. — « Je me débine des fumerons. » (Corsaire. 67.)

DÉBINEUR : Médisant, décrieur. — « De débineurs des tombolas des autres, nous sommes devenus partisans effrénés des loteries. » (Tam Tam, 75.)

DÉBLOQUER : Lever une consigne. V. Bloquer.

DÉBONDER : Aller à la garde-robe. Le mot fait image.

DÉBOUCLER : Faire sortir de prison. (Vidocq.) V. Boucler.

DÉBOURRER : Déniaiser. Mot à mot : dégrossir.

DÉBOUSCAILLER : Décrotter.

DÉBRIDER : Ouvrir. (Grandval.) La chirurgie emploie ce mot dans un sens analogue. V. Temps.

DÉBRIDOIR : Clef. (Vidocq.)

DÉBROUILLARD : Homme qui sait se débrouiller. « Vous allez voir qu’il faut ouvrir l’œil, comme disent les débrouillards. » (W. de Fonvielle, 75.)

DÉBROUILLER (se) : Vaincre les obstacles. Dans l’armée et dans la marine, un homme qui se débrouille est un homme aguerri, qui sait son métier. — « Ce débrouillez-vous est sacramentel dans la marine. On donne n’importe quelle mission à un officier, on lui indique à grands traits ce qu’il doit faire, puis on ajoute : Au surplus, monsieur, faites comme vous l’entendrez, débrouillez-vous. » (De Leusse.)

DÉCANILLER : Décamper. Mot à mot : sortir du chenil (canil). — « Ils ont tous décanillé dès le patron-jacquette. » (Balzac.)

DÉCARADE (la) : Fuite générale. (Rabasse.)

DÉCARADE, DÉCARREMENT : Départ (Vidocq.) — Jorne du décarrement : Jour de la mort. V. Bachasse.

DÉCARCASSER (se) : Agir activement, remuer sa carcasse. — « Mais sapristi, mes enfants, il faut vous décarcasser un peu plus que ça. Vous avez tous l’air empaillé. » (Vie parisienne, 66.)

DÉCARER : Fuir. (Grandval.) Mot à mot : partir avec la vitesse d’un char. — « Faut décarer. Ces gens-là veulent m’assommer. » (Dialogue entre Charles X et le duc de Bordeaux, 1832.)

DÉCARRER : Abandonner l’affaire (Rabasse.)

Décarrer de la geôle : Être mis en liberté par ordonnance de non-lieu. (Colombey.)

DÉCATI : Décrépi. — C’est un synonyme assez exact de dégommé. Allusion au décatissage qui enlève le brillant d’une étoffe. « Quand on pense que c’est là le petit Alfred qui faisait si bien le cavalier seul ! quel décati ! » (Bertall.)

DÉCATIR (se) : S’user, s’enlaidir. — « Elle sentait la panne venir, elle se décatissait. » (Les Étudiants, 60.)

DÉCAVAGE : État du joueur décavé. « Un décavage affreux, signe de la déveine. » (Alyge, 1854.)

DÉCAVÉ : Homme ruiné, n’ayant plus de quoi caver à la roulette. — « À Bade, les décavés vivent sur l’espérance. » (Villemot.) — Se dit aussi des joueurs de la Bourse malheureux : « La Bourse reste attentive. Un peu plus, les décavés à la dernière liquidation diraient : J’attends l’emprunt. » (Éclair, 71.)

DÈCHE : État de gène. Abréviation de déchéance. — « Elles se présentent chez les courtisanes dans la dèche. » (Paillet.)

DÈCHER DU CARME : Donner de l’argent. (Rabasse.) — Mot à mot : Manquer d’argent. On manque de celui qu’on a donné.

DÉCHET : Même sens que dèche.

Sans argent dans l’ gousset.
C’est un fameux déchet.
(Chanson, Avig., 13.)

DÉCHIRER LA TOILE : Faire feu. Comparaison du bruit de la fusillade à celui d’une toile qu’on déchire. — « Tout à l’heure les feux de deux rangs déchireront la toile, et nous verrons si vos clarinettes ont de la voix. » (Ricard.)

DÉCLASSÉ : Bohème, homme n’appartenant à aucune classe sociale. Vallès a fait un livre sur les Déclassés. — « Ses bergères sont des couturières de banlieue, ou des déclassées de bourgade. » (Th. Silvestre.)

DÉCLOUER : Dégager du Mont-de-Piété.

DÉCOLLETÉ (être) : Se conduire ou parler d’une façon plus que légère. Acception figurée du décolletage dans la toilette.

DÉCOUVERT (achat, vente à) : Achat ou vente opérée dans les conditions ci-dessous.

DÉCOUVERT (être à) : Spéculer à la Bourse sur des valeurs qu’on n’a pas le moyen d’acheter ni de vendre. — « Quant au joueur à découvert, il est infailliblement perdu : il a contre lui la mauvaise exécution des ordres, les reports onéreux, le courtage, la nécessité de réaliser un bénéfice faible et la difficulté d’échapper à des reprises violentes ou à des baisses énormes. » (De Mériclet, 56.)

DÉCROCHER : sonner. (Rabasse.)

DÉCROCHE-MOI CELA : Fripier, habillement d’occasion. Allusion aux crochets qui servent à la montre des revendeurs. — « M. Auguste s’habille au décroche-moi cela ; ce qui veut dire en français : chez le fripier. » (Privat d’Anglemont.)

DÉCROCHER : Voler à la tire.

DÉCROCHER : Faire tomber d’un coup de fusil.

DÉCROCHER : Retirer du Mont-de-Piété. V. Clou. — « Les révolutions m’ont réduite à mettre au clou les diamants de ma famille… Faudra que tu me décroches ça, mon chéri. » (Lefils.)

DÉCROCHEZ-MOI ÇA : « Un décrochez-moi ça est un chapeau de femme d’occasion… J’ai vu au carré du Palais-Royal (du Temple) des décroche-moi ça qu’on eût pu facilement accrocher au passage du Saumon. » (Mornand.)

DEDANS (mettre) : Mettre en prison. (Dhautel.) V. Trou, Sonder.

DEDANS (mettre) : Tromper, mettre dans l’erreur. — « Nous avons été mis tous dedans… Nous ignorons tous ici qui succède au général en chef. » (Poussielgue, Lettre au général Vial, 12 fructidor an VII.)

DEDANS (mettre) : Griser. — « Quand on trinque avec une fille aimable, il est permis de se mettre dedans. » (Désaugiers.)

DEDANS (voir en) : Être en état d’ivresse. S’applique aux ivrognes illuminés qui se tiennent à eux-mêmes de longues conversations. V. Cocarde.

DÉDURAILLER : Déferrer. (Colombey.)

DÉFALQUER : Faire ses besoins. (Grandval.) Mot à mot éliminer. Nous avons gardé ce dernier sens au figuré.

DÉFARDEUR : Voleur. (Idem.) — Il vous soulage du fardeau de votre propriété.

DÉFARGUEUR : Témoin à décharge.

DÉFIGER : Réchauffer. (Colombey.) — Le froid fige.

DÉFILER LA PARADE : Mourir. — Mot militaire. On défile quand la revue est terminée. Il s’agit, ici de la revue de la vie. « Alors tout l’monde défile à c’te parade d’où l’on ne revient pas sur ses pieds. » (Balzac.)

DÉFILER (se) : Se sauver.

DÉFLEURIR, DÉFLOUER LA PICOUSE : Voler du linge qui sèche sur une haie ou sur des perches dans les prés. (Grandval.) — Allusion à la couleur tranchante des objets étendus et aux épines de la haie.

DÉFORMER : Casser, enfoncer. (Rabasse.) — Effet pris pour la cause.

DÉFOURAILLER : Courir. (Halbert.)

DÉFOURAILLER : Tomber. (Grandval.)

DÉFOURAILLER : Sortir de prison. (Vidocq.) — Du vieux mot defors : dehors. V. Babillard.

DÉFRIMOUSSER : Dévisager. V. Frime.

DÉFRISER : Désappointer. — « C’qui les défrise, c’est un revenant qui vient en chemise couverte de sang. » (Le Solitaire, pot-pourri, 21.)

DÉFRUSQUER, DÉFRUSQUINER : Déshabiller. (Vidocq, Grandval.) Mot à mot : ôter les frusques.

Elle le poursuivait alors
Pour lui ôter son justaucorps
Afin de le défrusquiner.
(Virgile travesti.)

DÉGEL : Mortalité. — On connaît les effets dissolvants du dégel — « Il y aura un rude dégel. » (Watripon.)

DÉGELÉE : Volée de coups. — Même allusion que pour cuite. — « Nous nous sommes battus jusqu’à la nuit, qui est venue mettre fin à la dégelée que nous avons donnée aux Autrichiens. » (Général Christophe, Lettres, 09.)

DÉGOMMAGE : Ruine, destitution, usure.

DÉGOMMER : Surpasser. — « Nous pourrions très-bien jouer la revue de Bobino et dégommer les Esbrouffailles avec leurs poses plastiques » (Villars.)

DÉGOMMER : Destituer. — « Réélu !… Dégommé ! » (Gavarni.)

DÉGOMMER (se) : Se faner, enlaidir. — Mot à mot : perdre son brillant. — « Je me rouille, je me dégomme. » (Labiche.)

DÉGOMMER (se) : S’entre-tuer.

Napoléon, c’ vieux grognard,
D’ ces jeux ou l’on se dégomme
En queuqu’s mots résumait l’art.
(Festeau.)

DÉGOTER : Trouver, découvrir. (Rabasse.)

DÉGOULINER : Couler doucement. — Onomatopée. M. Fr. Michel a cité un exemple de ce mot au xviiie siècle. — « V’là au moins la vingtième (larme) qui dégouline sur ma joue. » (Ricard.)

DÉGOURDI : Maladroit, engourdi. — Ironie.

DÉGOÛTÉ (pas) : Ambitieux. — « Se dit en plaisantant d’un homme qui, sans avoir l’air de choisir, prend le meilleur morceau. » (Dhautel.) — « Belle dame, vous êtes joliment jolie ce soir. Je souperais fièrement avec vous. — Tu n’es fichtre pas dégoûté. » (Gavarni.)

DÉGOÛTÉ (n’être pas) : Admettre des choses inadmissibles, n’être pas dégoûté quand on devrait l’être. V. Cassine.

DÉGRIMONER (se) : S’agiter, se débattre.

DÉGUIS : Déguisement. (Vidocq.) — Abréviation.

DÉGUISER EN CERF (se) : Courir comme un cerf, très-vite.

DELENDA CARTHAGO : Idée fixe de destruction. — Rappel de la guerre sans merci contre Carthage qui était devenue la règle politique de Rome. « M. Richard qui a fait de la démission des ministres son delenda Carthago revient à la charge. » (Éclair, juillet, 72.)

DÉLICOQUENTIEUSEMENT : Délicieusement. — « Pour y retrouver un Arthur délicoquentieusement séducteur. » (E. Lemoine.)

DELIGE : Voiture publique. (Vidocq.) — Abréviation de diligence.

DEMAIN : Jamais. — Terme ironique. — Demain ne sera jamais aujourd’hui.

DÉMANCHER (se) : Se donner grand air ou grand mouvement.

Et d’ la façon dont j’ me démanche,
On nous verra r’quinqués à la papa.
(Duverny, 13)

DÉMAQUILLER : Défaire. V. Maquiller.

DÉMARGER : Partir, s’en aller. Du vieux mot desmarcher, qui a le même sens.

DÉMARQUEUR DE LINGE : Plagiaire. — « Nous sommes très-flatté que les journaux nous fassent des emprunts, mais nous aimons aussi, pour employer une expression consacrée dans le journalisme, qu’on ne démarque pas notre linge. » (G. Charavay, 66.)

DÉMARRER : Partir. Terme de marine. V. Ponton.

DÉMÉNAGER : Faire des extravagances, mourir. (Dhautel, 08.)

Déménager à la cloche de bois, à la sonnette de bois : Déménager furtivement en tamponnant la clochette d’éveil adaptée aux portes de beaucoup d’hôtels garnis.

Déménager à la ficelle : Déménager en descendant les meubles par la fenêtre à l’aide d’une corde.

DEMI-AUNE : Bras. — « Il y avait deux heures que je tendais ma demi-aune sans pincer un radis. » (Luc Bardas.)

DEMI-CERCLE (pincer au) : V. Cercle.

DEMI-FORTUNE : Voiture à un cheval. — « S’y faire mener, non pas dans sa demi-fortune, mais bien dans une bonne et douce calèche. » (Privat d’Anglemont.)

DEMI-LUNE : Fesse. — Inutile de définir l’allusion. « Mes demi-lunes ! s’est-il écrié l’autre jour quand on a reparlé du docteur Eguisier. » (Figaro, 75.)

DEMI-MONDE (femme du) : Femme née dans un monde distingué dont elle conserve les manières sans en respecter les lois. Le succès d’une pièce de Dumas fils a créé le mot. — « On écrit en toutes lettres que vous régnez sur le demi-monde. » (A. Second.)

DÉMOC-SOC : Démocrate-socialiste. — Double abréviation. — « Messieurs les démocs-socs, vous voyez si vos menaces m’ont effrayé. » (Chenu, 48.) V. Liquide, Communard.

DEMI-STROC : Demi-setier. (Vidocq.) — Changement de finale.

DEMOISELLE : Femme galante. — Se dit surtout au pluriel. Béranger a chansonné Ces Demoiselles.

DEMOISELLE : Mesure de liquide. V. Monsieur.

DÉMOLIR : Maltraiter en actes, ou en paroles, ou en écrits. — « Deux champions prononçant la phrase sacramentelle : Numérote tes os, que je les démolisse. » (Th. Gautier, 45.) — « On démolissait Voltaire, on enfonçait Racine. » (L. Reybaud.) « Ah ! vous venez attaquer l’indigent Juvénal. Eh bien ! Juvénal vous démolira ! » (Barthélémy, 32.)

DÉMOLIR : Supprimer, destituer. — « Puisqu’on vous propose de démolir M. Amici, le ministre des travaux publics, de grâce, acceptez. » (Mirés, 58, Lettre à Pontalba.)

DÉMOLIR : Tuer. — « Ruffard la dansera, c’est un raille à démolir. » (Balzac.) — « L’adjudant s’est fait démolir comme un héros. » (J. Noriac.)

DÉMOLISSEUR : Médisant implacable, critique acerbe. — « Voltaire n’en reste pas moins le grand démolisseur religieux et moral du xviiie siècle. » (Asse.)

DÉMORGANER : Se rendre à une observation. Mot à mot : perdre de sa morgue.

DÉMURGER : S’en aller, évacuer. (Grandval.) — Pour Démarger.

DENAILLE (saint) : Saint-Denis. (Colombey.) — Changement de finale.

DENIER À DIEU : Prime d’argent donnée au concierge par le locataire d’un appartement nouveau. — « C’est lui qui a décrété l’impôt de la bûche par voie, du denier à Dieu. » (Lamiral, 23.) — Se prend au figuré : « Par le mot amitié, je n’entends pas cette banalité traditionnelle que tous les amants s’offrent en se séparant et qui n’est que le denier à Dieu d’une indifférence réciproque. » (Dumas fils, le Demi-Monde.)

DENTELLE (de la) : Billets de Banque. (Rabasse.) Allusion de légèreté.

DÉPENDEUR, DÉPENDEUSE D’ANDOUILLES : Homme assez grand pour décrocher les andouilles du plafond dans les cuisines d’autrefois, plus hautes et mieux pourvues que celles d’aujourd’hui. — « Regarde donc, Jérôme, vois donc l’grand dépendeux d’andouilles. » (Catéchisme poissard, 40.)

On ne saurait assigner la même origine à dépendeuse d’andouilles, qui a un sens tout autre : « Va ! guenon, guenipe, dépendeuse d’andouilles ! »

DÉPIOTER : Enlever la peau. — « Si monsieur croit que c’est commode… on se dépiote les pouces. » (P. de Kock.)

DÉPLANQUER : Exhiber, déterrer des objets cachés. V. Vague.

DÉPLUMER (se) : Devenir chauve.

DÉPONNER, DÉPOUSSER : Faire ses nécessités. (Halbert.) — Le premier vient de ponant ; le second s’explique de lui-même.

DÉPÔT : Dépôt de la Préfecture de police. — Prison où les gens arrêtés sont déposés en attendant l’instruction de leur affaire. — « Eune nuit… c’était hors barrière… on m’ ramasse. De là, au dépôt. » (H. Monnier.)

DER : Dernier. — Abréviation. V. Preu.

DÉRAGER : Cesser de se mettre en colère. — « Depuis le jour de son arrivée, il n’avait pas encore déragé. » (E. Chavette.)

DÉRAILLÉ : Déclassé. Mot à mot : homme jeté en dehors de la voie commune. — « Notre déraillé conçut le projet de faire des lectures à l’instar du grand Dumas. » (Michu.)

DÉRALINGUER : Mourir. — Terme de marine.

DERNIER (avoir le) : Avoir le dernier mot. V. Double.

DERNIER DE M. DE KOCK : « Ce mot a signifié cocu pendant quinze jours. En ce temps, il venait de paraître un roman de M. Paul de Kock intitulé le Cocu. Ce fut un scandale merveilleux… Il fallait bien pourtant se tenir au courant et demander le fameux roman. Alors (admirez l’escobarderie !) fut trouvée cette honnête périphrase : Avez-vous le dernier de M. de Kock ? » — (Th. Gautier.) — « Le mari : Et de cette façon je serais le dernier de M. de Kock, minotaure, comme dit M. de Balzac. » (idem.)

DÉRONDINER : Payer. (Halbert.) Mot à mot : faire sortir ses ronds. V. ce mot.

DÉROUILLER (se) : Recouvrer sa souplesse, se mettre au fait d’un service.

DÉROULER (se) : Passer un certain temps. — « Maintenant qu’elle est à la préfecture, elle va se dérouler six mois. » (Ch. de Mouchabœuf.)

DÉSARGOTER : User de malice. (Halbert.)

DESARRER : Fuir. (Idem.)

DESATILLER : Châtrer. (Id.)

DESCENDRE : Jeter à terre. Mot à mot : faire descendre. — Une caricature de 1830 représente un soldat à cheval sur un chameau et criant : « À moi, Tatet, c’te chienne de bête va m’descendre. »

DESCENDRE : Mettre hors de combat, tuer. — « J’ajuste le Prussien, et je le descends. » (Marco Saint-Hilare.)

DESCENDRE LA GARDE : Mourir. Mot à mot : ne plus garder la vie. — « Ce vilain brutal me voulut un jour faire descendre la garde. » (Rienzi, parodie, 26.)

DÉSENPLAQUER : Tirer d’un mauvais pas.

DÉSENTIFLAGE : Séparation, divorce.

DÉSENTIFLER : Se séparer de sa femme. (Vidocq.) V. Antifler.

DESGRIEUX : Amant d’une fille perdue, mot à mot : personnage ayant les faiblesses du Desgrieux de Manon Lescaut.

DESIDERATA : Désirs. — Latinisme. C’est le pluriel du mot qui suit. — « Ces préoccupations toutefois ne l’empêchent pas de présenter un des nombreux desiderata du radicalisme. » (Le Nord, sept. 72.)

DESIDERATUM : Désir. — Latinisme. — « On manifestait pour la Pologne, cet éternel desideratum. » (Aubryet.)

DESSALER : Noyer. (Idem.) — On noie comme on dessale, en jetant à l’eau.

DESSALER (se) : Boire. (Halbert.) Mot à mot : dessaler ce qu’on vient de manger.

DESSALER (se) : Se rendre malade. (Rabasse.) — Ce qui est dessalé n’est plus en état de conservation.

DESSOUS (tomber dans le troisième, dans le trente-sixième) : Faire une chute complète, en parlant d’une pièce théâtrale, et, par extension, tomber dans le discrédit le plus complet. — « Il existe, dans le sous-sol de chaque théâtre, trois étages. Le premier dessous est destiné à recevoir les acteurs qui apparaissent ou disparaissent dans les pièces à trappes. Les deuxième et troisième dessous ne reçoivent que les décorations qui s’effondrent. Quand on dit d’une pièce : elle est tombée dans le troisième dessous, il est aisé de comprendre qu’elle aura de la peine à se relever. » (J. Duflot, 65.) — On voit par les détails précédents que tomber dans le trente-sixième dessous, est une simple figure.

DESSOUS : Amant de cœur. (Halbert.) — C’est celui qu’on cache.

DESSUS : Entreteneur. (Idem.) — C’est l’homme qu’on montre.

DESSUS DU PANIER : Ce qu’il y a de mieux en tout. — Allusion au procédé des marchands qui placent les plus beaux fruits au-dessus du panier. — « Il arrive des nobles étrangers. La province et l’étranger se sont cotisés pour envoyer le dessus du panier. » (A. Wolf.) — « Ce banquet réunissait 400 convives ; le dessus du panier radical. » (Figaro, 75.)

DESTUC : De moitié dans un vol. (Halbert.) — Pour d’estuc. V. Estuc.

DÉTAFFER : Aguerrir. V. Taffe.

DÉTAIL (c’est un) : C’est un accident grave. — Ironie parisienne… — « S’il entend parler d’un tremblement de terre, il dit : c’est un détail. » (Monselet.)

DÉTAROQUER : Démarquer. — Du vieux mot taroter : marquer.

DÉTELER : Renoncer à l’amour. Allusion chevaline équivoquant sur le mot « tirer. »

DÉTOSSE : Misère. (Halbert.) — Mot composé du de privatif et de osse, argent. V. Os.

DÉTOURNE (vol à la) : « Le vol à la détourne se fait à l’intérieur des magasins… Il est exercé surtout par les femmes. L’une occupe le marchand, l’autre détourne les coupons. » (M. du Camp.)

DÉTOURNER : Voler dans l’intérieur d’une boutique.

DÉTOURNEUR : Voleur à la détourne. — « Le détourneur qui dérobe un objet dans le magasin où il vient faire emplette. » (Phil. Chasles.) — « Parmi les détourneurs on distingue : 1° les grinchisseuses à la mitaine, assez adroites du pied pour saisir et cacher dans de larges pantoufles les dentelles et les bijoux qu’elles font tomber. Leur mitaine est un bas coupé pour laisser aux doigts leur liberté d’action ; 2° les enquilleuses, fourrant des objets entre leurs cuisses (quilles) ; 3° les avale-tout-cru, cachant les bijoux dans leur bouche ; 4° les aumôniers, jetant le produit de leur vol à de faux mendiants. » (Vidocq.)

DETTE (payer une) : Être en prison. (Halbert.) Mot à mot : payer une dette à la justice.

DEUIL (demi) : Café sans cognac. V. Cogne.

DEUIL (grand) : Café avec cognac. V. Cogne.

DEUIL (ongle en) : Ongle cerné de crasse noire comme un billet d’enterrement. — « J’aurai l’air d’être en deuil depuis la cravate jusqu’aux ongles, inclusivement. » (A. Second.) — « À qui cette main, monstre, ces ongles en demi-deuil ? » (Alhoy, 41.)

DEUIL DE SA BLANCHISSEUSE (porter le) : Être très-sale. — Jeu de mots qui se trouve déjà dans le dictionnaire de Trévoux, 1771.

DÉVEINARD : Qui est en déveine. « Il rencontrait toujours sur le boulevard un vieux camarade, un déveinard comme lui. » (Alph. Daudet)

DÉVEINE : Malheur constant. V. Veine, Décapage. — « Il paraît que la banque est en déveine. » (About.)

DÉVIDAGE : Long discours. (Vidocq.) — C’est-à-dire long comme le dévidage d’un écheveau.

DÉVIDAGE : Promenade dans le préau d’une prison. (Rabasse.) On se meut toujours dans un cercle étroit comme celui de l’écheveau qu’on dévide.

DÉVIDAGES (faire des) : Révéler des vols. Dévidage veut dire ici bavardage.

DÉVIDAGE À L’ESTORGUE : Mensonge, acte d’accusation. (Vidocq.) — Ce mot a sa moralité. Il nous prouve qu’un coquin tient toujours à paraître innocent. V. Estorgue.

DÉVIDER, DÉVIDER SON PELOTON : Bavarder, avouer, faire un discours aussi long qu’un peloton de fil à dévider. — « Il a le truc pour dévider son peloton, votre ami. » (Vie parisienne, 66.) V. Bayafe.

DÉVIDEUR, DÉVIDEUSE : Bavard, bavarde.

DÉVISSER LE COCO : Tordre le cou, étrangler. V. Coco.

DÉVISSER SON BILLARD : Mourir. (Colombey.)

DE VISU : D’après ce qu’on a vu. Latinisme. — « Un des écrivains spirituels de ce temps décrit de visu. » (Privat d’Anglemont.)

DÉVORANT : Compagnon du devoir. Mot à mot : devoirant. — « Je ne suis pas un dévorant, je suis un compagnon du devoir de liberté, un gavot. » (Biéville.)

DIABLE : Agent provocateur. (Rabasse.) — Le diable est le grand tentateur.

DIGUE-DIGUE : Attaque d’épilepsie. — De dinguer : tomber. V. Camboler.

DIJONNIER : Moutardier. (Vidocq.) — Dijon est la capitale de la moutarde.

DIMANCHE : Jamais. — « Vous serez placé… dimanche. » (Désaugiers.) — C’est-à-dire le jour où ne se fait aucune nomination.

DINDE, DINDON : Niais, niaise, dupe. — « J’ne veux pas être le dindon de vos attrapes. » (Vadé, 1788.) V. Gogo.

Mari dindon : Mari trompé.

DINDONNER : Duper. — « Je n’ai jamais été chiche avec les femmes, mais je n’aime pas à être dindonné. » (E. Sue.)

DINDORNIER : Infirmier. (Colombey.)

DÎNER PAR CŒUR : Ne pas dîner. Mot à mot : dîner pour mémoire.

DINGUER (envoyer) : Jeter à terre, et, au figuré, éconduire. — « Panama ! tu ne l’as donc pas envoyé dinguer ? » (L. de Neuville.)

DIS QUE ÇA (je ne) : C’est-à-dire : il n’y a pas moyen d’en dire davantage, dans le sens admiratif. — « Les baronnes, mes sœurs, mettent leurs coiffures empire chargées de tortillons en rubis… je ne vous dis que ça. » (Vie parisienne, 66.)

DISTANCER : Dépasser. — Terme de sport hippique. — « Watteau et Boucher sont distancés. Vous arrivez première au charme des yeux et des cœurs. » (Almanach du Hanneton, 67.) — « Madame Schontz qui distançait de trois blagues, disait-elle, tout l’esprit de ces dames. » (Balzac.)

DIX-HUIT : « Le fabricant de dix-huit s’appelle le riboui… Le dix-huit n’est pas un soulier remonté ou ressemelé, c’est plutôt un soulier redevenu neuf : de là lui vient son nom grotesque de dix-huit ou deux fois neuf. Le dix-huit se fait avec les vieilles empeignes et les vieilles tiges de bottes qu’on remet sur de vieilles semelles retournées, assorties, et qui, au moyen de beaucoup de gros clous, finissent par figurer une chaussure. » ( P. d’Anglemont.)

DIXIÈME (passer au) : Devenir fou. — Terme usité parmi les officiers des armes spéciales. Frappés du nombre, des camarades que leur enlevaient des atteintes d’aliénation mentale, ils disent : Il est passé au dixième (régiment), pour montrer combien ils sont décimés par des pertes, sur lesquelles l’étude des sciences exactes n’est pas, dit-on, sans influence. — « L’officier du génie passe souvent au dixième. » (Vie parisienne, 67.)

DOCTRINAIRE : « On donne ce nom à une secte de gens bilieux, mais enchantés d’eux-mêmes, qui avouent que rien n’est plus raisonnable que leur propre raison. » (C. Blanc, 44.)

DODO : Lit. — Redoublement de la première syllabe de Dormir.

DOG-CART : Voiture de chasse. — Anglicanisme. — « Que le cheval de votre dog-cart soit fourbu, borgne ou tiqueur, peu importe ! » (Marx.)

DOIGT DANS L’ŒIL (se fourrer le) : S’abuser, ne pas voir les choses plus que si on avait l’œil bouché par un doigt. — « Il s’est un peu fourré le doigt dans l’œil, le brave garçon. — » (De Goncourt.)

Se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’au coude : Se faire de très-grandes illusions. — C’est la progression de la même image. — « J’ai l’honneur de te faire remarquer que tu t’es fourré le doigt dans l’œil jusqu’au coude. » (L. de Neuville.) — On abrège en disant se fourrer dans l’œil : « Si madame se fourre dans l’œil qu’on restera chez elle pour six cents francs. Merci ! » (Vie parisienne, 66.)

Être de la société du doigt dans l’œil : Compter parmi les nombreux mortels qui conservent quand même certaines illusions vaniteuses.

DOMINO : Dent — Allusion de forme et de couleur. Quel jeu de dominos ! se dit de dents longues et jaunes. Les jolies petites dents sont des quenottes, des loulouttes.

DOMINOS (jouer des) : manger. (Balzac.)

DON JUAN : Séducteur pourvu des séductions et des vices de Don Juan. Pris ironiquement. V. Centre de gravité.

DONNER (se la) : Fuir. (Grandval.)

Donner dans : S’abandonner à, croire à. — « La bonne peut avoir des chagrins. V’la c’que c’est que d’donner dans l’militaire. » (Lamiral, 23.)

Donner des noms d’oiseaux : Roucouler amoureusement. V. Oiseaux.

Donner du vague : Chercher fortune. V. Vague.

Donner quelqu’un : Le dénoncer. Mot à mot : le donner à la justice.

Donner un pont : Tendre un piège. V. Couper dans le pont.

Donner une affaire : Céder les renseignements propres à commettre un vol.

Donneur de bonjour. V. Bonjour.

DONT AUQUEL : Auquel rien n’est comparable. — « Car moi, je suis un militaire dont auquel. » (Vadé, 1756.)

DORANCHER : Dorer. (Colombey.) Changement de finale.

DOS (scier le dos) : Importuner. V. Scier. — « Moi, ça me scie le dos. » (Rétif, 1782.)

DOS (en avoir plein le) : Être assommé d’ennui. — « Tu sais que j’ai de la maison plein le dos ? » (Désaugiers.)

DOS D’AZUR, DOS VERT : Souteneur. — Allusion aux reflets verts et bleus du dos du maquereau. V. Mac. — « Je ne suis pas un miché ; je suis un dos d’azur. » (L. de Neuville ;) — « Deux femmes se battaient pour un dos vert. » (Stamir.)

DOSE : Désagrément, ennui, dégoût. Mot à mot : forte dose de désagrément.

Chaqu’ fois qu’on remet pour moi
Des lettr’s ou bien autre chose,
Il les garde plus d’un mois :
Comment trouvez-vous la dose ?
(L. Meidy.)

DOSSIÈRE DE SATTE : Chaise. — On s’y adosse.

DOSSIÈRE, DAUSSIÈRE : Prostituée de dernier ordre. Mot à mot : femme se mettant sur le dos. V. Calége.

DOUBLAGE, DOUBLÉ : Vol.

DOUBLE : Sergent-major, maréchal des logis chef. — L’insigne est un double galon.

Si son double, un soir,
Pris d’humeur noir,
Veut tempêter… (Wado.)

DOUBLER : Voler.

DOUBLER UN CAP : « C’est faire un détour, soit pour ne pas passer devant un créancier, soit pour éviter l’endroit où il peut être rencontré. » (Balzac.)

DOUBLETTE, DOUBLEUR, DOUBLEUX, DOUBLEUSE : Voleur, voleuse. — « Tous les doubleurs de la riche toison. » (Grandval.)

DOUBLIN : Pièce de dix centimes. (Halbert.) Mot à mot : double sou.

DOUBLURE : Acteur chargé d’en suppléer un autre. — « Chaque chef d’emploi avait jadis sa doublure dans les théâtres de Paris. » (P. Duflot.)

DOUCE : Soie. — Elle est douce au toucher.

DOUCE (à la) : Doucement. — « Comment que qu’ça va, vous, à ce matin, ? — Mais, merci, à la douce. » (H. Monnier.)

DOUCE (la passer douce) : Passer doucement la vie, sans souci ni travail. « Mais les viveurs continuèrent à la passer douce. » (James Rousseau, 42.) On dit aussi la couler douce.

DOUCETTE : Lime (Vidocq.) — Elle opère petit à petit, tout doucettement.

DOUCEUR (faire en) : Les voleurs emploient ce terme par opposition à celui de faire à la dure, c’est-à-dire voler avec voies de fait. On fait boire l’homme qu’on lève en douceur.

DOUILLARD : Homme riche ayant de la douille. — « Oh ! oh’ ! fit-il, un public ficelé ! rien que des hommes et des douillards. » (De Pène.)

DOUILLE : Argent. — « Il y a de la douille à grinchir. » (Paillet.) — « Cette douille est destinée à mon bottier qui me refuse des socques. » (Paris étudiant, 54.)

DOUILLE : Cheveux. (Grandval.). — Du vieux mot doille : mou.

DOUILLES SAVONNÉS : Cheveux blancs.

DOUILLER : Donner de l’argent — On dit aussi douiller du carme. (Rabasse.)

DOUILLET, DOUILLETTE : Crin. (Vidocq.)

DOUILLURE : Chevelure.

DOULEUR (étrangler la) : Boire un verre d’eau-de-vie. — « Les habitués viennent, au débit, étrangler la douleur du matin. » (Vie parisienne, 65.)

DOUSSE : Fièvre, (Halbert.)

DOUSSIN : Plomb. (Idem.)

DOUSSINER : Plomber. (Idem.)

DOUX (un verre de) : « Un verre de liqueur sucrée par opposition à un verre de liqueur forte ou de rude. » (Dhautel, 08.) V. Tournée.

DRAGEE : Balle. — Allusion de forme. — « Nous entendons dire, mon camarade, que tu ne quittes pas l’ennemi, et que tu leur envoies des dragées à plein canon. » (Marceau, Lettre à Westermann, 1792.)

DRAGUEUR : Banquiste, faiseur. (Vidocq.) Pour drogueur.

DREGUEU (parler en) : Le mot dregueu est placé après chaque mot et se modifie conformément à lui. « Ainsi pour dire je suis pris, ils diront je dregue suisdriguis pridriguis. » (Rabasse.)

DRINGUE : Diarrhée.

DROGUE : Mauvaise femme. — Extension du terme drogue (c’est de la drogue), appliqué souvent aux choses de mauvaise qualité. — Plus mauvaise encore, la drogue devient un poison. V. ce mot. V. Sterling.

DROGUE (petite) : Coureuse. — De droguer : « Maintenant, allons dîner chez les petites drogues. » (Champfleury.)

DROGUER : Attendre en se promenant. — Métaphore empruntée au jeu de la drogue. — « Vous droguez nuit et jour autour de sa maison. » (G. Sand.) — « Il m’a fait droguer plus d’une heure dans la rue. » (Dhautel, 08.)

DROGUER : Dire. V. Girofle.

DROGUERIE : Demande. (Colombey.)

DROGUEUR DE LA HAUTE : Escroc à langue dorée et sachant droguer aux dupes ce qu’il faut pour les dépouiller.

DROITE : Parti législatif aristocratique. — Ainsi nommé parce qu’il, occupe les bancs de l’extrême droite dans nos assemblées parlementaires. V. Gauche.

DROITIER : V. Gaucher.

DRÔLE (pas) : Ennuyeux, pas amusant. — « Tu sais aussi bien, que moi que tu n’es pas drôle… Qu’y veux-tu faire, on vient au monde comme cela. » (G. Droz.) — « Et puis, ils ne sont pas, drôles, ces pèlerins là. » (Villars.)

DRÔLE (pas) : Très-malheureux. — Expression singulière, dont le peuple de Paris connaît seul la valeur saisissante. Si quelqu’un est victime d’un accident, on le plaint par ces mots : « Pauvre homme ! ça n’est pas drôle ! » Un homme sans ressources dira : « Je ne sais si je mangerai ce soir, et ça n’est pas drôle. » — « Et ça vous fiche des coups… — Ça c’est peu drôle. » (Gavarni.)

DROMADAIRE : Variante de chameau. V. ce mot. — « Viens ! nous verrons danser les jeunes dromadaires. » (Gavarni.)

DROUILLASSE : Diarrhée.

DUFFER : Cheval de course engagé dans le seul but de faire parier et retiré dès que son propriétaire en aura tiré bénéfice par ce moyen. (Parent.) Anglicanisme.

DULCINÉE : « Une mijaurée qui s’en fait accroire fait la Dulcinée du Toboso. — Dulcinée veut dire aussi une femme galante, une donzelle. » (Dhautel, 08.)

DUN (parler en) : Procédé de déformation argotique consistant à ajouter dun au mot prononcé en troquant l’n de dun contre la première lettre du mot si cette lettre est une consonne et en l’ajoutant si c’est une voyelle. Non content de cette opération, on termine en redoublant après du la première syllabe. — « Ainsi pour dire on ne voit pas, ils disent nonduon nedue noitduvoit nadupas. Pour maladroit, ils disent naladroitdumal. » (Rabasse.)

DUNON (parler en) : Procédé de déformation argotique consistant à ajouter dunon à chaque mot prononcé, en ayant soin de troquer l’n de dunon contre la première lettre du mot à prononcer. — « Pour dire bonjour, monsieur, ils disent nonjour dubon, nomsieurdumon. » (Rabasse.)

DUR, DURIN : Fer (Vidocq.)

DUR : Eau-de-vie. — C’est un liquide dur au gosier. — « Pour faire place aux petits verres de dur. » (T. Gautier.)

DUR À CUIRE : Homme solide, sévère, ne mollissant pas. (Dhautel.) — « En voilà un qui ne plaisante pas, en voilà un de dur à cuire. » (L. Reybaud.)

DUR À LA DÉTENTE : Avare. Mot à mot : homme qui n’allonge pas volontiers son argent.

DUR (être dans son) : « Travailler avec grande assiduité. Terme de typographes. » (J. Ladimir.)

DURAILLE, DURE : Pierre. (Colombey.)

DURAILLES : Diamants. (Hubert.)

DURE (la) : Terre. (Grandval.) Le mot est classique. Ne dit-on pas coucher sur la dure.

DURÈME : Fromage. (Vidocq.)

DURINER : Ferrer. (Halbert.)

DUSSE : Signe de convention à l’usage des grecs, joueurs d’écarté. — « Sans la télégraphie, le dusse, il eût probablement donné des cartes. » (Cavaillé.)